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  • 26/12/2023
Cinq corps ont été retrouvés à Meaux, en Seine-et-Marne, lundi 25 décembre. Une femme et quatre enfants ont été découverts sans vie alors que le père de famille était en fuite. Il a été retrouvé à Sevran, en Seine-Saint-Denis, chez son père. La police l'a interpellé et placé en garde à vue. Le procureur de la République de Meaux, Jean-Baptiste Bladier, fait le point sur l’enquête.

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Transcription
00:00 Voilà, je me présente à vous pour vous communiquer un certain nombre d'éléments factuels sur une procédure judiciaire qui a fait suite à la découverte hier sur la commune de Meaux du corps de cinq personnes.
00:18 La découverte de ces corps a démarré de la manière suivante. Le 25 décembre 2023, peu avant 21 heures, des amis, des proches, des membres du voisinage de la famille victime
00:35 se sont manifestés auprès des services de police, s'inquiétant de l'absence de réponse des intéressés alors que les requérants frappaient à la porte de leur domicile
00:47 et que ces mêmes requérants avaient constaté sur le palier devant la porte donc de l'appartement la présence de traces de sang en petite quantité mais néanmoins de traces de sang.
01:02 Les requérants sollicitaient donc l'intervention des policiers du commissariat de Meaux qui se déplaçaient rapidement sur les lieux.
01:13 Entre autres unités, la brigade anticriminalité se rendait sur place, tentait en vain de prendre contact avec les occupants de l'appartement situé au rez-de-chaussée,
01:25 appartements dont les fenêtres donnant sur l'extérieur étaient toutes fermées, les volets roulants étant mis en place.
01:37 Les fonctionnaires de la BAC parvenaient à forcer l'un de ces volets et à pénétrer dans l'appartement, donc par une fenêtre, plus précisément celle de la chambre conjugale.
01:55 Ils découvraient ce qui constituait à l'évidence une scène de crime d'une très grande violence.
02:02 Je devais le constater moi-même quelques heures plus tard. Et cinq cadavres étaient découverts sur place.
02:14 Tout d'abord celui de la mère de famille, une dame née en avril 1988 en Haïti. Ensuite celui de quatre jeunes enfants.
02:32 Une fillette née en 2013 et donc âgée de dix ans. Une seconde fillette née en 2016 âgée de sept ans.
02:45 Un petit garçon né en 2019 âgé de quatre ans. Et enfin un garçon né en mars 2023 et qui aurait eu neuf mois hier.
03:04 La direction interrégionale de la police judiciaire de Versailles était saisie d'une enquête en flagrance des chefs d'homicide volontaire.
03:14 À ce stade, avec préméditation, je reviendrai ensuite sur les qualifications que je retiendrai pour la suite de l'enquête.
03:24 Les constatations médico-légales effectuées durant la nuit révélaient que les trois défuntes, j'insiste les trois défuntes,
03:32 donc la maman et les deux fillettes, avaient été victimes d'un très grand nombre de coups de couteau dont il est impossible de déterminer le nombre en l'état.
03:45 Les coups étant portés tant sur la face avant que la face arrière des corps et aussi le tronc, les membres inférieurs et supérieurs,
03:56 ainsi que ce qu'on appelle couramment des lésions de défense.
04:03 Le petit garçon de quatre ans et le bébé de neuf mois ne présentaient pas de plaies apparentes sur le corps et donc évoquait à ce stade, sous toute réserve,
04:17 la piste d'un étouffement ou possiblement, notamment pour le garçon de quatre ans, d'une noyade, mais les cheveux de celui-ci ne sont pas mouillés.
04:32 Les autopsies des cinq corps auront lieu à l'Institut médico-légal de Paris demain, 27 décembre 2023.
04:45 Sur la scène de crime, qui est constituée d'un appartement donc situé au rez-de-chaussée, de petite taille, très encombré par de nombreux meubles et de nombreux vêtements
05:06 et paires de chaussures, évocateurs d'une vie de famille ordinaire, on découvre, pour ce qui peut intéresser l'enquête, d'une part un très grand nombre de kleenex ou de sopalin portant des traces de sang,
05:26 pouvant laisser penser que quelqu'un les a utilisées pour s'essuyer. Et il n'est pas la peine d'épiloguer sur le nombre et la quantité des traces, des flaques et des mâres de sang,
05:45 dans différentes pièces de l'appartement. On relève, et c'est évidemment important pour la suite, la présence de documents médicaux et administratifs pouvant évoquer un internement de nature psychiatrique
06:06 en 2017 du père de famille, ainsi que des ordonnances médicales portant prescription de tranquillisant. Au cours de la nuit, ou au petit matin pour être plus précis, les premiers éléments d'une enquête de voisinage
06:30 permettaient de recueillir les déclarations qui seront formalisées dans la procédure dans la journée de voisins des étages supérieurs qui indiquaient avoir entendu des cris dans la soirée du 24 décembre,
06:49 et donc entre plus précisément le 24 décembre 23h et le 25 décembre 3h du matin. Ces personnes déclaraient toutefois ne pas s'être inquiétées dans la mesure où, je cite, si ce n'est mot pour mot ou moins dans l'esprit,
07:08 la mère de famille avait pour habitude de crier après ses enfants. Il ne vous aura pas échappé qu'à ce stade-là, la porte du domicile était fermée et que le père de famille n'était pas présent.
07:32 Et une fois, très rapidement, avant même d'arriver sur place dans les 20 minutes, l'exploitation des vidéosurveillances, à la fois situées dans l'enceinte de cette propriété, il y a un grand parking,
07:51 un lot et plusieurs bâtiments, puis dans un deuxième temps, l'exploitation des vidéosurveillances de la ville de Meaux permettait, pardonnez-moi, d'identifier qu'un individu de type masculin,
08:07 pouvant correspondre au père de famille mais revêtu d'une casquette, avait quitté l'immeuble à 20h08. L'exploitation de la vidéosurveillance permettait d'une certaine manière de pister le suspect
08:27 qui était notamment vu en direction du pont dit de Beauval, chutant à deux reprises, dont une fois aux abords d'un abribus, donc dans une zone éclairée,
08:42 qui permettait donc une exploitation de la vidéosurveillance de manière satisfaisante, et où l'on constatait que manifestement, il se blessait lors de cette chute.
08:52 Et des services, des effectifs de police dépêchés sur place constataient effectivement la présence d'une trace de sang. Donc cette zone a été considérée comme une zone annexe complémentaire
09:03 de la scène de crime, et naturellement traitée comme telle sur le plan de la police technique et scientifique. L'exploitation de ces vidéos montrait ensuite l'individu monté dans un véhicule à 20h56,
09:21 le dit véhicule devait être retrouvé dans la nuit, ultérieurement, dans le 93, garé au pied du domicile de son propriétaire, vraisemblablement quelqu'un travaillant pour la société Uber.
09:38 La présence rapidement sur les lieux de membres de la famille de celui qui devenait assez naturellement un premier suspect permettait la mise en place d'une géolocalisation,
09:54 là aussi dans des temps extrêmement rapides, qui attestait de la présence du détenteur de ce téléphone dans le 93, en Seine-Saint-Denis, plus précisément du côté de la commune de Sevran.
10:15 Le recueil très rapide d'un premier témoignage de la sœur de ce même suspect permettait aux enquêteurs d'entrer en contact très rapidement avec le père et la mère de celui-ci,
10:27 qui ne sont pas domiciliés ensemble, ces personnes se montraient très coopératives aux investigations. Et en définitive, des dispositifs de police ayant été déployés aux différents endroits où,
10:46 dans le 93, l'intéressé était susceptible de se rendre, ces dispositifs permettaient l'interpellation ce matin à 7h47 du suspect devant ou au abord immédiat du domicile de son père.
11:05 Cette interpellation était donc effectuée par des effectifs de police du département de Seine-Saint-Denis. Le placement en garde à vue était immédiat, mais très rapidement, naturellement,
11:17 la police judiciaire de Versailles reprenait la garde à vue à son compte. Bien évidemment, l'intéressé n'a pas encore été entendu,
11:32 mais il m'est rendu compte par les policiers qui ont pu procéder à sa notification de garde à vue qu'il a pu indiquer informellement, savoir pourquoi il était en garde à vue,
11:42 sans être pris à sa famille et évoquer son mal-être personnel et sa dépression. L'intéressé présentant d'importantes blessures à la main, les médecins suspectent des radiosaults en cours
11:59 des deux sections ou des sections de deux tendons. Il est à cette heure toujours hospitalisé, mais dans un cadre juridique de garde à vue, ce qui fait qu'il est entre les mains
12:10 des médecins, mais avec littéralement un policier devant la porte pour s'assurer évidemment qu'il ne se soustrait pas à l'autorité de police.
12:23 Quelques éléments concernant ce monsieur. L'intéressé est né en avril 1990 sur la commune de Colombes, dans les Hauts-de-Seine.
12:46 Il est donc, naturellement, ça n'aura échappé à personne, de nationalité française, titulaire d'un C1P de plombier. Je n'ai pas d'informations sur sa situation professionnelle à ce jour.
12:59 Son casier judiciaire est dépourvu de tout antécédent. Il existe cependant une procédure relative à des violences avec usage d'un couteau à raison de faits commis au sein du même domicile
13:19 que celui où est donc survenue l'affaire que je vous évoque. Violence commise sur la même victime s'agissant de la mère de famille.
13:34 Violence commise le 14 novembre 2019, soit un mois et demi à peine avant l'accouchement de madame pour leur troisième enfant et premier garçon.
13:50 À l'époque, cette dame avait été victime d'un coup de couteau dans l'homoplate gauche, occasionnant cinq jours d'interruption totale de travail.
14:05 Nous avons naturellement pu travailler ce matin sur la procédure établie à l'époque et elle nous apporte un certain nombre d'éléments fort intéressants pour rechercher la vérité dans l'affaire qui nous occupe plus précisément.
14:25 En 2019, donc, lors de son audition, la victime, donc cette dame aujourd'hui défeinte, avait expliqué être en couple avec son conjoint, donc l'individu actuellement en garde à vue.
14:41 À l'époque, ils n'étaient pas mariés. Ils se sont mariés en octobre 2023. À l'époque, donc, ils n'étaient pas mariés, mais elle avait indiqué qu'ils étaient en couple depuis 14 ans, précisant s'être connus ou se connaître depuis le lycée.
14:59 Elle évoquait un état dépressif ancien chez son conjoint qui, selon elle, avait interrompu son traitement depuis quelque temps. On se situe donc en novembre 2019.
15:13 Interrogée sur l'existence de violences de toute nature, physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, matérielles, elle avait affirmé n'avoir subi qu'une, je mets le terme entre guillemets pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur, évidemment, l'appréciation que l'on peut porter sur de tels faits.
15:33 Elle affirmait donc, disais-je, n'avoir subi qu'une gifle quand l'aînée du couple était petite. Pas davantage de précision sur la date. Je vous rappelle que l'aînée du couple est née en 2013.
15:47 Elle évoquait aussi un épisode en 2017 au cours duquel elle disait très clairement n'avoir subi aucune violence, mais au cours duquel son conjoint avait tenté de se suicider.
15:59 On trouve trace d'ailleurs d'une main courante d'intervention des services de police en 2017, main courante dans laquelle on apprend que lors de cette tentative de suicide, monsieur était hors la présence de sa femme ou de leurs enfants à l'époque.
16:15 Ce qui confirme ce qu'avait pu dire en 2019 cette dame en disant en 2017 il y a eu un épisode mais je n'ai pas été victime de violence.
16:24 S'agissant donc des faits du 14 novembre 2019, elle expliquait que son conjoint n'était pas bien depuis huit jours, qu'il était déprimé.
16:34 Et que plus précisément ce matin-là, il s'était emparé des clés de l'appartement pour que personne ne sorte, qu'il était bizarre et n'avait cessé de répéter depuis le matin, depuis son réveil, tu ne comprends pas, tu ne comprends pas.
16:50 D'un coup, se rendant dans la chambre conjugale, elle avait vu son conjoint armé d'un couteau. Et à ce moment-là, son conjoint affirmait vouloir se suicider, vouloir mourir.
17:07 La victime expliquait alors au policier qu'elle avait voulu quitter la chambre en s'emparant de vêtements et que, donc tournant le dos à son conjoint, elle avait ressenti un choc au niveau de l'épaule, constaté que du sang coulait.
17:24 Elle expliquait cependant être parvenue à raisonner son conjoint et à appeler le SAMU, lequel lui-même déclenchait l'intervention, outre la sienne, des services de police.
17:38 Dans son audition de novembre 2019, du jour des faits, elle refuse de déposer plainte et décline l'assistance de l'association d'aide aux victimes qui lui est explicitement proposée par les policiers, conformément aux pratiques et aux mesures qui, déjà à l'époque, étaient mises en œuvre.
18:02 En dépit de cette absence de plainte, l'intéressé, l'auteur des faits, j'entends, pardon, était bien naturellement placé en garde à vue, mais son état justifiait un examen psychiatrique immédiat, au terme duquel le praticien concluait à l'incompatibilité de son état psychiatrique avec le maintien de la mesure privative de liberté.
18:30 Ce premier psychiatre évoquait par ailleurs une altération de la responsabilité pénale, mais pas une abolition. Et le mis en cause était hospitalisé en psychiatrie le jour même, 14 novembre 2019.
18:48 Le jour même de la fin de cette hospitalisation psychiatrique, les enquêteurs ayant pris soin de manière très rigoureuse de requérir l'établissement psychiatrique afin d'être informés de la fin de l'hospitalisation de manière immédiate, donc le jour même de la fin de son hospitalisation, le 13 janvier 2020,
19:14 l'intéressé était replacé en garde à vue. Au terme d'une audition brève, il expliquait les faits qu'il ne contestait pas dans la matérialité par ses idées noires et l'envie qui avait été la sienne de se faire du mal à lui.
19:32 Il affirmait ne pas avoir voulu faire du mal à son épouse qu'il aimait et affirmait, je cite, "le coup de couteau est parti tout seul", fin de citation, affirmant l'avoir touché sans faire exprès.
19:48 Ce même 13 janvier 2020, il était examiné par un second psychiatre dans le cadre d'une réquisition judiciaire. Son examen nous permet d'apprendre que le mis en cause était suivi depuis 2017 pour des troubles dépressifs et psychotiques.
20:08 Ce même examen concluait à l'existence d'une pathologie dysthymique et psychotique et à l'existence d'une abolition du discernement au moment des faits du 14 novembre 2019.
20:26 Le 11 juin 2020, après transmission de la procédure et étude par le parquet de mots, cette procédure était classée sans suite au visa du motif "état mental déficient".
20:38 Bien que de mon point de vue, l'existence de cette expertise concluant explicitement à l'existence d'une irresponsabilité pénale, d'une abolition du discernement, aurait justifié un classement au visa du motif "irresponsabilité pour troubles psychiques".
20:56 J'en reviens donc à la procédure qui nous occupe aujourd'hui. Je vous l'ai dit, l'intéressé est actuellement en garde à vue et hospitalisé dans un établissement de Seine-Saint-Denis.
21:12 À ce stade, il est hospitalisé donc pour les blessures à la main. Il n'est évidemment pas possible de se prononcer sous les conditions dans lesquelles la garde à vue va se poursuivre.
21:26 Ce qui est certain, c'est qu'à l'issue de celle-ci, mon parquet procédera à l'ouverture d'une information judiciaire du double chef criminel suivant, homicide volontaire au pluriel sur mineur au pluriel de 15 ans et homicide volontaire par conjoint.
21:50 Pour ces deux crimes, la peine encourue et la réclusion criminelle à perpétuité.
21:58 Si les autorités judiciaires compétentes devaient conclure, ce qui ne sera pas le cas avant plusieurs mois, évidemment, à une existence d'une altération du discernement au moment des faits, la peine encourue au terme de l'article 122-1 du Code pénal serait de 30 ans, de 30 années de réclusion criminelle.
22:24 Si les têtes au contraire conclue à l'abolition complète du discernement.
22:31 Il existerait néanmoins une voie procédurale consistant à la saisine de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris pour le prononcer au terme d'une audience spécifique de mesures de sûreté.
22:45 J'en termine en procédant à un rappel à la loi qui me paraît aller de soi.
22:59 Et sur le respect duquel ou de laquelle la loi, je serai extrêmement vigilant, qui est le fait que la loi interdit sous peine de sanction pénale la publication de l'identité d'une mineure ou d'un mineur victime d'une infraction pénale ou de tout élément permettant cette identification.
23:21 Et je remercie chacune et chacun d'être vigilant à ce respect de la loi de la République.
23:30 J'ajoute enfin en dépit des circonstances que le rappel du principe au terme duquel nul ne peut être reconnu coupable autrement que par une juridiction compétente est un principe qui fonde notre état de droit et notre République.
23:46 Je vous remercie de votre attention.

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