Rencontres LVN 2023 - Plénière, questions-réponses avec le public

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Rencontres LVN 2023 - Plénière, questions-réponses avec le public
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00:00 On n'a pas été déçus, on vous parlait, je disais, il va nous parler d'attitude et spiritualité,
00:11 on était vraiment, on nous parlait de nous.
00:14 Maintenant, on rentre dans l'échange avec la salle.
00:19 Anam va parler, va passer avec des micros, il y en a encore d'autres ici, des micros,
00:23 si on doit être deux personnes qui gèrent un micro.
00:27 Et nous avons environ 20-25 minutes.
00:38 Oui, bonjour Jean-Claude Deveze.
00:50 Merci Michel de ton exposé convaincu qui rejoint un petit peu mes réflexions actuelles
00:59 sur disons comment cheminer, comment être en chemin.
01:03 Et donc dans ton exposé, j'ai retrouvé trois points importants qui est comment on renouvelle
01:12 l'humanisme, comment on crée un monde convivialiste et j'insisterai peut-être sur un dernier
01:18 point puisqu'on est démocratie et spiritualité, comment on renforce notre civisme.
01:25 Le civisme, c'est la foi, la civilité, la citoyenneté.
01:48 Ça marche?
01:51 Oui, bonjour.
01:52 Merci Michel de cet exposé qu'on va retravailler parce que chaque phrase est porteuse de sens
02:00 et de choses très fortes.
02:01 Vous avez parlé des basculements.
02:04 Vous avez parlé de Me Too en particulier, dont le basculement ne fait que commencer.
02:10 Et moi, je voudrais inciter les personnes qui nous parlent d'avoir conscience de ce
02:18 basculement.
02:19 Par exemple, quand on parle de personnalité et vie nouvelle, ne pas citer que des hommes.
02:25 Quand on parle des penseurs qui nous animent, ne pas citer que des hommes.
02:30 Il y a quand même des gens, il y a Anna Arendt, il y a Michel Perrault, il y a Cynthia Fleury,
02:35 tous ces gens-là nous parlent aussi.
02:37 Donc là aussi, je pense qu'il faut changer de braquet, même si encore une fois, je vous
02:42 dis un grand merci pour toutes les richesses que vous avez transmises là, mais il faut
02:47 encore changer.
02:48 Merci beaucoup.
02:49 Ça me paraît profondément vrai.
02:52 Dans les lectures, les personnes que vous avez citées comme Anna Arendt ou Cynthia Fleury
03:01 m'ont beaucoup inspiré.
03:03 Est-ce qu'il y a un filtre inconscient dans la vie de ces personnes-là ?
03:11 Changez, c'est tout un programme.
03:19 C'est ça, la difficulté dans la société.
03:42 Bonjour, je suis Sabrina.
03:54 Merci beaucoup, M.
03:55 Ray, pour votre intervention.
03:57 Moi, j'ai beaucoup aimé l'image du mur du son.
04:02 Je l'ai trouvé très parlante.
04:03 Merci.
04:04 J'ai deux commentaires.
04:07 Le premier, c'est que vous avez évoqué la nécessité de comprendre pour agir.
04:13 J'entends, mais je me demande si ce n'est pas une impasse, si ce n'est pas un fonctionnement
04:25 qu'on a dans le monde occidental.
04:27 C'est assez français, mais c'est très intellectuel comme approche.
04:31 Souvent, on comprend, on sait, mais on ne croit pas ce que l'on sait.
04:37 C'est ce que disent beaucoup de personnes en ce moment, notamment Cyril Dion.
04:41 Je me demande si on n'a pas besoin de rebasculer, c'est ce que dit Cynthia Fleury aussi,
04:48 sur les émotions, sur le ressenti, et faire un peu plus de place à tout ça
04:54 comme moteur de l'agir.
04:56 J'avoue que je pense qu'il vaut mieux agir, se planter pour comprendre et agir mieux
05:02 collectivement que passer un temps fou à comprendre pour ne rien faire.
05:06 Voilà le premier point.
05:08 Mon deuxième point, c'est que vous avez évoqué une nouvelle étape d'humanisation.
05:12 Je suis d'accord, bien évidemment, mais finalement, je vois bien aussi le travers
05:17 de tout ça qui serait une nouvelle étape.
05:21 Mais si on ne prend pas conscience que finalement, l'humain a trop pris sur la nature
05:28 et que cette étape doit se déshumaniser d'une certaine manière pour laisser
05:33 un peu plus de place à la nature, je crois qu'on va de nouveau basculer
05:38 dans une forme de barbarie dont on voit bien qu'elle nous mène au pied du mur.
05:42 Je pense qu'il est important de mettre du vivant et de se considérer petit
05:48 parmi tout le vivant qui nous entoure.
05:52 Bref, derrière l'humanisation, attention à ne pas mettre trop d'humain.
05:56 Merci beaucoup.
05:58 Oui, merci beaucoup.
06:05 Absolument d'accord.
06:07 Alors, sur le premier point.
06:14 Cette question de l'articulation entre la dimension, disons, rationnelle
06:20 et les deux autres grandes dimensions, je dirais, corps et émotionnel,
06:29 et puis spirituel de l'autre côté.
06:34 C'est effectivement fondamental et dans les démarches qu'on a essayé de faire
06:40 et dont je parlais à l'occasion du livre, c'était un des points fondamentaux.
06:45 Et le groupe bienveillant a aidé ceux qui étaient plutôt rationnels
06:56 à rentrer aussi dans la dimension d'émotion.
07:02 Et également, je reviens à la question de tout à l'heure,
07:06 je suis frappé de voir que dans les groupes, la complémentarité homme-femme
07:12 aide beaucoup à cette prise en compte qu'on appelle holistique,
07:17 c'est-à-dire où la partie émotion, par exemple, prend sa juste dimension.
07:23 Et donc, je crois beaucoup à la dimension du groupe.
07:29 Il est possible de travailler sur défis et recherche de sens en solitaire,
07:36 mais l'expérience des quatre dernières années,
07:39 quand on a posé la question aux gens, qu'est-ce qui vous a fait bouger ?
07:43 Plusieurs personnes ont dit, la dimension de la confiance dans le groupe
07:50 a été le catalyseur qui a permis que j'accouche vraiment.
07:55 Et le témoignage de la personne sur la violence, quelque part,
08:00 alors que la question est brutale, on sent toute une montée de la tendresse humaine
08:10 face à cette violence et qui aboutit à cette capacité de non-violence derrière.
08:16 Donc, absolument d'accord sur le fond.
08:20 Alors, maintenant, oui, c'est ça.
08:27 Deuxième élément, encouragé par ces quatre ans d'expérience,
08:33 démocratie et spiritualité a proposé, il y a un an, au Forum 104,
08:38 Ruth Vaugirard, donc qui est, pour ceux qui ne le connaissent pas,
08:42 un lieu où il y a 300 structures adhérentes qui profitent d'un certain nombre de salles,
08:48 dans un champ, je dirais, culturel et spirituel, mais très libre.
08:54 Et dans la proposition qu'on a faite, cet équilibre entre les défis,
09:04 le rationnel, etc., et l'intériorité, qu'elle soit spirituelle ou humaniste,
09:13 c'est un des points forts de cette démarche.
09:15 Et j'ai été vraiment frappé de voir que 40 personnes s'y sont engagées.
09:25 Et donc, trois ateliers actuellement fonctionnent sur les défis et la spiritualité,
09:35 mais aussi sur quels mots, juste pour dire aujourd'hui,
09:39 l'humanisme et la spiritualité à nos contemporains,
09:42 et également la spiritualité est-elle un bien commun ?
09:46 Eh bien, 27 personnes se sont engagées pour un an, une réunion par an,
09:51 dans un climat vraiment de confiance où l'intériorité,
09:56 et donc les partages sur quelle est ma spiritualité
10:00 et en quoi nous avons des choses ensemble,
10:04 eh bien, il y a une espèce de dynamisme de vérité, de confiance,
10:12 que je trouve, dans notre milieu d'aujourd'hui, relativement extraordinaire.
10:19 Et donc, je trouve que c'est en soi une vraiment bonne nouvelle.
10:23 Et donc, absolument d'accord sur cette articulation entre les trois dimensions humaines,
10:30 sur l'aspect de l'homme et de la nature, absolument d'accord.
10:35 Alors, la question après, c'est comment on le fait avec justesse ?
10:40 C'est difficile, mais absolument d'accord sur le fond.
10:46 Oui, bonjour. Merci pour toutes ces réflexions que vous nous apportez.
10:52 Moi, je voudrais revenir sur un exemple que vous avez utilisé,
10:56 celui de la crise du Covid.
10:58 J'ai essayé de prendre quelques notes pendant que vous parliez.
11:02 Être capable de réévaluer ce que j'ai considéré hier comme impossible.
11:08 Et je n'ai pas compris comment vous exploitiez la crise du Covid à ce moment-là.
11:15 Parce que pour moi, ça a été un tel gâchis.
11:18 Et je ne vois pas ce que je peux réévaluer de cette crise du Covid,
11:23 tout ce que ça a détruit à l'école, chez les personnes âgées, etc.
11:27 J'aurais besoin que vous m'expliquiez pourquoi vous avez utilisé cet exemple à ce moment-là.
11:33 Oui, tout à fait.
11:36 Alors, je dirais qu'il y a deux choses de nature différentes.
11:40 Je prenais cet exemple parce que la décision au niveau d'un pays ou mondial,
11:49 d'un confinement à cette échelle-là, à cette vitesse-là, n'avait jamais eu lieu.
11:56 Et donc, cette décision-là peut être regardée d'un point de vue sociologique
12:04 comme ce qui était considéré comme un impossible.
12:07 On aurait dit, il y a dix ans, on arrêtera l'économie, les transports,
12:14 ou je ne sais pas trop quoi, d'un coup, au niveau mondial,
12:17 les gens auraient eu comme première réaction, mais vous voyez bien que c'était impossible,
12:22 d'abord, premièrement, deuxièmement, troisièmement.
12:24 Et puis, quelque part, on a dû le faire parce qu'il n'y avait pas les vaccins.
12:27 Et voilà.
12:28 Donc, ça, c'est un sujet.
12:31 Un autre sujet différent, c'est le groupe Défis Spiritualité,
12:40 de Démocratie et Spiritualité.
12:42 Après avoir travaillé personnellement chacun un défi,
12:47 est arrivé à la maturation du groupe en disant,
12:50 maintenant, on est mûrs pour travailler ensemble sur ce même sujet.
12:54 Qu'est-ce qu'on va choisir ?
12:56 Et finalement, ce qui a fait irruption, c'est, on est frappé de voir
13:04 qu'on vient de vivre au niveau national et international,
13:08 un événement sans précédent, et tout redémarre comme avant,
13:12 et la qualité avec laquelle on en tire des enseignements
13:17 n'est quand même pas à la hauteur de l'expérience qu'on vient de vivre.
13:22 Et donc, le groupe a dit, on va travailler là-dessus.
13:26 Et comme il n'y avait pas de médecins, etc., dans le groupe,
13:29 on a pris la partie des enseignements qui était générique,
13:34 au sens qui pouvait être utile pour d'autres défis,
13:39 comme le changement climatique,
13:42 qui est autrement plus puissant que le tsunami.
13:46 Et donc, dans le livre, il y a un chapitre qui est consacré
13:50 à la dizaine d'enseignements qu'on pense être utiles
13:56 et qui nous travaillent.
13:58 Et à chaque fois, ça se termine par chemin d'espérance,
14:02 c'est-à-dire, de notre dialogue, qu'est-ce qu'on en tire qui fait sens,
14:08 pour aujourd'hui, pour demain, mais pour aujourd'hui ?
14:14 Oui, merci beaucoup, Michel.
14:25 Je suis là-devant, là.
14:28 Je lisais récemment que Michel Onfray a produit un essai
14:34 assez catastrophiste, après avoir relu
14:39 "Le meilleur des mondes", en 1984.
14:45 Il définit un nouveau totalitarisme,
14:49 qui est la marchandisation des corps et des esprits.
14:53 Et une phrase qui m'a frappée, en particulier,
14:58 en vue de la réunion de ce week-end,
15:02 "Aucune force spirituelle n'est susceptible de s'opposer
15:06 à la barbarie qui vient."
15:09 Deux choses, ça m'a fait rappeler la troisième voix
15:12 d'Emmanuel Mounier.
15:15 Je me dis que, finalement, la seule voix,
15:18 c'est ce que tu nous as exposé ce matin.
15:21 Deuxième question, est-ce que tu pourrais apporter
15:24 un élément de réponse en écrivant à Michel Onfray ?
15:33 Marie-Pierre, top là, mais on le fait ensemble.
15:37 La question est simple.
15:50 Il me semble que quand on analyse avec recul
15:56 l'ensemble des défis actuels, et qu'on la compare
16:02 avec la capacité, je dirais notamment institutionnelle,
16:07 de nos pays, et au niveau international,
16:13 on se rend compte que, et là je rejoins
16:18 à une intuition forte de Benoît qui l'a dit
16:23 à notre dernière AG de DS, et que je suis absolument d'accord,
16:27 il y a certains sujets, dont le changement climatique,
16:30 où la question de l'urgence fait qu'on est dans une vraie impasse.
16:35 Et donc, le mot vital, il est simple,
16:40 mais il dit ce qu'il veut dire.
16:43 La question, c'est, sur certains sujets,
16:46 est-ce qu'on a vraiment le choix ?
16:49 Et globalement, est-ce qu'on a le choix ?
16:53 Et nécessiter fait loi, ça me paraît fort.
16:58 Et donc, personnellement, je m'inscris en faux
17:02 par rapport à ce que tu cites de ce texte-là,
17:05 aucune force spirituelle n'est susceptible de s'opposer, etc.
17:10 J'aurais tendance à dire,
17:15 nos capacités actuelles spirituelles, réelles d'aujourd'hui,
17:21 individuelles ou organisées, avec toutes les ambiguïtés
17:27 qu'il peut y avoir, etc., aujourd'hui, ne sont pas,
17:32 et la réalité nous le montre, à la hauteur des enjeux.
17:36 Et ce que je trouve passionnant actuellement
17:39 dans le chantier transversal du Forum 104 auquel je faisais allusion,
17:43 c'est que 25 responsables d'associations disent,
17:48 ce sujet-là nous préoccupe, et à notre petite échelle,
17:54 eh bien, on va essayer de mieux comprendre, de partager.
18:01 Et c'est ça que je trouve gonflé, c'est d'aller chercher profond en nous
18:08 qu'est-ce qui pourrait sortir, qui a du sens.
18:12 Et dans ça, il y a les spiritualités,
18:17 et qu'est-ce que nous mettons derrière la spiritualité,
18:22 qui peut être un bien commun, qui, justement, se définirait
18:27 comme la réponse dans l'aujourd'hui face à ces enjeux virgule vitaux ?
18:36 D'où la question que posait Georges tout à l'heure,
18:41 est-ce que la maison brûle ?
18:43 Alors, c'est une vraie question, et en même temps, elle est très difficile.
18:53 Alors, la question la maison brûle, et on regarde d'ailleurs,
19:01 finalement, le sous-entendu, c'est, est-ce que ça justifierait
19:06 un engagement à court terme radical, comme quand on dit au feu ?
19:16 Alors, la question est essentielle, mais elle est extrêmement difficile.
19:21 Et je pense que, vu la complexité du monde d'aujourd'hui,
19:26 répondre en absolu à cette question, est-ce que la maison brûle,
19:32 est vraiment quasi impossible, et chacun ne me paraît pas légitime
19:41 pour affronter une telle question.
19:43 En revanche, si on pose la question en relatif, c'est-à-dire,
19:50 est-ce que la maison brûle plus maintenant qu'hier,
19:54 ou est-ce qu'elle brûle vraiment sur tel sujet, comme le changement climatique,
19:59 alors la réponse est quelque part plus facile.
20:03 Et donc, à mon avis, si on formule la question, je dirais,
20:10 avec plus de pragmatisme, eh bien, on peut trouver des réponses.
20:14 D'une façon progressive, est-ce que la maison brûle assez
20:20 pour que j'y travaille plus, plus sérieusement, sur les mécanismes,
20:24 les causes ?
20:25 Alors là, je dirais, c'est clair, c'est oui, pour ce que je ressens.
20:30 Est-ce que la maison brûle assez pour que je réévalue certains impossibles ?
20:36 Je me suis longtemps posé la question, maintenant, je suis persuadé que oui.
20:43 Est-ce que la maison brûle assez pour que je prenne de nouvelles initiatives
20:49 qui m'engagent, moi, jusqu'à hors de mes zones de confort ?
20:56 Eh bien, il y a trois, quatre, cinq ans, je pense que j'ai basculé
21:02 vers la réponse oui.
21:04 Et est-ce que la maison brûle assez pour que je me prépare,
21:10 non seulement à court terme, mais aussi à long terme,
21:12 c'est-à-dire en allant chercher profond en moi et dans des organisations ?
21:19 Personnellement, je pense que oui.
21:22 Alors, voilà, je suis en mesure d'interagir en vérité avec des proches
21:28 sur ces sujets, plus qu'avant, je pense que oui.
21:32 Donc, si on prend cette question difficile, je dirais progressivement,
21:40 je pense qu'on peut agir tout en reconnaissant que la grande question
21:48 générale au niveau de l'humanité, elle est tellement difficile
21:57 que la preuve, je dirais, c'est qu'on peut faire la preuve par l'absurde,
22:03 c'est que si on n'a pas vraiment changé depuis 40 ans suffisamment,
22:07 c'est qu'on ne sait pas répondre à cette question-là.
22:10 Mais à mon avis, la question est extrêmement pertinente.
22:14 Oui, j'aimerais compléter parce que...
22:16 On essaye de répondre généralement, mais chacun d'entre nous est différent.
22:21 On ne réagit pas de la même façon, on n'a pas la même sensibilité au feu.
22:26 Il y a des gens qui sont impavides, qui continuent comme avant,
22:30 qui ont bien l'intention de continuer comme avant,
22:33 et qui ne croient en rien.
22:35 On a des exemples avec Trump aux États-Unis.
22:40 Et puis il y a des gens qui se posent beaucoup de questions,
22:43 et il y a des gens qui se posent des questions depuis très longtemps.
22:46 Il y a des gens qui ont répondu toujours avec des solutions nouvelles,
22:52 dont on n'a pas parlé là, mais la non-violence qui est une réponse, etc.
22:58 Donc les hommes répondent différemment selon leur personnalité,
23:03 leur sensibilité, leur construction.
23:05 Et les sociétés elles-mêmes répondent différemment,
23:09 ce qui est une des complexités supplémentaires pour trouver des solutions ensemble.
23:13 Et cet après-midi, on parlera de l'Europe.
23:16 On n'est que 27 pays ensemble.
23:20 C'est déjà 27 différences, 27 sensibilités, et les solutions sont à rechercher.
23:27 Donc une pratique nécessaire de parler ensemble, d'échanger, de chercher ensemble.
23:37 Oui, je voulais un peu prolonger la question qui a été posée tout à l'heure
23:47 de comprendre pour agir.
23:49 Et là, d'une certaine manière,
23:52 ce qu'elle vient de répondre en partie à la question que je pose,
23:57 c'est celle d'inverser la proposition, c'est agir pour comprendre.
24:01 Ce qui suppose, j'avais aussi envie de parler, de sortir de sa zone de confort.
24:09 Ma question porte sur un peu, dans le travail autour de la spiritualité
24:16 dont tu nous as parlé, le rapport à l'action.
24:21 Comment est-ce qu'il se cultive ?
24:24 Le rapport à l'action, bien souvent, on dit arrêter de réfléchir, il faut agir.
24:31 Mais seulement c'est une action à court terme,
24:36 qui n'est pas dans une perspective, qui donc de ce fait...
24:41 Parce que là, c'est aussi, il y a une opposition, agir, comprendre.
24:45 Il y a une opposition, urgence dans la durée.
24:49 Voilà, il vaut mieux apprendre à pêcher que donner un poisson.
24:55 Mais donc, comment ces contradictions se vivent dans le travail sur la spiritualité ?
25:04 Tout à fait d'accord, et quelque part, c'est un peu le nerf de la guerre.
25:12 Quelques éléments de nature différente, c'est exactement dans ce sens-là,
25:19 que j'ai mentionné la phrase, c'est sur le front qu'on apprend vraiment.
25:26 Je suis frappé de cette constatation,
25:30 et qui est très cohérente avec ce que dit Edgar Morin depuis longtemps.
25:35 Il y a une façon d'apprendre sur la réalité des défis qui est compliquée,
25:46 qui est très évolutive, etc.
25:48 Et il faut avoir le courage d'aller sur le front.
25:52 Alors, ce n'est pas forcément le front d'Odessa, etc.
25:58 C'est un front où nos compétences personnelles peuvent être utiles, etc.
26:07 Et il y a donc des milliers de fronts.
26:09 Mais par expérience, notamment professionnelle,
26:14 c'est vraiment sur le front du développement, etc., que j'ai appris.
26:21 J'ai eu la chance extraordinaire, pendant sept ans,
26:25 travaillant à la Banque mondiale sur le développement,
26:29 à la fois pour l'Algérie ou pour les pays d'Europe de l'Est,
26:35 l'interaction entre l'institutionnel et le développement institutionnel
26:43 et le développement normal ont relevé un défi au niveau national.
26:48 À mon avis, c'est là où je l'ai appris.
26:50 Donc, aller au front, c'est vraiment se agir pour comprendre aussi.
27:00 Alors, ensuite, comment s'articule ce travail du rapport à l'action ?
27:07 Dans la proposition de démarche qui a été faite pendant quatre ans,
27:12 testée avec feedback, etc., et qui est dans le livre,
27:17 il y a donc une étape spéciale qui est concentrée sur l'action.
27:22 Et j'ai été frappé de voir que c'est un domaine où,
27:30 quand on creuse, on a individuellement et grâce aux apports du collectif,
27:38 des avancées potentielles auxquelles on ne s'attendait pas.
27:43 Et j'ai, par exemple, constaté qu'un des participants,
27:48 quand on a mentionné ça, il a dit « Vraiment, je ne vois pas ».
27:54 Et au bout de trois quarts d'heure d'entretien, seul à seul,
28:01 il a dit « Mais j'en reviens pas ».
28:04 Mais c'est vrai, j'ai un levier dans ma sphère professionnelle
28:09 qui est assez extraordinaire et je ne pensais pas qu'il y avait un lien avec.
28:14 Et donc, cette possibilité, ou alors autre chose,
28:17 découvrir, lorsqu'on est extrêmement motivé pour un sujet,
28:21 qu'il y a une association nationale ou internationale qui ne fait que ça
28:25 et qui a capitalisé sur 30 ans.
28:27 Et donc, je suis absolument persuadé que ce travail,
28:32 quand, après avoir creusé sur défis, spiritualité,
28:36 et puis qu'est-ce qui nous bloque, où sont les vrais renoncements intérieurs,
28:42 on devient ouvert à cette articulation avec l'action.
28:47 Alors, maintenant, dans l'aspect de la conduite de groupe, si on peut dire,
28:53 je pense qu'il y a deux choses de nature différentes.
28:58 Il est possible qu'un groupe décide de faire une action ensemble.
29:04 Super ! Et quand c'est possible, très, très bien.
29:08 Et il y a des groupes, par exemple, qui ont décidé d'essaimer,
29:13 c'est-à-dire après trois ans de travail sur ce sujet,
29:17 eh bien, chacun, à sa façon, est en train de réunir autour de lui des amis, etc.
29:26 Mais, à mon avis, la chose, quelque part, qui a le plus de justesse,
29:35 c'est que chacun fasse son miel de la richesse de ce qu'il a découvert.
29:44 Et là, on arrive à une articulation de la responsabilité personnelle
29:50 par rapport à une responsabilité d'organisation.
29:53 Il arrive dans certaines organisations que l'effet indirect paradoxal,
30:00 soit que, en soi, on se dise, eh bien, puisque notre organisation s'en occupe,
30:07 très inconsciemment, ce n'est pas la peine que je m'y mette, je force le trait.
30:12 Et donc, je crois très fort l'aspect de faire son miel.
30:18 Et on l'a vu dans un des groupes où, plusieurs fois, l'un ou l'autre a dit,
30:27 voilà, j'ai ce problème-là, j'ai telle chose à faire, j'ai quelques idées,
30:36 je voudrais prendre le groupe comme cobaye, je vous mets dans la situation,
30:42 vous me donnez vos réactions et j'en ferai mon miel.
30:46 Et le fait que la confiance entre les personnes soit telle,
30:50 que cette interaction soit possible et soit simple, me paraît, je dirais, intéressant.
30:58 C'est un pas en avant.
31:00 Donc, l'interaction avec l'action peut être multiple et, je la crois, très productive.
31:14 Il nous reste 2-3 minutes et après, on va passer aux ateliers.
31:18 S'il y a encore une question ou deux questions.
31:21 Pierre Guillaume, VINOUVEL, groupe de Lyon et également coordinateur du pacte civique.
31:33 Je suis un peu gêné dans toutes les démarches qui sont proposées par la question de l'urgence.
31:43 On se porte bien sûr à l'urgence climatique.
31:46 Normalement, la France avec les pays européens militent en faveur de ce qu'on appelle le "Feed for 55".
31:56 Autrement dit, la nécessité dès l'année 2020 de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à 1990.
32:10 Donc, je pense qu'effectivement, pour reprendre ce qui a été dit avant, il y a absolument le feu.
32:21 A-t-on le droit de se disperser sur des choses qui ne contribuent pas à cette urgence ?
32:32 Cette urgence est très complexe. Elle implique aussi que des choses soient faites sur la justice sociale, que des choses soient faites sur l'aspect démocratique.
32:44 Il faut aussi trouver le moyen de réduire durablement à horizon 2050 les émissions de gaz à effet de serre de notre pays comme des autres pays.
32:59 Je suis un peu dubitatif en écoutant la longueur temporelle des démarches proposées.
33:11 J'ai envie de dire "jetons-nous à l'eau".
33:15 Cela influera aussi sur notre perception spirituelle des choses, le fait de prendre à bras le corps la question de l'urgence climatique.
33:27 On peut peut-être essayer de regrouper les questions.
33:34 On peut toutes les poser et répondre parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.
33:41 Francis, boulanger de Nantes. Merci Michel pour cet échange.
33:50 Il y a deux petites phrases qui m'ont fait le titre. C'est "réévaluer ce qui était impossible hier et puis reconnaître nos angles morts".
34:00 Par rapport à ces deux phrases, il y a eu un confinement qu'on a tous connu et qui continue encore d'ailleurs,
34:13 mais qui a généré la pratique de la rencontre en vidéo.
34:20 Il y a l'exemple avec Vies Nouvelles de rencontres éphémères qui ont eu lieu en vidéo.
34:27 Moi, personnellement, avec pas mal d'autres associations, ça a permis aussi de garder un lien.
34:33 Ça permet de se voir, même si c'est sur un écran, d'échanger plus facilement pendant une heure ou deux
34:41 et d'éviter des déplacements. Sur la région Pays de la Loire, ça a changé quand même pas mal l'animation dans un certain nombre d'associations.
34:55 Et je trouve que même si c'est important aussi de se voir physiquement régulièrement, se connaître,
35:03 mais en fait, ces rencontres en visio permettent d'échanger, de partager des choses, même des documents,
35:14 et pendant une heure ou deux, sans faire de kilomètres, juste pendant une heure ou deux.
35:20 Et donc, ça donne un accès à l'échange plus grand qu'avant, alors qu'avant, on n'y pensait même pas,
35:28 on ne savait même pas que c'était possible et que ça existait.
35:31 Personnellement, j'ai suivi l'AG de Vies Nouvelles au mois de décembre, donc il y a 18 mois maintenant, en visio,
35:41 et j'ai trouvé ça assez remarquable d'ailleurs. Voilà, je voulais remercier.
35:46 Merci beaucoup. Alors, tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit,
35:52 démocratie et spiritualité, après ce type d'expérience, a systématisé le fait, soit de la visio, soit du mixte,
36:02 de façon à ce que l'ouverture géographique soit réelle, et dans tel ou tel cas, ça sort même de la France.
36:09 Donc, absolument d'accord. Je voudrais revenir sur la question difficile qui était posée.
36:17 Alors, il y a absolument le feu sur le sujet du changement climatique.
36:23 Tout à fait d'accord. La question, est-ce qu'on a le droit de se disperser ?
36:31 Je pense que la formulation de la question amène à réfléchir.
36:38 J'ai eu personnellement, dans les années 2000 à 2008, quand j'ai beaucoup travaillé sur la recherche nationale,
36:47 puis européenne, sur le changement climatique, des débats sur est-ce qu'il faut privilégier l'atténuation
36:54 ou l'adaptation par rapport au changement climatique. Et si on prend du recul,
37:02 quelque part, les absolutistes de "il n'y a que l'atténuation parce que", premièrement, deuxièmement, troisièmement,
37:10 eh bien, la vie c'est plus compliqué. Et au lieu de poser le problème en disant atténuation ou adaptation,
37:21 je pense qu'il aurait été plus humaniste, plus humble, plus pragmatique de dire,
37:27 eh bien, réellement, faisons les deux parce que, etc.
37:34 Alors, je dirais d'une façon plus large, j'aurais tendance à penser que par expérience des collectifs,
37:46 lorsqu'il y a une perception que la maison brûle, la richesse, la réactivité des collectifs est vraiment extraordinaire.
37:57 Et donc, pour moi, la clé, quelque part, c'est le changement intérieur, institutionnel, etc.
38:07 Mais n'opposons pas, dans une famille, il y a des complémentarités, ou quand ça marche bien, c'est super parce que chacun a sa place, etc.
38:18 Et autant, je pense qu'on est vraiment dans l'impasse par rapport aux objectifs, soit de l'accord de Paris,
38:27 soit du réchauffement climatique tel que… Je pense que l'humanité va vraiment souffrir du fait que, pendant 50 ans,
38:39 on n'a pas tenu compte suffisamment des avertissements qui étaient donnés.
38:44 D'autant plus que le premier rapport qui a été remis au président des États-Unis, donc il y a maintenant 50 ans, disait,
38:53 voilà le diagnostic, etc. Et il terminait en disant, si vous attendez que cela se voit, il sera déjà trop tard.
39:04 Et donc, c'est le mécanisme physique du changement climatique qui nous convoquait.
39:11 Et donc, quelque part, on ne l'a pas vraiment fait, et on en fait l'expérience.
39:17 Regardons les incendies dans le monde, qui est un phénomène non pas progressif, mais de seuil.
39:24 C'est-à-dire que l'inflammabilité d'un arbre pour une essence donnée, à partir d'une certaine température, ça dépasse la limite.
39:33 Donc, n'importe quelle étincelle, et à fortiori des pyromanes, c'est mort.
39:38 Et donc, quelque part, dans toutes ces choses-là, si on prend du recul, il me semble que beaucoup de formulations,
39:50 avec faire l'un ou l'autre, à la réflexion, demandent de reformuler en disant, ne faut-il pas faire l'un et l'autre,
40:02 avec des priorités, de l'argent ici, moins là, etc. C'est tout à fait clair.
40:08 Mais la clé, elle est quand même intérieure.
40:11 Intérieure à chacune des personnes, pour aller chercher profond, parce que ce qui nous attend va exiger un changement profond,
40:21 et en même temps, bien évidemment, institutionnel. Et toutes les organisations sont concernées.
40:28 Oui ? Je voulais… On va s'arrêter là pour les questions.
40:31 Attendez, je…
40:32 Pardon ?
40:34 Moi, j'avais levé le doigt depuis un petit moment, Emmanuel Duhaime.
40:39 Simplement, très rapidement, dire qu'il y a une interrogation large par rapport aux enjeux actuels,
40:46 qui m'interpelle, parce que je ne sais pas la résoudre, c'est comment sortir de ma zone de confiance.
40:54 Parce que ça paraît être… ça paraît être une… quelques termes assez anodins,
41:01 mais nous sommes quand même dans la société, nous sommes des parties prenantes de la société,
41:06 qui a amené principalement quand même à ce seuil de catastrophes que nous vivons.
41:13 Et comment peut-on véritablement sortir de la zone de confiance, pour ne pas tomber…
41:21 Qu'est-ce que je dis mal, là ? Je ne sais pas.
41:24 De confort, de confort, pardon.
41:27 Ah, oui.
41:28 De confort. Excusez-moi. De confort. La zone de confort.
41:31 Ma zone de confort, je dirais, elle est individuelle, elle est collective.
41:36 Je suis effectivement interrogatif de la manière dont on peut faire quelque chose là-dessus,
41:44 sachant que je vois bien l'impératif absolu.
41:48 Bon, Emmanuel, Michel va te répondre, après il n'y aura plus d'autres questions.
41:55 Je vous signale que Michel reste avec nous à déjeuner,
41:58 et qu'il sera aussi là demain au moment des tables rondes et des échanges.
42:03 Et tu déjeuneras aussi demain.
42:04 Donc, on aura l'occasion de continuer cette conversation avec lui.
42:11 Donc, Michel, vas-y, et après c'est terminé et on passe aux ateliers.
42:17 Alors, je partage cette interrogation, elle est difficile.
42:21 Juste, presque pour aller plus loin, je dirais que, à mon avis,
42:33 nous sous-estimons la puissance des futures organisations
42:43 qui vont se développer pour bloquer les solutions,
42:49 à cause, bien évidemment, des intérêts en cause, etc.
42:53 Les mécanismes de blocage d'une dynamique de société,
42:59 quelque part, je pense qu'on les sous-estime.
43:03 Et juste un exemple, Steve Bannon, qui était derrière Cambridge Analytica,
43:10 et qui est un conseiller de Trump, etc., développe le Clexit,
43:16 qui est une organisation internationale pour faire circuler
43:20 et valoriser les arguments de Trump.
43:24 Il y a des extrêmes droites, dans la façon dont elles se saisissent
43:30 du sujet de l'écologie pour en faire un gain politique,
43:36 quelque part, c'est une façon de prendre les défis
43:41 qui va bloquer les solutions.
43:44 Et donc, je pense que nous sous-estimons cette puissance-là,
43:50 que nous allons voir naître de plus en plus fort
43:54 quand nous passerons aux solutions, bien évidemment.
43:58 Alors, dans ma formation d'ingénieur, j'avais appris un truc
44:06 que je trouve très éclairant.
44:08 En mécanique des sols, quand vous voulez déplacer de la terre,
44:14 si vous poussez sur cette terre ou si vous la tirez,
44:19 eh bien, il est plus facile de la tirer d'un facteur 10 ou 20,
44:25 parce que quand vous la poussez, vous mobilisez,
44:28 je dirais, le fait que ça bloque tout seul,
44:33 et la zone concernée par la réaction est de plus en plus forte.
44:37 Ce que j'en déduis est une évidence, en fait,
44:41 c'est derrière ce qu'on met autour de spiritualité, humanisme, éthique,
44:47 ce sont des façons positives de prendre les sujets
44:51 comme les défis de l'écologie, etc.
44:53 Et je pense que pour 95% des personnes, je dirais,
45:04 l'esprit qui a compris l'enjeu et qui optimise parce qu'il sait
45:11 où il veut aller avec les autres pour lutter contre un défi,
45:16 eh bien, optimise la réponse beaucoup plus que toutes
45:21 les contraintes de loi, de normes qui vont générer tellement
45:25 de cas où c'est inapplicable, etc., que c'est beaucoup plus difficile
45:29 à s'en sortir et on bouffe une énergie considérable.
45:33 Il y a des exemples récents qui le montrent.
45:35 Donc, quelque part, la poussée ou la butée en mécasol
45:41 m'amène à cette intuition que, quelque part, prenons nous-mêmes,
45:48 prenons la personne qui est avec nous, je dirais,
45:52 dans toute la mesure du possible, en positif par rapport
45:56 à ces mutations profondes qui risquent sinon de mobiliser nos peurs.
46:00 Et quand on bloque au niveau des peurs, eh bien, on fait quoi ?
46:04 Donc, il faut, à mon avis, c'est en tirant au sens d'une certaine forme
46:10 d'un esprit positif, d'un esprit commun,
46:14 qu'on aura suffisamment d'énergie pour avancer.
46:19 Donc, on va se remettre au judo, quoi.
46:22 Au lieu de pousser, il suffit de faire passer l'adversaire au-dessus de sa tête.
46:26 C'est quelque chose qu'on connaît depuis l'enfance.
46:28 Donc, ça va être facile. Voilà.
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