Le témoignage d'Adeline Toniutti sur les violences conjugales

COSMOPOLITAN

La chanteuse et professeure de chant Adeline Toniutti est revenue dans son livre Incandescente pour toujours aux éditions du Rocher sur les violences conjugales qu'elle a vécues.

Transcript

00:00 Quand il vous frappe, vous comprenez qu'à ce moment-là,

00:02 ça va être la surenchère et que si vous commencez à parler,

00:05 il risque de vous tuer en fait.

00:06 On ne parle pas parce qu'on a peur.

00:07 Bonjour, c'est Adeline Tenuti.

00:11 Je viens de sortir mon livre "Incandescente pour toujours",

00:14 le récit de ma vie que j'ai écrit moi-même aux éditions du Rocher.

00:18 Je raconte mon parcours de vie et aujourd'hui avec Cosmo,

00:20 nous allons parler des violences conjugales.

00:21 Quand je l'ai rencontrée, en fait, j'allais très bien

00:23 parce que j'étais chanteuse d'opéra.

00:26 Ma carrière décollait à fond.

00:27 J'étais dans une phase où j'étais toute shiny comme ça,

00:30 heureuse, en plein épanouissement.

00:33 Donc, j'ai rencontré cet homme, etc.

00:34 Et il y a eu ce moment où j'ai perdu mes cordes vocales.

00:37 J'ai eu un accident domestique, une cheminée mal installée

00:39 qui m'a brûlé les voies respiratoires

00:40 et où là, je me retrouve un peu séquestrée à la maison

00:43 parce que je n'ai plus de travail et je vais être en pleine chute sociale.

00:45 Je ne retrouverai pas de travail avant longtemps.

00:47 Et c'est là qu'il va se servir de ce moment pour se déchaîner sur moi,

00:50 me mettre sous emprise.

00:51 C'est un mal un peu diffus.

00:53 C'est pas tout de suite, on se prend une claque.

00:55 Et évidemment, si je vous mets une claque dans la rue,

00:56 vous allez dire "c'est quoi cette folle, je ne vais pas rester".

00:59 C'est beaucoup plus insidieux que ça.

01:00 Ça va être une prise de possession.

01:01 À la fois, il va vous posséder, c'est-à-dire il va vous entraver vos libertés.

01:05 Il va en même temps vous dévaloriser.

01:07 Et quand vous allez vouloir poser une limite,

01:08 il va revenir très, très, très amoureux, très langoureux.

01:12 Vous suppliez presque de rester

01:14 et ensuite vous recassez quand vous allez de nouveau y croire.

01:16 C'était le mec hyper beau, hyper sportif, hyper dynamique,

01:20 qui aime bien tous les sports de mec,

01:23 qui est très entreprenant dans sa vie.

01:25 Un homme très responsable, très respecté,

01:27 très aimé de ses amis, très aimé de sa famille.

01:29 J'avais un certain nombre de connaissances

01:30 qui étaient presque jalouses de l'homme avec qui je partageais ma vie.

01:33 Il y a eu des premières insultes,

01:34 il y a eu des premières crises de jalousie,

01:36 des premiers rabaissements et puis la première gifle.

01:39 La première gifle parce qu'il rentre du travail

01:41 et que je n'ai pas rangé quelque chose correctement.

01:42 Qu'il va me traiter de sale pute.

01:44 Voilà, il va me dire que je ne sers à rien

01:45 parce qu'à cette époque j'ai perdu ma voix, que je suis un déchet.

01:48 La première gifle, c'est de l'incompréhension.

01:49 Je suis choquée, je ne comprends pas ce qui m'est arrivé.

01:52 Le pire, ce n'est peut-être pas la gifle, c'est le regard après.

01:54 Une fois qu'il vous a frappé, il vous regarde comme si vous étiez un déchet.

01:58 Vous vous sentez sale, vous sentez que vous avez fait quelque chose qui n'était pas bien,

02:00 vous ne comprenez pas, vous vous questionnez.

02:02 Cet homme-là, vous l'aimez.

02:03 Après, il y a la peur et après on rentre vite dans le rang.

02:05 C'est-à-dire qu'une fois qu'il vous a frappé, vous avez peur,

02:07 mais il faut vite se ressaisir

02:08 parce qu'il ne faut pas que vous soyez encore plus défaillante

02:10 parce que c'est encore plus défaillante qu'est-ce qui va arriver.

02:12 Ces gens-là vous soufflent le chaud et le froid.

02:14 C'est-à-dire qu'il va être hyper gentil,

02:15 il va être content de venir vous chercher pour vous emmener au restaurant avec la famille.

02:19 Et quand on va rentrer du restaurant, comment t'as regardé mon pote là ?

02:21 Et puis il vous en colle une.

02:22 Quand il va être en société, en fait, il va être tellement parfait

02:25 et vous avez tellement honte d'avoir été frappé,

02:27 vous avez tellement honte d'avoir été violé,

02:29 vous avez tellement honte d'avoir été torturé comme ça,

02:31 vous vous sentez sale, vous n'avez même plus de force pour parler en fait.

02:33 Parce que s'il vous frappe parce qu'une tasse est de travers,

02:36 ou qu'il va vous étrangler comme moi avec le tuyau de douche

02:39 parce que vous avez mis une jolie veste blanche

02:40 ou parce que vous avez été chercher du travail à côté,

02:42 qu'est-ce que vous voulez faire en fait ?

02:43 Quand je lui ai dit que je voulais partir,

02:44 il m'a dit qu'il allait me couper en morceaux et m'enterrer dans un bois.

02:46 Sauf que le mec, en fait, à la parole, il joint les gestes en fait.

02:49 On ne sait pas où ils vont s'arrêter ces gens-là.

02:50 Il y a des femmes qui meurent en fait de ça.

02:52 Le premier déclic, c'est que j'essaie de me suicider déjà

02:54 parce que comme il a menacé ma famille,

02:56 je me dis que si je m'en vais, il va tuer mes parents.

02:57 Si je reste, je vais souffrir des bleus,

02:59 être rabaissée en permanence et je n'en peux plus de cette vie.

03:17 Elle va me dire, Adeline, tu sais qu'un jour, il va te tuer

03:19 et je vais lui dire, de toute façon, je n'en peux plus.

03:21 Je n'en peux plus en fait de cette vie.

03:22 Et elle va me dire, mais tu sais qu'il y a pire que de mourir.

03:23 Un jour, il va te pousser dans les escaliers,

03:25 ta colonne vertébrale va se fracasser en deux

03:27 et tu vas finir dans un fauteuil roulant

03:28 et tu auras ce mec-là comme aide-soignant.

03:29 C'est vraiment ça que tu veux ?

03:30 Elle m'a fait comprendre qu'il y avait une réalité encore pire

03:32 si je restais, que je risquais encore plus ma peau.

03:34 Et que si j'avais eu des enfants,

03:35 ça aurait pu aller sur mes enfants.

03:36 Elle m'a fait comprendre qu'il y avait encore une issue de secours

03:38 et que c'était dur de partir,

03:40 mais qu'il fallait le faire et qu'elle allait me protéger.

03:41 Dès l'instant où Jenny m'a entendue,

03:43 tout s'est mis en route, elle a prévenu mes parents.

03:45 J'ai appelé le numéro des femmes battues

03:47 et quand j'ai dit "bonjour, je suis une femme battue",

03:49 j'ai compris que là, j'avais écrit un nouveau chapitre de mon livre.

03:51 Et là, il y a un vent de solidarité

03:53 et moi, je suis au milieu du salon et je suis dépassée.

03:56 J'ai peur, j'ai peur qu'il arrive.

03:58 J'ai peur qu'il tue mes parents.

03:59 Une fois qu'on est parti, on a peur qu'il nous retrouve.

04:01 On se cache.

04:01 Moi, je cache mes cheveux.

04:02 Le médecin me dit de changer de ville.

04:04 La reconstruction, elle est difficile.

04:05 Mais quand on retrouve un nouvel objectif, on se reconstruit.

04:08 Moi, mon nouvel objectif, ça a été que je tombais sur un psy,

04:11 docteur Jean Charmoil,

04:12 qui m'a demandé de lui donner des cours de chant

04:13 alors que j'étais quasi muette.

04:15 Et en lui redonnant des cours de chant,

04:16 je me suis de nouveau rendue utile.

04:18 J'ai retrouvé de la joie à l'aider

04:19 et la musique, elle ne m'a jamais lâchée.

04:21 Alors, il y a plein d'associations qui existent.

04:22 Il y a le 39-19.

04:23 Il y a des psychiatres,

04:24 il y a des psychologues qui peuvent toujours aider.

04:26 Mais je pense que la première personne à qui on peut parler,

04:29 il faut en parler à un proche.

04:30 Il faut oser aller en parler

04:31 et il faut que les gens soient des génies.

04:33 Le sauvetage ne dure pas dix ans, il dure cinq minutes.

04:36 C'est entendre quelqu'un et lui donner l'impulsion

04:38 de voir qu'il peut ouvrir la porte et qu'il peut partir.

04:40 Ce que je donnerais comme conseil, c'est que si on a été victime de ça

04:43 et qu'on a un nouvel homme ou une nouvelle femme dans sa vie,

04:46 peut-être parler de ça parce que des fois,

04:47 on a des réflexes un petit peu de défense.

04:49 On va se méfier du moindre truc.

04:51 Ce que je pense, c'est qu'il faut surtout s'écouter

04:53 et ne pas nier qu'on a vécu un truc grave

04:55 et le dépasser et observer dans son comportement.

04:58 Est-ce que c'est ma vraie personnalité

05:00 ou c'est le résultat de ce que mon bourreau m'a fait ?

05:02 C'était compliqué d'écrire mon livre "Incandescente pour toujours",

05:04 mais comme le titre le dit,

05:06 j'ai envie d'écrire ça pour dire aux gens,

05:08 ne vous laissez jamais éteindre, soyez incandescente.

05:10 !

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