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  • 29/11/2023

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Transcription
00:00 On va s'arrêter un instant sur la situation en Birmanie.
00:02 Des combats font rage dans le nord du pays, près de la frontière avec la Chine,
00:06 depuis qu'une alliance de trois groupes insurgés issus de minorités ethniques
00:09 a lancé une offensive contre la toute puissante Jinte.
00:12 C'était il y a un mois.
00:13 Depuis, Pékin a lancé des exercices militaires le long de sa frontière.
00:17 Les ressortissants chinois ont par ailleurs été appelés à quitter d'urgence cette région du pays.
00:22 Bonjour à vous Cyril Payen, porteur à la rédaction de France 24.
00:25 Vous avez été aussi notre correspondant à Bangkok.
00:28 Vous les connaissez bien ces questions de guérilla.
00:30 Est-ce qu'on est face à un tournant en ce moment en Birmanie, Cyril ?
00:34 Alors, il faut évidemment être extrêmement prudent puisqu'on a affaire à une dictature militaire
00:38 depuis le 1er février 2021 avec un 9e coup d'État
00:42 qui avait mis un arrêt total à une séquence pro-démocratique de 10 années.
00:46 L'appareil militaire birman est pétorique.
00:49 C'est un énorme... C'est 40% des fonds nationaux.
00:52 Donc, il faut être extrêmement prudent.
00:53 Ce qui est certain, c'est que jamais dans l'acte de résistance civile et ethnique,
00:58 on va en parler, auquel on a pu assister depuis le 1er février 2021,
01:02 donc depuis le coup d'État militaire,
01:04 jamais on a eu de tels résultats au travers des offensives des rebelles ethniques et des rebelles civils.
01:12 Donc, si on regarde cette carte, c'est assez significatif
01:15 puisque vous le disiez très justement, depuis le 27 du mois dernier,
01:21 c'est l'opération 10/27, 27 octobre,
01:24 il y a le 27/11 aussi, ce mois-ci, nouvelle attaque.
01:27 Et on attend l'année, le mois prochain, une attaque sur les villes.
01:30 Donc, c'est une attaque multiforme qu'on n'a jamais vue depuis de nombreuses années en Birmanie.
01:35 Donc, on vous parlait de la frontière chinoise tout au nord,
01:38 des combats extrêmement violents avec une alliance de trois minorités ethniques,
01:42 des guerriers extrêmement armés, presque conventionnels,
01:44 qui ont décidé de tourner le dos à la junte militaire et de se battre.
01:48 Il y a des dizaines de villes qui sont tombées, des bases militaires aussi.
01:51 Ce n'est pas tout. Là, nous sommes à l'est, frontière chinoise, frontière thaïlandaise.
01:57 Il y a aussi traditionnellement des bastions de guerrilla, Karen, Kareni,
02:01 qui se sont aussi armés. Ils sont aidés par l'alliance des forces de défense populaire,
02:06 c'est-à-dire que ce sont des gens, des étudiants, des ouvriers des villes
02:10 qui, depuis deux ans, sont formés par les guerriers ethniques à la guerre civile.
02:14 Et donc, il y a des combats extrêmement importants.
02:16 Si on va de l'autre côté, Gop du Bengale, ça nous ramène près des Rohingyas,
02:20 qu'on a beaucoup couverts il y a quelques années.
02:22 C'est l'état d'Arakan, dans l'extrême ouest.
02:24 Là aussi, une rébellion ethnique extrêmement puissante
02:27 qui a lancé une offensive contre l'Armée libérne.
02:30 Et puis, si on se rapproche du centre de la Birmanie,
02:32 qui est en fait là où il y a, qui concentre le pouvoir militaire birman,
02:36 dans l'état de Chine, près de Mandalay,
02:39 qui est la deuxième ville du pays dans le nord aussi,
02:41 des très importants combats qui sont en train de mettre en péril, évidemment,
02:45 toute l'assise militaire.
02:47 Il y a par ailleurs énormément de défections.
02:49 Donc, dans les faits, cela veut dire qu'on est résolument entrés en guerre civile.
02:54 Ça commence à déranger les voisins.
02:55 Vous parliez très justement du voisin chinois qui joue un double jeu,
02:59 qui est à la fois allié avec les minorités ethniques,
03:01 puisqu'il y a du rubis, il y a énormément du jade, de trafic en tout genre.
03:05 Donc, les Chinois, ils ont une énorme frontière jouabilement avec les minorités ethniques,
03:09 mais aussi, c'est un grand pourvoyeur stratégique,
03:12 comme la Russie d'ailleurs, pour la jeune militaire birmane,
03:15 d'où ses exercices militaires en ce moment pour resserrer les rangs.
03:19 Et j'ajoute, c'est aussi un pourvoyeur de refus au Conseil de sécurité de l'ONU
03:23 quand il s'agit de voter des sanctions contre la Birmanie, contre la jeune militaire.
03:27 Donc, ça bouge.
03:29 Ça n'a jamais été à ce point-là.
03:30 On pense que, d'après certains analystes,
03:32 que les forces de défense populaire, c'est-à-dire la résistance globale en Birmanie,
03:36 tiendraient 40% du territoire.
03:38 C'est un pas incroyable, surtout qu'ils n'ont été aidés par personne.
03:41 Ce sont des gens qui se battent tout seuls.
03:43 On voit des images de combats extrêmement violents.
03:44 Ça, c'était dans le Nord, il y a quelques jours,
03:46 des images exclusives qu'on a pu retenir.
03:48 Donc, c'est presque une guerre conventionnelle.
03:50 On peut voir une minorité ethnique, une guérilla ethnique, pardon, du Kokang,
03:54 donc extrêmement bien armée.
03:55 - C'est ça, équipée, organisée, extrêmement bien armée,
03:58 avec plusieurs fronts de l'Est à l'Ouest, le centre, le sud du pays.
04:03 Est-ce que c'est la première fois que ces offensives sont menées
04:05 de manière aussi organisée à travers tout le territoire ?
04:08 - Alors, c'est ça aussi la nouveauté.
04:10 C'est qu'un gouvernement de l'ombre a été créé en marge de la dictature,
04:15 l'avènement de la dictature, composé de parlementaires, d'élus
04:18 qui ont pris le maquis, la clandestinité, qui ont créé le NUG,
04:22 qui est le gouvernement d'union nationale.
04:24 Et là aussi, c'est assez extraordinaire quand on comprend la complexité ethnique,
04:29 multiethnique de la Birmanie, 130 minorités ethniques au moins,
04:31 donc difficile en général d'unifier.
04:33 Ça a été toujours le point faible des gouvernements birmans.
04:36 Et là, il y a effectivement un commandement politique et stratégique central,
04:39 le NUG, le gouvernement d'union nationale,
04:41 qui semble donner ses stratégies, axer ses stratégies,
04:45 et qui explique donc qu'il y a eu une allégeance ethnique notamment,
04:48 les rebelles ethniques sur les trois frontières, indiennes, chinoises et thaïlandaises,
04:52 et qui a décidé conjointement le 10-27, le 11-27 et sans doute le 12-27,
04:56 de mener leurs offensives multilatérales et multiforces.
05:01 Ça, c'est vraiment une première.
05:03 Est-ce que c'est la fin de la dictature en Birmanie ?
05:05 Ne gageons pas trop, mais on parle de milliers de morts dans les deux côtés,
05:09 20 000 prisonniers politiques tout de même.
05:11 Et on voit qu'il y a quand même un vent d'espoir en Birmanie,
05:14 ce pays lointain dont on parlait très très peu et qui est en guerre civile
05:17 depuis le coup d'État de février 2021.
05:19 Il faudra suivre de très près l'évolution des événements sur place.
05:23 Cyril, vous évoquiez tout à l'heure la réaction de la Chine et ses exercices militaires.
05:27 Comment les autres États de la région ont-ils réagi ?
05:30 Alors du côté indien, évidemment, on est extrêmement inquiet par toute forme d'instabilité.
05:34 Je rappelle qu'il y a du côté indien et bangladais aussi,
05:38 un peu plus au nord, à l'ouest de la Birmanie.
05:43 Il y a un million de réfugiés Rohingyas qui sont venus il y a quelques années,
05:46 on s'en souvient après, à un véritable génocide perpétré par cette même armée birmane
05:50 qui sont dans les camps de réfugiés le long de la frontière entre le Bangladesh et la Birmanie.
05:56 Donc toute tentative de déstabilisation, dépassement de population est vue d'un mauvais œil.
06:00 C'est un peu pareil du côté indien.
06:02 Du côté thaïlandais, on regarde ça avec beaucoup d'attention.
06:06 Mais encore une fois, ce sont d'ailleurs les Karen, l'Union nationale Karen,
06:08 ce sont des images qu'on avait tournées il y a quelques mois dans la jungle du sud de la Birmanie.
06:13 Il y a eu traditionnellement une coopération avec les Thaïlandais.
06:17 Et on peut voir aussi de manière opportune que peut-être qu'à un moment,
06:19 le gouvernement thaïlandais, qui je le rappelle est un nouveau gouvernement élu,
06:23 mais qui lui-même était issu de pouches militaires,
06:26 pourrait opportunément fermer cette toute forme de coopération avec le gouvernement central,
06:30 si le vent tourne.
06:32 Ce qu'il faut bien voir maintenant, c'est le rôle des Chinois,
06:34 qui est un pouvoyeur d'armes extrêmement important, je le disais,
06:37 comme les Russes, de la technologie, des hélicoptères de combat
06:40 qui servent beaucoup pour combattre les guérilléros dans ces zones de jungle montagneuse.
06:45 Peut-être que les Chinois vont donner le lat et retourner leur stratégie
06:50 au profit peut-être des guerriers ethniques du Nord et contre la jeune militaire.
06:53 Ça, ça sera absolument déterminant.
06:55 Ce n'est pas fait, mais en tout cas, il y a quelque chose qui est en train de changer
06:59 dans cette partie du monde.
07:00 Il faudra surveiller de très près la réaction de la Chine,
07:02 si elle se positionne pour un camp ou pour l'autre.
07:04 Merci beaucoup Cyril, merci pour cette analyse.
07:06 *souffle*

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