Nouvelle-Calédonie : Macron de retour en France après son déplacement sur l'archipel

  • il y a 4 mois

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00:00 Europe 1 soir, nous sommes ensemble jusqu'à 21h en studio avec nous Yves Tréard et Jean-Yves Leborgne,
00:04 Emmanuel Macron est de retour à Paris après sa visite express en Nouvelle-Calédonie,
00:10 mais l'équation est loin d'être résolue.
00:12 Un mort encore aujourd'hui, un policier a dû faire usage de son arme de service.
00:16 La tension n'est pas du tout retombée sur place.
00:19 Écoutez le témoignage de cette auditrice d'Europe 1 chez Pascal Pro et l'Ami Journée.
00:24 Le collège de ma fille a été... Il y a eu des intrusions et les gars ont fait un travail remarquable
00:29 et du coup le collège est sur surveillance H24 parce qu'on essaie de garder au moins
00:35 en état de confort et de bienveillance les établissements scolaires de nos enfants.
00:40 Donc on a beaucoup de chance mais les écoles crament toutes les nuits.
00:44 J'en parlais à mes enfants hier, notamment à ma grande-fille de 12 ans et demi,
00:47 je lui dis "Ma chérie, comment tu ressens ce qui est en train de se passer ?
00:49 Est-ce que tu penses que tu te sens chassée ? Est-ce que tu veux vite quitter cette île ?"
00:52 Et elle est restée les bras tombant à me dire "Non maman, je ne l'ai même pas envisagé."
00:57 Aujourd'hui on a dû prendre le bateau pour aller prendre à manger, clairement,
01:02 parce qu'on n'a pas vu un camion ou quoi que ce soit, on va se chercher à manger.
01:06 Je regardais au loin cette île magnifique où je vis si bien depuis 10 ans,
01:09 cette merveilleuse île qui est en train d'être réduite au chaos.
01:13 C'est terrible. Et après ils disent que c'est ça, aimer leur île.
01:16 J'ai autant peur pour ma vie que ce que j'ai peur pour demain.
01:18 Et je sais que l'échelle est haute.
01:20 "J'ai peur pour ma vie" nous dit cette auditrice habitante de Nouvelle-Calédonie.
01:25 Il y a 24 heures, Emmanuel Macron était sur place, Yves Tréhard.
01:29 Est-ce que c'est le signe que ce déplacement n'a servi à rien ?
01:33 Vous savez ce déplacement, j'ai une bonne mémoire,
01:37 et il me rappelle étrangement celui de François Mitterrand,
01:40 effectué en mois de janvier 1985,
01:45 quelques semaines après l'explosion de violence qui a eu lieu dans ce même territoire.
01:52 Et François Mitterrand n'avait rien résolu du tout.
01:56 Il était reparti en disant "j'espère que le calme va revenir"
02:00 et on a vu que ça avait duré 4 ans.
02:02 4 ans d'une atmosphère de guerre civile
02:05 qui aujourd'hui est en train de s'installer dans cet archipel.
02:11 Et je suis fort inquiet, très fort inquiet.
02:14 Je sais que Maître Lebon connaît aussi la Nouvelle-Calédonie, je la connais un peu.
02:18 Je suis rentré dans ce métier avec les événements de 1984
02:22 et je ne vois pas aujourd'hui, si vous voulez, de solution immédiate.
02:27 Le déplacement du Président de la République, néanmoins, était nécessaire, était pertinent.
02:33 Ce qu'il a dit sur place était aussi...
02:36 - Donc pas inutile à votre vue ?
02:37 - Pas inutile, simplement, simplement,
02:40 j'ai pas tout compris parce qu'il y a beaucoup de flou dans son propos,
02:44 parce que je crois que lui-même ne sait pas très bien quoi proposer.
02:49 Ce qu'il propose aujourd'hui, c'est que tout le monde,
02:52 si vous me permettez l'expression,
02:54 baisse les armes et que le calme revienne
02:58 pour que tout le monde puisse se réunir et s'asseoir à une même table,
03:02 ce qui serait d'ailleurs fort important et fort utile,
03:06 mais on n'en est pas là du tout, du tout.
03:09 Et je crains fort que les trois missis dominicis
03:15 qui ont été envoyés par le Président de la République,
03:17 qui connaissent bien la situation,
03:18 ce sont des gens qui connaissent bien l'archipel,
03:21 aient beaucoup, beaucoup de mal avant que la situation puisse sortir de l'impasse dans laquelle on est.
03:28 - Jean-Yves Leborgne, Emmanuel Macron n'a pas résolu le problème calédonien,
03:33 c'était plus ou moins prévisible,
03:35 en tout cas on pouvait émettre des espoirs sur ce sujet.
03:38 Comment vous percevez cela,
03:41 en tout cas qu'avez-vous compris de ce déplacement d'Emmanuel Macron ?
03:44 - Je ne crois pas qu'il ait été raisonnable d'attendre
03:48 que la visite du Président de la République,
03:50 comme par miracle, comme le roi jadis guérissait les écrouels,
03:55 mette un terme à une difficulté qu'on connaît maintenant depuis presque un demi-siècle.
04:01 - Il aurait pu y avoir un espoir d'amélioration,
04:04 au moins qu'il n'y ait pas un mort au lendemain de sa venue.
04:07 - Oui, mais ça ne me paraît pas donner à sa visite,
04:12 ou plutôt priver sa visite de sens.
04:15 Lorsqu'une partie du territoire français est en insurrection, est en flamme,
04:20 il est normal que le Président de la République s'y rende
04:24 et montre l'intérêt, le souci de l'État à l'égard de ce qui se passe sur place.
04:31 Je crois qu'en Calédonie il y a plusieurs problèmes.
04:34 Il y a un affichage de revendications d'indépendance
04:39 qui pose d'autant plus de problèmes que ceux qui demandent l'indépendance sont minoritaires,
04:44 malgré le fait que le corps électoral est gelé, ce qui est une aberration.
04:49 Savez-vous que la dernière fois qu'on a gelé le corps électoral,
04:52 c'était sous la Deuxième République, en 1850,
04:55 parce que le Président de la République qui s'appelait Louis-Napoléon Bonaparte
04:59 et qui représentait les forces conservatrices du pays,
05:02 voulait que les ouvriers ne votent à ce point.
05:05 Voilà la situation.
05:06 Donc on a des revendications minoritaires,
05:09 mais on a aussi sur le plan sociologique,
05:11 cette extraordinaire difficulté de l'intégration de la population kanak
05:17 dans notre monde moderne.
05:19 Je connais bien, Ifréa le disait, je connais bien Nouméa,
05:23 mais je vous assure qu'on peut passer huit jours à Nouméa,
05:26 je ne dirais pas sans voir un kanak, mais presque.
05:29 Et c'est là qu'il y a un effort d'intégration.
05:33 Effort d'intégration qui tient à l'éducation telle qu'elle est organisée,
05:37 qui tient aussi au fait que lorsque l'histoire avance,
05:42 les vieilles modalités d'existence,
05:45 la modalité tribale de l'existence des kanaks,
05:49 finalement, n'a peut-être plus de raison d'être.
05:53 On ne peut pas à la fois vouloir conserver un passé rituel,
05:58 en quelque sorte, et se plaindre de ne pas être intégré dans la société moderne.
06:02 C'est là que se trouve, je crois, la solution de cet effroyable problème.
06:08 - Alors, si je peux rajouter un petit mot ? - Brèvement.
06:11 - Ce qui change par rapport, me semble-t-il, à ce qui s'est passé il y a 40 ans,
06:14 c'est qu'il y a une violence du côté, pour faire vite, kalldosh,
06:19 qui n'existait pas à l'époque.
06:21 La violence était surtout kanak, elle est demeurée, elle demeure cette violence,
06:26 mais du côté kalldosh, au sens large, parce que ce n'est pas que,
06:31 parce que j'entends souvent des continentaux, il n'y a pas que des continentaux,
06:34 il y a des gens qui viennent, évidemment, des îles d'Asie, notamment, beaucoup.
06:39 Et là, il y a une violence très forte, qui n'existait pas il y a 40 ans.
06:44 - Peut-être la solution est-elle dans les rares qui, en Calédonie,
06:49 sont capables d'être au milieu, au centre, dans la sagesse.
06:53 - Juste très rapidement, j'ai envie de vous faire écouter un son,
06:56 celui de Gabriel Attal, il présidait aujourd'hui à Maison Alfort, dans le Val-de-Marne,
07:00 une cérémonie d'honneur funèbre militaire pour les deux gendarmes
07:03 tombés en Nouvelle-Calédonie, parce qu'ils servaient la République.
07:06 Écoutez le Premier ministre.
07:07 - Deux gendarmes sont tombés pour protéger nos concitoyens.
07:11 Deux gendarmes sont tombés portant l'uniforme de la France,
07:15 face aux émeutes et aux violences.
07:17 La mission continue, aidée par leurs souvenirs.
07:22 Car en Nouvelle-Calédonie, des femmes et des hommes tiennent bon,
07:25 parce qu'il reste l'ordre à rétablir.
07:28 La République sait ce qu'elle doit aux forces de l'ordre,
07:32 aux soldats de la loi, qui s'engagent pour servir,
07:35 qui s'engagent pour ramener l'ordre,
07:37 qui s'engagent pour que force aille toujours à la loi.
07:41 Major Xavier Salou, maréchal des logis-chefs Nicolas Molinari,
07:44 je veux vous faire une promesse.
07:47 Nous serons au rendez-vous.
07:48 Nous ferons vivre votre engagement et vos valeurs,
07:51 les valeurs pour lesquelles vous avez servi,
07:53 les valeurs pour lesquelles vous êtes tombé.
07:55 Il reste l'ordre à rétablir.
07:58 Nous serons au rendez-vous.
07:59 Yves Tréard, est-ce que ça signifie le maintien de l'état d'urgence
08:03 au-delà de lundi ?
08:05 Si c'est constitutionnellement possible,
08:08 parce que l'état d'urgence ne peut pas être...
08:10 Pas plus de 12 jours.
08:11 Pas plus de 12 jours.
08:12 Prolongé au-delà de lundi...
08:13 On peut le prolonger.
08:14 On peut, mais il faut un conseil des ministres
08:16 et convoquer le Parlement.
08:17 D'ici lundi.
08:18 Je pense que ça va être obligatoire,
08:20 parce que je ne vois pas comment l'ordre peut être rétabli d'ici.
08:23 Il y a quand même quelqu'un qui est mort aujourd'hui,
08:26 en plus sous les balles, si j'ai bien compris, d'un policier.
08:31 En état de légitime défense, visiblement.
08:32 Qui accentue encore la tension, d'une certaine façon.
08:35 Donc je vois mal comment on ne pourra pas prolonger l'état d'urgence.
08:39 Jean-Yves Lebrun, vous pensez également que l'état d'urgence
08:41 va être prolongé au-delà de cette autre...
08:43 Je pense même que c'est raisonnable.
08:45 Bien sûr, l'état d'urgence est dérogatoire
08:47 à la liberté démocratique habituelle,
08:49 mais c'est fait pour faire face à des circonstances exceptionnelles.
08:53 Et ce sont des circonstances exceptionnelles.
08:55 Allez on reprend le débat dans un instant.

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