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  • 23/03/2024
Retour sur l'attentat près de Moscou avec Laure Mandeville, grand reporter, spécialiste de la Russie, auteur de “Quand l’Ukraine se lève” (Talent, 2022) et Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes, auteur de “État islamique le fait accompli” (Plon).

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00 Et l'attaque terroriste près de Moscou dans le grand entretien de la matinale aujourd'hui.
00:04 Un attentat dans une salle de concert revendiquée par l'organisation Etat Islamique.
00:09 Déjà plus de 60 morts, le bilan est provisoire.
00:12 De très nombreux blessés, dont des blessés graves.
00:15 On va essayer d'y voir plus clair vos questions, vos réactions, chers auditeurs.
00:19 Au 01.45.24.7000 ou sur l'application France Inter.
00:23 Avec Marion Lourdes, nous avons plusieurs invités avec nous en studio ce matin.
00:28 Laure Mandville, Wassim Nasser.
00:30 Bonjour à tous les deux.
00:31 Bonjour.
00:32 Et bienvenue Laure Mandville.
00:33 Vous étiez correspondante du Figaro à Moscou,
00:38 grand reporter, autrice de plusieurs livres sur la Russie,
00:40 pays que vous connaissez très bien.
00:42 Wassim Nasser, vous êtes journaliste à France 24,
00:45 spécialiste des mouvements et des mouvances djihadistes,
00:48 auteur d'une enquête sur l'Etat Islamique.
00:51 Etat Islamique, le fait accompli chez Plon.
00:53 Et on aura besoin de vos lumières pour essayer de comprendre ce retour
00:57 sur le devant de la scène internationale d'une organisation
01:00 dont on pensait qu'elle était largement détruite et affaiblie.
01:04 Et en duplex avec nous depuis Moscou, le correspondant de France Inter, Sylvain Tronchet.
01:08 Bonjour Sylvain.
01:10 Bonjour Ali.
01:11 Un mot pour commencer, Sylvain.
01:13 Moscou se réveille.
01:15 Moscou se réveille dans quelle ambiance ?
01:17 Puisque le maire de la ville hier annonçait l'annulation de tous les événements en public,
01:22 avec les principaux musées qui ont annoncé leur fermeture des mesures de sécurité renforcées.
01:28 C'est une ville morte qui se réveille ce matin ?
01:31 Pour l'instant c'est extrêmement calme,
01:33 mais je dirais pas plus, pas moins qu'un samedi matin standard.
01:38 Les Russes ne sont pas particulièrement lévetaux.
01:40 Le week-end en général, Moscou met du temps à s'éveiller,
01:43 si ce n'est qu'effectivement, on le sait, la plupart des théâtres moscovites
01:47 ont annoncé dans la nuit l'annulation de toutes leurs représentations.
01:51 Ce soir, la place Rouge également a été fermée dans la nuit aux piétons.
01:56 Et puis en grande banlieue, du côté du Kroko City Hall,
02:01 les véhicules de secours commencent à évacuer la zone.
02:04 Petit à petit, l'incendie semble maîtriser.
02:07 À l'heure qu'il est, il y a toujours quelques volutes de fumée qui s'élèvent au-dessus du bâtiment.
02:12 Mais apparemment, l'évacuation des blessés, l'évacuation des rescapés serait terminée à cette heure-ci.
02:18 Les autorités, ceci dit, effectivement, conseillent aux moscovites de rester chez eux aujourd'hui.
02:24 Et puis on a vu ce matin également de longues files d'attentes se former devant les centres de dons du sang.
02:30 Il y a des besoins en sang très importants ce matin sur Moscou,
02:33 avec aux alentours de 150 blessés, semble-t-il, dans les hôpitaux moscovites,
02:38 dont la moitié sont considérés dans un état grave, voire désespérés.
02:42 Et ce bilan de 60 morts, certains évoquent déjà 80 qui devraient probablement évoluer encore dans la journée.
02:48 - Sylvain, vous connaissez très bien les lieux de l'attentat, ce Crocus City Hall,
02:53 vous y étiez pour un reportage il y a quelques jours.
02:56 Qu'est-ce que vous diriez aujourd'hui du sentiment qui domine dans la population moscovite ?
03:01 Est-ce que c'est une forme de solidarité, d'union autour de ce qui rassemble les Russes ?
03:09 Ou est-ce que c'est d'abord et avant tout le constat de l'échec, comme on l'a dit,
03:13 l'échec des services de renseignement russes et de Vladimir Poutine ?
03:17 - C'est difficile à dire. Je pense que ce qui prédomine quand même ce matin,
03:20 c'est l'état de choc de la population russe.
03:22 Certes, il y a déjà eu des attentats, on aura l'occasion de leur parler, à Moscou, sur le territoire russe.
03:29 Attentats parfois revendiqués par des groupes islamistes, mais cela faisait très longtemps.
03:33 Cela faisait une dizaine d'années, sensiblement, qu'il n'y avait pas eu de grands attentats à Moscou.
03:38 Alors, dans le contexte que l'on sait, évidemment, celui de la guerre en Ukraine,
03:42 mais que même, par exemple, lorsque des drones étaient venus tomber sur Moscou,
03:47 il y en a eu, il y a quelques mois, tout cela n'avait pas semblé, malgré tout,
03:51 perturbé, en apparence, en tout cas, le train-train quotidien des moscovites.
03:56 Là, évidemment, on est passé dans une toute autre dimension et c'est l'état de choc qui prédomine.
04:02 Quant à savoir, effectivement, si c'est un échec des services de sécurité,
04:06 il semble qu'ils aient mis du temps à reprendre la situation en main, également.
04:09 Hier soir, c'était ce que disaient certains rescapés, certains témoins,
04:12 à peine échappés de l'enfer, qui était devenu ce Krokos City Hall, qui est un lieu très populaire.
04:18 En plus, c'était un concert extrêmement populaire hier soir, d'un groupe qui s'appelle Piknik,
04:23 qui est un groupe qui a traversé les époques en Russie.
04:26 Oui, voilà, ils étaient déjà connus sous l'URSS, ils avaient fait la transition,
04:30 ils sont toujours là, 40 ans après quasiment le début de leur carrière.
04:34 Donc, vous pouvez imaginer le public qui vient dans ce genre de concert.
04:37 C'est une grande salle, Krokos en plus, il y a 7000 places à peu près.
04:41 Je pense que c'est surtout d'abord l'état de choc qui domine ce matin.
04:45 Laure Mandeville, on l'a entendu tout à l'heure aussi dans la chronique géopolitique,
04:48 rien n'est très clair pour l'instant.
04:50 Ça va être très très difficile de savoir exactement ce qui s'est passé en réalité.
04:54 Exactement, parce que c'est vrai qu'il y a ce choc face à un événement tout à fait effroyable,
05:00 avec lequel on ne peut pas ne pas être en empathie pour les victimes.
05:03 D'ailleurs, toute la scène internationale a présenté ses condoléances au peuple russe.
05:08 Exactement, au peuple russe.
05:09 Mais c'est vrai que, évidemment, ce qui apparaît aujourd'hui avec cette revendication de l'état islamique
05:16 comme un échec pour les services russes et pour ce pouvoir qui s'est présenté
05:25 comme un état extrêmement en ordre, un état fort depuis quelques jours,
05:31 avec cette présidentielle, on n'arrêtait pas de parler de la force de Poutine,
05:35 de cette machine formidable.
05:37 Réélu à plus de 87%, mettant son pays en ordre de bataille pour la guerre.
05:43 Donc c'était l'impression de force.
05:45 Et on voit là une immense faille, une immense fragilité.
05:50 Donc ça c'est la première chose.
05:51 Et la deuxième, c'est qu'il ne faut pas oublier le contexte.
05:54 Et le contexte, c'est celui d'un pays qui fonctionne avec des doubles fonds,
05:58 dont on ne sait jamais ce qui se passe vraiment.
06:00 C'est vrai que quand on regarde depuis l'arrivée de Vladimir Poutine,
06:03 ça a été évoqué par Gallagher, Fenwick, c'est qu'il y a eu des attentats
06:08 qui ont été, on en est presque sûr, fomentés par le pouvoir
06:13 pour justement se faire un habit de lumière pour que Poutine puisse devenir l'homme qu'il est devenu.
06:20 Et donc, si vous voulez, il y a un doute permanent sur tout ce qui se passe.
06:23 Il y a ces zones d'ombre, je dirais, ce grand brouillard.
06:28 Et il y a évidemment aussi, surtout, la question majeure de "que va faire ?"
06:33 Que dira le pouvoir sur ce qui s'est passé ?
06:36 C'est-à-dire, que s'est-il passé ?
06:38 Que dira le pouvoir sur ce qui s'est passé ?
06:40 - Quel récit va en faire ? - Quel récit va en faire ?
06:41 Puisqu'on est au pays du grand mensonge, un mensonge permanent, partout, sur tous les sujets.
06:47 Et la troisième question, c'est évidemment, qu'est-ce qu'il va faire après de cet attentat ?
06:54 Est-ce qu'il va profiter de cet attentat pour justement faire une mobilisation générale ?
07:00 Attaquer l'Ukraine encore plus ?
07:02 Donc là, il y a réprimé à l'intérieur.
07:04 Donc là, c'est évidemment le troisième élément très très important
07:07 qui permettra d'éclairer en réalité l'attentat.
07:10 - Mohassim Nasr, vous étiez l'un des premiers hier à traduire le communiqué de l'État islamique,
07:17 à pointer du doigt l'importance de cette revendication.
07:20 L'État islamique ne revendique pas en l'air.
07:23 Il ne revendique pas des attentats qu'il n'a pas commis, c'est sa tradition.
07:28 - En tout cas, là, via le canal avec lequel c'est arrivé,
07:32 c'est un canal qui est à 100% un canal de l'État islamique,
07:36 la syntaxe, le cadre, tout colle en fait.
07:41 Il y a eu des fausses revendications qui étaient attribuées à l'État islamique,
07:44 par exemple en Iran il y a quelques années, pour ceux qui suivent ces sujets,
07:47 c'est très vite, on le voit très vite, que c'est un faux.
07:49 Là, c'est pas un faux de un. De deux, ce n'est qu'une première revendication.
07:53 Forcément, il y aura une autre avec plus de références religieuses.
07:56 Et après, évidemment, je pense qu'il y aura des photos et des vidéos.
07:59 Mais ça, ça sera distillé, en tout cas, par l'État islamique au fur et à mesure.
08:04 - Deux questions avant d'aller au standard.
08:06 Vous notiez un détail important, le communiqué de l'État islamique précise
08:12 que les combattants étaient rentrés sains et saufs.
08:14 Pourquoi est-ce que c'est important, rapidement ?
08:15 - Parce que c'est très important, parce qu'on peut imaginer,
08:18 et d'où la fermeture de tous les événements à Moscou,
08:21 qu'ils peuvent encore agir.
08:22 Donc certains disent "ah bon, parce que l'État islamique, en général,
08:25 ces combattants meurent sur place".
08:27 Bon, on a vu les terrasses le 13 novembre.
08:28 Ils ont bougé d'un endroit à l'autre.
08:30 Là, c'était pas l'État islamique pour Al-Qaïda, les frères Kouachi.
08:32 Pareil. Donc c'est pas du tout une science exacte.
08:35 Ils bougent pour commettre d'autres forfaits.
08:37 Et ceux qui pensent aussi que c'est un faux de vrai, comme on dit,
08:39 une fausse, quelque chose fomenté par le Kremlin,
08:42 si c'était une voiture piégée, une bombe, peut-être.
08:45 Mais là, il y a cinq personnes qui vont être vues,
08:47 qui risquent de parler, etc.
08:49 Donc c'est un peu far-fetched, comme on dit en anglais,
08:51 de penser que tout est fomenté par Moscou.
08:53 Mais comment Moscou va capitaliser là-dessus,
08:55 c'est encore une autre histoire.
08:57 Mais il n'y a pas de doute sur le fait que ce soit l'État islamique
08:59 qui est responsable de cette attaque.
09:01 On a été surpris.
09:03 Que vous ne soyez pas surpris, Wassim Nasser.
09:05 L'attaque de l'État islamique, vous avez dit
09:07 que ce n'était pas quelque chose d'exceptionnel.
09:09 Ce qu'il était, c'est que ça ait abouti.
09:11 Et pourtant, l'État islamique, on pensait qu'il était affaibli.
09:14 On découvre qu'il a une branche en Afghanistan.
09:16 Comment est-ce que cette organisation a pu commettre un attentat pareil,
09:20 en plein cœur d'un lieu aussi symbolique que décrivait Sylvain Tronchet,
09:25 juste à côté de Moscou,
09:27 et dans un pays qui est pourtant très surveillé.
09:30 Comment est-ce que c'est tout simplement possible,
09:32 et qu'est-ce que ça dit ?
09:34 Quelles peuvent être les motivations de l'État islamique afghan ?
09:36 Il y a plusieurs questions.
09:38 Commençons par un pays sécurisé, oui.
09:40 Mais au même titre que la France,
09:42 au même titre que l'Allemagne, que l'Autriche, que les États-Unis,
09:44 tous ces pays ont été touchés par des attaques de l'État islamique.
09:48 Ça c'est d'un côté.
09:48 D'un autre côté, effectivement, ils ont perdu leur califat territorial au Levant.
09:52 C'est l'anniversaire de sa perte aujourd'hui, je pense, ou demain, dans quelques jours en tout cas.
09:57 Mais ce groupe qui a été créé dans le désert irakien en 2006, quand même,
10:01 a réussi à s'exporter dans le monde entier.
10:03 Aujourd'hui, ils sont au Sahel, face aux Russes de Wagner.
10:06 Ils sont en Syrie, face aux Russes.
10:08 Ils sont au Caucase, ils avaient une île-là qui a été écrasée par les Russes.
10:12 Ils sont en Afghanistan.
10:14 Et ce n'est pas la première fois qu'ils essayent de frapper la Russie.
10:16 Les services de sécurité russe, quand même, ont déjoué une attaque contre une synagogue, début mars.
10:21 Il y a eu deux attentats revendiqués en 2016, deux en 2017, deux en 2018.
10:26 Il y a eu même un Russe qui a été attaqué en Pologne en février,
10:32 car il était dans les rangs de l'État islamique en Syrie.
10:34 Donc ça aussi, c'est un angle un peu mort,
10:36 mais l'État islamique a beaucoup recruté chez les Russes.
10:38 Que ce soit dans le Caucase, en Syrie ou en Russie,
10:42 les plus importants commandants militaires de l'État islamique,
10:46 parmi eux, il y avait beaucoup de personnes qui avaient la nationalité russe
10:50 ou une autre nationalité des pays au Caucase.
10:52 Donc on a bien compris, l'État islamique n'était pas mort, il était encore vivant.
10:56 Et Sylvain Tronchet, il y avait eu des alertes des services américains
11:00 sur la sécurité en Russie, pas plus tard qu'il y a un mois.
11:04 Il n'y avait pas de mesures spécifiques mises en place pour contrer une telle attaque ?
11:09 C'était même il y a moins longtemps que ça, de mémoire.
11:11 C'était il y a 15 jours à peine, effectivement.
11:13 L'ambassade des États-Unis, de façon très officielle,
11:16 pour le coup très transparente, avait émis un message d'avertissement
11:21 à l'intention de ces ressortissants résidants en Russie,
11:25 en leur disant "évitez dans les 48 heures qui le viennent",
11:28 donc c'était il y a 15 jours,
11:30 "évitez dans les 48 heures qui viennent de participer à des grands rassemblements",
11:37 donc ça pouvait comprendre effectivement des concerts, des spectacles, au théâtre, etc.
11:42 "Il y a un risque", avaient dit les Américains.
11:45 Cet avertissement avait été repris également par l'ambassade de Grande-Bretagne,
11:48 dans une moindre mesure d'ailleurs par l'ambassade de France,
11:51 qui si elle ne s'était pas vraiment associée à cela,
11:54 avait jugé bon d'envoyer, j'en avais reçu un d'ailleurs,
11:57 un mail à tous ces ressortissants référencés installés en Russie,
12:02 en rappelant les consignes de sécurité de base.
12:05 Donc ceci est connu, ceci est un fait,
12:08 effectivement cela a été diffusé.
12:10 - Et donc quoi ?
12:11 - Les Russes aujourd'hui font comme si les Américains avaient dissimulé quelque chose,
12:16 ils n'ont rien dissimulé de ce point de vue là.
12:17 Ensuite, avaient-ils des informations particulières ?
12:20 Ça c'est une autre question.
12:22 Il se trouve qu'il ne s'était rien passé,
12:24 il se trouve qu'à ce moment là, on était dans le contexte pré-présidentiel,
12:28 effectivement, qui semblait au regard de tout le monde,
12:31 être un contexte risqué, tendu en Russie.
12:33 Il faut rappeler qu'il y avait aussi des attaques à la frontière à ce moment là,
12:36 à Belgorod, dans la région de Koursk,
12:38 il y avait des attaques sur les infrastructures énergétiques,
12:41 on ne savait pas d'où ça pouvait venir en quelque sorte.
12:44 On avait l'impression qu'on avait passé le pic de tension
12:46 avec la réélection de Vladimir Poutine dimanche dernier,
12:50 il se trouve que bon, ça n'était pas le cas.
12:52 Avant d'aller au standard, rapidement, où est-ce qu'il est ?
12:55 En fait, je vous disais que ce n'est pas du tout exceptionnel
12:57 que les Américains préviennent, malgré le contentieux avec la Russie.
13:00 Ils ont même prévenu l'Iran, avant le dernier attentat en Iran,
13:03 parce que les Américains ont des capteurs,
13:05 et les Five Eyes, les Américains britanniques et leurs alliés,
13:07 ont des capteurs techniques, qui préviennent,
13:09 donc ils les préviennent, mais ce n'est pas pour autant
13:11 que le pays prévenu arriverait à empêcher l'attentat.
13:16 Donc ça fait partie de la coopération internationale contre l'État islamique.
13:21 Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est que Vladimir Poutine,
13:24 quand il y a eu cette annonce des Américains,
13:27 les a accusés de raconter n'importe quoi,
13:31 et même a émis un soupçon que ça voulait dire
13:35 qu'ils étaient peut-être en train de préparer une forme de déstabilisation,
13:37 ce qui est quand même extraordinaire.
13:39 Mais je voulais rajouter quelque chose, c'est que je lisais un article de Foreign Policy,
13:42 avant de venir, qui racontait en fait l'évolution
13:45 des relations de l'État islamique avec le terrain russe,
13:49 et qui expliquait que dans un premier temps,
13:52 ils ont essayé d'appeler les musulmans à ne pas participer
13:57 aux conflits russo-ukrainiens, alors qu'on sait très bien
14:01 qu'il y a des musulmans des deux côtés qui se battent,
14:04 notamment des caucasiens, anti-Poutine,
14:07 qui aide les ukrainiens, et des gens de Kadirov,
14:10 donc de la république de Tchétchénie, qui sont du côté russe.
14:14 Et il disait "vous ne devez pas vous mêler de cette bataille
14:18 entre couffards, de ces croisés qui s'entretuent,
14:21 de ces infidèles qui s'entretuent, etc."
14:25 Et ensuite, il a commencé à émerger l'idée que nous devons utiliser
14:29 la faiblesse justement de ce conflit,
14:32 pour allumer nos propres feux,
14:36 et justement profiter des faiblesses internes à la Russie,
14:39 et faire quelque chose. Donc il y avait eu de la communication
14:42 à ce sujet, et donc c'est intéressant de ce point de vue-là,
14:45 et c'est vrai qu'il faut savoir aussi que,
14:49 par exemple, j'ai eu des contacts récents avec des gens d'Asie centrale
14:53 qui disent qu'ils sont contre les russes,
14:57 et qu'ils voulaient utiliser la situation actuelle
15:00 pour allumer leur propre foyer, et contribuer à affaiblir la Russie.
15:04 Et donc vous avez en Asie centrale notamment,
15:07 il faut savoir qu'il y a énormément de ressortissants d'Asie centrale
15:10 qui sont en Russie, vous savez, pour travailler,
15:13 et que les russes ont essayé de mobiliser pour les envoyer en Ukraine,
15:17 et il y a évidemment là aussi des foyers de radicalisation islamiste.
15:22 - Bonjour Geneviève ! - Oui bonjour monsieur,
15:25 je voulais poser la question suivante,
15:30 comment agit l'état russe dans les pays
15:34 desquels nous nous sommes fait virer, c'est-à-dire l'Afrique,
15:38 où nous on pourchassait aussi les djihadistes,
15:41 pour protéger les populations au maximum,
15:44 et je voulais savoir ce que fait maintenant Wagner
15:47 à notre place vis-à-vis des djihadistes,
15:50 parce que ça ne s'appelle sûrement plus Wagner.
15:52 - Merci pour votre question Geneviève.
15:54 - Donc la Russie est présente sur la plupart des théâtres de guerre
15:58 où les djihadistes sont présents, Wagner est présent au Mali,
16:02 il y a beaucoup d'exactions commises par Wagner,
16:05 ce qui sans trop s'est penché là-dessus,
16:07 j'ai eu l'occasion d'écrire là-dessus pour CTC West Point,
16:10 et donc pendant un an de présence l'année 2022,
16:12 ça a plutôt favorisé les djihadistes,
16:14 parce que ça a augmenté les recrutements de kamikazes et de djihadistes,
16:17 à cause des exactions.
16:19 - Mais si on revient à cet attentat, l'attentat d'hier soir,
16:21 il y a plusieurs auditeurs qui se demandent
16:23 ce que reproche l'état islamique à la Russie,
16:26 l'intervention du Daesh en Syrie,
16:28 ou est-ce qu'il faut remonter plus loin encore,
16:30 79, 80, l'URSS qui envahit l'Afghanistan ?
16:34 - Il y a un historique évidemment, l'Afghanistan,
16:36 les guerres de Tchétchénie, etc.,
16:38 mais là on n'était pas encore dans le registre de l'état islamique.
16:40 Donc il y en a qui...
16:42 Il y a ceci qui reste,
16:44 mais aujourd'hui les contentieux entre l'état islamique et la Russie,
16:46 ils ne manquent pas.
16:47 Que ce soit en Afghanistan avec l'état islamique en Rassane,
16:50 que ce soit surtout en Syrie,
16:51 les trois batailles de Palmyre, les Russes étaient présents,
16:54 ils ont combattu l'état islamique dans l'Est syrien,
16:56 ils le combattent toujours dans l'Est syrien,
16:58 il y a le contentieux très important au Sahel,
17:00 aussi, entre Al-Qaïda,
17:02 contre les Russes, et l'état islamique contre les Russes,
17:04 Niger, Burkina Faso, et Mali,
17:07 et donc le contentieux est très ancien,
17:09 c'est pas du tout nouveau,
17:11 et c'est pas faute, l'état islamique,
17:13 à essayer à maintes reprises de faire des gros coups en Russie.
17:16 Là c'est la première fois qu'il y arrive,
17:18 mais c'est pas faute d'avoir essayé.
17:20 Il ne reste très peu de temps.
17:21 - L'Ormand de Ville, on parlait tout à l'heure de ce que Vladimir Poutine allait faire,
17:24 de cet attentat, de ce qu'il allait en faire dans le récit,
17:26 je me fais l'écho de la question d'Augustin, qui est aussi la mienne,
17:29 quel changement ça peut faire, par exemple, sur le front ukrainien ?
17:32 - Oui, ben justement, ça c'est vraiment la grande question
17:34 que posent absolument tous les commentateurs russes ce matin,
17:37 c'est que va faire Poutine de cette affaire ?
17:40 Est-ce qu'il va utiliser cet espèce de sentiment de la forteresse assiégée
17:47 pour justement, par exemple, mobiliser,
17:50 pour instaurer une forme d'état d'urgence ?
17:52 - Et vous le connaissez, vous connaissez la Russie, vous le sentez comment ?
17:55 - Et ben moi je pense que oui,
17:57 il va probablement s'engouffrer dans cette brèche,
18:00 mais c'est vrai que la difficulté c'est qu'il peut être accusé aussi
18:03 d'avoir tellement mobilisé son pays, justement,
18:07 pour s'agresser l'Ukraine,
18:10 qu'il n'a absolument pas pensé les autres menaces,
18:14 et il y a une vraie vulnérabilité de la Russie qui apparaît aujourd'hui,
18:19 on en revient au début, c'est-à-dire qu'on est dans un pays,
18:22 c'est le paradoxe de la Russie, un pays qui est profondément répressif,
18:26 une espèce de machine de guerre, et qui en même temps a des failles énormes et très fragiles.
18:30 - C'est la fin de ce grand entretien, d'un mot Sylvain Tronchet,
18:33 est-ce que ça a fait blive la lumière poutine ?
18:35 De très nombreux auditeurs posent la question aussi simplement que ça.
18:38 Sylvain ? Wassim ?
18:42 - En tout cas, moi je pense que Vladimir Poutine ne va pas se priver de capitaliser là-dessus,
18:46 ça c'est sûr et certain, il ne va pas faire des conférences de presse pour dire
18:51 "je suis terrorisé, j'ai mal au ventre",
18:53 il va capitaliser là-dessus, politiquement, évidemment,
18:56 mais aussi l'État islamique, donc on verra comment ça va tourner.
18:59 - Histoire évidemment à suivre, et notamment sur notre antenne.
19:03 Merci Sylvain Tronchet d'avoir été avec nous depuis Moscou,
19:06 merci Wassim Nasr, je rappelle l'État islamique, le fait accompli,
19:09 c'est publié chez Plon, L'Ormandville, merci infiniment d'avoir été l'invité d'Inter ce matin.

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