Le trafic de drogue a déclenché une véritable guerre au Mexique. Les conflits ont déjà causé des dizaines de milliers de morts. Lourdement armés et extrêmement bien organisés, les narcotrafiquants sont prêts à tout pour faire passer les tonnes de stupéfiants produites chaque année vers les Etats-Unis, l'un des premiers pays consommateurs. Engageant l'armée et les forces de police, le gouvernement est depuis quelques années entré de plain-pied dans cette lutte, proclamée enjeu national. Par les armes, il tente de reprendre les vastes territoires occupés par les trafiquants. Mais la corruption, associée à la puissance des cartels, rendent la tâche difficile, et les victimes sont toujours plus nombreuses.
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00:00 [Sirènes]
00:05 Ciudad Juárez, Mexique.
00:07 À 500 mètres de la frontière avec les États-Unis.
00:11 [Sirènes]
00:14 Décembre 2010, il est midi et demi ce jour-là.
00:17 Deux hommes viennent d'être exécutés dans leur voiture en plein centre-ville.
00:21 Nous arrivons en même temps que la police.
00:24 - 3 balles, 3 impacts.
00:27 [Sirènes]
00:31 - Vous avez vu quelque chose ?
00:33 - Non, non.
00:34 [Sirènes]
00:39 - Moi j'ai vu ! La voiture elle est partie par là.
00:42 Une voiture de police s'est lancée à la poursuite des tueurs.
00:46 Les autres policiers leur emboîtent le pas.
00:49 [Sirènes]
00:56 - Allez, va-là-dessus.
00:57 Une course-poursuite s'engage.
00:59 Elle se termine 2 km plus loin par un accident.
01:05 [Sirènes]
01:07 Deux véhicules de police se sont rentrés dedans.
01:09 Les tueurs, eux, se sont enfuis.
01:13 Ils ont abandonné leur voiture un peu plus loin.
01:18 Une scène quotidienne dans cette ville.
01:23 Certains jours, on relève jusqu'à 20 cadavres.
01:26 Une guerre pour le contrôle du trafic de drogue
01:28 qui a fait plus de 3000 morts en 2010,
01:31 rien qu'à Ciudad Juález, 15 000 à travers tout le Mexique.
01:34 La drogue menace de faire basculer un pays tout entier.
01:39 [Musique]
01:59 Ciudad Juález, c'est une ville d'un million 200 000 habitants
02:03 prise au piège de la guerre de la drogue.
02:07 La ville est collée à la frontière américaine.
02:09 C'est un des principaux points d'entrée de la drogue vers les Etats-Unis,
02:13 premier pays consommateur du monde.
02:15 La c*****e arrive d'Amérique du Sud,
02:17 principalement de Colombie, par 3 routes principales.
02:19 Ces routes sont contrôlées par des gangs,
02:23 ici, on appelle ça des cartels.
02:25 Cartel de Tijuana, cartel de Sinaloa, du Golfe,
02:29 ou encore cartel de Juález.
02:35 5 ponts relient la ville mexicaine à la ville américaine d'El Paso,
02:39 de l'autre côté du Rio Grande.
02:41 À pied ou en voiture, une véritable marée humaine
02:45 traverse chaque jour dans les deux sens,
02:47 20 millions de passages par an.
02:49 Un millier de douaniers américains sont chargés de surveiller ces ponts.
02:53 Pour eux, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
02:57 En 2010, plus de 40 tonnes de drogue ont été découvertes ici.
03:03 À peine sommes-nous arrivés ce jour-là qu'ils font une première saisie.
03:09 De la m*******e dans une voiture,
03:13 31 kilos et 16 grammes.
03:15 - Cette cargaison représente une valeur de 54 960 dollars à la revente.
03:23 Moins de 20 minutes plus tard,
03:27 ils interceptent une coccinelle, immatriculée au Texas.
03:31 - Ça va ?
03:33 À l'intérieur, 18 kilos supplémentaires,
03:37 soigneusement dissimulés et empaquetés.
03:40 De la m*******e.
03:42 - C'était un citoyen américain, 21 ou 22 ans.
03:49 - Et ça arrive souvent ?
03:52 - Ah oui, c'est très courant. Ça arrive tous les jours.
03:55 Le jeune citoyen américain risque plusieurs années de prison ferme,
03:59 comme cette mère de famille qui transportait les 31 kilos de m*******e
04:03 accompagnée de son fils de 13 ans.
04:05 Pour les cartels, des pertes négligeables.
04:09 Les saisies les plus spectaculaires sont effectuées côté mexicain.
04:15 Ce jour d'octobre 2007,
04:17 les commandos de marine de Mexico présentent les 23 tonnes de m*******e
04:21 saisies dans des conteneurs sur le port de Manzanillo.
04:27 Au total, les exportations de drogue vers les Etats-Unis
04:31 représentent 40 milliards de dollars par an,
04:34 plus que les exportations pétrolières du Mexique.
04:38 Les policiers saisissent aussi l'argent de la drogue.
04:42 Dans une villa à Mexico, le record toute catégorie sur ces images.
04:46 205 millions de dollars en liquide découvert en 2007.
04:50 Il a fallu 7 jours aux policiers pour tout compter.
04:55 Des narco-dollars qui devaient être recyclés
04:57 dans les entreprises et les banques du Mexique,
04:59 mais aussi des Etats-Unis.
05:01 Et c'est pour ce pactole que la ville de Ciudad Juarez,
05:06 à la frontière entre les deux pays, a basculé dans le chaos.
05:10 Dans cette chaîne de télévision locale,
05:15 Agustin est journaliste.
05:17 Il prépare sa caméra pour une nuit de reportage.
05:21 En 4 ans, il a vu la situation dégénérer.
05:25 Beaucoup de gens nous ont catalogués comme des reporters de guerre.
05:33 Alors qu'il ne s'agit pas d'un conflit entre pays,
05:37 mais d'une guerre entre groupes de délinquants.
05:40 Avec nous, au milieu de ces événements.
05:45 Un soir de 2008, sa vie a failli basculer.
05:50 - Je vais vous montrer une vidéo.
05:52 C'est moi qui l'ai tournée.
05:57 Ce jour-là, il y avait cette camionnette abandonnée.
06:04 - La camionnette abandonnée est en train d'être inspectée par les policiers.
06:09 A priori, une scène anodine.
06:11 - Je suis descendu de ma voiture, j'ai commencé à tourner.
06:15 J'avais confiance, il y avait des policiers fédéraux partout.
06:19 Soudain, Agustin va filmer une véritable scène de guerre.
06:23 Les tireurs sont postés de l'autre côté de la rue.
06:32 La camionnette était un guet-apens des narcos contre les policiers.
06:39 5 minutes d'échange de tir ininterrompus devant ce fast-food.
06:43 Un cuisinier est grièvement blessé.
06:47 - Soulevez-vous !
06:49 - C'est devenu très compliqué de travailler ici.
06:55 Quand tu pars de chez toi, tu ne sais pas si tu vas rentrer vivant à la maison.
07:00 Nous sommes dimanche après-midi.
07:03 Personne ne sait vraiment pourquoi, mais statistiquement, c'est le pire jour de la semaine.
07:08 - On vient de me dire qu'il y avait un mort.
07:15 - Attendez.
07:17 - Je t'écoute.
07:19 - Un mort ?
07:21 - OK, j'arrive.
07:23 2 centres de désintoxication ont été visés dans un règlement de compte.
07:32 Les centres sont des cibles privilégiées,
07:36 car c'est là que les cartels retrouvent clients et revendeurs qui leur doivent de l'argent.
07:41 - Il y a des morts, ici ?
07:43 - Oui, oui.
07:45 1, 2, 3 dans le centre de réhabilitation, là-bas.
07:49 - Bon, tu notes. Il y en a 3 ici et 5 morts là-bas.
07:52 8 morts dans 2 attaques coordonnées à 500 m de distance.
07:57 - En plus, ils ont utilisé des grenades.
08:00 Pour Agustin, commence la quête impossible des témoignages.
08:05 - Je suis là pour les témoignages.
08:07 - Je suis là pour les témoignages.
08:09 - Commence la quête impossible des témoignages.
08:11 - Madame, c'est votre frère ?
08:14 - Oui, il est sorti, il est là.
08:16 - Comment va-t-il ?
08:18 - Sain et sauf.
08:20 - Il se sent bien ? - Oui.
08:22 - On peut se parler un petit peu ?
08:24 - Non, non, non, c'est trop risqué.
08:26 - On te filme de dos. Non, on te filme de dos.
08:29 On te filme de dos avec une cagoule sur la tête.
08:33 - C'est trop risqué, c'est trop risqué.
08:35 - Ne vous inquiétez pas, on ne le reconnaîtra pas.
08:38 - Je veux juste savoir ce qui s'est passé et ce que tu faisais ici.
08:42 Vous ne voulez pas ? Dommage.
08:46 Rien à faire. Même témoigner à la télé peut signer votre arrêt de mort.
08:51 De nuit comme de jour, le massacre est quotidien.
08:58 Que ce soit cet homme d'une trentaine d'années abattu dans un faubourg
09:04 ou en plein centre-ville, la guerre de la drogue débarque partout sans prévenir.
09:09 Même au supermarché, comme ici où un policier vient d'être abattu au premier étage
09:14 de ce centre commercial.
09:17 En une semaine, à Juarez, nous avons filmé 40 cadavres.
09:24 Seuls les mafieux qui se font la guerre savent vraiment pourquoi on tue ici.
09:31 Rivaux en affaires, témoins gênants, revendeurs endettés
09:35 ou comme celui-ci, victime tatouée en guise d'avertissement aux traîtres.
09:40 Dans cette région, deux organisations de trafiquants se font la guerre.
09:49 D'un côté, le cartel de Juarez, la mafia historique de la ville
09:54 que dirige Vicente Carillo Fuentes, 50 ans, le viceroy.
09:59 De l'autre, Joaquin Guzman de El Chapo, 54 ans, chef du cartel de Sinaloa.
10:05 Un petit narco devenu en 10 ans le parrain le plus puissant du pays.
10:09 Aujourd'hui parti à la conquête de la ville.
10:12 Des noms que tout le monde connaît mais que les journalistes locaux
10:16 évitent de prononcer dans leurs reportages.
10:19 - Depuis que cette guerre de la drogue entre les cartels a commencé,
10:25 ça empire de jour en jour.
10:27 Ce qui nous maintient en vie est de faire attention à ce que tu ne dois surtout pas dire.
10:32 On se censure.
10:34 Dans ce que tu racontes au quotidien ici, tu dois te limiter au fait
10:38 d'écrire la scène de crime et rien d'autre.
10:41 Ça revient à brider la liberté d'expression,
10:44 à limiter ce dont une société normale a besoin.
10:48 Pour comprendre l'origine de cette violence,
10:55 direction Washington, D.C., au siège de la DEA,
10:59 le département antidrogue des Etats-Unis.
11:02 Pour l'agent spécial Herman Blanco, tout a commencé dans les années 80,
11:08 quand les stups américains ont fermé la route maritime
11:11 de la co***** sud-américaine qui passait par la Floride et Miami.
11:15 Seule solution pour les cartels colombiens de Cali et Medellin,
11:20 passer par le Mexique.
11:23 Les Colombiens ont commencé à se servir des Mexicains.
11:26 Au début, ils les payaient en liquide.
11:28 Mais quand les Mexicains perdaient une cargaison,
11:31 ce sont les Colombiens qui perdaient leur mise.
11:34 Du coup, les Colombiens, en hommes d'affaires avisés qu'ils sont,
11:37 ont décidé de partager avec leurs transporteurs la propriété de la cargaison.
11:41 Par exemple, quand un cartel colombien avait 100 kg de co***** à faire rentrer aux Etats-Unis,
11:46 il payait son transporteur mexicain en co*****.
11:49 Il leur en rétrocédait 25 ou 30 kg.
11:52 Du coup, les Mexicains se sont retrouvés avec 25, 30 % des cargaisons à revendre eux-mêmes
11:57 pour la convertir en argent liquide.
11:59 Et c'est comme ça que les Mexicains ont réellement pris pied dans le business de la co*****.
12:03 Avec la fin des grands cartels colombiens dans les années 90,
12:07 les anciens transporteurs mexicains se sont imposés comme les cartels les plus puissants du monde.
12:12 À la frontière, Acuna est un autre point de passage du trafic de co*****
12:17 sur le rio Grande.
12:20 Côté américain, après 11 ans dans un pénitencier du Texas pour trafic de drogue,
12:28 Oden vient de retrouver la liberté.
12:31 Son père a été le précurseur du trafic de co***** à cet endroit.
12:36 Il y a beaucoup d'industries, d'usines par ici.
12:41 Le transport se fait dans ces semi-remorques.
12:43 Ce sont des camions comme ceux-là qui servent aussi à transporter la drogue vers le reste du pays.
12:49 Son réseau opérait ici jusqu'à la fin des années 90.
12:54 Depuis, les Américains ont construit une clôture contre les clandestins.
12:58 Ça change un peu, bien sûr.
13:01 Mais à ma connaissance, la drogue passe toujours ici.
13:04 Les gens qui apportaient les paquets de drogue venaient à pied jusqu'ici.
13:09 Ils attendaient que le véhicule passe.
13:12 Juste ici, là où nous sommes.
13:14 Soit on récupérait tout le monde ou juste la marchandise,
13:18 et puis on filait, cachait tout ça dans des hangars.
13:21 On attendait quelques jours et puis on l'envoyait vers le nord.
13:26 Oden vit aujourd'hui en liberté conditionnelle dans cet appartement,
13:32 bien décidé à ne jamais redormir en prison.
13:35 Et voilà ma chambre.
13:40 Le lit est bien plus grand que là-bas.
13:42 Au milieu des années 80, la m**** faisait vivre des villages entiers, en famille.
13:48 Et puis la c**** est arrivée, 100 fois plus rentable.
13:51 Au début, mon père transportait de la m**** du Mexique aux Etats-Unis.
13:56 Et puis un jour, il a rencontré des Colombiens.
14:00 Ils acheminaient de la c**** par avion jusqu'au Mexique,
14:04 et de là, dans tous les Etats-Unis.
14:06 Dans la famille, on est 7.
14:09 6 garçons et une fille, ma soeur.
14:12 - Et combien ont été impliqués dans le trafic ?
14:15 - Si je fais le compte, on est 5.
14:21 Avec l'arrivée de la c****,
14:26 les artisans du trafic vont s'organiser en cartel et commencer à se faire la guerre.
14:34 D'autres trafiquants ont entendu dire que mon père s'était mis à acheminer de la c****
14:39 et qu'il se faisait plus d'argent qu'eux avec.
14:41 Alors ils ont voulu leur part du gâteau.
14:43 C'est ce qui a attiré la concurrence.
14:45 Ils ont voulu la drogue des Colombiens et prendre le bénéfice qui allait avec.
14:49 Depuis, les cartels mexicains fournissent plus de 90% de la drogue vendue aux Etats-Unis.
14:58 Et ils éliminent tous ceux qui se mettent en travers de leur route.
15:02 Retour à Juarez, à l'heure de la sortie des écoles.
15:05 Dans cette rue, 4 nouveaux morts dans une embuscade, abattus quelques minutes plus tôt.
15:13 - Qu'est-ce qui se passe ?
15:16 - Je sais pas. Il paraît qu'on a buté des flics.
15:19 4 policiers abattus et aussi 2 blessés.
15:24 Un enfant a également été touché.
15:28 Les policiers avaient été appelés pour une urgence dans le quartier.
15:32 Ils ont été mitraillés à bord de leur voiture.
15:34 À leur arrivée, les tueurs ne leur ont laissé aucune chance.
15:38 - Je voulais vous demander...
15:41 Mon fils patrouillait dans le quartier et elle, c'est sa femme.
15:44 - Il patrouillait dans quelle voiture ? - Dans celle-là.
15:46 - Celle qui est là-bas ? - Oui.
15:55 - C'est une vraie femme.
15:58 - Je vais vous demander son nom, s'il vous plaît.
16:09 - Gutierrez. - Gutierrez comment ?
16:11 - Andrés Gutierrez. - Andrés Lucero Gutierrez ?
16:14 - À paraître, oui. - Ah oui ?
16:16 J'ai peur que ce soit bien lui.
16:18 On finit les premières constatations et ensuite, vous pourrez venir l'identifier.
16:21 Mais je crains que ce ne soit bien lui.
16:25 - Et cette dame, c'est qui ?
16:27 - Elle, c'est ma belle-fille, la femme d'Andrés.
16:30 Et moi, je suis son père.
16:33 Les corps ont été alignés par terre, près du véhicule.
16:52 2 jours plus tard, dernier adieu pour le policier.
16:56 Andrés Gutierrez avait 34 ans.
16:59 À la veillée funèbre familiale, des collègues de la police défilent en silence...
17:05 ...devant sa dépouille, sa femme et ses enfants.
17:09 Les policiers ont-ils été victimes de leurs devoirs...
17:13 ...ou bien abattus parce qu'ils travaillaient pour un cartel ?
17:17 Dans cette guerre, le soupçon de corruption est partout.
17:22 Le père d'Andrés est un ancien commando de marine.
17:25 Il ne voulait pas que son fils entre dans la police.
17:29 - Un jour, il m'a dit "Tu sais, papa, je vais intégrer l'académie.
17:38 Je vais devenir policier."
17:44 Je lui ai dit "Mais tu sais qu'être policier, cela veut dire être corrompu ?"
17:50 Il m'a répondu "Non, papa, ce ne sera pas mon cas."
17:54 Moi, j'ai connu des policiers de mon temps...
18:00 ...ils étaient tous corrompus.
18:03 Ils arrivaient en patrouille, garaient leur 4x4 sur un parking.
18:07 Une camionnette arrivait et les policiers eux-mêmes chargeaient les paquets de drogue...
18:11 ...dans leurs propres voitures.
18:14 Andrés a vite compris qu'il ne pourrait pas échapper à la guerre.
18:18 Et qu'il ne pourrait pas échapper à la règle des cartels.
18:22 - Il m'avait dit un jour "Soit j'entre dans la combine, soit je n'en sortirai pas vivant."
18:30 Et je pense que c'est ce qui lui est arrivé.
18:34 C'est ça notre Mexique.
18:39 Corrompu jusqu'à la corde.
18:42 Malheureusement.
18:45 ...
18:53 - 3 jours plus tard, dans les rues de Ciudad Juarez...
18:56 ...funérailles en grande pompe pour Andrés et ses 3 compagnons assassinés.
19:00 Le gouverneur de l'Etat, César Duarte, a fait le déplacement.
19:09 Depuis 2 ans, il a lancé une vaste épuration dans les rangs de la police.
19:13 Des milliers de policiers locaux ont été limogés pour corruption.
19:17 Un nouveau service de police a été mis sur pied de toute pièce.
19:21 Un travail de reconstruction qui n'empêche pas les cartels...
19:24 ...d'avoir encore de nombreux alliés dans les commissariats.
19:27 Pour le gouverneur, la police a encore un long chemin à parcourir...
19:31 ...pour reconquérir son honneur perdu.
19:39 - Le sang héroïque versé par ces 4 policiers de Juarez...
19:43 ...est un héritage d'honneur que vous devez relever...
19:46 ...dans cette étape de reconstruction de votre grande corporation.
19:50 Prudence ou omission, pas une fois dans son discours...
19:54 ...il ne prononcera ni le mot "narco", ni "drogue", ni "cartel".
19:58 - Garde, garde !
20:00 - Appunteur !
20:02 - Appunteur !
20:07 - Fuego !
20:09 Après la salve d'honneur lors d'une conférence de presse improvisée...
20:13 ...le gouverneur se veut pourtant optimiste.
20:16 - Monsieur le gouverneur, une question pour la télé française.
20:21 - Comment allez-vous faire pour mettre fin à la violence à Froalez ?
20:26 - Malheureusement, la violence s'est emparée de toute la région.
20:29 - Mais regardez l'Italie. Là-bas, ils ont réussi à inverser cette tendance.
20:32 - Nous aussi, nous y travaillons.
20:34 - Ici, dans l'état du Chihuahua, nous réussirons à faire comme en Colombie.
20:38 - Je n'ai aucun doute là-dessus.
20:40 Dans ce western mexicain où la corruption de policiers...
20:54 ...d'hommes politiques, de magistrats est la clé de voûte du pouvoir des cartels...
20:58 ...l'armée est devenue le dernier rempart.
21:01 À Mexico City, en 2006, le Mexique a un nouveau président.
21:07 Il s'appelle Felipe Calderón.
21:10 Et sa première décision en décembre est de faire appel aux militaires...
21:14 ...pour tenter d'endiguer la mainmise des cartels sur le pays.
21:22 - Aujourd'hui, je voudrais souligner ici l'action des forces armées...
21:26 ...de la marine et de l'armée de l'air...
21:29 ...pour leur engagement permanent dans la lutte contre nos ennemis...
21:33 ...que sont le crime organisé et plus particulièrement le trafic de drogue.
21:38 L'armée contre les cartels.
21:46 Une idée mexicaine financée à hauteur de 1 milliard de dollars par les Etats-Unis.
21:50 50 000 hommes pour lutter contre les trafiquants.
21:53 Aujourd'hui, opération contre des plantations de ******...
21:56 ...dans les montagnes de l'état du Sinaloa, dans l'ouest du Mexique.
22:00 Une opération façon Vietnam à laquelle nous a convié le général Moïse Melogarcia...
22:07 ...qui dirige la 9ème région militaire.
22:10 Entouré de ses gardes du corps des forces spéciales mexicaines...
22:13 ...c'est pour nous qu'il est là ce jour-là.
22:16 ...
22:20 -Dans ce genre de situation, c'est déjà arrivé...
22:24 ...qu'on se fasse attaquer par les délinquants...
22:27 ...quand on arrive sur leur plantation.
22:30 Ce matin, les militaires ont repéré une dizaine de petites parcelles...
22:35 ...perdues dans la végétation, comme celle-ci...
22:38 ...grande comme la moitié d'un terrain de foot.
22:41 Les trafiquants devaient la récolter deux semaines plus tard.
22:44 -Nous, on est là, et je peux vous assurer qu'ils ne sont pas loin.
22:49 -Ils doivent être là-haut, en train de nous observer.
22:54 -Ils ne perdent pas une miette de ce que nous sommes en train de faire.
22:57 Sous bonne garde, l'arrachage peut commencer.
23:01 Le général lui-même met la main à l'ouvrage.
23:07 -C'est important de faire ça.
23:11 -Moi, en faisant ça, je fais mon devoir.
23:14 Plusieurs champs seront arrachés et brûlés ce jour-là.
23:19 Pour le général, nous emmener ici est une opération de communication assumée.
23:24 -Il faut que tout le monde sache ce que nous faisons.
23:30 Que les forces armées appliquent les ordres qui leur ont été donnés...
23:35 ...par l'état-major, par monsieur le ministre de la Défense...
23:38 ...et monsieur le président.
23:41 -Des destructions de ***** et des saisies de *****...
23:45 ...mais aussi une démonstration de force...
23:48 ...destinée à reprendre le contrôle des villes...
23:51 ...parfois tombées carrément aux mains des narcos.
23:54 L'armée organise des patrouilles incessantes...
23:57 ...et des fouilles pour déranger les trafiquants.
24:00 Le but, couper les routes de la drogue vers le nord, vers les Etats-Unis.
24:06 -Cette route, c'est un accès stratégique.
24:11 Si vous continuez tout droit, c'est par ici qu'il faut rentrer...
24:16 ...et sortir la drogue, les armes et l'argent.
24:20 Ce jour-là, ils ne trouvent rien de tout cela.
24:27 Retour à la base.
24:31 SIRENE
24:34 -Dans un coin de la garnison, 10 tonnes de *****...
24:39 ...mais aussi des dizaines de kilos de *****, de *****...
24:43 ...et de ***** saisies par les militaires en un an et demi.
24:47 Et aussi la flotte de 850 véhicules...
24:50 ...confisqués aux narcos en 3 ans de guerre dans la région du Sinaloa.
24:55 Parmi sa collection de saisies, le général nous montre ses plus belles prises.
25:02 SIRENE
25:05 -Cette cachette, c'était pour l'argent, la drogue, les munitions et les armes.
25:18 -Là, derrière, vous pouvez ranger des armes automatiques, des fusils d'assaut.
25:24 -Ce véhicule-là est blindé.
25:28 -Regardez l'épaisseur du blindage. 7 cm, le niveau maximum.
25:34 -Ce blindage, c'est mieux que du militaire.
25:39 -Et ça pèse son poids.
25:41 -Tout le bas de caisse a été blindé en Kevlar.
25:48 -En cas d'attaque à la grenade, ils sont protégés.
25:53 -Mais ce que préfère le général, c'est le gadget à la James Bond de cette voiture.
25:58 -Et là, c'est pour lancer des gaz lacrymogènes.
26:02 -Quelqu'un peut appuyer sur le bouton ?
26:05 -Le gaz est très puissant.
26:09 -Le gaz est censé éloigner les assaillants...
26:14 ...pendant que les occupants de la voiture repliquent.
26:17 -Et ça marche.
26:22 -Des véhicules blindés, mais aussi des armes de guerre,
26:25 des fusils d'assaut et des armes ultramodernes
26:28 destinées à lutter contre les gangrivaux et les forces spéciales mexicaines.
26:33 -Cette arme automatique apporte particularité de tirer des balles
26:41 qui percent les gilets.
26:43 Ici, au Mexique, on l'a surnommée la tueuse de flics.
26:50 -Les pistolets et les kalachnikovs dorés ont été trempés dans des bains d'or.
26:55 C'est une coquetterie réservée aux capots, les chefs.
26:59 La plupart de ces armes viennent des Etats-Unis.
27:04 Finalement, vous avez un double problème avec les Etats-Unis.
27:11 -C'est vrai. A l'aller, nous devons chercher la drogue qui vient d'Amérique du Sud.
27:16 Et au retour, ce sont des armes qui reviennent au Mexique
27:21 et que nous devons chercher.
27:23 C'est une des causes du problème que nous vivons.
27:27 -Dans l'entrepôt, des milliers d'armes comme celle-là, soigneusement numérotées.
27:33 Drogue, armes et chasse à l'homme.
27:39 Les milliers de soldats, commandos de marine et policiers fédéraux
27:43 ont ordre de capturer, morts ou vifs, les membres des cartels.
27:47 Chaque opération comme celle-ci est filmée et fournie aux médias.
27:51 En 4 ans, plusieurs dizaines de tueurs et de trafiquants
27:57 ont ainsi été abattus, arrêtés...
28:00 ...voire extradés vers les Etats-Unis,
28:04 qui financent en partie cette opération de nettoyage.
28:09 Le cartel de la région du Michoacan, dans l'ouest du pays,
28:13 a ainsi été quasiment démantelé en décembre 2010.
28:17 Pour le gouvernement mexicain qui fournit ces images,
28:22 une guerre qui marque des points.
28:24 Sauf que la faim de chaque parrain relance les guerres de succession.
28:28 -Tant qu'il y aura une demande pour tous ces produits illicites,
28:38 comme la c***, la p***, les p***, la p***,
28:42 ou n'importe quelle autre drogue,
28:44 il y aura toujours quelqu'un pour vous la fournir.
28:47 Donc quand vous coupez une tête, il y en a 10 qui repoussent.
28:50 Mais ce que le gouvernement mexicain est en train de faire,
28:53 c'est d'essayer de briser la puissance des trafiquants,
28:56 de ramener le trafic de drogue à un niveau gérable.
28:59 En attendant, la guerre se propage
29:02 entre les principaux cartels de la drogue du pays.
29:05 Un cartel, celui de Sinaloa,
29:07 est en train de prendre le pouvoir sur les autres
29:10 de façon extrêmement meurtrière.
29:12 Son chef, Joaquin Guzman Loera, dit El Chapo, le petit gros,
29:16 a même eu les honneurs du magazine Forbes,
29:19 classé parmi les hommes les plus riches du monde.
29:22 10 ans auparavant, pourtant, Guzman croupissait
29:24 pour de longues années derrière les barreaux,
29:26 quand il s'est mystérieusement enfui
29:28 de la prison la plus sécurisée du pays.
29:30 La tête d'El Chapo est aujourd'hui mise à prix
29:33 de 5 millions de dollars par les Américains.
29:36 A Mexico, une journaliste vit sous protection policière
29:45 à cause d'un livre explosif.
29:47 Elle y affirme que si le cartel de Sinaloa
29:49 est en train de prendre le pouvoir,
29:51 ce serait grâce à l'aide de complicités
29:53 au sommet de l'État.
29:55 Annabelle Hernández a enquêté pendant 5 ans.
29:58 Elle s'est procuré les procès-verbaux
30:00 de dizaines d'affaires étouffées,
30:02 des dépositions d'anciens policiers
30:04 ou de généraux corrompus
30:06 et des rapports confidentiels de la DEA américaine.
30:09 Annabelle affirme que les gouvernements mexicains successifs
30:12 sont impliqués depuis des années au plus haut niveau
30:15 avec les cartels de la drogue.
30:17 - Avant, le gouvernement fédéral
30:22 avait une tolérance pour tous les cartels.
30:25 Chacun avait son territoire.
30:28 Jamais ils n'empiaitaient sur celui du voisin.
30:32 Chacun travaillait dans son coin
30:34 sans chercher à envahir le territoire de l'autre.
30:37 - Un véritable pacte entre les cartels
30:40 et le vieux parti au pouvoir pendant 70 ans.
30:43 Mais en 2000, c'est l'alternance.
30:45 Vicente E. Fox est élu président du Mexique.
30:48 Il appartient au parti de l'Alliance nationale, le PAN.
30:52 Le même que celui du président Felipe Calderón, élu en 2006.
30:57 Pour obtenir leur part du gâteau,
30:59 les hommes du nouveau parti au pouvoir
31:01 auraient décidé de favoriser le cartel de Sinaloa
31:04 contre les autres.
31:06 - Ce qui a changé, c'est que dès son investiture,
31:12 le président Fox a décidé de mettre fin
31:15 à la protection de tous les cartels,
31:18 pour en choisir un seul, le cartel de Sinaloa.
31:22 Et c'est grâce à cette protection
31:24 que le cartel de Sinaloa a pu commencer sa guerre contre les autres.
31:28 Ce n'est pas une guerre contre le trafic de drogue,
31:31 mais une guerre entre les cartels pour le contrôle du trafic
31:35 à laquelle le gouvernement participe
31:37 en aidant une des parties à l'emporter sur les autres.
31:41 - À en croire Annabelle Hernández,
31:44 une partie de l'armée et de la police fédérale
31:47 serait au coeur de ces soupçons de complicité.
31:50 Nous sommes retournés interroger les militaires que nous avions filmés.
31:54 Nous les retrouvons à Culiacán,
31:56 la capitale de la région de Sinaloa,
31:59 le bastion de Chapo Guzmán.
32:01 Ici, si les caveaux de famille ressemblent à des mausolées,
32:04 c'est que le Sinaloa est le berceau historique
32:07 de nombreux chefs du trafic de drogue au Mexique.
32:10 Et Culiacán, avec ses belles villas sur les hauteurs,
32:15 prospérerait grâce au trafic de drogue.
32:18 (Bip)
32:20 (Voix en anglais)
32:22 - Ce quartier de la ville de Culiacán
32:26 est connu pour abriter les parvenus du crime organisé.
32:31 - Et vous pensez que Chapo Guzmán est par ici ?
32:36 - Oh ! Chapo Guzmán, vous savez,
32:39 personne ne sait où il est, c'est un peu une légende.
32:42 Certains disent qu'il est ici, dans le Sinaloa.
32:45 D'autres l'ont vu au Honduras.
32:47 Il y en a même qui l'ont vu en Europe.
32:50 Ce n'est pas de mon ressort.
32:52 Avec tous les moyens qu'il a, on ne sait pas où il se trouve.
32:55 Mais bien sûr que si un jour, on a les indices
32:58 pour remonter jusqu'à lui, on ira l'arrêter.
33:01 - Retour à la base. Le quartier général
33:05 d'où partent toutes les opérations militaires dans la région
33:08 et que dirige le général Melo García.
33:11 Il y en a qui affirment que le parti au pouvoir
33:16 aide le cartel de Sinaloa.
33:19 - Vous savez, ce genre d'analyse, ce n'est pas notre travail.
33:24 Nous, nous ne sommes que des exécutants.
33:29 Il faut aller poser la question à un niveau supérieur.
33:34 Moi, ce que je sais, c'est que ma mission,
33:37 c'est d'arrêter des délinquants du crime organisé,
33:40 quel que soit le groupe auquel ils appartiennent.
33:45 Je ne m'intéresse à aucun trafiquant,
33:48 aucun cartel en particulier.
33:51 J'ai ordre de rechercher et d'éradiquer tous les groupes criminels.
33:54 Le fait est que le cartel de Chapo Buzman
34:01 progresse sur tous les fronts.
34:04 La guerre vient de franchir un nouveau palier dans l'horreur.
34:07 Des charniers du trafic de drogue ont fait leur apparition
34:10 et se multiplient, comme celui-ci que nous avons filmé
34:13 début janvier à l'ouest de Ciudad Juarez.
34:16 Policiers de l'identité judiciaire et militaires
34:19 en ont dégagé 5 corps, victimes d'exécutions sommaires.
34:22 Au Mexique, on les appelle des narcofossas,
34:29 des fosses communes dans lesquelles les narcos
34:32 font disparaître leurs adversaires.
34:35 D'une balle dans la nuque, étranglée, parfois décapitée,
34:38 très souvent torturée.
34:41 Cette fosse-là est le 2e charnier découvert à quelques semaines d'intervalle,
34:44 non loin du village de Palomas.
34:47 5 cadavres dans l'un, 20 dans l'autre.
34:52 Pourtant, avant la guerre, Palomas était un charmant
34:58 petit bourg frontalier de 5000 habitants.
35:01 Niché à la frontière avec le Nouveau-Mexique,
35:07 avec ses mariachis et ses vendeurs de sombreros.
35:11 Aujourd'hui, fini le tourisme médical qui attirait
35:14 des centaines de visiteurs nord-américains,
35:17 il y a moins de 2 ans.
35:20 Le maire, qui refusait la loi des gangs,
35:25 a fini carbonisé dans sa voiture 10 mois plus tôt.
35:37 Comme souvent, l'église est devenue le refuge des habitants désemparés.
35:40 Le prêtre Padré Antonio tente de réconforter ses ouailles,
35:43 comme il peut.
35:46 - Dans ce moment de désespoir, on ne sait plus quoi faire.
35:56 On est submergés.
35:59 Il ne reste qu'à demander la protection divine.
36:02 - Et est-ce que parmi vos paroissiens, vous avez des narcos ?
36:05 - A ma connaissance, non.
36:08 - Le problème, c'est que nous, les gens honnêtes,
36:16 nous n'avons pas d'armes. Ce sont les méchants qui sont armés.
36:19 - A l'heure de la messe, ce dimanche,
36:26 la petite communauté est encore sous le choc
36:29 de la découverte des 2 charniers.
36:32 - On va tous partir à la mort.
36:35 - En le nom du Père, du Ligo et du Espirit-Saint.
36:38 - Amen.
36:41 - Aujourd'hui, nous allons prier pour le repos éternel
36:44 des morts des fausses communes.
36:47 - Des pensamientos, par la parole, pour la vision.
36:50 - Des charniers, mais aussi des paroissiens disparus
36:53 et des habitants terrorisés.
36:56 Sur la place devant l'église, le kiosque est devenu
36:59 le lieu privilégié des cartels pour leur règlement de compte,
37:02 comme ce corps déposé là à l'aube,
37:05 quelques jours après notre passage,
37:08 avec un mot d'avertissement pour son gang.
37:11 Dans le village, tout le monde sait
37:14 qui travaille pour les cartels,
37:17 mais l'omerta est une question de vie ou de mort.
37:20 - Ici, si tu vois quelque chose, il faut la fermer.
37:23 Tu n'as rien le droit de dire.
37:26 Ce qu'il veut dire, c'est qu'il a peur pour sa famille.
37:29 Ils sont capables de s'en prendre à elle, vous savez.
37:32 Ils viennent, ils t'enlèvent, et puis...
37:35 - Qui sont-ils ?
37:43 Qui sont les assassins ? Et qui sont les victimes ?
37:46 A chaque massacre, les familles de disparus
37:49 partent à la morgue, à la recherche du corps de leurs proches.
37:55 - Justina cherchait son frère Carmino
37:58 depuis 5 semaines,
38:01 parti en week-end à Palomas avec son copain Lorenzo,
38:04 lui aussi disparu.
38:07 Avec ses 2 nièces et Guadalupe, la femme de Carmino,
38:10 elles vont tenter d'identifier l'un des corps de Palomas.
38:13 - Ça faisait 5 semaines de cauchemar
38:16 depuis qu'il avait disparu.
38:19 On ne savait pas dans quel état on allait le retrouver.
38:22 On pensait qu'on les avait retrouvés sans tête.
38:25 Il y en a même qui sont venus présenter leurs condoléances à ma mère.
38:28 En fait, personne ne savait rien.
38:31 On a cherché dans toutes les morgues de la région.
38:34 On est même partis à cheval chercher son corps dans les collines.
38:37 Quand des cadavres étaient retrouvés,
38:40 on nous appelait pour reconnaître des corps,
38:43 mais ce n'était jamais le sien.
38:46 - Nous n'aurons pas le droit d'accompagner Justina et Guadalupe
38:49 dans la morte de Palomas, un des cadavres de Ciudad Juarez.
38:52 Un des corps était bien celui de Carmino,
38:55 exécuté d'une balle dans la nuque.
38:58 D'origine mexicaine,
39:01 Carmino et Lorenzo, son copain,
39:04 étaient citoyens des Etats-Unis.
39:07 Ils venaient de Deming, au Nouveau-Mexique,
39:10 à 50 km au nord de Palomas.
39:13 Smicards du trafic de drogue
39:16 ou victimes collatérales de la guerre des cartels,
39:19 la mère de Lorenzo ne sait pas.
39:22 - Je ne peux pas vous assurer avec certitude
39:29 s'il était dans la drogue ou pas,
39:32 mais tous ceux qui le connaissaient disaient de lui
39:35 que c'était quelqu'un de bien.
39:38 Encore une fois, comment être sûr ?
39:41 Mais je sais qu'il était travailleur, responsable.
39:44 - Carmino vivait dans cette chambre, chez ses parents.
39:47 Depuis le 1er jour de sa disparition,
39:50 un horrible doute ronge cette famille.
39:53 Quel rôle ont joué l'armée et la police dans sa mort ?
39:56 - Mon fils m'a téléphoné.
39:59 Il m'a dit "Maman, je viens de me faire arrêter à un barrage".
40:02 Le lendemain, moi, je suis allée à la mairie de Palomas.
40:05 J'ai dit au policier "Excusez-moi, mais je suis très inquiète".
40:08 Quand mon fils m'a téléphoné hier,
40:11 il m'a dit qu'on l'avait arrêté. Êtes-vous au courant ?
40:14 Et là, le policier s'est mis à me hurler dessus.
40:17 Moi, j'ai tenté de le calmer, de lui dire que je lui en voulais pas,
40:20 à lui, personnellement, que j'étais juste venue voir
40:23 si mon fils n'était pas dans leur prison.
40:26 Il m'a de nouveau hurlé dessus.
40:29 "Je te dis qu'on n'a pas enlevé ton fils". Enlevé.
40:32 A aucun moment, il ne m'avait demandé son nom.
40:35 Et j'ai compris qu'il avait vu ce qui avait enlevé mon fils.
40:38 - Certains pensent ici que ces charniers
40:41 n'ont pas été creusés par les cartels pour cacher leur règlement de compte,
40:44 mais sont l'oeuvre de militaires qui travaillent pour les trafiquants.
40:47 La famille Coral raconte la même histoire.
40:53 Car Guadalupe, elle aussi, était partie à la recherche
40:56 de son mari Carmino dans les rues de Palomas,
40:59 une quête qui la menait à l'armée.
41:02 - A l'entrée de Palomas,
41:06 on est tombés sur un barrage de l'armée,
41:09 ceux qui ont entrayé Couleursable.
41:12 Ils se sont marrés au début, et puis après,
41:15 ils nous ont menacés de nous séquestrer.
41:18 Et pendant tout le temps où on était là-bas, ils nous ont suivis.
41:21 Moi, je connais une dame là-bas,
41:24 et ses filles m'ont dit qu'elles avaient bien vu mon mari à Palomas
41:27 et que tout le monde dans le village disait que c'était les soldats
41:30 entre Yssable qui avaient enlevé mon mari et les autres.
41:35 - Réfugié aux Etats-Unis, à 60 km au nord de Palomas,
41:38 le journaliste Emilio Gutiérrez va plus loin
41:41 dans ses accusations contre l'armée.
41:44 Il a fui le Mexique il y a 2 ans après avoir reçu des menaces de mort.
41:47 - Dans plusieurs articles, nous avions dénoncé
41:54 des cas de vol, d'extorsion, des perquisitions illégales
41:57 dans lesquelles trompaient des militaires de la région.
42:02 Et un soir, une de mes amies,
42:05 qui sortait avec un capitaine de l'armée mexicaine,
42:08 les a entendues dire qu'elles allaient venir me tuer.
42:11 Et elle m'a prévenu.
42:14 - Mais l'armée est là pour protéger les citoyens ?
42:19 - Je dirais plutôt que l'armée est le 1er cartel du pays,
42:24 le plus puissant.
42:27 Parce qu'elle est institutionnelle.
42:30 C'est elle qui fait le sale boulot.
42:33 Vous avez vu ces charniers avec tous ces cadavres ?
42:39 Les 2 charniers étaient situés à proximité
42:42 de la même base militaire.
42:45 Des militaires complices.
42:50 Une accusation qui revient de plus en plus souvent
42:53 dans la guerre des cartels.
42:56 Retour au Mexique, à Palomas.
42:59 A la tombée de la nuit,
43:02 les soldats entreillis sable sont là en position
43:05 près du poste frontière.
43:08 Une présence qui n'empêche pas la violence, au contraire.
43:11 Les derniers retardataires se dépêchent
43:14 de traverser la frontière vers les Etats-Unis.
43:17 Palomas se transforme en ville fantôme.
43:20 Les mariachis sont désœuvrés.
43:23 Seuls 2 Américains irréductibles bravent encore la peur.
43:27 Dans un bar en caméra cachée,
43:30 un habitant accepte de nous parler anonymement.
43:33 Il paraît qu'il y a 2 cartels ici.
43:36 Un des cartels, c'est la ligne A de Juarez.
43:39 Et l'autre, c'est Chapo Guzman.
43:42 Lui, il veut conquérir cette ville.
43:45 C'est pour ça qu'il y a toute cette merde ici.
43:48 Il veut conquérir la ville.
43:51 Il veut conquérir la ville.
43:54 C'est pour ça qu'il y a toute cette merde ici.
43:57 Et les militaires ?
44:00 Ils jouent un rôle important.
44:03 On n'est pas sûrs que ce soit de vrais soldats.
44:06 Tu vois ce que je veux dire ?
44:09 On ne sait pas pour qui ils travaillent.
44:12 Ce qu'on sait, c'est que les fédéraux travaillent pour Guzman.
44:18 Et que la police locale, comme à Ciudad Juarez,
44:21 travaille pour l'autre cartel.
44:24 Chapo Guzman, le chef du cartel de Sinaloa,
44:27 serait en train de conquérir Palomas
44:30 et toute la frontière avec les Etats-Unis.
44:33 Et il se dit ici que c'est avec l'aide de l'armée.
44:36 De rue plus loin, un autre témoignage.
44:39 - Et vous pensez que l'armée est appliquée ?
44:42 - Mais non.
44:45 En fait, oui.
44:48 - Oui ou non ?
44:51 Il y avait ces deux types de damings.
44:54 - Ils étaient impliqués.
44:57 Vous savez, je n'ai jamais vu personne mourir sans être impliqué.
45:00 Ils ont joué au plus malin et c'est leur problème.
45:03 Il y a des gens d'autres cartels qui viennent par ici.
45:06 Ils se font ramasser et ils se font descendre.
45:09 Mon mari, à moi, a été tué il y a 5 ans.
45:12 Il travaillait pour un trafiquant qui ne voulait pas le payer.
45:15 Il a été tué.
45:18 - Et c'est possible de les rencontrer, les cartels ?
45:21 - Qui ? Les cartels ?
45:24 Vous voulez rencontrer les cartels ?
45:27 - Je voudrais une explication. Il y en a qui me parleront ?
45:30 - Ça, j'en doute.
45:33 - L'armée.
45:36 Le dernier rempart du Mexique serait-elle aussi gangrénée par les cartels ?
45:39 Nous avons tenté de rencontrer le général
45:42 qui dirigeait la garnison de Palomas au moment des charniers.
45:45 Ce jour-là, on nous a dit qu'il avait été muté
45:48 peu de temps après la découverte des fausses communes.
45:51 Comme dans 90 % des affaires de meurtre dans cette guerre de la drogue,
45:56 aucune enquête n'a permis à ce jour
45:59 de découvrir qui avait rempli les fausses communes de Palomas.
46:02 En 4 ans, des centaines de milliers de Mexicains ont fui les combats
46:10 vers le sud du Mexique, mais aussi vers les Etats-Unis.
46:13 Ils seraient 200 000 rien qu'à El Paso, en face de Ciudad Juárez.
46:17 Le gouvernement américain commence à s'inquiéter de la tournure de cette guerre.
46:22 Jorge Luis Aguirre est lui aussi journaliste.
46:26 Fait sans précédent,
46:29 il a été invité à déposer devant le Congrès des Etats-Unis.
46:34 - Nous avons besoin non seulement de votre aide,
46:39 de votre soutien financière et des renseignements de vos services,
46:44 mais aussi de mettre hors d'état de nuire les politiciens
46:47 qui sont complices des cartels.
46:49 - Monsieur Aguirre, merci beaucoup.
46:51 Il vous a fallu beaucoup de courage pour venir jusqu'ici aujourd'hui
46:54 et nous apprécions la sincérité de votre témoignage.
46:57 - 18 mois plus tard, Jorge s'est vu octroyer
47:00 le statut de réfugié politique aux Etats-Unis,
47:03 une première dans l'histoire des deux pays.
47:06 - Les Etats-Unis n'avaient pas de réfugiés politiques mexicains.
47:10 Après tout, les deux pays sont des pays alliés.
47:13 Et le Mexique n'est pas un pays ennemi ni un pays communiste.
47:16 Au Mexique, les cartels et la politique, c'est pareil.
47:20 Quand tu critiques la politique, tu critiques les cartels et vice-versa.
47:25 Les politiques défendent les narcos.
47:28 Quand tu commences à dénoncer la corruption,
47:30 l'impunité et l'absence de justice ont te mis sur la liste noire.
47:34 - Jorge nous a demandé de ne pas localiser la maison où il vit aujourd'hui.
47:39 Il continue ses enquêtes sur la salle guerre de la drogue.
47:42 Il le fait à distance grâce à son réseau de correspondants
47:45 qu'il appelle quotidiennement.
47:48 - Je ne peux pas m'arrêter maintenant.
47:50 Mon travail, c'est tout ce qu'il me reste.
47:52 On n'a pas d'alternative.
47:55 C'est aussi ma manière de contribuer à l'avenir de mon pays
47:59 pour que peut-être, un jour, ça change.
48:04 - Est-ce que tu as chargé la pile ?
48:06 Selon l'ONU, le Mexique est désormais le plus dangereux pays du monde
48:09 pour les journalistes, avec 14 tués en 2010.
48:13 40 000 morts en 4 ans, 15 000 rien qu'en 2010.
48:17 Des massacres qui redoublent d'intensité
48:19 et gagnent les zones touristiques du pays.
48:22 Pourtant, à Mexico, le porte-parole de la présidence de la République
48:27 estime que l'opération antidrogue commence à porter ses fruits.
48:32 - C'est faux.
48:34 Faux de dire que les générations criminelles spontanées
48:38 se reproduisent instantanément, avec la même capacité de nuisance.
48:43 L'action du gouvernement fédéral consiste à abattre
48:47 des réseaux puissants et structurés qui avaient mis des années à se bâtir
48:51 et avaient causé beaucoup de torts.
48:53 Nous ne les laisserons pas se reconstituer.
48:58 Pourtant, les cartels décimés se reconstituent.
49:02 Dans la prison de Juarez, comme dans le reste du pays,
49:05 les tueurs sont de plus en plus jeunes, de plus en plus violents.
49:08 On y trouve même des femmes, prêtes à tuer pour moins de 50 euros.
49:12 A l'extérieur de la ville, le pasteur Galvan
49:18 recueille ici les âmes perdues de Ciudad Juarez.
49:24 Il y a 6 ans, il a créé cet asile psychiatrique de désintoxication
49:29 parmi ses pensionnaires d'anciens trafiquants et toxicomanes
49:33 qui ont perdu la tête.
49:35 - Ici, je recueille les victimes de la drogue,
49:43 de la culture des narcos.
49:46 La majorité d'entre eux ont baigné dedans.
49:50 A la fin, soit ils perdent la tête, soit ils meurent,
49:54 soit ils finissent en prison.
49:57 - Il est où, Tcholo ?
50:00 Vous l'avez enfermé ?
50:02 Il est dangereux, en ce moment ? Agressif ?
50:05 - Oui, il est enfermé, là.
50:08 - Ici, on a des cellules sécurisées pour ceux qui dérapent.
50:11 On les enferme quand ils sont trop agressifs,
50:14 quand les médicaments ne font plus effet.
50:17 - Alors, vous êtes calmés ?
50:20 - Dans la cage, les smicards du trafic,
50:23 revendeurs, peut-être même tueurs,
50:26 chacun garde son histoire pour lui.
50:29 - Les cartels les plus petits ne peuvent plus passer la drogue côté américain.
50:33 Alors, ils la vendent ici.
50:35 Ils ont commencé à la vendre dans les rues et à payer les jeunes.
50:38 Pas en argent, en doses de drogue.
50:41 Ca a créé une addiction générale brutale.
50:44 - Et ils sont payés à quoi faire ?
50:47 - A distribuer de la drogue et à tuer des gens.
50:50 - Toi, là, tu prenais quoi ? - De la ***.
50:52 - Et quoi d'autre ? - Des amphètes, des pilules.
50:55 - Quoi encore ? - Du *** et tout le reste.
50:58 - Et toi, tu prenais quoi ? - De la ***, de la ***, de la ***.
51:02 - Tout ce qui déchire bien.
51:05 - Tu faisais partie d'une mafia ?
51:08 - Oui, je travaillais pour un cartel.
51:10 - Et tu faisais quoi, dedans ?
51:12 - On vendait de la drogue. Tout ça, ça partait là-bas, aux Etats-Unis.
51:16 Ils sont ceux qu'on appelle les petites mains du trafic.
51:20 Plus personne ne contrôle rien, et voilà le résultat.
51:24 C'est eux.
51:26 A l'image de l'asile du pasteur Galvan,
51:33 un pays tout entier risque de sombrer.
51:40 Pour la journaliste d'investigation Annabelle Hernandez,
51:43 il y a urgence à s'attaquer aux racines du mal.
51:46 - Si le gouvernement fédéral de Mexico ne s'attaque pas sérieusement
51:51 à la corruption qui alimente toute cette violence,
51:55 alors nous tous, tous les Mexicains sans exception,
51:58 nous vivrons comme à Ciudad Juarez.
52:01 Depuis la fin de notre tournage,
52:07 le défilé des corbillards a redoublé à Ciudad Juarez.
52:11 Février 2011 a été particulièrement violent,
52:14 avec 30 % d'assassinats en plus par rapport à février 2010,
52:19 et cela dans tout le Mexique.
52:22 L'aggravation d'une guerre dont on voit de moins en moins la fin.
52:28 Sous-titrage Société Radio-Canada
52:33 Un film par Yannick Mahé
52:38 Sous-titrage Société Radio-Canada
52:43 Sous-titrage Société Radio-Canada
52:48 Sous-titrage Société Radio-Canada