« Femmes SDF, sans toit ni droits », un documentaire à voir sur Public Sénat

  • il y a 6 mois

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Transcript
00:00 ...
00:21 -Dormir dehors, à l'abri d'un pont, sous une tente,
00:25 parfois à même le sol, sur le froid mordant du trottoir.
00:29 ...
00:32 En France, on estime que 330 000 personnes
00:35 sont sans domicile.
00:37 Parmi elles, de plus en plus de femmes.
00:40 Combien sont-elles ?
00:42 Pourquoi sont-elles aussi nombreuses
00:45 à se retrouver sans solution d'hébergement ?
00:47 Des questions sur lesquelles s'est penchée
00:50 la sénatrice Agnès Evrène.
00:52 Nous l'avons suivie dans ses visites de terrain,
00:55 à la rencontre de ces femmes,
00:57 de celles et ceux qui tentent de leur venir en aide
01:00 et se sentent de plus en plus démunies.
01:03 ...
01:19 Lorsque nous rencontrons Edwige à Paris,
01:22 cela fait 12 jours qu'elle est à la rue.
01:24 -Je suis arrivée en France en juillet 2022.
01:28 J'étais d'abord au pays.
01:30 Chez moi, en Côte d'Ivoire, où je travaillais,
01:34 j'avais quand même une vie un peu stable
01:38 avec mon mari aussi, qui travaillait.
01:41 Il est décédé d'une tumeur du cerveau.
01:46 Moi aussi, à une semaine de son animation,
01:49 j'ai perdu mon boulot.
01:50 Et voilà, je me suis retrouvée à la rue
01:54 avec quatre enfants.
01:56 Et je n'arrivais même pas à les aider au bout.
01:59 C'est comme ça que ma grand-sœur m'a proposé
02:03 de venir quand même ici
02:06 pour m'occuper des enfants.
02:08 -Pendant plus d'un an,
02:10 elle va loger chez sa sœur jusqu'à ce qu'une dispute éclate.
02:14 Elle se retrouve alors dehors du jour au lendemain,
02:17 sans nulle part où aller.
02:19 -D'abord, même, je pensais que je pouvais passer la nuit là.
02:23 Je me suis assise comme si j'attendais
02:26 pour ne pas tirer l'attention des gens.
02:29 -Mais à 23h, la gare ferme ses portes.
02:33 Edwige se retrouve sur le parvis.
02:36 C'est sa première nuit dehors.
02:38 -Comment ça s'est passé, cette nuit-là ?
02:41 -Je n'ai pas dormi. -Pourquoi ?
02:43 -C'était difficile.
02:45 Très difficile.
02:46 J'ai eu beaucoup peur.
02:48 Et avec les jeunes qui circulaient,
02:51 j'avais peur qu'on me fasse quelque chose d'autre.
02:53 -Vous aviez peur de quoi ?
02:55 -Des agressions, puis le viol, surtout.
02:58 -Retourner en Côte d'Ivoire est inenvisageable.
03:02 Elle y a laissé ses 4 enfants.
03:04 C'est pour subvenir à leurs besoins
03:07 qu'elle est venue ici, dans l'espoir de trouver un travail.
03:10 -Bonjour.
03:11 Toutes les lignes de votre correspondance sont occupées.
03:14 Nous vous remercions de renouveler votre appel.
03:17 -Chaque jour, elle tente de joindre le SAMU social
03:20 et une place en hébergement d'urgence,
03:23 sans jamais y parvenir.
03:25 -Vous avez composé le 115,
03:26 numéro d'accueil des personnes en abri.
03:29 L'équipe du 115 est là pour vous informer et vous orienter.
03:33 Merci de patienter. Nous allons prendre votre appel.
03:37 -Oui, tu peux, toute une journée, et puis, il ne décroche pas.
03:40 Hier, j'ai eu la chance, à 9h, ils ont décroché.
03:43 On m'a même dit que j'étais malade,
03:45 que j'avais le rhumatisme,
03:47 que je suis fatiguée de dormir dehors.
03:49 Ils m'ont dit que j'avais pas de place.
03:52 -A 15h, Edwige se dépêche de rejoindre la porte de la Villette,
03:58 au nord de Paris.
03:59 Elle ne veut surtout pas rater le bus,
04:02 qui y passe chaque jour à 17h,
04:04 en direction d'un centre d'hébergement de Nanterre.
04:08 C'est le dernier recours
04:11 pour tous ceux à qui le 115 n'a pas trouvé de solution.
04:14 -C'est vrai que j'ai le sourire, mais c'est pas facile.
04:17 Par moments, quand tu te retrouves seule,
04:20 tu n'as pas de solution.
04:22 Qu'est-ce que tu fais ?
04:23 Et là, quand tu rates le cas, imagine la suite.
04:27 Avec le froid, c'est vraiment difficile,
04:30 très, très difficile.
04:32 Moi, j'ai pas de couverture, j'ai que mon manteau.
04:36 -Après deux heures d'attente dans le froid,
04:39 sans aucun endroit où s'asseoir, Edwige monte enfin à bord.
04:43 Ce soir, elle dormira au chaud,
04:47 mais il n'y aura pas de place pour tout le monde.
04:49 Chaque jour, 15 à 30 personnes restent sur le carreau.
04:53 Musique sombre
04:56 ...
05:06 Élue du 15e arrondissement parisien,
05:08 vice-présidente des Républicains,
05:11 Agnès Evren est une femme de droite,
05:14 issue d'une famille d'immigrés turcs.
05:16 Elle est très éloignée du milieu où elle vit aujourd'hui.
05:20 -Alors, en fait, j'ai grandi dans un milieu populaire,
05:23 en banlieue parisienne, avec une fratrie de 9 frères et soeurs.
05:26 Et c'est vrai qu'on nous a transmis des valeurs importantes,
05:30 notamment de solidarité.
05:31 J'ai été confrontée, justement, à des femmes isolées
05:34 qui étaient dans un foyer, pas très loin de chez mes parents,
05:38 où j'allais pour aider, pour rendre service,
05:40 notamment pour remplir les papiers à leur place.
05:44 J'ai fait ce petit travail d'étudiant pendant deux ans,
05:47 et c'est vrai que ça m'est restée.
05:49 -Devenue sénatrice en septembre dernier,
05:52 elle a demandé le lancement d'une mission d'information
05:55 sur les femmes sans domicile,
05:57 un travail d'enquête de six mois,
05:59 fait d'auditions et de visites de terrain.
06:02 ...
06:04 -Oui, je l'ai proposé,
06:05 parce que je trouve que la situation est aberrante
06:08 et qu'il faut lancer un cri d'alerte,
06:10 un cri de sensibilisation, parce que,
06:12 dans le fondamental d'une société comme la nôtre,
06:15 il y a cette valeur de la solidarité.
06:17 Où est passée cette solidarité, aujourd'hui,
06:20 quand on voit qu'il y a des femmes qui dorment,
06:22 parfois, avec des nouveau-nés, à la rue ?
06:25 ...
06:28 -Tu connais ces délires ? -Oui, je vous emmène.
06:30 -Ces travaux, menés avec la délégation
06:33 aux droits des femmes du Sénat,
06:35 commencent par la visite d'un centre d'hébergement pour femmes,
06:38 géré par l'association La Mie de Pain.
06:41 -Ici, vous êtes au Jus Notre-Dame,
06:43 c'est un centre d'hébergement d'urgence
06:45 qui accueille 49 femmes isolées.
06:47 Elles sont accueillies ici pour une mise à l'abri
06:50 dans un accueil inconditionnel,
06:52 c'est-à-dire qu'on ne met pas de fin de prise en charge
06:55 à leur situation, tant qu'on n'a pas trouvé
06:57 de meilleure solution plus adaptée à leur situation.
07:00 Elles restent un certain temps, d'une nuit à plusieurs années,
07:04 en fonction de leur situation.
07:05 -Le centre, d'une cinquantaine de places,
07:08 est exclusivement réservé aux femmes.
07:10 Ils logent en chambre individuelle ou par deux.
07:13 Et quand il fait trop froid dehors,
07:15 on pousse un peu les murs pour faire de la place.
07:17 -Ca, effectivement, c'est l'hébergement
07:20 dans le cadre du plan Grand Froid.
07:22 En dessous de zéro, le plan Grand Froid est déclenché.
07:25 Dès que les températures remontent, ils se ferment,
07:28 mais les dames qu'on a mises à l'abri n'ont pas de solution.
07:31 -Les 15 femmes provisoirement accueillies ici
07:34 ne pourront pas rester.
07:35 Le centre n'a aucune chambre de libre.
07:38 -Il y a une longue file d'attente pour rentrer chez nous.
07:41 On est à plusieurs centaines de demandes par jour.
07:44 Il y a une saturation dans nos dispositifs,
07:46 car la majorité sont en situation administrative complexe,
07:49 irrégulière, et nous avons beaucoup plus de demandes
07:52 que de places d'hébergement disponibles.
07:55 -Depuis trois ans, le personnel du centre
07:57 a vu le nombre de femmes sans domicile exploser.
08:00 Certaines ont fui les violences conjugales
08:02 aggravées par le confinement.
08:04 Beaucoup sont en situation irrégulière,
08:07 toutes sont soulagées de trouver un abri.
08:09 -Merci à l'ami de Pain,
08:12 parce que quand je suis arrivée,
08:14 j'étais stressée, j'étais au bord du suicide.
08:17 Et j'ai retrouvé l'équilibre
08:20 dans leur accueil, leur manière de travailler.
08:23 Aujourd'hui, maintenant, je veux m'intégrer,
08:26 parce que je suis en France, je veux m'intégrer
08:28 et être utile non seulement pour moi-même,
08:31 mais pour les autres.
08:32 Cette intégration, c'est ce que je veux.
08:34 Pour les autres.
08:36 C'est cette intégration qu'on cherche,
08:38 avoir des papiers, être un peu dans la légalité.
08:41 Et céder les places, parce que je me suis choquée
08:44 lorsqu'il arrive qu'on sorte
08:47 et qu'on voit une femme dehors,
08:49 dans la neige.
08:51 Je me dis que j'aurais pu être comme elle.
08:54 -On est sur la partie hébergement...
08:56 -Plusieurs d'entre elles travaillent,
08:58 mais sans papier, impossible de trouver un logement.
09:01 La moitié de ces femmes
09:03 vit ici depuis l'ouverture du centre,
09:05 il y a près de 4 ans.
09:07 -C'est vrai que c'est très douloureux,
09:09 parce qu'on se rend compte qu'il y a une évolution.
09:12 Quand le Samu social existait,
09:14 dès qu'on rencontrait une femme à la rue,
09:16 on appelait et on leur trouvait des solutions.
09:19 Aujourd'hui, on se rend compte que tout est saturé.
09:22 -A Paris,
09:23 seuls 21 % des femmes qui en font la demande
09:26 trouvent une place en hébergement d'urgence.
09:29 Les autres se retrouvent dehors.
09:31 Musique douce
09:33 ...
09:39 -Ils ont réparé le rétro, c'est chouette.
09:41 -C'est vrai.
09:43 -Qu'est-ce que je fais ?
09:44 -Tu vas tout droit pendant un certain temps.
09:47 -D'accord.
09:48 -3 fois par semaine, des bénévoles de médecins du monde
09:51 sillonnent les rues de la capitale.
09:54 -Donc, Saïd.
09:55 -En fait, je le connais pas.
09:57 -Problème psy sous-jacent. -Ouais.
10:00 -Histoire compliquée.
10:02 Problème de main, c'est ça ? -Oui, main gauche.
10:05 -Tu dis ? -Oui.
10:06 -OK.
10:07 -Ce soir, on va voir des personnes
10:09 qui nous ont été signalées,
10:11 parce qu'elles ont des problèmes de santé.
10:13 Donc, nous, on y va ce soir
10:15 pour évaluer leur état de santé
10:18 et surtout pouvoir les orienter
10:20 vers les structures les plus adéquates
10:23 en fonction de leurs problèmes.
10:25 -Sur leur feuille de route, ce soir,
10:28 pas une seule femme.
10:29 -Alors, ce qu'on va faire, c'est qu'on va...
10:32 -Elles sont pourtant plus de 400 à dormir dehors,
10:36 soit 12 % de la population de sans-abri
10:39 que la mairie de Paris évalue à près de 3 500 personnes.
10:43 -Bonsoir, monsieur.
10:47 On travaille pour Médecins du monde
10:50 et on cherche un homme seul à la rue,
10:52 qui est souvent dans le quartier.
10:54 -Près de la poste. -Près de la poste.
10:56 -C'est loin à pied ? -Non, juste à gauche.
10:58 -D'accord. Merci beaucoup.
11:00 -Globalement, ça peut être compliqué,
11:02 parce que c'est des personnes à la rue qui sont très mobiles,
11:05 quand c'est des femmes encore plus,
11:07 parce qu'elles peuvent facilement se cacher
11:10 dans des halls d'immeubles, dans des voitures à côté,
11:13 ou dans un campement.
11:14 C'est pas le bon moment, parce que le fait de marauder le soir,
11:18 c'est un moment où les femmes se cachent encore plus qu'en journée.
11:22 Vrombissement de moteur
11:23 -Salut ! Salut !
11:25 -C'est qui, ce dernier ? -Pardon ?
11:27 -C'est Daniel.
11:28 -C'est Daniel ?
11:29 Rires
11:31 -Alors ?
11:32 -Invisibles, les femmes se cachent dans des parkings,
11:36 des caches d'escaliers, pour se protéger.
11:38 90 % de celles qui vivent à la rue
11:42 ont été victimes de violences sexuelles.
11:44 -Elles nous en parlent pas spontanément,
11:47 mais on voit dans leurs comportements,
11:49 quand on les approche pour la première fois,
11:51 on sent que dans leurs comportements,
11:54 il y a une crainte, elles sont sur la défensive.
11:57 Quand on arrive à parler de ces choses-là,
11:59 il y a des histoires d'agressions sexuelles,
12:01 il y a des histoires éventuellement de viols.
12:04 -Je sais pas, des fois, c'est dans les angles...
12:07 Tu vois en face ?
12:08 -Ici, j'ai arrivé à le vélo.
12:10 Le vélo. -Oui ?
12:11 C'est le vélo qui a tapé ? -Oui.
12:13 -D'accord.
12:14 Allongez-vous un peu, là.
12:16 Voilà.
12:18 C'est bien, super.
12:20 Je peux faire ça ?
12:22 Bon, d'accord.
12:24 Ca fait mal ?
12:26 -La rue abîme les corps,
12:28 ceux des hommes comme ceux des femmes.
12:31 On y meurt en moyenne 30 ans plus jeunes
12:34 que le reste de la population.
12:36 -Les pathologies qui sont à l'origine
12:38 de cette mortalité très prématurée
12:40 sont les pathologies mentales, certes,
12:44 mais aussi cardiovasculaires,
12:46 des cancers,
12:48 par absence de dépistage,
12:50 donc on est toujours dans des situations de cancer
12:53 qui sont graves, puisqu'ils ne sont pas dépistés,
12:56 mais il y a des pathologies bronchopneumonaires,
12:58 des comportements d'addiction, notamment à l'alcool,
13:01 et ça entraîne une série de complications
13:04 qui font qu'à l'arrivée,
13:05 dans la rue, on meurt à 49 ans au lieu de 80 ans.
13:08 ...
13:28 -Voilà, c'est là que je dormais.
13:30 Ca me fait tout drôle d'en revenir ici.
13:37 -Pourquoi ?
13:38 -Bah, c'est le passé.
13:40 -C'était une autre vie,
13:43 une vie dehors, qui a duré 20 ans.
13:46 La violence de la rue,
13:49 Sophie en garde encore aujourd'hui les séquelles.
13:52 -En fait, j'étais du côté de Plastichi,
13:56 avec des amis.
13:58 On avait pas mal picolé et pas mal fumé.
14:01 On a été dormir dans un parc.
14:04 Il y a un monsieur qui a voulu abuser de moi,
14:07 je me suis pas laissée faire.
14:08 Il m'a tapé à coups de chausson de sécurité dans le ventre
14:12 et au niveau de l'attente.
14:13 Comme mon oeil gauche avait déjà été opéré
14:16 d'une craque de corneille en 84,
14:18 les greffons s'étaient ouverts sur les trois quarts.
14:21 J'ai subi cette intervention sur l'oeil
14:23 et maintenant, je ne vois plus de cet oeil.
14:25 -Quand elle se retrouve dehors,
14:31 elle n'a que 21 ans et déjà un lourd passé,
14:35 une enfance difficile en famille d'accueil
14:38 avec qui elle a totalement rompu.
14:41 -Entre 10h et midi, je faisais la manche ici,
14:44 ici, au Rue de Tugera, où je dormais.
14:47 Parce qu'ici, c'est comme partout,
14:49 si t'as un moment sans venir, on te dit que t'as place.
14:52 -De tout ce qu'elle a subi à la rue,
14:56 le plus violent reste à ses yeux l'indifférence.
15:01 -Le regard des gens, des fois, il est méchant.
15:03 Ils passent devant toi, ils te regardent même pas.
15:06 Il faut comme si t'étais pas là, comme si t'étais une statue.
15:09 C'est vrai qu'on peut pas donner à tout le monde,
15:14 parce qu'ils sont beaucoup.
15:15 La vie est dure pour tout le monde, maintenant.
15:18 C'est vrai que quand on est à la rue, la vie est quand même plus dure.
15:28 -Pour mesurer la pénurie de places en hébergement d'urgence,
15:31 la sénatrice Agnès Evrène poursuit en Seine-Saint-Denis
15:34 ses travaux sur les femmes sans domicile.
15:37 -Donc, ici, c'est le plateau 115.
15:39 -C'est ici que convergent tous les appels au 115 du département.
15:44 -On reçoit entre 1 500 et 2 000 appels par jour.
15:47 Et on en décroche entre 350 et 500 par jour.
15:50 -Ce qui est très peu.
15:52 -Oui, madame, je vous écoute.
15:54 -24 écoutants se relaient jour et nuit
15:58 pour répondre aux demandes de mise à l'abri.
16:00 -Les deux demandes,
16:01 c'est le certificat d'hébergement et la demande d'aide alimentaire.
16:05 -Je vais vous prendre l'exemple du lundi 22 janvier,
16:09 qui était une journée pendant laquelle on a reçu
16:13 1 594 appels.
16:15 Sur ces 1 594 appels, on a décroché 403.
16:19 Ce jour-là, on a eu uniquement deux personnes
16:22 qui ont pu être mises à l'abri.
16:23 -Deux places pour plus de 500 personnes.
16:28 Ce jour-là, 44 femmes enceintes sont restées sans solution.
16:32 Jamais le 115 n'avait connu une telle saturation.
16:36 -OK, madame. Je vais relancer la demande
16:38 pour votre hébergement.
16:40 Courage, madame.
16:41 J'espère que vous n'êtes pas trop stressée avec tout ça.
16:45 -Ah, d'accord.
16:46 -On avait 12 300 places qui nous étaient mises à disposition.
16:49 Pendant l'été, on nous a demandé de fermer 2 000 unités hôtelières.
16:54 Et puis, la demande a continué.
16:56 Elle a augmenté, a s'exprimé.
16:58 Là, on se retrouve avec un volume de personnes
17:00 qui se sont un peu accumulées pendant cette période
17:03 où on n'a pas pu faire rentrer les demandeurs.
17:06 Parmi ces personnes, on avait toujours des femmes,
17:09 des enfants, des bébés, des femmes enceintes, etc.
17:13 -1 000 unités hôtelières ont finalement été supprimées
17:16 en Seine-Saint-Denis.
17:18 D'après la préfecture,
17:19 beaucoup d'hôtels transformés en hébergements d'urgence
17:22 pendant le confinement
17:24 retrouvent désormais leur activité commerciale.
17:27 Sur 3 000 places perdues en 2023 dans toute l'île de France,
17:31 600 ont pu être compensées
17:33 par des créations de places en centre d'hébergement.
17:36 -Vous appelez le 115 pour faire une demande d'hébergement ?
17:39 Et vous êtes enceinte ?
17:41 D'accord. Vous êtes enceinte de combien de mois, madame ?
17:45 D'accord, vous êtes à votre cinquième mois de grossesse.
17:48 OK, madame. Et vous êtes où, actuellement ?
17:50 -Je suis à la maison.
17:52 -Hier, vous avez passé la nuit où ?
17:54 Vous avez dormi à la maternité de l'hôpital de La Fontaine ?
17:57 D'accord. OK, madame.
17:59 Je relance votre demande d'hébergement, madame.
18:01 S'il y a une solution, vous allez être contactée.
18:04 Au revoir, madame.
18:05 -On a un cas très pratique d'une femme enceinte de cinq mois
18:11 et que, comme les préfets ont reçu des consignes
18:14 pour mettre des critères de priorité,
18:16 elle n'est pas dans les priorités.
18:18 La femme est enceinte de plus de sept mois.
18:21 -Vous pensez qu'elle recevra une réponse ?
18:24 Comment vous le sentez ? Vous avez l'expérience.
18:27 Vous gérez la pénurie.
18:28 -Je vais être honnête.
18:30 Vu qu'elle n'est pas dans les priorités des priorités,
18:34 malheureusement, aujourd'hui, elle n'aura pas de solution.
18:37 -Ecoutez, oui, évidemment, je m'attendais à ces chiffres,
18:42 mais ils sont encore pires que ce que j'imaginais.
18:45 Malheureusement, le Semi-social gère la pénurie.
18:48 Aujourd'hui, on doit choisir
18:50 entre un bébé de quatre mois, qui n'est pas prioritaire,
18:53 et un bébé de trois mois, qui est prioritaire.
18:56 Musique douce
18:58 -En théorie, les femmes enceintes de sept mois
19:01 ou celles avec un bébé de moins de trois mois
19:04 sont prioritaires, mais même pour elles,
19:06 il n'y a plus assez de place en hébergement d'urgence.
19:10 ...
19:16 -Quand vous dites que vous dormez beaucoup avec le traitement,
19:19 ça vous gêne ou ça vous gêne pas ? -Non, ça me soulage.
19:23 -C'est déjà mieux, vous êtes au chaud,
19:25 on a réussi à trouver quelque chose qui vous apaise un peu.
19:28 Et puis on attend, on avance.
19:31 On appelle toujours le 115, on pense.
19:34 A bientôt ! -Au revoir, monsieur.
19:36 -A huit mois de grossesse,
19:39 cette jeune femme vivait dehors avec son mari
19:41 avant d'être recueillie dans cette maternité de Saint-Denis.
19:45 -On dormait en bas du pont
19:48 de la gare de Saint-Denis.
19:51 Mais chaque jour, il y avait des histoires,
19:55 on nous agressait.
19:56 Il y avait beaucoup de problèmes là-bas.
19:59 Dans des labos, on était là-bas.
20:02 On est venus se coucher devant l'urgence de l'hôpital.
20:05 Ça fait un mois que je suis ici, maintenant.
20:08 Ils s'occupent très bien de moi,
20:11 mais ça m'empêche pas d'appeler le 115,
20:14 parce qu'ici, c'est le public.
20:17 Je suis fatiguée de rester ici.
20:22 Je veux me retenir dans la rue encore avec mon enfant.
20:27 Parce que je ne sais pas où aller.
20:31 -Au moment de notre visite,
20:36 la maternité de l'hôpital de La Fontaine
20:38 hébergait 14 femmes sans-abri,
20:41 dont 4 enceintes et 10 en suite d'accouchements.
20:44 Elles ont été jusqu'à 22.
20:47 22 lits bloqués pendant parfois plusieurs semaines
20:50 dans une maternité de type 3,
20:53 équipée pour faire face aux accouchements les plus compliqués
20:56 et dont les places sont très recherchées.
20:59 -C'est une situation qu'on avait quasiment jamais connue.
21:04 Avant, on arrivait...
21:06 Il y avait des hospitalisations qui se prolongeaient sur ça,
21:09 sur des délais qui allaient jusqu'à quasi 90 jours,
21:13 pour certaines.
21:15 Là, actuellement, j'ai une patiente qui a 47 jours
21:18 d'hospitalisation chez nous, qui n'a plus besoin de soins.
21:21 Elle est juste en attente d'hébergement.
21:24 C'est de la fatigue.
21:26 La fatigue, c'est pas contre ces femmes-là.
21:29 En vrai, nous, les soins, pas grand-chose à leur faire.
21:32 C'est de la fatigue, parce que derrière,
21:34 on a tous les transferts à faire.
21:37 On a la surcharge de travail, une salle de travail pleine.
21:40 -Ca va ? -Oui, ça va.
21:42 -Bah oui, je vous ai eues. Vous me reconnaissez ?
21:44 -Oui, on la connaît.
21:46 -Ca va, depuis ? -Ca va, ça va bien.
21:48 -Coucou, toi.
21:50 -Bon.
21:51 -Vous donnez que le vibro ? -Un peu des deux.
21:54 -Ca se passe comment ? -Ca se passe bien.
21:56 -Vous avez un moyen de rentrer à la maison ?
22:00 -Non, on a déjà parlé avec la thérapeute
22:03 et la thérapeute de la santé.
22:05 -Celle-là, elle sait pas où je veux la mettre.
22:07 -D'accord, donc il faut qu'on va le faire encore.
22:10 Vous allez pas sortir aujourd'hui. Allez, bon courage.
22:13 -Sa petite-fille n'a que trois jours.
22:17 Jusqu'à l'accouchement,
22:18 cette jeune Ivoirienne et son époux étaient à la rue,
22:21 malgré leurs appels au 115.
22:23 -En 2021, je suis arrivé en Tunisie.
22:26 Et de Tunisie, j'ai fait la traversée
22:29 pour venir en France.
22:31 Depuis lors, j'ai dormi dans la rue.
22:34 C'est dans la rue que je suis tombé enceinte.
22:36 J'ai eu des contractions, j'ai appelé le 15,
22:40 et c'est eux qui m'ont conduit à l'hôpital de la Fontaine.
22:43 Parce que c'était le jeudi, donc je suis venu là.
22:46 Jusqu'à... J'ai accouché sur la...
22:48 Je sais pas où je vais partir avec ma fille.
22:52 Donc là, je m'inquiète un peu.
22:54 C'est un peu difficile.
22:57 ...
23:00 -Vous appelez le 115 tous les jours ?
23:02 -Après, on m'a accouché dans la rue.
23:04 Je les ai pas encore appelés.
23:06 -Vous les appelez tous les jours ?
23:08 -Tant qu'elle n'aura pas de solution,
23:10 elle pourra rester ici.
23:12 Soutenue par la direction, l'équipe médicale
23:15 n'envisage pas de remettre à la rue une femme et son nouveau-né.
23:19 -Pour un médecin, l'idée de faire sortir une maman
23:22 qui est accouchée avec son bébé,
23:24 tout en sachant qu'elle va aller dormir dans la rue,
23:27 c'est une responsabilité énorme.
23:29 Et nous, personnellement, avec l'équipe médicale,
23:32 on se refuse de le faire.
23:34 Notre instinct, c'est d'apprendre qu'un bébé est mort de froid
23:38 ou est mort de chaud pendant que la mère était à la rue
23:41 avec son bébé, parce qu'elle avait pas de quoi le nourrir.
23:44 Si c'est pour apprendre qu'il y a une catastrophe,
23:47 ce n'est pas vivable par nos équipes.
23:49 ...
23:59 ...
24:02 -Et nous voici chez moi.
24:04 Alors ça, c'est mon studio,
24:06 avec mon petit coin de cuisine et mon lit.
24:09 Et par là, c'est la salle de bain et les toilettes.
24:13 -Il y a 4 ans, Sophie a enfin obtenu un logement.
24:16 Le début d'une nouvelle vie, après 20 ans passés à la rue.
24:21 -Quand j'ai signé le bail, on aurait dit une vraie gosse.
24:26 Surtout quand on m'a donné les clés.
24:29 -Pourquoi ?
24:30 -Bah, c'était... J'y croyais pas.
24:33 Il a vraiment fallu que j'ai les clés dans la main,
24:36 que je rentre dans le studio pour me dire que ça y est,
24:39 je suis chez moi.
24:40 Et au début, c'était dur, je dormais par terre.
24:43 -Pour 200 euros par mois,
24:45 elle vit à Paris, dans une pension de famille.
24:48 Un lieu conçu pour les personnes ayant connu
24:51 un parcours d'exclusion, où elle continue d'être suivie.
24:54 Les places y sont très rares.
24:57 -En fait, j'ai attendu mon logement pendant plus de 20 ans.
25:01 Parce que, comme tout le monde sait,
25:03 des logements sociaux, il n'y en a pas beaucoup.
25:06 Si on construisait plus de logements,
25:08 oui, ça serait peut-être la solution,
25:11 mais comme je l'ai dit, plus de pensions de famille,
25:14 de maisons-relais ou même des foyers pérennes.
25:17 -Si t'avais un message à faire passer aux politiques,
25:20 ce serait quoi ? -Bougez votre cul.
25:22 Bougez votre cul, parce que vous êtes des gens
25:26 qui ne pouvez pas bouger votre cul,
25:28 parce qu'il y a des solutions, et puis il y en a 20.
25:31 Mais c'est à vous d'ouvrir les places.
25:33 -Le vrai sujet, c'est aussi une volonté politique,
25:36 une vision politique.
25:38 Cette situation de pénurie d'hébergement d'urgence,
25:41 elle est liée d'abord à une crise du logement social.
25:44 Ca veut donc bien dire que l'Etat était défaillant.
25:47 -Depuis 2017, la construction de logements sociaux
25:51 n'a pas cessé de reculer.
25:53 Plus de 2,4 millions de ménages sont actuellement
25:56 en attente d'un logement social,
25:58 un niveau que la France n'avait jamais connu.
26:01 Musique sombre
26:04 ...
26:11 ...
26:27 ...

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