Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 À 7h46, on vous donne la parole ce matin Théo, on discute environnement.
00:05 Oui, alors que la COP 28 débute aujourd'hui, la grande conférence mondiale sur le climat,
00:09 c'est à Dubaï que ça se passe cette année aux Émirats Arabes Unis.
00:12 Le lieu évidemment fait polémique dans un pays producteur de pétrole.
00:16 On est tous encore très dépendants des énergies fossiles.
00:19 Alors est-ce le début d'un tournant ?
00:21 Est-ce que vous trouvez que les choses avancent en matière d'environnement ?
00:24 Pensez-vous que ces COP, ces réunions sur le climat sont utiles ou pas ?
00:28 Appelez-nous au 04 76 46 45 deux fois.
00:31 Et ce matin, on va être un peu la petite souris sous la table des négociateurs.
00:35 Grâce à nos invités Esteban Coquemont et Perrine Julien.
00:38 Bonjour à vous deux.
00:39 Bonjour.
00:40 Merci d'être avec nous.
00:41 Vous êtes étudiant à Grenoble INP, vous étiez aux dernières COP avec votre école.
00:45 Esteban, vous étiez à la COP 27 en Égypte l'an dernier.
00:48 Vous Perrine, à la COP 26 à Glasgow il y a deux ans.
00:51 Alors après ces expériences, est-ce que vous êtes plutôt dégoûté par ces négociations
00:56 ou au contraire enthousiaste qu'une nouvelle COP s'ouvre aujourd'hui ?
01:00 Alors moi en sortant de la COP 26, je me suis sentie vraiment désarmée.
01:04 C'est-à-dire que j'ai vu des choses très compliquées se passer devant moi,
01:07 des processus très longs.
01:10 Et je me suis dit qu'il fallait plutôt qu'on agisse ici,
01:12 que là-bas je n'avais pas trop ma place, c'était trop compliqué.
01:16 Vous ne voyiez pas l'utilité à l'époque ?
01:18 C'était très compliqué à comprendre.
01:20 Mais aujourd'hui avec le recul, j'ai l'impression que ces processus de consensus
01:23 sont quand même très importants, que ça existe.
01:25 Qu'il y ait autant de pays qui se réunissent pour parler du climat, c'est incroyable.
01:28 Et votre regard, est-ce plutôt dégoûté ou plutôt content, optimiste ?
01:33 Moi c'est ça, pareil, à la fin de la COP 26 j'étais plutôt dégoûté.
01:37 Pareil, j'ai vu aussi des choses assez choquantes même,
01:41 surtout dans un pays où la sécurité était très sur nous, on va dire.
01:47 On se sentait très observés.
01:48 En Égypte vous étiez en Égypte, à Sharm el-Sheikh.
01:50 C'est ça, en Égypte.
01:51 Donc ce n'est pas le pays le plus démocratique du monde, on va dire.
01:54 Et donc la COP plus ce qui entourait la COP était très stressante.
02:01 Donc j'en suis un peu dégoûté pour l'instant, toujours.
02:04 Et j'espère que ça n'a plus l'être dans les prochaines années.
02:07 Vous avez dit que vous avez vu des choses choquantes, par exemple ?
02:10 C'est plutôt vivre des choses qui sont très différentes.
02:14 C'est plus la côté de la COP qui a été aussi très oppressante.
02:19 Par exemple, il y avait des micros et des caméras dans tous les taxis.
02:22 En fait, on était obligés de prendre les taxis parce que Sharm el-Sheikh,
02:25 c'est une ville qui est en plein désert, avec des 5x5 voies partout.
02:29 Donc on était obligés de prendre les taxis.
02:33 Et aussi une application avait été créée pour qu'on puisse se retrouver dans la COP.
02:37 Et en fait, ça nous traçait avec nos données.
02:41 Donc c'est pas...
02:42 Beaucoup de surveillance.
02:43 C'est ça, beaucoup de surveillance.
02:44 Et comment ça se passe concrètement ?
02:46 Vous qui avez participé à ces COP, vous y étiez.
02:49 D'abord, il y a deux zones. Expliquez-nous le principe, Perrine.
02:52 Alors, du coup, on a la green zone et la blue zone.
02:55 La green zone, c'est là où tout le monde peut aller.
02:57 Donc il y a des expositions, il y a plein de stands, etc.
03:00 Comme un grand salon.
03:01 Voilà, on va dire ça.
03:02 Et la blue zone, c'est là où il faut un badge pour entrer.
03:04 Donc nous, on avait des badges.
03:06 Dans la blue zone, on a trois parties.
03:09 On a les salles de négociation.
03:11 On a les pavillons où notamment les pays sont représentés,
03:14 mais aussi les scientifiques, plein d'acteuristes qui ont leur endroit.
03:17 Et des conférences où beaucoup de gens peuvent parler des politiques,
03:21 des scientifiques, des entreprises, etc.
03:23 Pour les négociations en particulier,
03:27 en fait, nous, on avait le droit d'y aller en tant qu'observateurs et observatrices.
03:31 Donc on pouvait se mettre au fond de la salle.
03:33 Alors là, c'est là où on a des avis divergents.
03:35 Moi, j'étais à Glasgow. J'avais souvent de la place pour y aller.
03:38 Après, les négociations, c'est très difficile à comprendre.
03:40 C'est ça qui m'a donné un sentiment d'impuissance.
03:42 Et puis c'est en partie en coulisses, j'imagine.
03:44 Voilà, c'est en partie en coulisses.
03:47 Il y a les réunions officielles, puis il y a les réunions informelles,
03:50 où nous, on avait encore le droit d'y aller, ce qui peut paraître étrange.
03:53 Vous étiez la petite souris sous la table.
03:55 Voilà, exactement, et informelle.
03:57 Et il y avait les informelles informelles.
03:59 Donc c'était vraiment inscrit.
04:01 Second niveau.
04:02 Second niveau, on n'avait pas le droit d'y aller.
04:04 Et puis ça peut se faire beaucoup en amont des COP et beaucoup après aussi.
04:07 C'est pas que là-bas.
04:09 On va filer au Standard de France Bleue, rejoindre Romain.
04:12 Bonjour Romain.
04:13 Bonjour.
04:14 Vous, vous êtes scientifique en rébellion.
04:16 Vous vous rendez à Bordeaux, à une COP alternative.
04:19 Expliquez-nous le principe et pourquoi vous y allez.
04:22 Oui, tout à fait.
04:24 Les scientifiques en rébellion nationale, et donc nous, particulièrement à Grenoble,
04:29 on se réunit tous à Bordeaux pour proposer un programme alternatif à la COP 28.
04:34 Et donc effectivement, pour dénoncer le cynisme de ces COP,
04:38 je pense que, pour répondre un peu à la question de tout à l'heure,
04:41 moi je trouve ça assez utile ces COP,
04:45 en ce sens qu'elles affirment assez explicitement l'absurdité du système.
04:49 Et plus on avance, plus effectivement on se rend compte avec une COP à Dubaï,
04:53 que le long ne mène absolument pas...
04:55 Ça n'a pas de sens, selon vous ?
04:56 Ça n'a pas de sens.
04:57 Voilà, exactement. Ça n'a aucun sens.
04:59 Et au mieux, du coup, ça peut aider.
05:01 En même temps, on ne fera pas changer le climat sans eux,
05:04 sans ces pays producteurs de pétrole.
05:06 Non, mais par contre, l'ensemble de la population mondiale va devoir se mobiliser
05:13 pour se rendre compte que le système dans lequel on fonctionne,
05:16 le système capitaliste industriel,
05:18 c'est celui qui alimente tout le dysfonctionnement actuel.
05:21 Et en fait, cette affirmation-là de faire une COP au sein de ces nations
05:25 extrêmement ancrées dans cette logique,
05:28 va peut-être permettre, j'espère,
05:31 d'avoir des soulèvements un peu plus rapides, un peu plus immédiats,
05:34 face à l'absurde, en fait.
05:36 C'est vraiment une affirmation d'absurde.
05:38 Et je pense que ça, ça peut aider.
05:39 Alors, effectivement, il faudra qu'il y ait des mouvements,
05:41 il faudra que ça avance, qu'il y ait des décisions qui soient prises,
05:44 mais elles ne seront pas prises par les États.
05:47 Les États sont coercitifs, ils sont ancrés dans cette logique capitaliste,
05:51 ils vont imposer des répressions de plus en plus massives
05:54 à mesure que les citoyens et citoyennes vont se soulever.
05:57 Et en réaction, vous organisez donc une COP alternative à Bordeaux ?
06:01 De quoi il s'agit ? Vous allez y faire quoi ?
06:03 Voilà, donc tout à fait.
06:05 En fait, on se réunit, il y a un certain nombre de séminaires,
06:07 un certain nombre d'actions qui ne sont pas publiques pour l'instant,
06:10 de dénonciations, d'actions pour dénoncer l'inaction climatique
06:15 et l'inaction environnementale.
06:17 Le fait qu'on détruise nos écosystèmes,
06:20 qu'on est dans un effondrement biologique global
06:22 qui est bien bien plus grave en réalité que le réchauffement climatique.
06:25 Et voilà, le fait d'être à Bordeaux, c'est assez intéressant
06:30 parce que c'est un lieu de la culture française vinicole
06:36 où on utilise massivement des pesticides,
06:39 parce que le vin, la vigne, c'est très fragile,
06:42 et on utilise beaucoup beaucoup de pesticides,
06:44 et c'est très en écho aujourd'hui avec les questions d'autorisation,
06:47 d'expansion du glyphosate notamment en Europe.
06:50 Ça couvre des sectes qui sont bien plus larges que celui du climat,
06:55 qui est aujourd'hui un point de focalisation
06:57 qui n'est vraiment pas du tout le problème le plus grave de nos sociétés aujourd'hui.
07:02 - Merci beaucoup.
07:03 - Ça permet aussi d'ouvrir...
07:05 - Merci beaucoup Romain, scientifique en rébellion en partance pour Bordeaux,
07:09 pour cette COP alternative à Bordeaux.
07:11 Merci beaucoup d'avoir été avec nous sur France Bleue ce matin.
07:15 Je reviens vers vous, Esteban.
07:17 Vous vous écriviez sur le site qui raconte votre expérience l'an dernier à la COP 27.
07:23 Il ne faut pas attendre d'une COP qu'elle soit miraculeuse
07:26 et qu'elle mette fin aux dérèglements climatiques, c'est vous qui l'écrivez.
07:29 Vous dites "il faut attendre d'une COP que toutes les parties soient sensibilisées sur ses enjeux".
07:34 Paradoxalement, c'est en n'attendant rien d'une COP que l'on peut pleinement la savourer.
07:39 Il ne faut rien attendre de cette COP à Dubaï ?
07:42 - Je pense qu'il faut partir du principe de ne rien attendre des COP en général
07:46 et d'être émerveillé devant un grand bond en avant.
07:52 Par exemple, je suis fait particulièrement à un sujet des négociations l'année dernière
07:58 qui étaient les pertes et préjudices.
08:01 Et ça a avancé beaucoup l'année dernière.
08:04 - Donc c'est le système de compensation des pays riches
08:07 vers les pays plus pauvres qui subissent le règlement climatique ?
08:11 - C'est ça, une compensation financière.
08:13 Le fonds a été créé l'année dernière.
08:16 On ne sait juste pas qui va donner, combien va donner.
08:19 - Il y a eu des engagements ?
08:23 - Il y a eu des engagements qui étaient quand même importants.
08:25 Parce que ça reconnaît que les pays riches sont aussi responsables
08:28 de ce qui se passe partout dans le monde.
08:29 C'est une grande avancée tout de même.
08:31 Mais si on commence à attendre de tels engagements,
08:36 tels que les accords de Paris ou même l'année dernière,
08:40 tous les ans, alors on va être déçus systématiquement.
08:43 Elles sont importantes ces COP, mais il ne faut pas en attendre trop non plus.
08:47 - Comment vous, qui avez 25 ans, voyez la suite ?
08:50 Est-ce que vous êtes plutôt optimiste ?
08:52 Et puis quel rôle pouvez-vous jouer en tant que futur étudiant ?
08:56 Vous êtes étudiant ingénieur, c'est ça ?
08:58 - C'est ça.
08:59 - Futur ingénieur, on parle beaucoup d'éco-anxiété chez les jeunes.
09:02 Quelle est la place des préoccupations écologiques chez vous,
09:05 future ingénieur ?
09:07 - Elles sont vraiment centrales dans ma vie.
09:10 Parce que quand on étudie en ingénieur, le problème est là.
09:14 Parce qu'on a un peu le choix entre travailler pour le système,
09:17 mais on se pose énormément de questions,
09:18 parce que souvent les limites planétaires ne sont pas respectées.
09:21 Ou alors d'essayer de trouver un emploi un peu alternatif.
09:24 Justement, à la COP, j'avais rencontré un scientifique du IEC
09:28 qui m'avait dit "choisis bien ton métier".
09:30 C'est ça ce que tu veux faire en tant qu'étudiant, en tant d'ingénieur,
09:32 c'est de bien choisir son métier.
09:33 Donc là, c'est au cœur de mes réflexions.
09:35 De bien choisir mon métier.
09:36 - Il y a un dilemme aussi chez vous, Esteban.
09:38 Comment on peut concilier ces engagements écologiques
09:41 et puis le métier d'ingénieur qui forcément va travailler
09:44 pour notamment des nouvelles technologies, etc.
09:46 pour les développer ?
09:47 - Moi, j'ai pris le parti pris de ne pas être ingénieur,
09:49 mais plutôt être dans la recherche.
09:51 - D'accord.
09:52 - Là, actuellement, je suis en césure, donc en stage,
09:54 dans un laboratoire qui étudie justement l'environnement, à Grenoble.
09:58 Et ça me plaît bien, et c'est ça que j'ai envie de faire,
10:00 étudier le climat.
10:02 Et aussi, j'aimerais bien avoir un aspect plus impact
10:04 à la fois sur l'environnement, étudier ça,
10:06 et aussi sur les hommes.
10:08 Parce que c'est pas quand on dit juste "la température augmente",
10:11 c'est "ok, la température augmente",
10:13 mais c'est "quelles sont les conséquences qui sont derrière ?"
10:15 Et c'est ça que j'ai envie d'étudier par la suite.
10:18 - Et rapidement, vous allez la suivre, cette COP28 ?
10:21 Perrine ?
10:22 - Je dirais un peu de loin.
10:24 En fait, moi, aujourd'hui, je suis très ancrée dans le territoire,
10:26 j'essaie d'agir autour de moi.
10:28 Donc c'est ça, ma priorité une.
10:30 Et puis si je vois des informations passer sur les COP,
10:32 je regarderai.
10:33 - Et Esteban, vous allez la suivre, cette COP28 à Dubaï ?
10:36 - Un peu pareil, je vais regarder un peu de loin,
10:38 mais je ne vais pas être le nez tout le temps
10:40 dans les informations pendant deux semaines, on va dire.
10:42 - Merci beaucoup, Esteban Coquemont et Perrine Julien,
10:46 d'avoir été nos invités ce matin.
10:48 Racontez vos expériences dans ces dernières COP,
10:51 et puis votre vision sur celles qui s'ouvrent aujourd'hui à Dubaï.
10:54 Merci d'avoir été avec nous.
10:56 Je rappelle que vous êtes étudiant à Grenoble INP,
10:58 futur ingénieur, on l'a entendu.
11:00 Merci d'avoir été avec nous ce matin.
11:02 Belle journée.