Sacha Reins : "Prince m'a dit : "ma musique vient directement de Dieu""

  • il y a 4 mois
Jacques Pessis reçoit Sacha Reins : journaliste et critique musical, il a côtoyé Prince, Mick Jagger, BB King et beaucoup d’autres. Des moments insolites, qu’il raconte dans un livre « Rockambolesque » (Équateurs).

Découvrez plusieurs dates-clefs de la vie des plus grands artistes, auteurs et personnalités aux côtés de Jacques Pessis.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-15##

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Transcript
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Votre passion de la musique vous a permis depuis 50 ans d'attribuer de bonnes et de
00:11 mauvaises notes, en particulier à des légendes du rock que vous avez croisées dans des situations
00:16 parfois rockambolesques.
00:17 Le titre justement du livre où vous évoquez ces souvenirs.
00:20 Bonjour Sacha Reins.
00:21 Bonjour Jacques.
00:22 Alors, on vous connaît, on connaît votre signature comme critique musicale depuis 50
00:26 ans et vous avez raconté votre vie dans un livre rockambolesque aux éditions Équateur
00:32 et on va évoquer cette vie à travers des dates clés.
00:34 C'est le principe des clés d'une vie sur Sud Radio et on a plein de choses à se dire
00:38 parce que vous avez rencontré beaucoup de monde.
00:40 Alors la première date que j'ai trouvée, elle ne vous concerne pas directement, mais
00:43 le 23 juillet 2009.
00:46 Quelqu'un que vous connaissez bien est immortalisé de son vivant.
00:49 Baby King, ce jour-là, je ne sais pas si vous le savez, il est à Cognac dans le cadre
00:59 du festival Blue Passion et il devient citoyen d'honneur de la ville et il dévoile la plaque
01:05 d'une rue à son nom.
01:06 Je l'ignorais.
01:07 Vous ne savez pas ? Non.
01:08 Il n'était pas là.
01:09 Il y a une rue à Cognac, Baby King.
01:11 Et c'est vrai que c'est un honneur très rare de son vivant.
01:13 Absolument.
01:14 Alors, Baby King s'appelle, je crois, Riley B.
01:16 C'est un guitariste de blues américain qui a eu une influence considérable sur de nombreux
01:20 musiciens, mais aussi sur vous, je crois.
01:23 Oui, oui.
01:24 Ma rencontre avec lui a totalement bouleversé ma vie.
01:27 Alors ça se peint, je crois, le 30 avril 69.
01:30 C'est ça.
01:31 À Strasbourg.
01:32 À Strasbourg, oui.
01:33 Il venait jouer à Strasbourg et l'organisateur du concert qui me connaissait, qui savait
01:39 que je parlais anglais déjà, m'a demandé si je voulais bien aller le chercher à l'aéroport,
01:45 m'occuper de lui, voir qu'il n'y ait pas de problème avec les hôtels, la salle, le
01:49 soundcheck.
01:50 En l'échange de quoi, il me donnait deux billets pour le concert.
01:53 D'abord, vous ne faisiez rien.
01:55 Vous étiez jeune.
01:56 Oui, je faisais rien du tout.
01:57 Non, non.
01:58 J'étais un jeune glandeur.
01:59 Donc, vous le recevez.
02:01 Donc, je le reçois.
02:03 Il est très étonné parce que d'abord, c'était la première fois qu'il donnait un concert
02:07 en dehors des États-Unis.
02:09 Et il était très étonné de voir un jeune blanc d'une vingtaine d'années connaître
02:14 son répertoire et sa musique aussi bien, voire mieux que lui.
02:18 Et donc, je me suis occupé de lui ce soir-là et le lendemain également.
02:22 Et le lendemain, il m'a dit écoute, c'est très bien.
02:26 Tu as très bien géré tout ce qu'on avait à traverser.
02:29 Là, maintenant, on part en tournée en Europe de trois semaines environ.
02:34 Si tu veux, viens avec nous et tu t'occuperas de ça.
02:37 On ne peut pas te payer, mais tous tes frais seront pris.
02:40 J'ai évidemment accepté immédiatement.
02:42 Il se trouve que vous avez même géré des problèmes que vous n'auriez pas dû gérer.
02:46 Il y avait une chanteuse qui l'accompagnait qui n'avait pas de chambre à son nom.
02:49 Oui, c'est ce qu'elle avait prétendu un soir.
02:53 En fait, c'était plus ou moins la petite amie de B.B.
02:57 King qui en avait trouvé une autre.
02:58 C'était extrêmement compliqué, les histoires de sexe de B.B.
03:02 King.
03:03 Je crois qu'on lui reconnaît une quinzaine d'enfants au minimum.
03:06 Oui, lui, il en connaissait 16.
03:09 Ah, quand même !
03:10 Il en connaissait 16 enfants.
03:11 Bien sûr, il n'excluait pas qui en ait bien d'autres dans la nature.
03:16 Il y a un autre personnage comme ça, c'est le père d'Édith Piaf, Louis-Alphonse Gassion,
03:20 qui avait des maîtresses dans chaque ville.
03:22 Piaf a toujours dit qu'elle avait sans doute une demi-douzaine de demi-sœurs qu'elle
03:26 n'a jamais rencontrées.
03:27 Alors, B.B.
03:28 King, la musique, vous la connaissiez depuis toujours, Sacha Reims ?
03:31 Oui, oui.
03:32 Je m'étais, grâce à Daniel Filippacchi et Frank Tenno et leur émission "Pour ceux
03:38 qui aiment le jazz", depuis ma très jeune adolescence, déjà vers 12-13 ans, j'écoutais
03:44 de la musique, j'écoutais leur émission et je m'intéressais au jazz et au blues.
03:49 Oui, mais B.B.
03:50 King, c'était quelque chose de particulier ?
03:51 Non, pas particulièrement.
03:54 Pour moi, c'était le plus grand à l'époque, mais non, c'était…
03:58 C'était quelqu'un, parmi d'autres, que vous n'imaginez pas rencontrer.
04:02 Il faut savoir aussi que pour "Ceux qui aiment le jazz", ça a débuté parce qu'à
04:06 l'époque, il n'y avait pas de discothèque, je ne sais pas si vous le savez.
04:09 Il faut quelqu'un qui ait des disques, donc on appelle Daniel Filippacchi, photographe
04:13 et collectionneur de disques.
04:14 Il vient le soir à l'antenne avec Frank Tenno, qu'il ne connaît pas, et on connaît
04:18 la suite.
04:19 Absolument, oui.
04:20 Alors, vous êtes né à Périgueux et vous avez grandi à Strasbourg ?
04:23 Oui, parce que mes parents se sont rencontrés à Périgueux et c'est là où je suis né
04:29 et ils sont très vite partis s'installer à Strasbourg.
04:31 D'ailleurs, il y a beaucoup de musiciens à Strasbourg, dans tous les genres.
04:34 Il y a Cookie Dingler, il y a M.
04:36 Pokora, il y a Pierre Chirère qui a travaillé avec Bowling dans son Big Band.
04:40 C'est assez curieux.
04:41 Oui, j'ai bien connu à l'époque Cookie Dingler.
04:44 Je me souviens, on passait nos week-ends chez lui à écouter les premiers disques
04:49 de Rolling Stones, Bob Dylan, etc.
04:51 Et c'est vrai que la musique vous intéressait sans imaginer le métier que vous feriez.
04:55 Non, effectivement.
04:56 Alors, je crois que vos études, c'est au lycée Fustel de Coulanges.
05:00 Je crois que c'est un professeur qui a défini la patrie comme une communauté d'idées,
05:05 de sentiments et d'espérance.
05:06 Et parmi les anciens élèves, je ne sais pas si vous le savez, il y a Jules Ferry.
05:11 Ah non, j'ignorais.
05:12 Voilà.
05:13 Et en revanche, vous n'avez pas fait, comme aurait dit Jules Ferry, un travail extraordinaire
05:18 à l'école, Sacha Rains.
05:19 Non, effectivement.
05:20 Je ne comprenais rien à rien à part tout ce qui touchait la littérature et l'écriture.
05:25 Tout le reste, je ne connais... les maths, etc. ça me passait tout à fait au-dessus.
05:30 Et le bac alors ?
05:32 Je ne l'ai pas passé.
05:33 Ça ne vous a pas posé problème ?
05:35 Non.
05:36 Et vos parents non plus n'ont rien dit ?
05:37 Ils n'étaient pas contents, mais enfin bon, ils espéraient que je trouverais quelque
05:41 chose à faire dans ma vie.
05:42 Alors, vous avez trouvé quelque chose à faire parce qu'une fois que vous avez fait
05:45 la tournée avec B.B. King, il vous a dit "Rejoins-moi aux Etats-Unis".
05:49 C'est-à-dire ce que Piaf a dit aussi à Aznavour, sauf que quand il est arrivé là-bas, elle
05:53 avait oublié qu'il devait venir.
05:55 Et pour pouvoir vous offrir le billet, vous avez vendu des encyclopédias Universalis.
06:01 Absolument, porte à porte.
06:03 Je me souviens très bien de ça.
06:04 Parce qu'effectivement, quand on s'est quitté avec B.B.
06:06 King à Paris à l'occasion de son dernier concert à Pléiel, de cette tournée, il
06:11 m'a dit "Si un jour tu viens aux Etats-Unis, j'ai un boulot pour toi".
06:14 Le malheureux, qu'est-ce qu'il avait pas dit ? "Trois mois après, je débarquerai".
06:18 Et alors, ces encyclopédies, c'était vraiment quelque chose qu'ils te vendaient très bien
06:21 à l'époque ?
06:22 Oui, absolument.
06:23 Je me souviens, j'en ai gagné pas mal d'argent avec ça.
06:26 Parce qu'on les achetait, on les mettait dans la bibliothèque, mais on les ouvrait
06:30 pas ?
06:31 Jamais.
06:32 Et vous savez que c'est une encyclopédie qui s'est vendue d'après un produit américain,
06:37 c'était une licence américaine au départ.
06:38 Et le rédacteur en chef du premier encyclopédia Universalis s'appelait Claude Grégory, c'était
06:43 le beau-frère de Francis Blanche.
06:45 Donc vous partez à New York finalement, et vous n'êtes pas attendu.
06:49 Ah ben non, non.
06:50 Et puis je me rends compte, il me voit, il jouait au festival de Newport, donc je vais
06:54 le rejoindre là-bas.
06:55 Et quand il me voit arriver dans sa loge, il est à la fois content, amusé, puis il
06:59 me dit "mais enfin, tu aurais pu prévenir, on vient pas comme ça".
07:03 Donc je comprends que l'offre qu'il m'a faite, c'était une offre, voilà, sympathique,
07:08 qu'il pensait certainement à ce moment-là, mais il ne pensait pas que je viendrais.
07:10 Et donc vous arrivez, qu'est-ce qui se passe ?
07:12 Ben il me dit "écoute, je suis embêté, j'ai rien, le boulot que j'avais pour toi
07:17 pour l'instant n'est pas disponible, installe-toi à New York, trouve du boulot, vis, et dès
07:23 que le poste sera disponible, je t'appelle".
07:27 Donc je me suis installé à New York, persuadé qu'il ne me rappellerait jamais, et voilà,
07:33 j'ai commencé à travailler à droite et à gauche dans des restaurants, faire la
07:37 plonge, serveur, etc.
07:39 C'était facile à l'époque de trouver du travail pour un étranger ?
07:42 Oui, c'était relativement facile, effectivement, surtout dans la restauration.
07:46 J'avais toujours besoin de personnel.
07:50 Et d'ailleurs vous avez même cohabité avec un musicien qui voulait absolument vous
07:54 prendre comme manager, Sacha Bass.
07:56 Ah oui, Errol Parker, qui était un musicien français installé aux Etats-Unis, et qui
08:01 végétait là, en jouant de temps en temps dans des clubs, etc.
08:05 Et que je connaissais avant, je l'avais rencontré au festival de Jean Lépin quelques années
08:09 auparavant.
08:10 Et puis ça n'a pas marché ?
08:11 Non, non, bien sûr que non, ça n'a pas marché.
08:14 Et très curieusement, je veux dire que j'avais perdu tout espoir, un an plus tard, B.B.
08:18 King m'appelle en disant "bon, le boulot que j'avais pour toi s'est libéré, tu viens
08:23 demain, on commence tout de suite".
08:24 Alors il se trouve aussi que pendant cette période, vous avez été busboy, c'est un
08:28 métier qu'on connaît peu en France, mais qui est le plus bas de l'échelle dans la
08:32 restauration.
08:33 Oui, totalement.
08:34 Ça consiste en quoi ?
08:35 Tout simplement, nettoyer les tables de restaurant.
08:36 On n'avait pas le droit de parler aux clients, on n'avait pas le droit encore moins de prendre
08:42 des commandes.
08:43 On était là uniquement pour nettoyer les tables.
08:45 Mais il fallait parler anglais aussi ?
08:47 Oui.
08:48 Vous parliez anglais ? C'était une matière à l'école que vous aviez suivie ?
08:51 Oui, puis j'étais parti plusieurs fois à Londres, passé quelques mois à Londres
08:56 et donc oui, je commençais à parler correctement.
08:59 Et puis dans ce restaurant où vous étiez donc des serveurs, vous avez fait la connaissance
09:04 d'une jeune serveuse totalement inconnue à l'époque.
09:07 Desbiari, je l'ai dit, qui a vendu je crois 40 millions de dix dans le monde, qui a fait
09:21 un jour, qui a chanté dans ce restaurant le Max Kansas City où elle était serveuse
09:28 en même temps que vous.
09:29 Absolument.
09:30 En fait, on travaillait ensemble, elle était la serveuse et moi j'étais le boss boy.
09:33 Et bien sûr, elle ne m'adressait pas la parole parce qu'il y a une hiérarchie, on ne parle
09:37 pas au boss boy.
09:38 Mais c'était une brunette.
09:41 Et je ne, bon bien sûr, je n'ai pas vu sa carrière parce que je ne l'ai pas reconnu
09:45 ensuite physiquement, mais je l'ai rencontrée il y a quelques années pour une interview.
09:50 Et au cours de l'interview, on s'est rendu compte qu'effectivement, on avait travaillé
09:55 ensemble au Max Kansas City et qu'elle était devenue entre temps blondie et que je ne le
10:01 savais pas.
10:02 C'est fou.
10:03 Elle était étonnée de vous voir comme journaliste.
10:05 Oui, oui, elle était très étonnée.
10:06 Puis elle m'a dit "Ah ben je suis content de voir que tu t'es élevé dans la société".
10:10 Parce que quand elle m'a connu, j'étais nettoyé des tables.
10:13 Mais effectivement, on peut réussir aux Etats-Unis alors que c'est beaucoup plus facile qu'en
10:20 France j'ai l'impression, quand on a un talent.
10:21 Je pense, oui.
10:22 En tout cas, à l'époque, ça l'était.
10:23 Ça l'est moins maintenant.
10:24 C'est autre chose.
10:25 Oui, c'est autre chose.
10:26 Et le métier de journaliste, vous pensiez un jour l'exercer, Sacha Reims ?
10:31 Non, pas vraiment.
10:33 Mais je lisais les journaux de l'époque, Jazz Hot, Jazz Magazine, SLC.
10:39 Et effectivement, ça m'aurait bien plu d'écrire pour eux.
10:42 Voilà, c'est ce qui s'est passé.
10:43 Et on va en parler avec une autre date importante dans votre vie, mais qui ne vous concerne
10:47 pas directement, le 21 septembre 1968.
10:51 A tout de suite sur Sud Radio avec Sacha Reims.
10:55 Sud Radio, les clés d'une vie.
10:58 Jacques Pessis.
10:59 Sud Radio, les clés d'une vie.
11:00 On a invité Sacha Reims.
11:02 Votre livre "Rocambolesque" aux éditions Équateur parle de votre parcours de journaliste
11:07 et de critique musicale depuis une cinquantaine d'années, avec des gloires que vous avez
11:11 rencontrées.
11:12 On va continuer à les évoquer.
11:14 Et le journalisme, ça a commencé avec un journal qui est né le 21 septembre 1968,
11:20 "Best".
11:21 Un journal que vous avez découvert à Strasbourg, je crois.
11:24 Absolument.
11:25 Oui, oui.
11:26 J'ai acheté les deux journaux qui existaient à l'époque.
11:29 C'était "Best" et "Rock et Folk".
11:31 Et plus tard, quand j'ai commencé à travailler avec B.B.
11:34 King, je me suis retrouvé dans des situations assez exceptionnelles.
11:39 Je me suis dit, ça serait bête de ne pas en profiter.
11:42 Donc, j'ai fait un jour un papier sur je ne sais plus quel concert que j'avais assisté
11:49 de là-bas, aux États-Unis.
11:50 Et je l'ai envoyé à "Best" en leur disant, si ça vous plaît, publiez-le, sinon, tant
11:55 pis une autre fois.
11:56 Et ils m'ont répondu immédiatement en me disant, non, non, c'est très bien, on le
12:00 publie, envoie-nous des trucs tous les mois.
12:02 Et là, vous n'aviez jamais écrit des articles ?
12:04 Non, jamais, non.
12:05 Vous n'avez pas appris non plus, ça a été instinctif ?
12:07 Oui, enfin, je lisais beaucoup.
12:09 Je lisais énormément.
12:10 Donc, oui, c'était instinctif, mais en même temps, j'avais une espèce de connaissance
12:14 des mots, quand même.
12:15 Alors, "Best", il se trouve que c'était le journal le plus populaire de la presse
12:20 rock.
12:21 "Rock et Folk" était beaucoup plus intellectuel, comme on dit.
12:24 Et il se trouve que le rédacteur en chef de "Best", Jacques Morlin, avait débuté
12:28 dans "Disco Revue" et ce journal "Best", parmi les investisseurs, il y avait le secrétaire
12:33 de Charles Aznavour.
12:34 Ah, je l'ignorais.
12:35 Voilà, c'est assez étonnant.
12:36 Donc, finalement, vous commencez à écrire, c'était sur ce Joe Cocker, je crois, le
12:39 premier concert.
12:40 Oui, c'était ça, c'était sur un concert de Joe Cocker.
12:42 Et puis, donc, vous commencez à travailler avec BB King, puisqu'il vous reprend, il
12:45 vous appelle un jour, il vous dit, ben, viens avec moi.
12:48 Absolument, oui, c'est comme ça.
12:49 Rendez-vous demain, on part, je ne sais plus où, mais on part, t'es.
12:51 Vous êtes devenu son secrétaire, son assistant ?
12:53 Oui, j'étais secrétaire, assistant, j'étais responsable qu'il soit lui à l'heure, tous
12:59 les jours, aux concerts, au soundcheck, pour aller prendre l'avion, etc.
13:04 Lui et sa guitare.
13:05 Oui, Lucille que vous gardiez.
13:07 Vous savez pourquoi elle s'appelait Lucille ?
13:09 Oui, je sais, oui.
13:11 Parce qu'un jour, BB King jouait dans un petit club de blues, dans une banlieue d'une
13:19 grande ville et il y a eu un incendie.
13:22 Donc, ça s'est mis à brugler de partout.
13:26 Il est parti en courant et une fois qu'il était dehors, il s'est rendu compte qu'il
13:29 avait oublié sa guitare à l'intérieur.
13:31 C'était, pour lui, c'était une catastrophe.
13:33 Donc, il est retourné dans ce club en flamme.
13:37 Il a récupéré sa guitare, il est ressorti et au moment où il est sorti, tout s'est
13:43 écroulé.
13:44 Et le lendemain, il a lu dans un journal que cet incendie avait démarré parce que
13:49 deux hommes avaient renversé le poêle qui chauffait et se battaient en se battant à
13:57 cause d'une femme qu'ils appelaient Lucille.
13:58 C'est né comme ça.
13:59 Voilà.
14:00 Alors, votre mission, justement, de Saint-Charles, c'est de le suivre 300 jours par an, mais
14:05 de le réveiller le matin, ce qui n'est pas facile toujours.
14:08 Ce n'est pas toujours facile parce qu'il n'est pas toujours seul et que parfois, il
14:11 n'est carrément pas dans sa chambre.
14:13 Il m'est arrivé deux ou trois fois où j'allais le réveiller.
14:16 Donc, je rentrais dans sa chambre parce que j'avais toujours un double des clés et je
14:21 tombais sur une dame toute seule qui était là et lui, il n'était pas là.
14:24 Donc, dans ce cas-là, je devinais qu'il était dans une autre chambre avec une autre
14:29 dame.
14:30 Et à ce moment-là, il fallait que je cherche où il pouvait être.
14:33 Je descendais à la réception, j'expliquais ce qui se passait.
14:36 Je disais "Dites-moi où est B.
14:38 King là maintenant".
14:39 C'était très particulier parce que souvent, on descendait dans des hôtels uniquement
14:44 fréquentés par des Noirs et j'étais le seul blanc dans cette histoire.
14:48 Je cherchais B.
14:49 King.
14:50 C'était assez cocasse.
14:51 - Et à chaque fois, il n'était pas frustré de savoir que vous l'aviez retrouvé et qu'il
14:55 avait changé de chambre ?
14:56 - Non, non, non, pas du tout.
14:57 Non, non.
14:58 Mais c'est moi qui l'ai engueulé.
14:59 Je disais "Si tu vas dans un truc, au moins préviens-moi".
15:02 - Alors, vous avez aussi un record, je crois, Sacha Reims.
15:05 C'est celui de la course de lenteur au Festival d'Atlanta.
15:09 C'est-à-dire que vous étiez dans une voiture qui, je crois, roulait à un centimètre à
15:14 l'heure, pas plus.
15:15 - Absolument.
15:16 Oui, oui.
15:17 On jouait à Atlanta et on est parti dans l'après-midi en voiture pour le soundcheck,
15:24 etc.
15:25 Et c'était absolument un cauchemar parce qu'il n'y avait qu'une seule route pour y aller.
15:29 C'était archi-comble.
15:30 Effectivement, on avançait à 10 centimètres de la minute.
15:35 Et en arrivant, enfin, on a mis facilement trois heures pour faire 20 kilomètres.
15:43 Et en arrivant à l'endroit, des gens nous font signe.
15:47 On avait bien sûr laissé passer sur la voiture.
15:51 Et les gens nous indiquent, enfin, quelqu'un nous ouvre une porte en disant "C'est par
15:55 là".
15:56 Donc, je suis allé.
15:57 On est tombé en plein milieu dans la foule.
15:59 - 150 000 personnes.
16:00 - Oui, absolument.
16:01 - Et il fallait aller de l'autre côté.
16:02 - Il fallait aller de l'autre côté, traverser tout le stage en plein milieu de la foule.
16:07 - Alors comment vous avez fait ?
16:08 - J'avançais très, très lentement.
16:13 Là, c'était vraiment un centimètre par minute au milieu de la foule avec le klaxon
16:19 bloqué.
16:20 - Et vous auriez pu vous faire lyncher.
16:22 - Ah oui, oui, oui.
16:23 Bien sûr.
16:24 - Et puis, il se trouve que moi, je me suis un peu renseigné sur le record de vitesse,
16:27 l'inverse.
16:28 Et c'est une SSC Tuatara qui détient le record de vitesse des véhicules de série, 532 km/h
16:35 au compteur.
16:36 C'est quand même un record.
16:38 Alors, vous avez aussi croisé les plus grandes stars, dont celle-ci.
16:43 Janie Joplin, "Summer Time", le thème le plus connu de Torquay & Bess, qui a été créé
16:56 d'ailleurs par une inconnue, qui s'appelait Clara, un personnage secondaire dans la première
17:00 version de cet opéra de Gershwin.
17:03 Et c'est vrai que vous l'avez rencontré un jour et qu'il y a un courant qui est passé
17:08 entre vous deux.
17:09 - Oui, si on veut.
17:10 Elle m'a trouvé très sympathique et certainement consommable.
17:14 Et elle m'a invité à aller passer la fin de soirée.
17:18 On était à une émission de télévision, d'aller passer la fin de soirée chez elle.
17:22 Et moi, j'étais moyennement partant.
17:27 Et Bibi King, qui était là, en plus, elle est allée demander à Bibi King, est-ce que
17:32 je peux emmener ton assistant à la maison ? Je te le rends demain matin en pleine forme.
17:37 Elle est venue me voir en me disant, écoute, si tu vas là-bas, si tu vas là-bas, tu sais
17:43 que vous n'allez pas fonctionner à l'eau.
17:47 Vous allez fumer des trucs, prendre des choses.
17:50 Et moi, je veux que tu sois demain matin à 5h30 à la porte de ma chambre.
17:56 Si tu n'es pas là, je te remplace.
17:58 Et effectivement, ça, je me suis dit, je ne peux pas risquer cet extraordinaire boulot
18:04 pour aller passer une soirée et me défoncer avec Janice Joplin.
18:07 Donc, je n'y suis pas allé.
18:08 Et voilà.
18:09 - Et d'ailleurs, quelques mois plus tard, elle a poussé son dernier soupir à la suite
18:14 de ses abus.
18:15 - Absolument.
18:16 - Et vous avez eu quand même une engueulade un jour avec B.B.King lorsque vous avez osé
18:20 ramener une femme blanche en coulisse.
18:22 - Ce n'était pas tout à fait ça en coulisse.
18:25 On avait un minibus et je l'avais amené dans le minibus pour rentrer après le concert
18:32 à l'hôtel.
18:33 Et effectivement, il m'a engueulé, ce qu'il ne faisait jamais.
18:37 C'était un homme absolument délicieux.
18:38 Mais il m'a dit qu'il ne fallait plus jamais que je fasse ça parce que si on avait été...
18:42 Il était encore traumatisé par les lois racistes de l'époque.
18:46 Il me dit si on s'était fait arrêter pour un contrôle quelconque et qu'on avait vu
18:51 une femme blanche dans un véhicule avec des blagues, on aurait tous été arrêtés.
18:55 - Et puis, vous avez changé d'avis en découvrant lors d'un concert de B.B.King, je crois, à
19:00 Las Vegas, au César Palace, Frank Sinatra, que vous n'aimiez pas du tout, Sacha Rains.
19:04 - Oui, non, c'était pas du tout à l'époque ma musique.
19:07 J'aimais ça.
19:08 Mais oui, nous sommes passés environ une dizaine de jours au César Palace et à la
19:16 même affiche que Frank Sinatra.
19:18 - Et là, vous avez eu le privilège de pouvoir aller dans la salle, ce qui n'était pas évident.
19:22 - Oui, oui, oui.
19:23 Et puis, bon, je pouvais effectivement aller dans la salle et un peu sur le côté, sur
19:28 les coulisses.
19:29 Et j'ai donc assisté à une dizaine de concerts de Frank Sinatra.
19:33 Et là, je me suis rendu compte à quel point le mec était le plus grand chanteur du monde.
19:37 - Vous savez qu'il chantait "My Way" et "Stranger in the Night" tous les soirs, mais qu'il détestait
19:42 ces deux chansons parce qu'ils ne se reconnaissaient pas dans les textes.
19:45 - Absolument, oui, oui.
19:46 - C'est assez particulier.
19:47 Et à Las Vegas, vous avez aussi croisé Lynn Renaud et Lulu Gaste.
19:51 - C'était pas à Vegas.
19:53 Ils s'occupaient à l'époque d'un casino-hôtel près de Lake Tahoe.
19:58 Et oui, c'est là où on est effectivement passé là-bas une semaine.
20:02 Et c'était elle qui dirigeait un peu tout le côté spectacle.
20:05 Donc j'ai fait sa connaissance et celle de son mari, Lulu Gaste.
20:08 - Oui, qui était un passionné de musique aussi.
20:10 - Absolument, oui.
20:11 - Et même de la musique qui n'est pas forcément celle qu'il composait.
20:14 - Oui, oui.
20:15 En plus, il avait joué avec Django Reinhardt.
20:18 Django Reinhardt qui fascinait B.B.
20:21 King.
20:22 Donc les deux hommes avaient plein de choses à se raconter.
20:24 - Un seul regret, c'est d'avoir renoncé à un concert d'Elvis Presley.
20:27 - Ah oui, ça c'est la grande connerie de ma vie.
20:31 Enfin, une des.
20:33 J'ai fait connaissance de Tom Jones un soir au Caesars Palace à une partie que donnait
20:40 B.B.
20:41 King.
20:42 Et on a sympathisé naturellement parce qu'on était les deux seuls blancs de la partie
20:47 et de la soirée.
20:48 Et on avait le même âge, etc.
20:50 Et on a sympathisé.
20:51 On a beaucoup discuté.
20:53 Et il m'a dit "tiens, demain, si tu ne fais rien" - effectivement, je ne faisais rien
20:56 parce que c'était lundi.
20:58 "Je vais à Elvis, je t'emmène si tu veux."
21:02 Et connerie, je ne suis pas allé.
21:06 - Comme ça, pas envie ? - Pas envie.
21:08 Je n'aimais plus Elvis à l'époque.
21:09 Je trouvais qu'il avait un peu trahi le rock.
21:13 Et c'était l'époque où il était avec ses accoutrements blancs et qui chantaient
21:18 comme beaucoup de guimauves.
21:22 Et à cette époque, je ne l'aimais plus.
21:24 Donc je ne suis pas allé.
21:25 - Et vous l'avez regretté ? - Ah oui.
21:27 Et j'ai revu Tom Jones une vingtaine, une trentaine d'années plus tard à Londres
21:33 pour la sortie d'un de ses albums.
21:35 Et je lui ai rappelé cette histoire.
21:38 Je lui ai dit "écoute, bien sûr, tu ne t'en souviens pas, mais tu m'avais proposé d'un"
21:42 et je n'y suis pas allé comme un con.
21:44 Il m'a dit "ah oui, vraiment, c'est vraiment con" parce qu'en plus, Elvis était toujours
21:48 avec un photographe qu'il prenait en photo avec tous les gens qui venaient le voir.
21:52 Et là, aujourd'hui, tu aurais une photo avec Elvis.
21:55 Moi, j'ai la mienne encore.
21:57 Et la valeur dans une vente, une photo avec Elvis, c'est 3000 dollars aujourd'hui.
22:01 - Pas à m'ignorer.
22:02 - Voilà.
22:03 D'autres choses qu'on ignore sur vous et qu'on va découvrir dans quelques instants
22:06 à travers une autre date, le 19 octobre 2003.
22:09 A tout de suite sur Sud Radio avec Sacha Reims.
22:12 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
22:15 Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Sacha Reims, critique musicale, journaliste
22:20 depuis 50 ans, vulnier rock ambolesque chez Equateur.
22:24 On en parle tout au long de l'émission puisque les souvenirs qu'on évoque sont dans ce livre.
22:28 Et j'ai trouvé une date très particulière le 19 octobre 2003.
22:32 D'après ma connaissance, c'est votre première et rare télé, les coulisses du pouvoir, avec
22:38 Daniela Lombroso, où vous parlez de la fascination du pouvoir d'Arnold Schwarzenegger.
22:43 Vous faisiez cette télévision ? - Ah oui, oui, oui.
22:46 - C'est rare de vous voir à la télé.
22:47 - Oui, oui, je faisais assez peu d'émissions et là, elle m'avait invité à venir pour
22:53 parler de Schwarzenegger, qui venait effectivement de se déclarer candidat ou d'être gouverneur
23:00 des...
23:01 - C'était un mois avant qu'il devienne gouverneur.
23:02 - Voilà, c'est ça, oui.
23:03 Et tout le monde me fait parler pour la politique et lui.
23:09 - En même temps, Schwarzenegger, ça n'a rien à voir avec B.B.
23:12 King ? - Ah non, non, rien du tout.
23:14 Non, mais à l'époque, je travaillais pour Le Point et je ne sais pas pourquoi, mais
23:20 ils m'ont demandé d'aller interviewer Schwarzenegger à l'occasion de la sortie de Terminator 2.
23:27 - Voilà, et en même temps, c'est un personnage qu'on avait vu à Cannes la première fois
23:31 totalement inconnu et qui avait fait un immense parcours.
23:34 Et je crois que son goût pour la politique s'est né parce qu'un jour, il rencontre Jackie
23:38 Onassis, il parle un quart d'heure avec elle et il lui a dit que JFK était un synonyme
23:43 de l'Amérique et ensuite, il est rentré dans la famille des Kennedy, pratiquement.
23:47 Mais il aurait pu être président des Etats-Unis, non ?
23:50 - Oui, il aurait pu le devenir s'il était né aux Etats-Unis.
23:52 Le problème, c'est qu'il y a une loi qui interdit, quand on n'est pas né aux Etats-Unis,
23:56 qui interdit qu'on soit président.
23:58 - Il a été le gouverneur de Californie, comme quelqu'un d'autre qui est devenu lui
24:01 président qui était Ronald Reagan.
24:03 Alors, Le Point, justement, vous êtes arrivé au Point après Best, ça a été votre premier
24:09 travail fixe dans un journal.
24:11 Vous êtes arrivé parce qu'il y avait une place à prendre.
24:13 - Oui, c'est ça.
24:14 Travail fixe, oui.
24:15 En fait, moi, je n'ai jamais appartenu physiquement, quotidiennement à une rédaction.
24:22 J'ai toujours été freelance.
24:23 Donc, oui, j'ai travaillé au Point pour environ 30 ans, 30, 35 ans.
24:28 Mais je n'avais pas de bureau là-bas.
24:30 - Vous faisiez des articles sur la musique.
24:33 Vous êtes arrivé comme ça par hasard, en venant vous chercher ?
24:35 - Parce que, oui, on est venu me chercher parce que le rédacteur en chef avait lu un de mes
24:41 papiers dans, je ne sais plus, Roquefolk ou Best sur Michael Jackson.
24:45 Il m'avait demandé d'en faire un pour Le Point.
24:47 - Vous êtes arrivé pour un papier, vous êtes resté 35 ans.
24:50 - Voilà.
24:51 - C'était une famille, Le Point, à l'époque.
24:52 Il y avait un rédacteur en chef, Jean Schmitt, qui, lorsqu'il partait en vacances, rédigeait
24:58 un testament pour ses successeurs, en faisant, peut-être que je ne reviendrai pas un jour,
25:03 c'était une vraie famille de journalisme comme on en voit peu aujourd'hui.
25:06 - Exactement.
25:07 - Je crois que c'était Pierre Billard qui était rédacteur en chef culture.
25:10 J'ai beaucoup aimé cet homme.
25:12 - Et ce journal était une indépendance totale ? Vous avez travaillé en toute indépendance ?
25:16 - Totalement.
25:17 - Vous êtes quelqu'un qui a toujours travaillé en toute indépendance ?
25:20 - Toujours.
25:21 - Alors, vous allez faire des tas d'interviews de stars du rock'n'roll, ce qui n'est pas
25:25 évident parce que ces personnalités ne sont pas toujours accessibles.
25:29 - Et elles ne sont pas très faciles non plus.
25:30 - Comment on fait justement pour obtenir un rendez-vous en tête-à-tête ? Ça relève
25:35 de l'exploit.
25:36 - Ça dépend aussi pour quel média on travaille.
25:40 Il est certain que quand je ne travaillais que pour Best et que je demandais n'importe
25:45 quoi David Bowie pour Best, ça ne l'intéressait moins que s'ils étaient pour le point.
25:50 - Voilà.
25:51 Et il se trouve que ces gens-là vous recevaient et petit à petit vous vous êtes fait une
25:54 image, on a commencé à vous recevoir parce qu'on savait que vous faisiez ça.
25:57 - Absolument.
25:58 - Alors, on se crée aussi des amitiés pendant ces années-là ?
26:00 - Oui, on se crée des amitiés et je suis devenu assez copain avec les Who et en particulier
26:09 avec Roger Daltrey et aujourd'hui je suis toujours très ami avec Roger et on se voit
26:13 chaque fois qu'il vient jouer à Paris, on dîne ensemble la veille et on s'écrit régulièrement.
26:19 - Voilà.
26:20 Et justement les Who, l'un de leurs succès c'est Pinball Wizard.
26:23 C'est l'extrait d'un concert à l'île de Wight en 70, ils ont joué un peu partout
26:37 les Who.
26:38 - Oui, oui.
26:39 - Mais ce qui est étonnant c'est que ce groupe au départ s'appelait Les Détours, ils sont
26:43 aperçus qu'il y avait un groupe qui portait le même nom, ils sont devenus les Who, ce
26:46 qui ne veut rien dire au départ.
26:47 - Ce qui ne veut rien dire, non.
26:48 - Alors, vous l'avez connu comment Roger Daltrey ?
26:50 - En faisant un papier justement pour le journal de musique, pour Best, j'étais allé en
26:57 Angleterre, j'ai fait trois interviews, une de Roger Daltrey, l'autre de Pete Townshend
27:03 et le troisième, non, j'en ai fait que deux, j'ai fait que Pete et Roger et sans savoir
27:09 pourquoi, Roger et moi on est devenus très amis.
27:13 - Mais c'est quelqu'un qui avait confiance en vous parce que ce sont des musiciens qui
27:17 n'ont pas toujours confiance dans les journalistes.
27:19 - Oui absolument, oui, et puis ils se sont vite rendus compte que je ne les trahissais
27:23 pas, je pouvais insister à des choses privées dont il ne fallait pas parler et je n'en
27:29 parlais pas.
27:30 - Alors, il y a eu un jour une bagarre je crois à Birmingham entre Pete et Roger à
27:34 laquelle vous avez assisté Sacha Rains.
27:36 - Oui, oui, oui, ils se disputaient souvent et là je ne me souviens plus quel était,
27:41 oui non c'est parce que Roger avait fait une remarque à Pete qui était arrivé en retard
27:46 à la répétition et ils ont commencé à s'engueuler et à un moment donné Pete a
27:50 pris sa guitare et a cherché à assommer Roger avec elle, il n'a pas réussi et à
27:58 ce moment-là Roger a donné un coup de poing, enfin a assommé Pete Townshend.
28:02 - Oui, ça s'est arrangé ensuite.
28:04 - Oui, bien sûr.
28:05 - Alors il se trouve aussi que le problème des rockers c'est de vieillir et les Wu sont
28:09 toujours là ce qui est quand même assez rare.
28:11 - Oui, il y a quelques groupes, les Wu, les Stones, ils ne sont plus très nouveaux mais
28:15 voilà, ils sont toujours là.
28:18 - Mais ce qui n'est pas simple notamment pour Roger Deltré c'est de conserver sa voix
28:21 au fil des années, je crois d'ailleurs qu'en Floride il a annulé un show au milieu parce
28:25 qu'il ne parvient plus à chanter.
28:26 - Il a de temps en temps des accidents effectivement avec sa voix, ça lui est arrivé une fois
28:30 tous les deux ans à peu près, sa voix se casse en plein concert et il faut malheureusement
28:36 arrêter.
28:37 - Et Roger comme Pete, ils ont peur de vieillir, Pete a une grande peur de vieillir, c'est
28:43 ce qu'il a toujours dit.
28:44 - C'est possible, oui, oui.
28:45 - C'est assez dur quand on a été jeune rocker de finir vieux rocker, non ?
28:49 - Je ne sais pas.
28:52 - Et c'est aussi le cas d'ailleurs de quelqu'un qui tient une forme hallucinante, on l'écoute
28:57 Hungry.
28:58 - Les Rolling Stones, Mick Jagger, lui il tient à 80 ans une forme hallucinante.
29:13 - Oui, incroyable.
29:14 - Comment ça s'est expliqué ?
29:15 - Depuis 30 ans il ne fait plus rien, je veux dire il ne prend plus d'alcool, il ne boit
29:19 plus de l'eau, et depuis 30 ans il a dans son entourage un coach diététicien qui le
29:26 fait travailler tous les jours et qui lui fait ses repas tous les jours.
29:29 - En fait je crois qu'il vit maintenant souvent dans un château en France, ce château il
29:35 l'a acheté parce qu'il passait ses vacances avec ses parents juste devant, il faisait
29:39 du camping à l'époque, et il a dit "tiens un jour j'achèterai ce château", ce qu'il
29:43 a fait.
29:44 - Là je crois que son régime c'est danse, gymnastique douce, 13 km de course par jour,
29:50 et dans son minima il y a des smoothies, des vitamines et des avocats.
29:54 - Absolument.
29:55 - Et c'est vrai que comment on parvient à changer comme ça alors que pendant des années
29:58 on est un peu tombé dans la drogue ?
30:00 - Oui absolument, et ça lui réussit de façon absolument extraordinaire parce qu'effectivement
30:08 il a une forme qui est toujours sidérante.
30:11 - Mais ce qui est étonnant c'est qu'il y a 45 ans il disait "je vais arrêter bientôt,
30:15 j'arrêterai à 50 ans parce que je préfère être mort que chanter Satisfaction à 50
30:20 ans".
30:21 - Oui c'est des choses qu'on dit quand on est jeune et puis non, non, j'en parlais
30:26 avec lui il y a quelques années et il me disait, comme Keith Richards, ils m'ont dit
30:30 tous les deux que tant qu'il pourrait le faire et qu'il y aurait des gens pour venir
30:34 les voir, il le ferait.
30:35 - Voilà, alors vous avez assisté à son anniversaire il y a un demi-siècle, c'est pour ses 30
30:40 ans je crois, aux Etats-Unis.
30:41 - Oui, oui absolument, j'ai assisté à son anniversaire qui se passait au dernier étage
30:48 d'un grand hôtel Saint-Régis je crois.
30:51 - À New York oui.
30:52 - Oui c'était assez étonnant, il y avait Bob Dylan, il y avait Neil Young, il y avait
30:57 plein de gens, je crois que j'étais le seul mec pas connu de la soirée.
31:01 - Je crois qu'il y avait une danseuse nue qui est sortie d'un gâteau.
31:03 - Oui.
31:04 - On ne pourrait pas imaginer ça aujourd'hui.
31:06 - Non, aujourd'hui non.
31:07 - Et Bob Dylan vous lui avez serré la main je crois.
31:10 - Oui, je suis allé le voir, je lui ai dit écoutez j'ai juste envie de vous serrer la
31:13 main, donc on s'est serré la main, il m'a souri.
31:16 - Il était très timide déjà.
31:18 - Il était très spécial, oui, il ne parlait pas beaucoup, je veux dire que je n'ai jamais
31:23 interviewé par exemple, je n'ai jamais rencontré pour une interview.
31:26 J'ai demandé pendant 30 ans et ça a toujours été non.
31:29 - Comment ça se fait ?
31:30 - Il n'aime pas ça.
31:32 - Je crois que même quand il a remporté le prix Nobel, il devait envoyer un discours sous
31:36 peine de perdre ses 800 000 dollars et il l'a envoyé la veille de la clôture de la date
31:41 prévue.
31:42 - Oui, mais il a écrit son discours et il l'a fait lire par son ami chanteuse, son nom
31:48 m'échappe.
31:49 - Mais enfin il n'a pas voulu aller là-bas.
31:50 - Non, il n'est pas allé, non.
31:51 - Et Hugo Frey m'a raconté, parce qu'il a quand même été très proche de lui, que
31:54 même lui n'arrive plus à franchir le barrage des quelques personnes qui l'entourent.
31:59 - Absolument, oui.
32:00 - Pensez que Dylan aurait le prix Nobel, sa charrince ?
32:03 - Non, jamais, non.
32:04 Ça a été une énorme surprise pour tout le monde.
32:08 - Et une reconnaissance peut-être ?
32:09 - Une reconnaissance des textes extraordinaires qu'il a écrits toute sa vie.
32:14 - Vous avez toujours été fasciné par ses textes ? Ou est-ce que ça fait partie de
32:20 vos goûts musicaux ?
32:21 - J'ai toujours aimé Dylan, je l'aime moins, enfin j'aime moins ce qu'il est aujourd'hui
32:26 en concert, parce que les concerts c'est souvent n'importe quoi, mais effectivement les premières
32:32 chansons pendant 20 ans sont extraordinaires.
32:33 - J'en reviens à Mick Jagger, sa charrince, que vous avez rencontré une bonne dizaine
32:37 de fois.
32:38 Ça n'a pas toujours été facile, parce qu'il peut être aussi charmant qu'odieux,
32:42 et ça peut être un bonheur ou un supplice.
32:44 - Oui, absolument.
32:45 S'il est de mauvaise humeur, ou si vous posez une question qui lui met de mauvaise humeur,
32:49 il peut devenir effectivement assez difficile.
32:51 - Et ça vous est arrivé, je crois, un jour où vous aviez une longue interview de prévue
32:55 qui a duré 13 minutes.
32:56 - Oui, à peu près, oui.
32:58 Mais je jouais de malchance ce jour-là, c'était à Londres, et c'était à l'époque où il
33:06 était séparé des Stones.
33:07 Les Stones officiellement n'existaient plus, et lui démarrait une carrière solo.
33:12 Et il devait partir en tournée quelques jours plus tard avec Jeff Beck à la guitare, et
33:19 pendant notre entretien, son secrétaire est venu le voir en disant "il faut que je vous
33:25 dise quelque chose", donc il est parti une vingtaine de minutes, et quand il est revenu,
33:30 c'était fini, parce qu'en fait on venait de lui apprendre que Jeff Beck avait téléphoné
33:35 pour lui dire que finalement il ne partirait pas avec lui.
33:37 - Et puis il ne supportait pas non plus que Madonna soit dans ses pattes.
33:40 - Ah, il n'était pas...
33:41 Oui, oui, ce jour-là, Madonna venait à Londres, elle faisait la une de tous les quotidiens,
33:48 et ça l'agaçait un peu, oui.
33:49 - Quand on pense qu'il a voulu être comptable au début et pas chanteur, il a rempassé
33:53 les lettres par des notes.
33:54 Et puis vous racontez un concert à Osaka que peu de gens connaissent, où il s'est
33:59 passé quelque chose d'extraordinaire, Sacha Rins.
34:03 - Oui, donc quelques semaines plus tard, il fait sa tournée japonaise sans Jeff Beck,
34:10 et le hasard fait que j'étais là-bas à ce moment-là pour faire une interview de
34:14 Tina Turner, et oui, vous faites allusion à son entrée en scène, c'est ça ?
34:20 - Oui.
34:21 Donc il était là, et je suis allé le voir pour les concerts solos, et il a fait un truc
34:27 incroyable, il était planqué derrière la table de mixage, et au moment où ça a commencé,
34:33 il s'est levé et il a traversé la foule pour aller vers la scène.
34:38 Et il pensait que les Japonais, toujours très calmes, ne réagiraient pas.
34:45 Or, ils se sont jetés sur lui, ils sont devenus totalement fous, et j'ai cru qu'il n'arriverait
34:50 jamais, c'était dix fois pire que Johnny au Parc des Princes.
34:53 - Ça aurait pu se terminer tragiquement ? - Oui, absolument.
34:55 - On raconte aussi qu'il a eu une histoire avec Brigitte Bardot.
34:58 - Lui, il dit que non.
35:00 - Oui.
35:01 - Oui, c'est ce qu'on dit, et lui dit que non, qu'il aurait bien aimé, mais qu'il
35:05 aurait été à l'époque beaucoup trop timide.
35:06 - Je pense aussi.
35:07 En tout cas, Brigitte Bardot ne confirme pas non plus, donc il doit avoir raison.
35:11 Et puis ce livre, on va l'évoquer à travers la date de sa sortie, le 15 juin 2023.
35:16 A tout de suite sur Sud Radio avec Sacha Rins.
35:19 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:22 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Sacha Rins.
35:25 On a évoqué votre parcours de critique, de journaliste musical, vos années avec BB King,
35:31 et tout ça figure dans ce livre sorti le 15 juin 2023, Rock en Bolesque chez Équateur.
35:37 Pourquoi avoir raconté ce parcours aujourd'hui, alors que jusqu'à maintenant, vous parliez
35:41 plutôt des autres, Sacha Rins ?
35:44 - C'est une idée que j'avais depuis quelques années et on me demandait régulièrement
35:49 pourquoi tu ne fais pas un bouquin, pourquoi tu ne racontes pas tes aventures, etc.
35:53 Et il y a deux ans, je me suis décidé à le faire et effectivement à en profiter
35:59 pour raconter les choses que je ne pouvais pas raconter à l'époque, qui auraient été
36:04 hors sujet et donner des détails sur comment je rencontrais ces gens-là.
36:09 - Vous avez écrit des archives, des souvenirs ?
36:11 - Mes archives, c'était les papiers que j'avais faits et que j'avais écrits à l'époque.
36:15 D'abord, j'avais quand même pas mal de souvenirs et j'avais tous les journaux pour lesquels
36:20 j'avais travaillé, je les avais encore.
36:22 Donc, j'ai pu retracer mon parcours en feuilletant les vieux bestes, les vieux points, L, etc.
36:30 - Oui, il y a eu L, il y a eu Paris Match aussi, où vous avez travaillé.
36:33 Alors, il faut savoir que le métier de critique musicale, il n'est pas facile, il est à
36:37 fois complexe et subjectif.
36:39 - Oui, mais j'étais moins critique musicale, je ne faisais pas, enfin, j'essayais de faire
36:44 le moins de critiques possibles.
36:46 Je préférais raconter des histoires ou publier des interviews, mais critiquer un disque,
36:53 je le faisais au début d'un beste et ensuite, non, ça ne m'intéressait plus.
36:58 - Oui, et ce qui vous intéressait, c'était d'avoir la vérité et vous avez eu le flair
37:02 de repérer ceux qui vous racontaient n'importe quoi, ce qui peut arriver.
37:05 - Oui, il y en avait quelques-uns qui, effectivement, racontaient vraiment n'importe quoi.
37:10 - Comment on sent ça, Sacha Reins ?
37:12 - Je ne sais pas à qui vous pensez la précision.
37:16 - Non, mais en général, quand on sent que quelqu'un vous ment ou vous raconte n'importe
37:20 quoi, il y a l'instinct du journaliste qui se réveille.
37:22 - Oui, oui, bon, je m'en rendais compte.
37:26 C'est généralement les gens moins connus qui racontent n'importe quoi.
37:29 Les gens connus, non, n'ont pas besoin, en fait.
37:32 - Vous avez finalement réalisé votre rêve.
37:34 - Ah oui, complètement, oui.
37:35 - Vous imaginez avoir rencontré toutes ces stars ?
37:38 - Non, jamais.
37:39 Bien sûr que non.
37:40 - Est-ce qu'il y en a qui vous ont déçu ? D'autres qui vous ont plu plus que d'autres ?
37:44 - Déçu, non, pas franchement.
37:48 On ne devenait pas amis, c'était très rare.
37:50 Moi, je suis devenu ami uniquement avec, je vous disais, Roger Daltré.
37:55 Et en France, j'ai effectivement deux amis, deux vrais amis, qui sont Julien Clerc et
38:02 Laurent Wulzi.
38:03 Et voilà, c'est tout.
38:05 - Oui, c'est pas les pires, effectivement.
38:06 - C'est pas les pires, non, non.
38:07 - Alors, c'est aussi une façon de travailler très particulière.
38:10 Vous n'avez jamais pratiqué la langue de bois, on le sent dans le livre.
38:13 Vous dites franchement que quelqu'un ne vous plaît pas, comme par exemple Louride.
38:18 Louride, c'est une catastrophe.
38:21 - Louride était odieux, Louride était insupportable.
38:24 Et d'ailleurs, à une époque, quand on se retrouvait entre journalistes de musique,
38:30 on se racontait nos histoires de Louride.
38:32 C'est-à-dire ?
38:33 - Ce qu'il nous avait fait, comment il avait été odieux, etc.
38:36 Ce type était insupportable.
38:39 - Mais qu'est-ce qu'il faisait ? Il vous jetait ?
38:40 - Oui, il nous insultait, il nous jetait, il faisait tout.
38:44 - Alors, il lui fallait de temps en temps l'interviewer ?
38:46 - Ben oui.
38:47 Moi, je courais plus trop après parce que j'avais eu deux, trois trucs où il avait
38:51 été tellement désagréable que je me suis dit "merde, pourquoi j'irais m'embêter
38:56 une heure à New York pour voir un mec qui m'insulte ?"
39:00 - Il se trouve qu'il avait, je crois, subi un traitement à 17 ans par électrochoc
39:05 à la demande d'un psychiatre.
39:06 Il avait commencé à composer des médicaments qu'il avait rendus dépendants à la drogue
39:10 et c'était peut-être la raison de sa violence verbale.
39:12 - Peut-être.
39:13 - Alors, il y a aussi quelquefois des ennuis involontaires que vous avez causés, comme
39:18 par exemple à Roger Moore, un jour par un article qui lui a causé quelques soucis.
39:23 - Ah oui, oui.
39:24 J'étais désolé parce que c'était un homme charmant.
39:26 Je l'avais rencontré à l'occasion de la sortie d'un film, ne sais plus quel, et bien
39:31 sûr on s'est mis à parler de...
39:34 - De James Bond.
39:36 - De James Bond, oui.
39:38 Et à l'époque, on cherchait le nouveau James Bond, on ne savait pas encore, et il y avait
39:44 des rumeurs qui disaient qu'Idriss Elba pouvait éventuellement devenir le nouveau James Bond.
39:50 Et je lui ai demandé ce qu'il en pensait et il m'a répondu "oui, Idriss Elba, c'est
39:54 un très bon acteur, mais je ne sais pas si c'est James Bond parce que James Bond est
39:58 quand même English English".
40:00 Je l'ai publié tel quel, je n'ai pas noté une once de racisme là-dedans, mais ça a
40:07 été repris par la presse internationale et il a été traîné dans la boue comme
40:13 raciste.
40:14 - Mais c'est fou parce qu'à l'époque on ne parlait pas de racisme comme aujourd'hui.
40:17 - Non, non.
40:18 Et le pauvre, vraiment.
40:19 Donc j'ai reçu des coups de téléphone de journalistes anglais qui voulaient que je
40:25 leur envoie la bande, etc. et qui me demandaient ce que j'en pensais.
40:29 Je disais "non, pour moi il n'y avait rien de raciste là-dedans".
40:32 Effectivement, c'est comme si on disait aujourd'hui qu'Omarsi va jouer d'Artagnan.
40:39 D'Artagnan, voilà, il est gascon, gascon.
40:41 - Et Roger Blond ne vous en a pas voulu ? - Non, non.
40:45 Il a dit que le journaliste avait mal compris ce qu'il avait dit.
40:50 - Vous en êtes sorti comme ça, Sacha Reins.
40:52 En revanche, ça s'est mal passé avec Michel Polnareff.
40:55 C'est-à-dire qu'il vous a menacé d'un procès après un article qui ne lui a pas
40:58 plu, je crois.
40:59 - Oh oui, oui.
41:00 Polnareff, il est spécial ce type.
41:03 Oui, je l'avais vu une fois en concert à Los Angeles.
41:08 Un concert épouvantable.
41:10 C'était mauvais, c'était faux, les musiciens jouaient mal.
41:13 Et ce concert-là est sorti en CD quelques mois plus tard et c'était plus du tout le
41:19 même.
41:20 Tout avait été refait en studio et je l'avais écrit.
41:23 - Oui, c'est la vérité.
41:24 - C'est la vérité, oui.
41:25 - Et il vous en a voulu.
41:26 - Et il m'a appelé un jour en pleine nuit pour me dire "je vais te faire un procès".
41:29 Je lui ai dit "bon, fais-moi un procès".
41:31 - Il n'a jamais fait de procès.
41:32 - Non.
41:33 - Moi je me souviens de lui quand il devait préparer un nouvel album au Royal Monceau.
41:36 Il a passé huit mois dans une suite.
41:38 Il était facile à voir, il était tous les jours au bar à 14h en survêtement.
41:42 - Absolument.
41:43 - Il n'a jamais fait cet enregistrement.
41:44 - Jamais.
41:45 - Et puis il y a aussi quelqu'un qui a beaucoup compté dans votre vie, une autre légende.
41:48 - C'est qui ?
41:53 - "Most beautiful girl in the world", Prince.
41:59 Prince, et Prince vous l'avez rencontré.
42:02 D'abord, cette femme, il a eu les plus belles femmes du monde, Kim Basinger, qui a vécu
42:07 avec lui sans rien dire à personne.
42:09 Je crois qu'elle s'est installée chez lui.
42:10 Et il y a même composé un album qui n'est jamais sorti, qui s'appelait "Hollywood Affair",
42:16 mais qu'on trouve sur internet.
42:17 Et Prince, vous l'avez rencontré.
42:19 - Oui, je l'ai rencontré deux, trois fois, notamment chez lui à Minneapolis.
42:23 C'était vraiment un être exceptionnel, difficile.
42:27 Je vais vous raconter une anecdote.
42:30 J'étais allé le voir quelques jours après la naissance de son fils.
42:35 Il avait son seul enfant d'ailleurs.
42:38 Et en allant à mon rendez-vous, je me suis arrêté dans un magasin de jouets et j'ai
42:44 acheté un petit nounours que je lui ai offert en arrivant tout de suite en disant "C'est
42:49 pas pour toi, mais je suis sûr que tu connais quelqu'un à qui ça fera plaisir".
42:53 Et il était absolument ravi.
42:55 "Merci beaucoup, c'est formidable".
42:57 Il souriait.
42:58 On a eu une excellente interview ce jour-là où il a été charmant.
43:02 Et quand je suis parti, il m'a remercié encore pour le cadeau, ou non, pour son fils.
43:07 Je suis rentré à l'hôtel et j'ai appris à ce moment-là sur Internet que le bébé
43:13 en question était mort trois jours plus tôt.
43:15 C'est fou ça.
43:16 Oui, totalement.
43:17 Il n'a rien dit.
43:18 Rien du tout.
43:19 En revanche, il s'est mis en colère lorsque vous avez osé émettre une critique sur lui.
43:23 Oui, oui, oui, oui.
43:25 J'ai envisagé qu'on puisse critiquer sa musique et il m'a dit "Mais ma musique
43:32 vient directement de Dieu.
43:33 Qui es-tu pour critiquer la musique de Dieu ?".
43:36 Je me souviens de l'avoir croisé un jour dans une discothèque avec sa canne à pommeaux
43:39 à la main.
43:40 Il était minuscule, mais tout le monde s'écartait sur son passage.
43:43 C'est assez étonnant.
43:45 Et puis quel grand musicien.
43:48 Je l'ai entendu jouer des heures et des heures d'affilée après ses concerts normaux.
43:52 Son rival, bien sûr, c'était Michael Jackson.
43:56 Et ça, il ne supportait pas.
43:57 Non, il n'aimait pas beaucoup Michael Jackson.
43:59 Pourquoi ?
44:00 Parce que c'était son grand concurrent.
44:02 Ils étaient sans arrêt comparés l'un à l'autre.
44:05 Et vous avez rencontré Michael Jackson, Sacha Reinz, dans des conditions très particulières,
44:10 je crois, au Vatican.
44:11 Oui, oui, oui.
44:13 J'étais au Vatican et je visitais, rappelez-moi le nom de l'église.
44:20 C'était une église du Vatican, une fontaine, oui.
44:23 Absolument, dans laquelle il y avait une statue célèbre.
44:27 Et je regardais cette statue et quelqu'un est venu se mettre à côté de moi.
44:34 C'était une femme.
44:35 C'était une femme voilée.
44:36 C'était il y a une vingtaine d'années.
44:38 Donc, ça faisait une drôle d'impression.
44:40 Moi, je n'avais jamais vu de femme voilée à l'époque.
44:43 Pas voilée, elle était en burqa.
44:44 Et bon, elle était à côté de moi.
44:48 C'était un peu étrange.
44:49 Et à ce moment-là, quelqu'un d'autre s'est installé de l'autre côté.
44:52 Et c'était Frank Dileo, qui était le manager de Michael Jackson, que j'avais interviewé
44:57 la veille.
44:58 Et il me voit, on se reconnaît.
45:00 Il me fait un petit sourire avec un clin d'œil.
45:02 Et à ce moment-là, je compris immédiatement, la femme en burqa, c'était Michael Jackson.
45:07 Il voulait être là et ne pas être vu.
45:09 Et moi, je me souviens un jour, avoir téléphoné à Lee Steller pour une interview.
45:12 C'est lui qui m'a répondu d'une toute petite voix.
45:15 Il avait une voix vraiment d'enfant.
45:17 Et il se cachait chez Lee Steller régulièrement.
45:20 C'est assez étonnant.
45:21 Oui, il était proche de Lee Steller.
45:23 Alors, il y a tous les stars dont vous parlez, mais il y a aussi des stars hors de la chanson
45:28 et de la musique dont vous parlez, notamment Brad Pitt, que vous avez connu à ses débuts,
45:32 à la France.
45:33 Oui, pratiquement, début de sa grande carrière.
45:35 Oui, je l'ai rencontré à Los Angeles deux ou trois fois.
45:40 Alors, ce n'était pas le Brad Pitt qu'on connaît aujourd'hui.
45:43 C'est-à-dire ?
45:44 C'est-à-dire, c'était un garçon timide encore.
45:46 Ah oui, il était très, très timide.
45:48 C'était effectivement très difficile de le faire parler.
45:51 Il ne parlait pas très bien à l'époque.
45:52 Quand je lui posais une question, il répondait en une phrase.
45:55 Ensuite, il y avait un silence.
45:57 Et à la fin de notre premier entretien, il m'a dit "Je suis désolé, mais je n'aime
46:02 pas ça, je ne sais pas parler.
46:03 Je suis désolé d'avoir été aussi bavard".
46:06 Vous imaginez la carrière qu'il ferait ensuite ?
46:09 Oui et non.
46:11 Oui et non, parce que non, oui, surtout, parce que quand il est arrivé dans la pièce, on
46:16 était tous éberlevés, parce que c'était une interview en table ronde, on était quatre
46:20 ou cinq, par la beauté de cet homme.
46:22 Je crois que c'est l'homme le plus beau que j'ai jamais vu de ma vie.
46:25 Donc, quand il est arrivé, il était évident qu'il ferait une grande carrière.
46:29 Il se trouve qu'au départ, je ne sais pas si vous le savez, il a fait des études de
46:33 journalisme à l'université de Missouri.
46:35 Il voulait être journaliste et il a quitté la fac deux semaines seulement avant de passer
46:39 l'examen et avec un contrat en poche pour un journal américain.
46:42 Je ne savais pas.
46:43 Il a changé d'avis.
46:44 Toutes ces stars que vous avez rencontrées, à chaque fois, sont des interviews groupées
46:48 avec d'autres journalistes ou seules dans votre tête ?
46:50 Non, pas toujours.
46:51 Il y a les deux ?
46:52 Il y a les deux, oui.
46:53 Ou les tables rondes, où effectivement on peut être trois, quatre, cinq avec lui,
46:57 ou en tête à fenêtre.
46:59 Est-ce qu'il y a des personnalités que vous regrettez de ne pas avoir rencontrées
47:03 dans ce long parcours, Sacha Reins ?
47:04 Oui, bien sûr.
47:06 Je n'ai jamais interviewé Bruce Springsteen.
47:11 Je l'ai rencontré plusieurs fois.
47:12 On a pris un jour un verre ensemble au bar de son hôtel, mais pas l'interview.
47:16 Et pourquoi ?
47:17 Parce qu'il ne voulait pas.
47:18 Il y a comme ça des gens qui ne veulent pas.
47:20 Il y a toujours trois, quatre conseillers derrière qui vous empêchent quelquefois
47:24 de faire l'interview.
47:25 C'est des barrages qu'il faut franchir.
47:26 Comment on fait ?
47:27 Il faut être patient et se montrer sympathique.
47:33 Vous avez beaucoup voyagé, vous avez fait des millions de kilomètres en 50 ans.
47:36 Oui, j'ai calculé que j'étais allé à peu près, au cours de ma carrière, 500
47:40 fois aux Etats-Unis.
47:41 500 fois ?
47:42 Et à chaque fois, en revenant avec des interviews, d'un français, ce qui n'était pas si
47:47 courant.
47:48 Les gens ex-français aux Etats-Unis n'étaient pas toujours admis auprès des stars du rock.
47:51 Oui, mais vous savez, on était accueilli selon la notoriété du journal pour lequel
47:58 on bossait.
47:59 Donc, effectivement, pour Beste, c'était parfois un peu difficile.
48:02 Mais quand je suis arrivé au Point ou à Paris Match, là, il n'y avait plus de problème.
48:05 En tout cas, il y a beaucoup d'anecdotes dans ce livre dont je rappelle le titre "rockambolesque".
48:10 Et c'est vrai que vous avez vécu des moments totalement rockambolesques.
48:13 Totalement, oui.
48:14 Aux éditions Équateur, vous continuez à écouter de la musique qui a travaillé ?
48:16 Toujours.
48:17 Et ça, vous n'arrêterez jamais ?
48:18 Non, tant qu'on me demandera et que j'aurai l'énergie pour le faire, je le ferai.
48:23 Eh bien, continuez ainsi.
48:24 Et je recommande à celles et ceux qui nous écoutent ce livre, plein de passion, que
48:27 l'on aime ou non, la musique.
48:29 Merci, Sacha Reims.
48:30 Merci, Jacques.
48:31 Les Clés d'une Vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
48:33 On se retrouve bientôt.
48:34 Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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