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  • 21/03/2024
La journaliste, Charlotte d'Ornellas, revient sur la guerre contre les narcotrafiquants : «Le gouvernement lui-même parle de guerre».

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Transcription
00:00 Déjà, il y a un indice qui plaide pour ces magistrats,
00:03 c'est que ça fait des années, on l'a dit plusieurs fois,
00:05 mais que les policiers, dans une certaine mesure,
00:07 les trafiquants et les habitants, racontent eux la même histoire.
00:11 Exactement la même histoire.
00:12 C'est-à-dire que les policiers parlent d'impuissance,
00:14 déplorent une impuissance dans l'absence de suivi de leur travail.
00:18 Les trafiquants, eux, exposent au grand jour leur impunité.
00:21 Tout à l'heure, Guillaume nous parlait de ces trafiquants interrogés depuis leur prison.
00:24 Je rappelle que les portables sont interdits en prison.
00:26 Ils font des interviews depuis leur cellule
00:28 pour expliquer qu'ils ont bien rigolé devant la télé.
00:30 Je cite, fermez les guillemets.
00:32 Donc l'impunité, elle est jusque dans leur cellule de prison.
00:35 Et les habitants, eux, parlent d'abandon.
00:38 Mais par ces mots et donc ces perceptions différentes
00:40 en raison des situations différentes,
00:42 ils racontent cette même histoire de l'emprise incroyable
00:46 que le trafic de drogue a dans leur vie.
00:49 Et c'est vrai à Marseille et par ailleurs,
00:50 désormais, dans les autres villes de France,
00:51 on parle de marseillisation.
00:53 Quant à Marseille, on parle de mexicanisation.
00:55 Tout ça, très encourageant pour la suite,
00:58 ou alors ça provoquera le réveil vital.
01:00 Bon, se sont ajoutés à ces récits-là,
01:03 celui des magistrats.
01:05 Les magistrats, on les entend extrêmement rarement.
01:07 Pourquoi ? Parce que d'abord, ils ont un droit de réserve.
01:08 Ils ne s'expriment pas très directement.
01:11 En tout cas, pas à leur poste comme ça.
01:13 Il y a des syndicats de magistrats qui s'expriment.
01:15 Certains ont un discours tellement politisé.
01:18 Je note d'ailleurs qu'ils ne sont jamais rappelés à l'ordre
01:20 dans les mêmes termes,
01:21 alors qu'ils ont un discours extrêmement politisé
01:23 qui, lui, contrevient à leur droit de réserve.
01:26 Et là, nous avions des magistrats,
01:27 encore une fois, cette audition est disponible,
01:29 c'est possible de la regarder.
01:30 Il n'y avait aucun règlement de compte politique personnel
01:33 avec tel ou tel.
01:35 Il y avait un exposé assez froid,
01:37 c'est vrai inquiet,
01:38 d'une situation avec des magistrats
01:40 qui n'ont quand même aucun intérêt
01:42 à expliquer qu'ils ont du mal à faire leur travail.
01:44 Et par ailleurs, Eric Dupond-Moretti a expliqué
01:46 qu'il avait rencontré des magistrats
01:49 qui n'étaient pas des fétistes, qui en voulaient,
01:51 mais qui passaient des heures à expliquer à ce point
01:54 la difficulté de leur travail
01:56 et leur inquiétude devant l'emprise du trafic de drogue,
01:59 c'est précisément ne pas être des fétistes.
02:01 - Et qui sont auditionnés sous serment.
02:03 - Et par ailleurs, c'est ça, le problème.
02:05 C'est qu'on a un exposé froid d'une situation
02:08 avec une convocation par des sénateurs
02:10 auxquels ils ne peuvent pas déroger,
02:13 ils sont obligés d'y venir,
02:14 et par ailleurs, ils prêtent serment avant de parler.
02:16 Donc, soit, encore une fois,
02:18 c'est un peu ce que disait Mathieu tout à l'heure,
02:19 soit ce qu'ils disent est vrai,
02:21 soit ce qu'ils disent est faux.
02:22 Mais avoir un ministre qui vient nous expliquer derrière
02:24 qu'ils ont tort de le dire,
02:26 ça ne suffit pas.
02:27 Pourquoi ont-ils tort de le dire ?
02:29 J'aimerais avoir la réponse à cette question.
02:31 Éric Dupond-Moretti, vous l'avez dit,
02:33 s'est invité sans presse,
02:35 avait-il précisé, auprès de ses magistrats.
02:38 Et alors là, c'est La Provence, un journal local,
02:40 qui fait parler un des participants qui,
02:42 on comprend bien après la soufflante
02:43 que les magistrats se sont pris,
02:44 a préféré garder l'anonymat.
02:46 Alors, ouvrez les guillemets, ça a été une boucherie.
02:48 La réunion n'a tourné qu'autour des propos tenus
02:50 devant la commission et a donné lieu
02:52 à 20 minutes de lynchage public.
02:54 Éric Dupond-Moretti restait plus de 20 minutes,
02:56 donc certains ont dit, ensuite, il y a eu une discussion
02:58 sur justement les propositions qui ont été faites,
03:00 mais clairement, il y a 20 minutes qui ont été consacrées à,
03:02 je cite, un lynchage.
03:03 Alors, la chancellerie a tenté de tempérer
03:05 sur le ton qui avait été utilisé,
03:07 mais Éric Dupond-Moretti, en interview,
03:09 a totalement assumé ce recadrage.
03:11 La chancellerie assume un recadrage.
03:14 Et il évoque, un des, je cite, "propos malheureux"
03:17 et des magistrats qui ont eu tort de dire ça,
03:19 notamment sur deux points.
03:21 Sur le terme de guerre que les trafiquants
03:23 sont en train de gagner et qui risquent de gagner
03:26 et, deuxième chose, sur la corruption latente
03:28 qui est extrêmement inquiétante.
03:29 On reviendra sur la corruption, mais, un,
03:32 la seule question qui se pose, en l'occurrence,
03:34 est de savoir, est-ce que cette guerre
03:36 risque d'être perdue, oui ou non ?
03:38 Est-ce qu'il y a des signes ?
03:40 C'est-à-dire que les Pays-Bas et la Belgique
03:42 ont déjà basculé dans quelque chose d'extrêmement inquiétant.
03:45 C'est pas loin, c'est des pays comparables,
03:47 notamment dans le système et la justice qui est mise en place
03:50 et dans la manière dont le trafic s'exporte.
03:52 Donc, c'est pas, comment dire,
03:54 c'est pas lunaire de se poser la question
03:56 du basculement, à quel moment ça bascule.
03:58 Or, ça se fait sur un terrain de la guerre, évidemment.
04:01 Par ailleurs, le gouvernement lui-même parle de guerre
04:02 et la question de la corruption est évidemment très importante.
04:05 La deuxième chose, alors là, c'est le Figaro
04:07 qui rapporte les propos de La Réunion.
04:09 Et Eric Dupond-Moretti aurait dit aux magistrats,
04:12 "Par vos propos", ouvrez les guillemets,
04:13 "par vos propos, vous avez fait le jeu
04:15 de l'extrême droite qui les utilise.
04:17 Que vais-je dire aux Français ?
04:19 Que nous avons augmenté vos moyens budgétaires
04:21 de 60 % pour rien."
04:22 Fermez les guillemets.
04:23 Alors là, il y a une gêne encore plus grande
04:25 devant un message pareil.
04:26 Parce que, un, on se fiche du résultat électoral
04:30 d'un constat fait sous serment
04:32 par des magistrats convoqués par des sénateurs.
04:34 Franchement, le résultat électoral,
04:36 et je vais même plus loin,
04:37 si le fait que ces magistrats sous serment
04:39 disent quelque chose sans que personne nous dise
04:41 c'est faux, mais ils n'auraient pas dû le dire,
04:43 et que ça a pour conséquence
04:45 de faire monter l'extrême droite.
04:47 Quel est le message derrière ?
04:48 Je ne comprends pas bien, en fait.
04:50 Ça veut dire que c'est l'extrême droite
04:52 qui se saisit de ces sujets-là,
04:53 et que donc il ne faut pas en parler
04:55 parce que ça risquerait d'avoir pour résultat
04:57 le choix de l'extrême droite par certains Français ?
04:59 C'est encore plus inquiétant
05:01 que de dire réellement la situation.
05:02 Et l'autre moyen de ne pas faire monter l'extrême droite
05:05 pour Éric Dupond-Moretti,
05:06 pour les adversaires de cette extrême droite,
05:09 c'est peut-être de se saisir précisément du sujet
05:11 et d'éviter d'avoir des ailières
05:13 et d'être dans le déni.
05:15 Et en l'occurrence, je le répète,
05:16 les magistrats n'ont fait aucun commentaire
05:18 politique partisan, évidemment,
05:20 dans cette audition.
05:21 Et par ailleurs, quand Éric Dupond-Moretti dit
05:24 "Qu'est-ce que je vais dire aux Français ?"
05:25 alors les Français d'études en sondage
05:27 et de sondage en études
05:28 confient exactement la même inquiétude
05:31 devant la manière dont la justice est rendue en France.
05:33 Donc c'est une inquiétude qui est très largement partagée,
05:36 et notamment dans les quartiers en question
05:38 où les gens s'inquiètent de plus en plus
05:40 de l'impunité des trafiquants qui leur pourrissent la vie.
05:43 [Musique]
05:46 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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