La sœur de Marie-Agnès a disparu depuis 29 ans: "J'ai espoir qu'on la retrouve"
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00:00 Le 15 décembre 1994, ma soeur Sylvie s'est rendue de chez moi, Pérué, à chez ma maman, Rucourt, qui est à quelques kilomètres.
00:13 Sylvie est allée donc chez maman, parce que maman était tombée dans le jardin,
00:20 et lorsqu'elle a vu que maman ça allait mieux, maman lui a dit "est-ce que tu veux que je te ramène chez ta soeur?"
00:28 Et Sylvie a demandé à maman de rester là, pour s'occuper un petit peu de sa chambre et ainsi de suite.
00:36 Maman est arrivée chez moi pour récupérer mon fils, qui jouait à ce moment-là au football, à Ouillères,
00:41 et en fin de journée, elle a redéposé mon fils sans s'arrêter. Elle a déposé le gamin, puis maman est repartie.
00:49 - Donc quand maman l'a vérifié, personne ne savait que...
00:52 - Personne ne savait si Sylvie était à Rucourt ou si Sylvie était à Pérué.
00:56 A savoir que lorsque maman est rentrée chez elle pour préparer son repas, son mari lui dit que Sylvie était partie.
01:05 Donc maman ne s'est pas inquiétée, elle s'est dit "Sylvie est retournée chez sa soeur".
01:10 Moi ne voyant pas Sylvie revenir, je l'ai attendue pour souper, la voyant pas revenir, je me dis pour moi "elle est restée chez maman".
01:18 Et le lendemain matin, 8h au matin, quand maman est arrivée pour venir chercher ma soeur pour aller sur le marché,
01:26 elle m'a dit "est-ce que la grande est levée ?" et je lui dis "mais maman elle est chez toi".
01:31 Et maman me dit "non, elle est pas là".
01:34 Et là tout de suite ça nous a fait tilt, on s'est dit "il est arrivé quelque chose".
01:39 Parce que c'était au moment de l'histoire du trou.
01:43 - On a quelle date justement ?
01:45 - Là c'était le 16 décembre 1994.
01:51 C'est au moment où, cette période-là, quasiment dans la semaine, où on retrouve Juliet et Mélissa.
01:57 Donc nous on a pensé directement à du trou.
02:00 Le problème c'est qu'à ce moment-là il y avait gendarmerie, police, police judiciaire,
02:06 donc le dossier s'est promené entre la gendarmerie, la police et la police judiciaire, et ça pendant 3 mois.
02:14 Et ce n'est qu'à partir du mois de mars qu'ils ont décidé de prendre l'affaire au sérieux.
02:19 - Et de diffuser un avis officiel.
02:21 - Et même pas ! Ce ne sont pas eux qui ont diffusé un avis officiel,
02:25 ce sont les élèves ainsi que son institutrice de l'école de Pérouet, Saint-Charles,
02:32 qui ont décidé de faire un avis de recherche et de le mettre dans le journal.
02:37 - Vous entre-temps, vous étiez un peu livrée à vous-même.
02:40 - Tout à fait.
02:41 - Vous aviez entrepris des démarches ?
02:43 - On a fait nous-mêmes des photos qu'on a mis un peu partout, des avis de recherche.
02:53 On en a mis à tourner, on en a mis en France, à la frontière,
02:56 on en a mis dans tous les villages qu'on connaissait de la région.
03:01 On a essayé de téléphoner à tous des amis, des copains, des copines.
03:07 On a essayé de faire tout ce qu'on pouvait de notre côté,
03:11 en attendant que ça démarre du côté de la police judiciaire.
03:15 - Qu'est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là ?
03:18 On jette le doute sur tout le monde ?
03:20 - Oui. On se demande où, qui, comment, pourquoi ?
03:23 En fait, ce sont toutes des questions et on est là sans réponse.
03:30 Et là, ça s'enchaîne des mois, des mois, des mois et des années et des années.
03:36 - Vous avez combien de temps aujourd'hui ?
03:38 - Ici, maintenant, on en est à 29 ans et 4 mois.
03:46 - Sans un signe de votre sœur ?
03:48 - Sans un signe de ma sœur.
03:50 Elle n'avait que 19 ans quand elle a disparu.
03:53 Et ma sœur, je pense que si, dans ces 29 ans, elle aurait encore été en vie,
04:00 je crois qu'elle aurait tout fait pour nous retrouver.
04:02 Elle aurait tout fait.
04:04 - Aujourd'hui, vous n'avez plus d'espoir ?
04:06 - Je n'ai plus d'espoir. J'ai encore l'espoir de la retrouver.
04:09 Mais malheureusement, je ne pense pas qu'elle est encore vivante.
04:13 - Dans les mois qui suivent sa disparition, Dutroux, Fourniret sont inquiétés aussi ?
04:17 - Oui, bien sûr. Bien sûr, la police judiciaire est allée questionner Dutroux en prison,
04:23 ainsi que Fourniret, qui apparemment ont bien prouvé
04:29 qu'il n'avait jamais été dans le coin à ce moment-là et qu'ils ne connaissent pas du tout ma sœur.
04:35 Mais moi, je n'y ai jamais cru non plus. Je n'y ai jamais cru.
04:39 Un détail, Fourniret.
04:41 Un moment donné, parce qu'il faut savoir que Fourniret est allé à Suny,
04:46 c'est un village où habite toute la famille de ma maman.
04:50 Et Fourniret connaissait un de mes oncles.
04:53 Il le connaissait, je veux dire par là, en buvant une tasse de café ou un verre
04:59 dans un comptoir comme n'importe qui boit un verre.
05:02 Ils discutent de chasse parce que mon oncle est un grand chasseur.
05:07 Et puis c'est tout.
05:09 Mais bien sûr, au moment où on apprend ça, on commence à investiguer par là aussi,
05:16 en se demandant est-ce que ce n'est pas Fourniret.
05:18 Donc pendant un moment, j'avoue que Fourniret a été un doute dans ma tête.
05:23 Vous en voulez aujourd'hui à la justice par rapport à la lenteur,
05:27 que ce soit la police et puis la justice par derrière ?
05:29 Actuellement, je ne vais pas parler des personnes qui s'occupent du dossier de Sylvie.
05:36 Mais si je pars en arrière, effectivement.
05:40 Vous avez le sentiment qu'on aurait pu la retrouver ?
05:42 Oui, tout à fait.
05:44 Déjà, c'est vrai que la justice est très lente en Belgique.
05:48 Et je pense que dans le dossier de Sylvie, je ne le pense pas, je le sais,
05:53 dans le dossier de Sylvie, il y a eu énormément d'erreurs.
05:57 Du style ?
05:59 Il y a eu énormément d'erreurs parce que le problème que je constate,
06:07 ici dans le dossier que ma maman m'a laissé,
06:11 nous avons eu beaucoup d'inspecteurs de police judiciaire,
06:15 nous avons eu beaucoup de juges d'instruction.
06:18 Et je me dis qu'il y a eu peut-être des choses qui n'ont pas été lues par certains
06:25 ou des choses qui ont peut-être été perdues, je ne sais pas.
06:30 Mais il y a des choses qui sont incohérentes.
06:33 Et il y a des choses que j'ai du mal à comprendre.
06:36 Votre maman a décédé il y a 4 ans, vous lui aviez fait la promesse de reprendre le dossier en main.
06:41 Elle s'en est occupée pendant 26 ans.
06:44 Ça va faire presque 4 ans que vous vous en occupez.
06:48 Comment est-ce qu'on le vit ?
06:50 Très très mal et très dur. C'est très dur.
06:53 C'est très dur de lire le dossier, de voir ce qu'il y a dedans.
06:58 C'est de penser beaucoup à ma maman, qui s'est énormément battue pendant 26 ans.
07:03 Et c'est de se dire qu'on aimerait bien être à la même hauteur qu'elle de tout ce qu'elle a fait
07:08 parce qu'elle s'est battue énormément.
07:11 Et ici, je suis toujours dit que je continuerais.
07:15 De toute façon, j'ai fait la promesse et je la tiendrai.
07:18 Mais c'est vrai que c'est très dur. C'est très dur.
07:21 Au quotidien. Au quotidien.
07:24 Vous êtes convaincue qu'une personne a tué votre sœur ?
07:26 Oui.
07:28 Maissance, c'est de savoir qui.
07:31 Et surtout de savoir où elle est.
07:34 Vous comprenez que pendant presque 30 ans, cette personne,
07:38 si une tierce personne qui s'en est prise,
07:43 elle vit comme ça, sous silence, sans avoir été arrêtée.
07:49 J'ai du mal. Je vous avoue, j'ai énormément de mal à accepter ça.
07:54 Moi, j'ai toujours dit qu'il n'y a que Dieu qui peut relever une vie.
07:59 Si cette personne s'appelle Dieu, il faudrait qu'elle vienne me voir.
08:04 Ça fait autant d'années que votre sœur a disparu.
08:08 La douleur est toujours aussi intense ?
08:10 Oui. Et même de plus en plus parce que je me rends compte que je ne suis plus toute jeune.
08:15 Je vieillis, comme tout le monde.
08:18 Et je me dis que j'espère que j'aurai encore le temps.
08:21 Parce que c'est ça en fait.
08:24 C'est se dire combien de temps ça va encore durer
08:27 et est-ce que je serai encore là pour pouvoir continuer.
08:31 Ce lundi, en début de journée, la police vous contacte pour des fouilles qui sont reprises.
08:38 Les fouilles sont faites. J'avais vraiment un espoir.
08:43 J'avais vraiment un espoir.
08:45 Mais à 15h de l'après-midi, mon espoir est devenu désespoir.
08:52 C'est le ciel qui m'est tombé sur la tête.
08:55 Qu'est-ce que vous attendez aujourd'hui de la police ?
08:57 Qu'elle continue, qu'elle n'oublie pas votre sœur ?
08:59 Qu'elle n'oublie pas. On continue les recherches.
09:03 Je me sens maintenant autre que par rapport à hier.
09:07 Et je me dis que je vais redoubler de force.
09:12 Et je vais continuer à aider la police judiciaire pour retrouver Sylvie.
09:19 Est-ce que vous pouvez nous montrer Sylvie ?
09:21 Bien sûr.
09:22 Donc ça c'est une des plus belles photos et que je tiens particulièrement de Sylvie.
09:29 Ici c'est une photo que nous avons faite lors de ses 10 ans de disparition.
09:35 Sa robe, je l'ai toujours d'ailleurs.
09:38 Sa robe est toujours dans mon armoire.
09:41 Ici Sylvie c'est au baptême de son fiole, donc de mon fils.
09:47 Et ici c'est avec ma sœur Anne-Marie.
09:50 C'était je crois une fête de carnaval ou quelque chose comme ça à la maison.
09:55 Parce qu'on s'entendait tellement bien.
09:58 On faisait pas mal de fêtes tous ensemble.
10:02 Et on en a encore des souvenirs parce qu'hier encore on en parlait.
10:05 Et on en a rigolé, on s'est remémoré des choses.
10:09 Voilà.
10:11 Et une dernière question pour clôturer cette interview et probablement pas la plus facile.
10:16 Vous n'avez plus espoir de la retrouver vivante ?
10:19 Non.
10:20 Non.
10:21 Et je vais vous dire qu'à la limite, je pense qu'au fond de moi depuis tant d'années,
10:27 je me suis mise dans l'idée que le jour où on va me dire on a retrouvé sa sœur,
10:35 c'est dans ma tête, je sais qu'on ne retrouvera que les ossements de ma sœur.
10:41 Mais comme je dis, le pas après.
10:45 Parce qu'on n'est jamais complètement prêt.
10:52 On n'est jamais complètement prêt en fait.
10:55 Mais je sais ce qui m'attend.
10:57 Si on la retrouve, je sais ce qui m'attend.
11:00 Merci.
11:01 Merci.
11:02 Merci.
11:03 Merci.
11:04 Merci.
11:05 Merci.
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