- 20/05/2024
Avec Annie Sugier, co-auteure de "Un féminicide en France. Sohane 17 ans, brûlée vive" publié aux éditions Le bord de l'eau ; Linda Weil-Curiel, avocate et co-auteure du livre.
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio Bercoff dans tous ses états, le face à face.
00:05 13h03 sur Sud Radio, l'heure pour nous de vous présenter ce face à face.
00:09 André Bercoff, vous recevez deux auteurs qui ont publié ce livre aux éditions du Bordeaux
00:14 qui s'appelle "Un féminicide en France", Soanne, 17 ans, brûlée vive.
00:18 C'est Linda Veil-Curiel et Anne Sujier qui sont avec nous. Bonjour à toutes les deux.
00:22 Bonjour.
00:24 Anne Sujier a été la première femme directrice scientifique dans le domaine de la sécurité nucléaire,
00:30 militante féministe universaliste fondatrice avec Simone de Beauvoir de la Ligue du droit international des femmes.
00:37 Il faut le rappeler, Anne Sujier, bien sûr.
00:39 Linda Veil-Curiel, vous êtes avocate au barreau de Paris,
00:43 vous êtes illustrée dans plusieurs combats juridiques contre l'excision,
00:47 pour l'ébranlation du convention franco-algérienne sur les enlèvements d'enfants,
00:53 pour que le meurtre de la jeune Soanne soit qualifié de crime sexiste.
00:56 Et c'est justement pourquoi et de quoi nous parlons aujourd'hui.
01:00 Un livre bouleversant, un livre, une enquête très très très très précise, très suivie,
01:06 sur quelque chose qui s'est passé il y a un peu plus de 20 ans,
01:10 et on le qualifiait de fait divers à l'époque, un fait divers horrible, mais c'est beaucoup plus qu'un fait divers.
01:16 Vous en parlez dans votre livre que je recommande d'aller vraiment très très très prenant, très poignant,
01:22 "Un féminicide en France", aux éditions du Bordeaux.
01:25 Alors peut-être qu'il faut rappeler à des sujets, qu'est-ce qui s'est passé en 2022 à l'époque ?
01:31 - Le 4 octobre 2022, on apprend par les médias
01:35 qu'une jeune fille de 17 ans est brûlée vive dans un local à poubelle, à Vitry-sur-Seine.
01:41 Je l'apprends en écoutant la radio,
01:44 et 8 jours après, eh bien j'apprends qu'il y a une marche blanche organisée par les copines,
01:50 et par le maire de Vitry-sur-Seine, et donc je vais sur place.
01:55 J'avais été à Kaboul cette même année, 2002, et je me dis "je ne veux pas avoir été à Kaboul et ne pas aller à Vitry-sur-Seine".
02:03 Comment une chose pareille a pu se passer ?
02:06 - Vous dites "y aller à Kaboul", pourquoi, rapidement ?
02:09 - Parce que c'était le départ des talibans, hein, 2002.
02:12 En juin, il y a une conférence sur le droit des femmes en Afghanistan,
02:16 parce qu'ils préparent la constitution,
02:20 et avec l'association Negar, qui est présidée par une afghane, Shoukria,
02:27 on se dit "il faut influencer cette convention pour qu'il y ait l'égalité entre les femmes et les hommes".
02:34 Donc, voilà. - Donc vous allez à Vitry-sur-Seine ?
02:37 - Je vais à Vitry-sur-Seine, et je vois les sœurs de Sohan, qui sont Waïba et Kaina,
02:44 et je mets un certain temps à réussir, parce qu'il y a du monde, à les contacter,
02:49 et finalement, quelques semaines plus tard, avec Linda, Vel Kuriel,
02:55 donc nous allons rencontrer la famille, c'est-à-dire le père...
03:01 - La famille de Sohan ? - La famille de Sohan, voilà.
03:04 Et j'ai encore l'image de cet homme complètement effondré,
03:10 de sa sœur, qui est quelqu'un d'extraordinaire, Kaina,
03:15 quelqu'un qui a crevé l'écran d'ailleurs, parce qu'elle parlait, elle dit "il brûle les filles comme il brûle les voitures",
03:23 je me souviens de cette expression qui avait fait le titre des journaux,
03:27 et le père se demandait qui on est, quelqu'un de simple,
03:34 qui avait un peu de mal à s'exprimer en français, qui est un ancien éboueur, il est très,
03:40 et lorsque sa fille lui dit "mes papas, ils sont là pour nous défendre",
03:46 il dit cette phrase "ils l'ont tuée parce qu'elle était une fille".
03:52 Donc à partir de là, nous rentrons dans l'affaire, puisque la famille nous demande de nous constituer participés.
03:58 - C'est la famille qui vous a demandé, d'accord.
04:00 - En tant qu'association féministe, puisque nous avons le droit de nous constituer participés,
04:04 donc il y a d'une part l'avocat de la famille qui va être maître Spiner,
04:08 et d'autre part, nous, en tant qu'association féministe,
04:12 et c'est vraiment l'apport de Linda Vellcuriel,
04:15 qui a fait que, pour la première fois, on va qualifier ce crime de féminicide,
04:22 de sexisme, ce qui est un peu le point de départ de cette notion
04:28 de crime spécifique qu'est le féminicide.
04:30 - On tue parce que c'est une femme, parce qu'il se liait le père.
04:32 - Parce que c'est une femme, c'est la parole du père.
04:34 - Alors Linda Vellcuriel, Annie Suger vous prévient, vous informe,
04:41 et vous, vous réagissez comment et vous faites quoi à ce moment-là ?
04:45 - Alors immédiatement, comme Annie vient de le dire, nous allons voir le père,
04:49 qui est intrigué et qui se demande qui sont les personnes
04:54 qui sont dans son appartement et qui détonnent dans son appartement.
04:58 Et c'est tout de suite une Kaina qui dit...
05:06 - Kaina c'est sa... - C'est la soeur de Sohan,
05:11 et qui explique qu'on est là pour les aider,
05:14 parce que Annie me disait "je suis frappée après l'émotion
05:20 qui a déclenché la mort de la jeune Sohan,
05:24 de voir dans quelle solitude il se trouve,
05:26 totalement abandonné par tout le monde.
05:28 Comme il y a l'affaire judiciaire qui se déclenche,
05:34 on propose de se constituer parti civil,
05:38 et donc d'avoir accès au dossier,
05:40 et de pouvoir commenter les actes,
05:44 et pouvoir participer à ce qui sera un tournant,
05:48 la reconstitution sur place des événements.
05:53 - Qu'est-ce qui se passe après le crime ?
05:56 - Peut-être qu'il faut revenir sur l'histoire elle-même.
06:00 - Raconter ce qui s'est passé, pourquoi et comment.
06:02 - Pourquoi, voilà, la question c'est pourquoi.
06:06 Il y a eu un incident...
06:10 - Rappelez qui était Sohan, comment elle vivait à l'époque,
06:12 je crois que c'est important.
06:14 - Cette famille était une famille où il y a eu plusieurs femmes qui se sont succédées.
06:20 - D'origine algérienne ?
06:22 - D'origine algérienne, Kaina, la soeur aînée,
06:24 était la fille d'une première femme dont le papa a divorcé très vite.
06:28 - D'accord.
06:30 - Il est venu en France avec elle, donc elle a été élevée en France,
06:32 elle a fait des études supérieures,
06:34 elle était à l'université,
06:36 et il s'est remarié, à ce moment-là,
06:40 avec celle qui va donner naissance à Waïba et à Sohan.
06:42 - Et à Sohan, d'accord.
06:44 - Et cette femme, cette jeune femme, meurt en couche, finalement,
06:48 en donnant naissance à Sohan,
06:50 ce qui est tragique quand on pense à l'histoire de cette jeune fille.
06:52 - Bien sûr.
06:54 - Et donc il se remarie...
06:56 - Une troisième fois.
06:58 - Une troisième fois, et il a des enfants.
07:00 Et cette troisième épouse n'aime pas les enfants du mariage précédent.
07:06 Et donc cette petite, elle est malheureuse chez elle,
07:10 elle est un peu la souffre-douleur de sa belle-mère.
07:14 Et donc son seul plaisir, c'est de rencontrer ses copines de lycée,
07:18 elle, elle habite cité Bourgogne,
07:20 et ses copines habitent cité Balzac,
07:22 qui sont pas très loin, les deux cités.
07:26 - Rempli d'ailleurs la ville...
07:28 - Vitry-sur-Seine.
07:30 - Vitry-sur-Seine.
07:32 - Vitry-sur-Seine.
07:34 Donc, elle a Sohan, un copain,
07:36 et l'embrouille naît entre deux garçons.
07:42 Celui qui va finalement tuer Sohan,
07:44 et le copain de Sohan.
07:46 Sohan n'y est strictement pour rien.
07:48 - L'embrouille n'a rien à voir avec Sohan.
07:50 - N'a rien à voir avec Sohan.
07:52 Et ça c'est une des raisons de l'écriture de ce livre,
07:54 c'est que les médias, quand ils reprennent cette histoire,
07:58 ils pensent, ils reprennent la thèse du garçon,
08:00 qui pour se défendre et expliquer pourquoi cette embrouille est arrivée,
08:04 fait croire à une relation amoureuse.
08:06 Ce qui n'était absolument pas le cas.
08:08 Il n'y avait pas de relation amoureuse entre
08:10 celui qu'on appelait Nono et qui a tué Sohan, et Sohan.
08:14 Donc, comme il y a une embrouille avec deux garçons,
08:19 et que c'est Nono, celui qui va être l'assassin,
08:23 qui perd la face, parce qu'il se fait battre par l'autre,
08:27 et bien il se venge en interdisant à Sohan de venir sur son territoire.
08:33 - Vous dites que c'est ça la raison.
08:35 - C'est ça la raison.
08:37 - C'est une question de territoire.
08:39 - C'est parce qu'il a reçu une raclée,
08:42 et qu'il ne pouvait pas être ignoré par les autres garçons de la cité,
08:46 donc il avait perdu la face.
08:48 Et pour retrouver son statut,
08:51 il a fallu qu'il se venge,
08:53 et il ne pouvait pas se venger sur Issa,
08:55 qui était d'un autre gabarit,
08:57 mais il a trouvé de ce...
09:00 - Le point faible.
09:01 - Voilà, c'était Sohan.
09:03 Et Sohan, il lui a interdit d'entrer dans sa cité,
09:08 parce qu'effectivement c'était un garçon de grande influence dans la cité,
09:13 et chaque fois qu'il l'a chopé dans sa cité,
09:18 où elle venait régulièrement, puisque comme elle vient de le dire,
09:22 c'était là qu'habitaient ses amis, ses seuls amis.
09:25 - Ses amis de collège, de lycée, etc.
09:29 - Alors que Sohan étant malheureuse chez elle,
09:33 elle était souvent mise à la porte par la belle-mère,
09:36 c'était un refuge, cette cité.
09:39 Et donc, comme l'interdit était connu,
09:42 l'interdit de Sohan d'entrer dans cette cité,
09:45 - L'interdit de territoire, oui.
09:47 - On la voyait dans la cité,
09:49 donc Nono, comme on l'appelait Jamal,
09:52 perdait la face.
09:54 Et ça, il n'a pas supporté.
09:55 - Mais est-ce que, alors je pose la question à toutes les deux,
09:58 vous le savez bien sûr,
09:59 est-ce que là, on disait, oui, Sohan, tenue légère, etc.
10:05 C'était absolument inventé, vous voyez,
10:08 elle couchait avec tout le monde, etc.
10:10 - Non, non, pas du tout.
10:11 On reviendra sur cette question des tenues légères et tout ça.
10:15 En réalité, là, on est sur...
10:19 Elle n'a pas de grand-frère pour la défendre,
10:21 ça c'est quelque chose qui va être important,
10:23 on y reviendra.
10:25 Elle tient tête à un chef de bande,
10:28 parce que Nono est un chef de bande,
10:31 impliqué dans un certain nombre de trafics,
10:34 - Drogues et compagnie.
10:35 - Drogues et compagnie, voilà.
10:37 Donc, on va assister à une vengeance,
10:41 une punition d'un groupe de garçons
10:46 à l'égard d'une fille devant des filles.
10:48 Et ça, c'est remarquable, c'est-à-dire,
10:50 comment va se passer l'affaire le 4 octobre ?
10:52 - On va en parler tout de suite après cette petite pause,
10:54 on va parler du 4 octobre, absolument, c'est important,
10:57 et puis les implications.
10:59 - Évidemment, si vous voulez témoigner, réagir, poser vos questions,
11:02 0 826 300 300, on est là pour prendre toutes vos questions.
11:06 A tout de suite sur Sud Radio.
11:07 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états, midi 14h.
11:12 André Bercov.
11:13 - Ici Sud Radio.
11:17 Les Français parlent au français.
11:22 Je n'aime pas la blanquette de veau.
11:25 Je n'aime pas la blanquette de veau.
11:28 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
11:31 - Un livre bouleversant,
11:33 et un livre qui, vraiment, c'est un miroir qui réfléchit,
11:36 comme disait Cocteau.
11:37 Et il est bon que les miroirs réfléchissent.
11:40 Vous aussi, nous aussi.
11:42 Un féminicide en France, Sohane, 17 ans, brûlé, vive,
11:45 Annie Suger, Linda Vellcuriel,
11:47 aux éditions du Bordelot.
11:49 Le Bordelot.
11:50 Alors, justement, vous parliez du 4 octobre,
11:53 on parlait de tout ça, qu'est-ce qui s'est passé, donc ?
11:55 - Alors, le 4 octobre, c'est un véritable guet-apens
11:58 qui est organisé par Nono.
12:01 Sohane a passé une après-midi avec ses copines,
12:05 et elle rentre,
12:07 elle va rentrer dans sa cité,
12:09 elle descend de l'autobus,
12:11 et à ce moment-là, elle se fait arrêter, interpellée,
12:14 par Nono et un copain,
12:17 et il la menace, il la menace de la frapper
12:22 si elle ne le suit pas.
12:24 Il l'emmène, donc, cité, Balzac,
12:28 la fait rentrer dans le local à poubelle.
12:31 Alors, ce qui est remarquable, c'est que
12:34 les garçons sont autour,
12:36 ils savent que quelque chose va se passer.
12:38 Nono, lui-même, l'a dit,
12:40 en disant "je vais faire quelque chose de ouf".
12:43 Il a même téléphoné à sa copine,
12:45 qui s'est rendu compte dans quel état d'énervement était Nono.
12:49 Elle a essayé de prévenir qu'il allait se passer probablement quelque chose de grave,
12:53 mais personne ne sait exactement quoi.
12:55 - Ils étaient combien les garçons dans ce local à poubelle ?
12:57 - Dans le local à poubelle, il n'y avait que...
13:00 - Que Nono, et l'ami.
13:02 - L'ami qui tenait la porte.
13:04 - D'accord.
13:05 - Et derrière, il y avait des garçons.
13:07 - D'accord, mais qui n'étaient pas dans le local.
13:09 - Non, qui n'étaient pas dans le local.
13:10 Et à ce moment-là, Nono fait venir,
13:13 il va même en chercher une,
13:15 il fait venir plusieurs copines de Sohan,
13:19 pour qu'elles assistent à la position.
13:21 Donc on voit bien d'un côté les garçons,
13:24 de l'autre côté les filles,
13:25 et il faut qu'elles comprennent
13:27 que quand ils disent quelque chose, il faut respecter.
13:30 Et alors ce qui est très remarquable,
13:32 c'est qu'une des copines,
13:34 qui a un grand frère,
13:36 qui fait partie de la bande des garçons,
13:38 quand il lui parle, il lui dit "toi tu viens si tu veux".
13:42 Ça veut dire le respect,
13:44 puisqu'elle a un grand frère.
13:46 Donc à ce moment-là,
13:48 il rentre dans le local à poubelle,
13:50 il y a Sohan, les deux copines, et lui,
13:53 la porte tenue par son copain,
13:56 celui qui va être condamné aussi pour complicité.
13:58 Et comme par hasard, il y a une bouteille d'essence,
14:02 il dira après qu'elle était là,
14:05 c'est pas lui qui l'a mis,
14:06 mais on sait très bien que c'était lui,
14:09 et il déverse sa colère dans un état de rage avancée.
14:14 Elle se rend compte à ce moment-là de la gravité de la chose,
14:19 elle dit "je recommencerai plus",
14:21 il la fait tomber.
14:23 - Et ce qu'il lui dit, c'est "tu es venue dans la cité alors que tu avais interdiction".
14:28 - C'est ça.
14:29 - C'était ça.
14:30 - C'est ça.
14:31 Et donc elle jure qu'elle ne reviendra plus,
14:34 et à ce moment-là, il prend la bouteille,
14:37 il verse l'essence,
14:39 et il sort un briquet de sa poche,
14:41 et il l'approche, et tout le monde est d'accord pour dire à quelques centimètres,
14:44 moins de 7 centimètres,
14:46 et à ce moment-là on entend une explosion,
14:49 elle s'enflamme,
14:52 elle sort comme une torche vivante,
14:56 elle s'effondre,
14:58 elle pousse la porte avec la virulence du choc,
15:03 et elle tombe, et elle ne meurt pas là.
15:07 Et ce qui est aussi extraordinaire,
15:09 c'est de penser que,
15:11 il y a des gens aux fenêtres qui se disent "qu'est-ce qui se passe ?"
15:13 qui pensent qu'il y a un incendie,
15:15 qui appellent les pompiers, qui appellent la police,
15:17 qui fait que la police et les pompiers arrivent en même temps,
15:19 ils sont reçus à coups de pierre.
15:21 Cette jeune fille est en train de mourir,
15:23 sur l'herbe,
15:25 et eux ils voient la police comme, non pas les pompiers...
15:29 - Mais non, c'est les ennemis.
15:31 - C'est le clan ennemi, un des clans ennemis.
15:33 - Ce qui est aussi très intéressant,
15:35 c'est que le soir même,
15:37 les copines vont à l'hôpital Percy,
15:39 où il y a les grands brûlés,
15:41 elle meurt deux heures plus tard,
15:43 et donc on est à minuit,
15:45 et les copines vont à la police.
15:47 C'est-à-dire qu'elles rompent l'omerta,
15:49 et elles disent ce qui s'est passé.
15:51 Lui s'est enfui, probablement avec l'aide d'un copain,
15:54 et il se retrouve dans un hôpital,
15:57 mais les messages à la radio,
15:59 c'est qu'il s'est aussi brûlé les mains,
16:02 parce qu'il s'était un peu versé d'essence,
16:04 donc les médecins et les infirmiers
16:07 voient que ça doit être lui dont on parle à la radio,
16:10 et c'est comme ça qu'il est arrêté.
16:12 - D'accord.
16:13 - Voilà.
16:14 - Alors Linda Belcouriel, comment s'enchaîne,
16:16 justement, vous le racontez,
16:18 mais comment s'enchaînent les événements,
16:20 qu'est-ce qui se passe à ce moment-là,
16:22 et comment la plainte, etc.,
16:25 et tout ce qui a été effectivement autour,
16:28 racontez-nous.
16:29 - Oui, c'est que l'enquête commence,
16:32 à l'hôpital,
16:34 où Jamel Nono a reçu une visite,
16:38 et c'est certainement la visite de sa mère,
16:42 et car il commence à sortir un récit
16:46 qui tente à minimiser la responsabilité.
16:51 On commence à parler de bruit d'amoureuse,
16:56 donc la trahison.
16:59 - Querelle amoureuse, jalousie, etc.
17:01 - C'est ça.
17:02 Parce que c'est vrai qu'en France,
17:05 jusqu'à assez récemment,
17:08 les crimes passionnels bénéficiaient tout de même d'une certaine...
17:12 - Disons indulgence, ou en tout cas...
17:15 - On peut dire ça comme ça.
17:17 Et puis les filles ont tout de suite dit ce qui s'était passé.
17:22 Elles ont été entendues...
17:24 - Par la police.
17:25 - Elles ont été sincères,
17:28 et elles défendaient leurs amis.
17:30 Seulement, ce qui s'est passé,
17:33 c'est qu'on les a soupçonnées,
17:35 parce que tous les garçons ont été évidemment interrogés,
17:38 on les a soupçonnées d'avoir donné les garçons.
17:41 Alors ça fait des embrouilles dans la cité,
17:44 et il y en a un, celui qui est soupçonné d'avoir conduit Jamel à l'hôpital,
17:50 en voiture, qui s'est mis à dormir dans sa propre voiture.
17:54 Parce que tellement il avait peur d'être interpellé,
17:57 alors qu'il n'avait rien à se reprocher.
17:59 Si ce n'est qu'après, avec l'enquête,
18:02 on a compris que c'était vraisemblablement lui
18:06 qui avait été acheté la veille l'essence,
18:08 et l'avait rangée dans le placard...
18:12 - Dans le placard.
18:14 - Dans le placard poubelle.
18:15 - Alors l'affaire...
18:16 - Et ce qui est tout à fait surprenant,
18:18 c'est que Tony, celui qui tenait la porte à la demande de Jamel,
18:23 de Nono,
18:24 - Oui, Jamel de Nono, oui.
18:26 - Le soir même, il avait rendez-vous avec son père pour aller aux courses.
18:30 Et comme il tenait la porte pour que personne n'entre ou ne sorte,
18:37 lorsque Sohan est sorti en flamme,
18:41 comme une bombe, dira quelqu'un,
18:44 je ne sais plus si c'est le gardien de l'immeuble,
18:50 il a eu le réflexe tout de même d'essayer d'éteindre.
18:56 Donc il s'est noirci les mains avec les flammes,
18:59 mais il n'a pas oublié pour autant le rendez-vous avec son père au champ de course.
19:03 Il monte chez lui, il se lave les mains,
19:05 et il va passer la soirée,
19:07 mais sans même dire quoi que ce soit du drame qui vient de se dérouler sous ses yeux.
19:13 C'est lui qui sera condamné pour avoir tenu la porte,
19:17 et avoir donc permis que les filles ne sortent pas.
19:20 Parce qu'on voyait bien de l'intérieur du local,
19:23 on voyait les ombres.
19:25 Les filles étaient à l'intérieur,
19:27 et à l'extérieur, la porte étant assez fine,
19:31 tout le monde entendait ce qui se passait à l'intérieur et à l'extérieur.
19:36 - Ça criait.
19:37 - Ça criait.
19:38 - Et c'est cette insensibilité complète à l'égard de la souffrance de cette jeune fille,
19:44 qui est très frappante.
19:46 Il pleure sur leur soeur.
19:48 "J'ai fait la connerie de ma vie."
19:51 - Oui, c'est-à-dire qu'on pense à se protéger, et le reste, on pense à...
19:56 - Et le clan des garçons de dire, au fil des interrogatoires,
20:01 en parlant de Nono, "Ils ne méritaient pas ça."
20:05 - Tout le clan des garçons dit ça.
20:07 - Oui, tous.
20:08 - Donc on a vraiment d'un côté les garçons, et de l'autre côté les filles.
20:11 Un grand courage de la part de...
20:13 - Les filles sont allées dire ce qui s'était passé à la police,
20:16 et les garçons, devoir de solidarité complète, "Ouais, ouais, c'est pas ça."
20:21 - Elles ont rompu le Merta.
20:23 - C'est ça, elles ont rompu le Merta, et on va voir si elles ont été justement...
20:28 On va en parler, on va continuer à en parler.
20:30 L'affaire qui avait secoué la France à l'époque,
20:32 et qui est hélas très tristement et tragiquement exemplaire.
20:37 A tout de suite après cette petite pause, restez avec nous.
20:40 Et si vous voulez réagir, vous connaissez le numéro 0 826 300 300
20:44 pour poser toutes vos questions.
20:45 A tout de suite sur Sud Radio.
20:47 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
20:50 Appelez maintenant pour réagir 0 826 300 300.
20:54 Ici Sud Radio.
20:58 Les Français parlent au français.
21:02 Les carottes sont cuites.
21:05 Les carottes sont cuites.
21:07 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
21:10 - Et une histoire terrible, une histoire bouleversante,
21:14 une histoire qui nous parle encore et plus que jamais.
21:17 Féminicide en France, au 1 de 17 ans, brûlés vie à l'or.
21:20 Alice Hugier, comment ça a été perçu du point de vue de l'opinion publique,
21:25 des médias, des politiques ?
21:27 - Alors, l'opinion publique a été vraiment frappée.
21:32 Vous ne pouvez pas rencontrer une personne qui n'avait pas entendu parler de ça.
21:36 Ça a vraiment été un choc énorme.
21:38 Ça n'a pas été récupéré politiquement.
21:41 - Pas du tout ?
21:42 - Pas du tout. Ça a été vraiment un moment particulier
21:45 qui a vu d'ailleurs l'apparition de Ni Pute Ni Soumise.
21:50 En fait, Fadela Amara, qui était dans SOS Racisme,
21:54 qui était présidente des Maisons des Potes,
21:58 depuis un certain temps, préparait une dénonciation
22:04 des problèmes, notamment vestimentaires, pour les filles qui étaient...
22:10 - Oui, obligées de porter telle ou telle chose.
22:12 - Des chou-de-gong, voilà, c'est ça.
22:14 - Dès qu'on était un peu trop grande, qu'on était une pute, etc.
22:18 - Donc, elle commençait à parler de ça,
22:21 mais elle n'avait pas réussi, je dirais, à briser le mur du son.
22:28 - Et c'est elle qui a organisé la marche, à partir du local à poubelle, c'est bien ça ?
22:33 - À partir du local à poubelle, elle fait la marche,
22:35 elle-même avait participé à la marche des Beurs en 20 ans avant.
22:41 Donc, elle s'est dit, pour les filles décitées,
22:44 pour l'égalité, et contre la ghettoisation.
22:49 C'est-à-dire qu'elle attribuait beaucoup de ce qui se passait à cette ghettoisation.
22:54 Donc, on est dans une parenthèse assez extraordinaire,
22:59 où, tout en reconnaissant que la violence à l'égard des femmes,
23:03 c'est quelque chose qui se trouve dans tous les milieux sociaux,
23:07 et bien là, il y a une forme particulière,
23:09 qui est aussi une forme de régression,
23:12 par rapport à notre liberté de nous habiller comme on le veut, etc.
23:16 - Bien sûr.
23:17 - Et donc, cette parenthèse, où les filles osent critiquer leur propre "clan",
23:24 va durer jusqu'en 2005.
23:27 Et si vous vous souvenez, par exemple, du livre de Boutelja,
23:33 et en 2005, c'est les banlieues qui brûlent,
23:36 - Oui, bien sûr, Créteil et tout ça.
23:39 - Voilà, et elle dit, je déteste, elle écrit,
23:42 "Je déteste ce slogan, mon corps m'appartient,
23:46 mon corps ne m'appartient pas, il appartient à mon clan, à ma religion, à ma famille."
23:50 - Ourya Boutelja, des indigènes de la République.
23:52 - Voilà. Et vous avez aussi Traoré, la sœur de...
23:57 - Aça Traoré, oui.
23:58 - Qui, dans son livre, dit,
24:00 "Je me rends compte de la chance que j'ai d'être une fille."
24:03 C'est-à-dire que, tout d'un coup, on nie qu'il y ait des violences spécifiques à l'égard des filles.
24:10 - Même d'ailleurs, Boutelja a dit, quelque part,
24:13 si c'est un racisé qui vous viole,
24:18 protégez-le. Enfin, elle ne l'a pas dit comme ça, mais c'est presque ça.
24:21 - C'est un peu l'idée.
24:23 Donc, on voit bien que, au fond, la cause très juste de la lutte contre le racisme,
24:32 mais devient celle qui va tout englober,
24:35 et les filles n'ont plus droit à la parole,
24:40 parce qu'elles sont en train de trahir leur camp, sinon.
24:43 - C'est ça. Et ça fait, effectivement...
24:47 Alors, justement, du point de vue juridique,
24:49 comment ça s'est passé ?
24:51 Puisque vous avez eu là, c'est l'avocate que je m'adresse,
24:54 donc la bataille juridique commence, se fait.
24:57 Mais au fond, Anne Hichouji, rappelez qu'il n'y a pas eu,
25:01 comme il y a aujourd'hui, contestation politique.
25:05 Certains partis qui sont d'un côté, on le voit tout le temps,
25:08 mais non, c'est devenu la pensée binaire chez les politiques, complète.
25:12 Et d'ailleurs, chez certains médiatiques aussi.
25:14 Comment ça s'est passé, à l'époque ?
25:16 - Ça n'avait pas pris du tout cette dimension.
25:19 Pour les magistrats, c'était une affaire banale de banlieue.
25:24 Ça se passait dans les cités, c'était la violence ordinaire.
25:29 Et vous savez, avant l'audience, surtout devant la cour d'assise,
25:33 on va saluer, les avocats vont saluer le président ou la présidente,
25:38 et puis ensuite l'avocate générale.
25:40 - Tout le monde se salue. - Oui, c'est une courtoisie.
25:42 - Une courtoisie, bien sûr.
25:43 - Et j'avais déjà croisé Mme Drey, la présidente,
25:49 qui avait été juge d'instruction.
25:52 Et comme ça, pas en passant, mais tout de même,
25:56 je voulais attirer son attention, je lui ai dit
25:58 "Madame la présidente, vous savez, cette affaire a un caractère particulier,
26:03 il met en évidence le sexisme."
26:07 Elle a haussé les épaules, elle m'a dit "Oh maître, vous savez,
26:10 en ce moment, à Créteil, on en voit des affaires de cités,
26:15 de bagarres, qui tournent mal, etc."
26:19 Je vais saluer ensuite l'avocat général dans un autre bureau,
26:23 et je lui répète la même chose.
26:25 Et il me répète les mêmes arguments.
26:28 Et par la suite, pendant l'audience, pendant les suspensions,
26:32 on bavarde un peu, et il me dit
26:35 "Oh, vous savez, ces histoires comme ça, on en a toutes les semaines."
26:41 Bien. L'essentiel, c'était de pouvoir amener les magistrats,
26:47 non seulement à changer l'angle de vue,
26:52 par les questions qu'on allait poser,
26:54 et les réponses qui allaient être apportées.
26:57 Et petit à petit, on a vu effectivement à l'audience,
27:00 l'ambiance changer, une compréhension
27:04 des magistrats.
27:06 Exactement.
27:08 Ils ont compris le côté, oui,
27:11 différences hommes-femmes, sexisme, de l'époque.
27:15 Et les questions ont été beaucoup plus précises
27:18 de la part, justement, des magistrats.
27:20 Dès lors qu'il y a eu ce déclic,
27:23 l'ambiance a changé.
27:25 Et Stéphane, je crois que nous avons une auditrice.
27:27 Oui, c'est Sandrine qui nous appelle depuis Evian. Bonjour Sandrine.
27:30 Bonjour Sandrine.
27:31 Bonjour à tous.
27:33 Voilà, moi je suis née avec les surscènes,
27:35 donc ça c'est qui me trouble beaucoup.
27:37 Je suis désolée, je vais être un peu troublée.
27:39 Au long de l'année 80,
27:41 il y avait déjà des chauffeurs qui refusaient
27:43 de rentrer dans la cité balzac
27:45 parce que c'était compliqué
27:47 pour les services publics en général.
27:49 Quand on parlait de l'ambiance difficile pour les filles,
27:52 là-bas, il y avait une vraie souffrance,
27:54 une vraie souffrance pour les filles et les femmes.
27:57 Quand on en parlait à l'extérieur,
27:59 on dérangeait. C'est simple, on dérangeait.
28:01 Donc, on en parlait moins.
28:03 Et puis après, c'était difficile
28:05 de rentrer dans des endroits compliqués.
28:08 Donc, je vous remercie mesdames
28:10 pour avoir pris ce sujet
28:12 en parlant.
28:14 On parle beaucoup d'angophobie.
28:16 J'aimerais aussi qu'on parle de cette souffrance des femmes
28:18 peut-être un peu plus souvent.
28:20 Et je ne sais pas, je pense que comme ça,
28:22 peut-être les rugbymen pourraient mettre
28:24 quelque chose sur leur maillot pour nous aussi.
28:26 Enfin, pour ces femmes qui ont des enfants.
28:28 Aujourd'hui, je filme comme 99% des gens
28:31 qui sont avec moi à l'école à Vitry,
28:33 en France, en Asie, en Orly.
28:35 On est partout.
28:37 - Vous êtes partie, comme vous le voyez, c'est ça.
28:39 - Voilà. - Je comprends.
28:41 - Et beaucoup sont à l'étranger, sont en province.
28:43 Donc, c'est dommage parce que
28:45 on avait une enfance magnifique
28:48 avec des gens qui venaient de partout.
28:50 Ça se passait super, super bien.
28:52 Et puis, du coup,
28:54 tout s'est mal passé.
28:56 Et on a tous regretté.
28:59 Juste une intervention différente
29:02 qui aurait fait que ça continue.
29:04 Donc, on vit ensemble parce qu'on n'était pas vraiment bien ensemble avant.
29:08 Et aujourd'hui, malheureusement, il y a trop de mal.
29:10 - Ce n'est plus le cas. On vit,
29:12 aujourd'hui, presque, c'est mourir ensemble.
29:14 C'est assez terrifiant.
29:17 Justement, à les sujets des Linda Vellcurier,
29:19 le témoignage Sandrine,
29:21 enfin voilà, elle était là-bas, elle était citée Balzac.
29:23 Elle habitait là-bas, à Vitry.
29:25 Et elle dit, voilà,
29:27 nous on a vécu, elle a eu l'enfance.
29:29 Qu'est-ce qui, cette cassure,
29:31 elle n'a donc pas commencé d'hier,
29:34 ni d'il y a 20 ans,
29:36 mais est-ce que cette cassure, au fond,
29:38 vous l'avez regardée, vécue, sentie,
29:41 est-ce qu'on est vers un approfondissement,
29:45 cette cassure, on est vers un fossé,
29:49 sans dire un abîme ?
29:51 - Alors, ce qui est clair, c'est qu'il y a eu une évolution.
29:53 Puisque, par exemple,
29:55 quand on lit le livre du père Delorme
29:57 sur la marche de 83,
29:59 donc on est 20 ans avant,
30:01 - La marche des beurres.
30:03 - Il dit qu'il y avait beaucoup de filles dans la marche,
30:07 et que pour elles,
30:09 le combat était à la fois contre le racisme,
30:14 mais aussi, dit-il,
30:16 ce qu'elles demandaient, les filles,
30:20 c'est une évolution des mœurs et des mentalités,
30:22 au sein même des familles de l'immigration.
30:25 - Ça c'était il y a 40 ans.
30:28 - Et dans ce combat-là,
30:30 les garçons et les filles étaient ensemble.
30:34 Quand il y a l'affaire Leila Chalabi,
30:36 82, donc 20 ans avant l'affaire de la petite Swan,
30:40 cette jeune fille, brillante, dans un lycée à Maud,
30:44 est enlevée par son père et son frère,
30:46 parce qu'ils ont peur qu'elle se drogue,
30:48 ce qui n'est absolument pas le cas,
30:50 et ça fait la une de tous les journaux.
30:53 Et nous, on va prendre contact avec elle,
30:56 parce que les parents voulaient la marier de force en Algérie,
30:59 mais comme ça avait fait beaucoup de bruit,
31:01 ils n'avaient pas osé franchir la frontière,
31:04 donc on arrive à savoir où elle est.
31:06 Eh bien, moi je vais au lycée où elle était,
31:10 garçons et filles la défendent.
31:12 C'est-à-dire qu'il y a un problème de génération.
31:14 - Et tandis que pour Swan, garçon d'un côté, fille de l'autre.
31:18 - Oui, pas tout à fait.
31:20 Parce que, ça s'est donc passé le 4 octobre,
31:23 mais pendant tout l'été, garçons et filles,
31:27 enfin ceux qui avaient de la sympathie, les moyens, etc.,
31:30 partaient en vacances ensemble.
31:33 Et donc il n'y avait pas cette division.
31:36 Elle s'est introduite...
31:38 - Comment ? L'été pas de division, octobre de la division ?
31:42 - Non, c'est-à-dire que...
31:44 - Elle s'est introduite comment alors ?
31:46 - Les filles ont fait bloc autour de leur amie.
31:50 - Oui.
31:51 - Il n'y avait pas... Les garçons à ce moment-là et les filles
31:54 discutaient, bavardaient, faisaient des choses ensemble.
31:58 Sortaient ensemble.
32:00 - Oui, mais attendez Linda Vellcuria, ce que vous dites,
32:02 vous rappelez très bien l'essentiel.
32:04 Et qu'est-ce qu'il a dit Nono à Swan ?
32:07 "Tu viens pas dans mon territoire, on veut pas te voir là."
32:10 Et c'est pour ça qu'il l'a flambée.
32:12 - Oui.
32:13 - Alors, il pouvait pas...
32:15 - Elle a désobéi.
32:16 - Elle a désobéi. Mais justement, est-ce qu'un garçon qui aurait...
32:20 Alors, je vous pose la question.
32:22 Un garçon qui aurait désobéi de la même façon, parce qu'on peut dire
32:24 "Voilà, j'ai eu une altercation avec lui, tu viens pas dans mon territoire."
32:27 Sinon, est-ce qu'il aurait pas fait la même chose ?
32:29 - Non mais, c'est parce qu'il avait perdu la face devant toute la cité.
32:33 C'est pour cela qu'il s'est vengé sur Swan,
32:36 parce qu'il ne pouvait pas se venger sur Issa.
32:39 - Oui, sur le petit ami.
32:41 - C'est cette question-là qui a guidé son geste.
32:45 - Oui, mais il n'en demeure pas moins que face à un drame,
32:51 on va avoir d'un côté les garçons qui vont se solidariser autour du semblable,
32:58 qui est le garçon, et de l'autre côté les filles.
33:01 Et ce qui n'était pas du tout le cas dans l'affaire de Leila Chalabi 20 ans avant.
33:07 C'est-à-dire qu'ils se sentaient solidaires, ils étaient jeunes,
33:12 ils se sentaient solidaires de cette jeune fille qui allait être mariée de force en Algérie.
33:19 Donc, il y a un changement...
33:22 - Est-ce qu'elle n'est pas générationnelle, pardon ?
33:25 Est-ce que... on était déjà... c'est la troisième génération Fadel Amara,
33:29 maintenant on est la quatrième génération...
33:32 Ce que je veux dire, en laissant... enfin, troisième ou quatrième génération,
33:39 ce que je veux dire, c'est que qu'est-ce qui fait, c'est la question que je vous posais,
33:43 qu'est-ce qui fait que ça a égravé, que c'est passé du "on est ensemble pour la marche des beurres",
33:49 "on est ensemble pour Leila Chalabi", "vieil garçon",
33:52 et "on n'est plus ensemble, d'après ce que vous dites, pour Sohan".
33:56 Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
33:59 A votre avis, qu'est-ce qui vaut cette presque mutation, je dirais ?
34:05 - Alors, l'interprétation que donnait Fadel Amara dans son bouquin,
34:10 c'était la ghettoïsation, puisque la marche qu'elles font, c'est contre la ghettoïsation.
34:15 Et qu'est-ce que ça veut dire la ghettoïsation ?
34:18 Et c'est ce que dit aussi Kaina, parce qu'à la fin, vous avez les ressentis des deux sœurs,
34:25 et notamment celui de Kaina.
34:28 Et le fait que l'on soit avec...
34:37 On n'est pas encore dans le problème religieux, mais on est dans une culture,
34:43 une culture où les mariages sont arrangés,
34:47 et le fait que cette maman n'aimait pas les filles de l'autre femme sont liés au fait que...
34:56 - Là, il lâche la bille. - Non, là, de Soane.
34:59 L'affaire de la petite Soane.
35:01 Donc, la ghettoïsation fait que le problème culturel est très prégnant.
35:09 Et c'est sur cette base-là... - C'est un problème de civilisation, on parlait de guerre de civilisation.
35:14 - Et c'est sur cette base-là que va s'introduire la question du voile.
35:17 N'oubliez pas que la bataille sur le voile, c'est 2004.
35:20 Donc on est dans cette période-là. - Non, non, non.
35:22 - La bataille sur le voile, pardon. - C'est avant 1989.
35:24 - 1989, Creil, le lycée de Creil.
35:26 - Mais je veux dire, l'audition par la mission Stasi, c'est 2003-2004.
35:32 - Oui, d'accord. - Et, je me souviens, puisqu'on était avec Kaina,
35:36 on est auditionnés, donc avec Kaina, Linda, par Debray.
35:42 - Je rappelle les sœurs de Soane.
35:44 - Les sœurs de Soane, par Jean-Louis Debray, qui était président de l'Assemblée Nationale,
35:51 qui lui aussi avait fait sa commission.
35:53 Et, il pose la question du voile, parce qu'on commence à ce moment-là à avoir le voile,
35:58 mais on commence seulement.
36:00 Et Kaina, la sœur aînée de Soane, dit "Il y en a qui disent que si ma sœur avait porté le voile,
36:08 elle n'aurait pas été brûlée.
36:10 Et moi je dis, elle ajoute, "Et moi je dis que ça n'est pas au voile de protéger les filles,
36:17 mais aux lois de la République."
36:19 Donc, vous voyez, on est dans le début de ce combat sur...
36:24 D'abord, il faut cacher son corps, et ensuite, il faut carrément, pour des raisons religieuses,
36:30 qu'il vienne justifier et qu'il vienne légitimer des injonctions faites aux filles.
36:37 Donc, on est à ce tournant-là.
36:39 - On va en parler, de ce tournant-là, et des suites, évidemment, après cette petite pause.
36:45 A tout de suite.
36:46 Vous pouvez réagir 0 826 300 300, comme d'habitude.
36:49 A tout de suite sur Sud Radio.
37:15 - Anne Esugier, Lida Velcuriel, il s'est passé plus de 20 ans maintenant.
37:19 Et je veux savoir, aujourd'hui, qu'est-ce que vous pensez ?
37:25 Bon, vous avez raconté, encore une fois, je renvoie au livre, et je le recommande, le livre,
37:30 parce que c'est raconté de manière extrêmement précise et très forte.
37:35 Et justement, aujourd'hui, avec le recul, et vous l'avez vécu, puisque vous êtes impliqué complètement,
37:44 dans qu'est-ce qui demeure d'un côté, et qu'est-ce qui change par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui,
37:53 et par rapport à ce qu'il y a été vécu à Vitry-sur-Seine, à ce moment-là, en 2022-2023.
37:59 - Alors, pardon, j'ai un chat dans la gorge.
38:04 On pourrait penser que, puisqu'il n'y a plus de mouvements analogues à "ni pute ni soumise",
38:13 que le problème n'existe plus.
38:15 Et on a la chance, si on peut dire, qu'il y ait ce livre de Lorde aussi, qui s'appelle "La Réputation",
38:22 qui vient de sortir cette année, et c'est à la suite d'une enquête qu'elle fait à l'endroit où est mort,
38:32 je crois que c'est à Creil, Chahina, qui est morte brûlée vive aussi.
38:39 Elle, c'était quelqu'un qui était considéré comme une pute,
38:44 et elle attendait un bébé, et celui qui était le père de ce bébé a préféré tuer cette jeune fille.
38:53 Donc à partir de là, elle fait une enquête, et elle cite en particulier des études qui ont été faites par des sociologues,
39:00 notamment par une sociologue du CNRS qui s'appelle Isabelle Claire,
39:04 et qui fait une enquête comparée sur les violences faites aux femmes dans les quartiers,
39:11 dans les territoires ruraux, et dans la bourgeoisie parisienne.
39:15 Et la différence, c'est la question de la virginité.
39:20 Au cœur des violences des filles dans les cités, c'est la question de la virginité.
39:25 Donc là, il y a encore une évolution dans la mesure où ça n'était pas l'affaire de la petite Sohane,
39:30 puisque elle, elle était vierge, l'autopsie l'a montré.
39:34 Le groupe des filles pouvait avoir mauvaise réputation parce qu'elles étaient libres et tout ça.
39:39 - Une fille qui perdait sa virginité comme ça, c'était une pute quoi.
39:42 - De toute façon, voilà. Et alors maintenant, c'est devenu tout à fait central.
39:45 C'est tout à fait central. Donc on peut dire que la spécificité des violences faites aux filles dans les cités existe,
39:55 et que maintenant, elles se parlent de la légitimité religieuse,
39:59 alors qu'à l'époque, on était plutôt dans le culturel que dans le religieux.
40:03 Donc sur 40 ans, finalement, on voit cette évolution.
40:07 - Sachant que du point de vue civilisationnel, le culturel et le religieux sont très liés, comme vous le savez.
40:14 - Oui, naturellement.
40:15 - Alors je voudrais qu'on parle de quelque chose, Lina Vellcuriel,
40:19 parce que vous m'avez amené un tract, appliqué la charte olympique,
40:24 "Solidarité avec les Afghanes", et c'est lié, votre livre aussi, mais votre démarche,
40:30 "Solidarité avec les Afghanes et les Iraniennes contre l'apartheid entre les femmes et les hommes".
40:36 Alors de quoi s'agit-il ?
40:37 - Oui, il s'agit tout simplement d'apartheid sexuel que nous dénonçons et combattons.
40:42 Alors nous avons eu un intérêt pour le sport, les Jeux Olympiques,
40:48 en 92, à l'occasion des Jeux de Barcelone, où l'apartheid racial,
40:54 ayant été abandonné par le régime sud-africain, Mandela a été ovationné,
41:00 l'Afrique du Sud a été réintégrée parmi les nations olympiques,
41:06 et nous, surtout Annie, qui a regardé la télévision, j'étais à mon bureau,
41:12 s'aperçoit qu'un nombre incroyable de délégations défilaient sans une seule femme,
41:22 mais que pas un journaliste ne l'a relevée.
41:26 Tous, au contraire, disaient "Enfin la fête est complète, noirs et blancs sont présents aux Jeux Olympiques".
41:32 - Le racial s'est terminé, le reste, c'est pas grave.
41:36 - On ne voit même pas que les femmes manquent, et c'est ce qui nous a indisposées,
41:41 et nous avons engagé une lutte.
41:44 - Attendez, il y avait pas... Ah oui, les femmes défilaient pas avec les hommes.
41:48 - Non, il n'y en avait pas, il y avait 35 délégations sans femmes.
41:53 - 35 délégations sans femmes.
41:55 - Et il n'y a que Simone Veil et nous qui l'avons remarqué, puisqu'on en a discuté après,
42:00 et c'est ce qui nous a contraintes à regarder les choses d'un peu plus près.
42:05 - Je me suis tapée de lire la charte olympique, et fort heureusement, il y a parmi les principes essentiels
42:14 l'interdiction de discriminer entre, alors, pour les races, les politiques,
42:21 pour des raisons de race, de politique, de religion ou de sexe.
42:25 Et forte de ce constat, nous avons engagé un bras de fer avec le CIO,
42:32 et pour l'affaire courte, mais on pourra y revenir dessus,
42:36 ça n'est qu'en 2012 que toutes les délégations comportaient des femmes.
42:41 - Seulement en 2012.
42:43 - 20 ans plus tard.
42:44 - 20 ans plus tard.
42:45 - Oui, on est sur un rythme de 20 ans.
42:47 - Et alors aujourd'hui ?
42:48 - Sauf que, dès 96, l'Iran, que nous avions dans le collimateur et qu'on avait vraiment ciblé,
42:55 a finalement cédé et envoyé une femme tête de délégation,
43:00 mais voilà, il y a de la tête au pied.
43:02 Et donc le combat a changé de nature et d'argument, mais nous le menons encore aujourd'hui.
43:08 - Alors qu'est-ce que vous faites, juste pour annoncer la marche ?
43:11 - Alors, on va faire le 23 juin, qui est la journée internationale de l'olympisme,
43:18 une marche avec une flamme, une symbolique,
43:24 pour demander l'application stricte de la règle 50,
43:28 qui est une règle plus puissante que la laïcité à la française,
43:32 puisque on est dans un lieu public, on est sur des pratiquantes,
43:36 et elles doivent respecter la charte olympique,
43:39 donc elles n'ont pas le droit de porter un signe distinctif,
43:44 et notamment politico-religieux, je dirais.
43:48 - D'accord. Donc ça c'est le 23 juin ?
43:51 - C'est la journée internationale olympique,
43:54 et nous serons accompagnés naturellement de nos amies iraniennes et afghanes,
43:59 qui ont embrayé et emboîté le pas,
44:02 puisque justement elles mènent le même combat.
44:05 - Et ce sera dans toutes les villes de France ?
44:06 - Non, non, non, à Paris.
44:08 - Nous ne présumons pas de nos forces.
44:10 - Déjà pas mal.
44:11 - Voilà.
44:12 - Alors si vous voulez y aller, vous savez, 23 juin prochain, à Paris,
44:16 la marche en solidarité avec les iraniennes,
44:19 surtout contre l'apartheid entre les femmes et les hommes,
44:22 et contre tout apartheid d'ailleurs, quel qu'il soit.
44:25 Merci Anne-Issugé, merci Lina Belchioriel,
44:29 pour ce livre et pour votre action, bien sûr.
44:31 - Merci André Bercoff d'avoir animé l'émission,
44:33 on se retrouve demain, entre midi et 14h comme tous les jours, tout de suite,
44:37 c'est Brigitte Lahaye sur Sud Radio, à demain.
44:39 Sud Radio, parlons vrai.
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