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  • 30/05/2024
À la fin de ses études, Vianney de Boisredon a décidé de partir depuis la France jusqu'aux portes de la Chine, en auto-stop et en dormant chez l'habitant. Il nous raconte son itinéraire géographique, mais également intérieur et humain.

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Transcription
00:00 A la fin des études, je me suis lancé un défi assez fou,
00:02 qui est d'aller jusqu'au steppe d'Asie centrale, donc à la porte de la Chine.
00:06 C'est plus de 15 000 km, 80 jours de voyage, 17 pays,
00:09 uniquement en stop et en logeant chez l'habitant.
00:12 J'ai commencé à travers l'Europe du Sud, la France, l'Italie, les Balkans,
00:15 la Grèce jusqu'en Turquie.
00:17 Donc j'ai fait une pause à Istanbul et après j'ai continué du coup de Turquie jusqu'en Géorgie.
00:20 Et ensuite j'ai été bloqué, mais j'ai quand même réussi à aller au Kazakhstan.
00:23 Et donc ensuite je me suis rendu vraiment intéressé à cette région d'Asie centrale.
00:25 Tous les pays en ce temps, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan.
00:30 Ces fameux pays en ce temps qui me fascinaient et qui étaient l'objectif de ce voyage.
00:33 Le syndrome de Marco Polo, pour moi, je l'ai vraiment ressenti
00:36 comme un appel intérieur à prendre la route vers l'Est.
00:39 J'étais vraiment fasciné par l'Asie centrale, par son histoire, par sa culture,
00:44 par aussi le fait qu'on s'y intéresse aussi peu.
00:46 J'en entendais très peu parler autour de moi, malgré la richesse de cette région.
00:49 Moi, il y avait aussi toute une histoire à travers la route de la Soie
00:52 qui était assez intéressante à explorer.
00:54 Pour moi, c'était une forme de désir, d'appel que j'ai ressenti au fond de moi à partir,
00:59 mais de manière assez irrationnelle.
01:01 Je pense qu'il y a eu beaucoup de lectures, de paysages,
01:03 d'une littérature autour de l'Asie centrale.
01:05 Joseph Kessel, Nicolas Bouvier, des auteurs qui m'ont vachement parlé.
01:09 Une belle entrée en matière, en tout cas, pour découvrir cette région.
01:11 La rencontre est vraiment au cœur de ce livre.
01:14 Je suis monté dans plus de 200 véhicules.
01:16 J'ai dormi dans plus de 50 Samy.
01:17 J'étais vraiment confronté à cette altérité.
01:19 Avant le départ, j'avais vraiment cette envie de sortir de ma zone de confort.
01:22 Pour moi, qui suis quelqu'un d'assez introverti,
01:24 c'était un énorme défi de partir en stop et de frapper à la porte des habitants.
01:28 Ce voyage m'a vraiment aussi développé des qualités humaines
01:30 que je n'avais pas forcément avant.
01:32 Que ce soit par exemple l'écoute, l'attention à l'autre, l'émerveillement,
01:36 cette capacité à me dire que finalement, non, on ne dérange pas en sollicitant les gens
01:40 et qu'au contraire, on peut même apporter aux gens.
01:42 En faisant du stop ou en logeant chez eux, par exemple,
01:44 combien de fois je recevais des remerciements à la fin en me disant
01:46 "Mais viens, merci, grâce à toi, le voyage est passé tellement plus vite"
01:49 ou "Merci pour ton écoute"
01:50 avec des gens qui me confient à des choses assez lourdes à apporter dans leur vie.
01:53 Ça a opéré moi une sorte de chamboulement intérieur
01:55 où je me dis "Mais en fait, non, j'ai quelque chose à apporter aux gens,
01:57 je gagnerais tellement à aller plus vers l'autre".
01:59 Une rencontre que je ne raconte pas souvent d'ailleurs,
02:01 c'est une rencontre avec un vieil homme.
02:02 Donc j'étais au bord d'une route dans le Pamir au Tadjikistan
02:05 qui est une région assez éloignée avec très peu de passages.
02:07 Et donc je me retrouve au bord d'une route à attendre plusieurs heures sous la pluie.
02:10 Très peu de voitures, les quelques camions qui passent ne s'arrêtent pas.
02:13 Ça a été très dur.
02:14 Et en fait, il y avait cette petite chaumière sur le côté de la route.
02:17 Et à un moment, cet homme qui sort de sa chaumière
02:19 commence à discuter avec moi, me demander ce que je fais là.
02:21 On commence un peu à créer un petit lien.
02:23 En même temps, moi j'avais vraiment envie d'avancer,
02:24 donc j'étais un peu frustré.
02:25 Et en fait, il revenait toutes les 15 minutes comme ça pour me dire
02:28 "Bon alors, est-ce que ça va ? Est-ce que tu trouves ?"
02:30 Puis à un moment, il me dit "Bah écoute, voilà, là il va commencer à faire nuit,
02:32 je sens que t'as froid, que t'es fatigué.
02:34 Donc viens dormir chez moi, je vais te cuisiner de la viande, de la chèvre".
02:38 Donc la base, il faut savoir que la viande, c'est quelque chose d'extrêmement coûteux.
02:41 C'est vraiment un honneur d'avoir quelqu'un qui cuisine de la viande pour moi.
02:43 Et puis voilà, on a passé une soirée extrêmement belle.
02:45 Où juste il m'a partagé sa vie en fait, son enfance.
02:48 Il me montrait tous les albums photos de sa famille les uns après les autres.
02:51 On a partagé le miel de ses ruches dans son jardin.
02:54 On a dormi côte à côte vraiment comme des frères.
02:57 Il y avait presque une dimension spirituelle, biblique à cette rencontre.
03:00 Le lendemain, je suis reparti très tôt et je l'ai vraiment remercié.
03:03 Il s'appelait Dola Chao.
03:04 Ça fait partie des petites pépites, des petites rencontres
03:07 qui paraissent assez anodines mais qui sont finalement extrêmement belles.
03:10 La solitude, c'est un thème dont je parle beaucoup dans le livre.
03:12 C'est quelque chose d'assez universel.
03:14 C'est quelque chose qu'on ressent tous à un moment de notre vie.
03:16 Ce voyage, je l'ai vraiment entrepris seul.
03:17 Ça a été une démarche très personnelle.
03:19 Évidemment, parfois, la solitude, on est heureux d'être seul.
03:21 Et puis il y a des fois où la solitude est un peu plus difficile.
03:24 J'ai vraiment, je pense, été au bout de l'extrême de ma solitude.
03:28 Paradoxalement, c'était dans les moments où je voyais des choses très très belles
03:31 avec des gens autour que là, je ressentais le plus de solitude.
03:34 Par exemple, à Venise, le cadre est absolument magnifique.
03:36 Mais en fait, avoir autant de gens et être tout seul au milieu de tous ces gens,
03:39 là, j'ai ressenti vraiment beaucoup de solitude.
03:41 Ou alors à Riva, qui est une ville en Ouzbékistan qui est absolument magnifique.
03:45 J'étais tout seul pour apprécier cette beauté.
03:46 Et du coup, j'ai ressenti vraiment énormément de solitude.
03:48 En revanche, des moments où j'étais vraiment très très seul,
03:51 finalement en pleine nature,
03:52 j'ai vraiment ressenti une forme de vie à l'intérieur de moi.
03:55 Et je ressentais vraiment tout l'inverse de la solitude
03:57 alors que j'étais pourtant seul, perdu dans les montagnes.
04:00 Il y a quelque chose d'extrêmement curieux à la solitude.
04:01 Je pense qu'on peut se sentir presque plus seul dans un studio à Paris
04:04 qu'à la campagne alors qu'on est véritablement seul.
04:08 La solitude, ce n'est pas juste être seul,
04:10 mais c'est se sentir seul et ne pas avoir de connexion avec les gens qui nous entourent.
04:14 Pendant ce voyage, j'ai fait le choix de ne pas poster sur les réseaux sociaux
04:18 parce qu'en fait, je ressentais que ce voyage était vraiment intérieur et spirituel.
04:23 Et du coup, j'avais un peu peur en postant
04:25 que ça me détourne un peu de cette découverte de l'autre,
04:28 de cette soif d'humanité que je recherchais vraiment.
04:30 Concrètement, quand je suis dans la voiture avec quelqu'un,
04:32 je voulais être 100 % attentif, 100 % dédié à la discussion,
04:37 à ce qu'il pouvait me partager.
04:38 Si je suis en train de penser déjà au prochain post Instagram que je vais faire,
04:41 ça va me complètement me détourner de l'essentiel.
04:44 Je pense que j'aurais eu plus de mal à avoir vraiment
04:46 tout ce cheminement avec les réseaux sociaux.
04:48 En tout cas, j'assume ce besoin d'essentiel,
04:50 cette envie de vraiment vivre son voyage de manière très intérieure
04:53 en étant au cœur du moment présent, de cueillir un peu chaque instant tel quel.
04:58 Je suis parti dans ce voyage en ayant déjà eu une foi,
05:00 qui m'a beaucoup porté dans les moments plus durs.
05:03 Un moment qui m'a vraiment marqué,
05:04 c'était au bord du lac d'Oryd en Macédoine du Nord.
05:08 Je me suis installé au bord d'un ponton
05:11 et j'ai commencé à remercier, ressentir de la gratitude, prier.
05:15 Et ça a été un moment extrêmement fort d'un point de vue spirituel,
05:18 qui m'a vraiment donné de la force pour toutes les semaines qu'on suivit.
05:21 J'avais vraiment l'impression d'être rempli d'une présence.
05:23 Ce que j'aimerais partager, c'est peut-être cet esprit d'audace
05:28 qui m'a animé pendant ce voyage et continue de m'animer dans ma vie.
05:32 Je me suis beaucoup forcé à sortir de ma zone de confort
05:35 et je ne l'ai jamais regretté.
05:35 Poser des petits actes audacieux à différents moments de sa vie,
05:38 je pense que c'est quelque chose qu'on ne regrettera jamais.
05:40 Et même lorsqu'il y a des épreuves, quand il y a des échecs,
05:42 quand il y a des difficultés, on en ressort toujours grandi.
05:44 Vraiment se laisser habiter par sa voix intérieure
05:47 pour faire des choix audacieux,
05:48 qui ne soient pas influencés par son entourage, par la société, par ses proches.
05:53 C'est quelque chose qui, je pense, est indispensable aujourd'hui
05:55 et dont le monde a besoin.
05:56 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]

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