Blanche Gardin - Être une femme _ Être un homme

  • l’année dernière

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00:00 *musique*
00:13 Bonsoir, merci, merci mais non, non, non parce qu'en fait je vais arrêter le métier.
00:22 Si, si, non vous savez pas de quoi vous parlez, vous avez des métiers normaux, vous êtes banquier ou je sais pas.
00:28 Non, faut que j'arrête le métier parce que c'est trop difficile maintenant.
00:32 Parce que maintenant les gens qui montent sur scène, ils ont tous un truc à défendre, une identité, une cause, quelque chose.
00:38 Et moi j'ai rien, moi j'ai rien, j'ai pas de spécificité.
00:41 Moi je suis pas homo, je suis pas trans, je suis pas vegan, je suis pas polyamoureuse, je suis pas obèse, je suis pas noire, je suis même pas juive, je suis rien, je suis rien.
00:51 Moi je suis une femme, blanche, hétérosexuelle, de 41 ans, consommatrice d'anxiolithique.
00:58 C'est pas une identité, c'est un cercueil, d'accord ?
01:01 Non, c'est vraiment, c'est très compliqué.
01:03 Et encore je dis je suis une femme, même pas tout le temps.
01:07 On est pas une femme tout le temps d'ailleurs, quand on est une femme, c'est vrai.
01:10 Moi le matin quand je prends mon café, je suis pas une femme par exemple.
01:13 Je suis pas une femme jusqu'à 11h45 à peu près, je suis pas une femme.
01:16 On ne se connait pas, mais moi le matin, voilà, je suis beaucoup plus proche d'un Andy Gerardo ou quelque chose comme ça.
01:22 Je suis pas une femme le matin.
01:23 On est pas une femme tout le temps quand on est une femme, même pas.
01:26 Alors par contre on sait quand on devient une femme, ça moi je sais très bien quand je suis devenue une femme.
01:31 Je suis devenue une femme moi, le jour où j'ai couché avec un homme marié.
01:35 C'est là que je suis devenue une femme.
01:37 C'est là, précisé.
01:38 Non parce qu'on a tendance à dire qu'on devient une femme quand on a ses règles.
01:42 Moi pas du tout.
01:43 Moi quand j'ai eu mes règles, ça m'a pas du tout.
01:45 Enfin si, j'ai pris conscience que j'étais complètement dépressive quand j'ai eu mes règles.
01:49 Parce qu'on m'avait dit "Tu vas voir, on est triste un peu avant les règles et pendant les règles."
01:54 Moi ça ne change rien du tout.
01:55 Donc je pense qu'il y a un problème.
01:57 Voir même je suis plus gay pendant les règles moi.
02:00 Donc c'est vraiment un problème de chimie interne.
02:02 Mais par contre, le jour où tu te fais doigter par une main avec une alliance dessus.
02:09 Là il se passe quelque chose là.
02:12 Là, là le roman peut commencer vraiment.
02:14 Là c'est "Bonjour Anna Karenine, bonjour Emma Bovary.
02:17 J'ai enfin la certitude que ma vie va mal finir, je suis une femme."
02:21 C'est là, c'est ce moment précis.
02:22 C'est la vision de la main du mec avec l'alliance dessus, entre tes cuisses, qui te fait devenir une femme, brutalement.
02:28 C'est ça, c'est cette image.
02:29 D'ailleurs il faut préciser, c'est pas le doigt qui est bagué qui doit atteindre.
02:33 Bien sûr, évidemment.
02:34 D'ailleurs je pense que c'est pour ça qu'on met l'alliance au quatrième doigt.
02:38 Bien sûr.
02:40 Parce que c'est le seul doigt qui n'a aucune chance de se retrouver dans une chatte, ce doigt là.
02:45 Parce que tu ne fais rien avec ce doigt là tout seul.
02:47 C'est le doigt au chômage tout seul.
02:49 Tu n'emploies pas ce doigt là.
02:50 Même pour une petite action, même swipé sur un écran tactile, tu ne prends pas ce doigt là.
02:54 À part si t'es ébéniste et qu'il te reste que celui là, alors là oui, forcément.
02:59 Là tu n'as pas le choix.
03:01 Mais je pense que c'est pour ça qu'on met l'alliance au quatrième doigt.
03:04 Pour ça, parce que sur ce doigt là, aucun risque que l'alliance soit souillée par la mouille de maîtresse.
03:13 Donc voilà, oui je suis une femme.
03:17 Donc c'est vrai que des fois je me dis, mais t'es une femme, c'est une identité ça.
03:20 Femme, t'as qu'à parler de ça, du fait d'être une femme, tout ça.
03:23 Mais en même temps, je ne sais pas, est-ce que les discours féministes, au bout d'un moment, ça ne casse pas un peu les couilles ?
03:32 C'est vrai, parce que je suis féministe, je suis profondément féministe.
03:36 Je suis tellement féministe que pendant très longtemps, j'ai eu un portrait de Simone de Beauvoir sur ma table de chevet, quand même à côté de mon lit.
03:42 Je l'ai fini par enlever au bout d'un moment, parce que je me suis dit que ça faisait peur aux mecs.
03:46 Apparemment ce n'était pas ça.
03:49 Mais je suis féministe, bien sûr.
03:53 Mais j'étais quand même embêtée avec tous les débats qu'il y a eu l'année dernière.
03:57 Parce que déjà trop de bruit, trop de bruit, tout le monde parlait en même temps, c'était épuisant.
04:01 On ne pouvait pas réfléchir.
04:02 À un moment, j'ai arrêté d'écouter tout.
04:04 Déjà, je ne les lisais pas, les tweets "Balance ton porc", parce que ça m'excitait trop.
04:11 Après, je ne pouvais pas bosser.
04:12 Il y en avait qui étaient... Il y en avait des salés, quand même.
04:17 Vendredi soir, je traîne au boulot, pas bouclé mes dossiers, seule dans l'open space.
04:22 Moine Puzin arrive derrière mon dos, me susurre à l'oreille.
04:25 "Toi, avant le bilan comptable de la fin du deuxième semestre, je te culbute sur la photocopieuse."
04:29 Soudain, ses deux mains sur mes seins, il me pince les têtes.
04:32 On arrête de chauffer les gens.
04:34 Il y a des gens à qui il n'arrive rien, je le rappelle.
04:37 Mais c'était compliqué, tout le monde ne parlait que de ça.
04:42 J'ai l'impression qu'on va à la conjugéelle en porte-pièce, certains trucs.
04:45 Il y avait des trucs... Le consentement, c'est plus compliqué que ce qu'on a voulu.
04:49 On a pensé qu'on allait tout régler avec une formule.
04:53 Quand c'est non, c'est non, mais c'est plus compliqué que ça.
04:55 Une fois que tu as dit ça, tu n'as rien dit.
04:57 En réalité, bien souvent, quand c'est oui, c'est non aussi.
05:02 Si j'avais refusé de coucher à chaque fois que je n'avais pas eu envie,
05:08 je ne serais jamais restée avec un mec plus de trois mois.
05:11 C'est la réalité, on le sait.
05:13 Les femmes, une fois qu'on est dans une relation, très souvent, on baise sans en avoir envie.
05:18 Ça ne posait pas de problème avant, parce qu'avant, il y avait un échange avec le mec.
05:23 C'est-à-dire qu'avant, on baisait autant de fois que le mec voulait baiser.
05:26 Mais en échange, on avait un confort matériel, une sécurité, il y avait quelque chose.
05:30 En plein hiver, il sortait, il allait couper du bois sous la neige,
05:35 il allait tuer des chevreuils pour nous nourrir et nous faire des robes.
05:38 Et quand il rentrait, on lui suceait un peu la bite.
05:41 Et même si ça sentait un peu le castor, il y avait un win-win.
05:44 Il y avait quelque chose qui se passait.
05:46 Mais aujourd'hui, maintenant qu'on est égaux, il n'y a plus d'échange.
05:50 Il n'y a plus d'échange. Tu rentres d'une journée de boulot, t'es crevé.
05:54 Il faut lui sucer la bite s'il a envie de voir sa bite qui est sucée.
05:58 Et après, il faut écouter ses problèmes.
06:01 Non, il y a un malaise là, il y a un gros malaise.
06:04 Parce que c'est un acte magnifiquement pur et bon de se donner à quelqu'un
06:09 comme ça entièrement alors qu'on n'en a pas envie.
06:12 Mais même une sainte ou mère Thérésa.
06:14 Aussi, il faudrait être une sainte ou mère Thérésa pour ne pas demander de contrepartie.
06:19 Et les saintes, elles ne couchent pas comme par hasard.
06:24 Et mère Thérésa, elle est décédée.
06:27 Donc moi, ce que je propose, c'est peut-être pour rétablir la paix
06:31 au sein des couples, entre les hommes et les femmes.
06:34 Peut-être que ce serait bon que dans le couple, les hommes versent un salaire
06:38 aux femmes pour tout le sexe qu'elles font sans en avoir envie.
06:43 Moi franchement, je le ferais même avec des inconnus dans le besoin.
06:47 Si on me payait pour le faire.
06:50 C'est vrai, je veux piquer le boulot de personne.
06:53 Mais vous voyez ce que je veux dire.
06:56 Non mais c'est vrai.
06:58 Tout ça, c'est une année compliquée quand même.
07:02 C'est surtout compliqué pour les hommes.
07:04 Là, je pense que c'est très compliqué d'être un homme aujourd'hui.
07:07 C'est compliqué d'être un homme hier aussi d'ailleurs.
07:11 Je pense que c'est compliqué.
07:13 Ce sera encore plus compliqué d'être un homme demain peut-être.
07:16 Moi, je n'aurais pas voulu être un homme.
07:18 Je n'ai jamais eu cette envie-là.
07:20 Parce que j'ai toujours pensé que c'était vraiment compliqué.
07:23 Quand on pense, le premier défi qui se pose à l'homme dans sa vie d'homme,
07:29 c'est quand même de devoir bander.
07:32 Son statut d'homme viril dépend d'un processus physique
07:36 qu'il ne peut pas contrôler par la volonté.
07:39 C'est quand même une servitude monstrueuse quand on y pense.
07:42 Parce que nous, au pire, le jour où on n'est pas dedans,
07:44 un peu de bave et on reste féminine.
07:46 On est d'accord ?
07:48 L'homme, lui, il doit bander.
07:51 Et l'origine de la virilité, elle est là.
07:53 Tu dois gouverner ta propre teub.
07:55 Mais quel défi monstrueux.
07:57 Tu m'étonnes qu'une fois qu'ils y sont arrivés,
07:59 ils pensent qu'il faut qu'ils gouvernent le reste du monde.
08:01 Les mecs, ça doit rendre mégalo une fois que tu as réussi à faire ça.
08:03 Mais c'est l'enfer de devoir bander.
08:05 La parano que ça doit créer.
08:07 Je ne me suis même pas imaginée.
08:09 Je me suiciderais, je ne supporterais pas.
08:11 La parano.
08:13 Parano injustifié en plus en réalité.
08:15 Et je tiens à rassurer les hommes qui ne le seraient pas ce soir.
08:18 Parce qu'en réalité, non, aucune femme ne va humilier un mec qui ne bande pas au lit.
08:23 Ça n'existe pas de mec qui dit
08:25 "Excuse-moi chérie, je bande mou, désolé."
08:27 "Et bah débrouille-toi, prends un chausse-pieds et mets-le-fous-là-moi-dedans."
08:30 Non, ça ne vous arrivera pas.
08:32 Vous pouvez être tranquille là-dessus, ça ne vous arrivera pas.
08:35 Mais quand même, on comprend.
08:38 On comprend la difficulté.
08:40 Moi vraiment de ce point de vue-là, je pense que c'est plus simple d'être une femme.
08:42 Surtout que ce n'est même pas fini une fois qu'on bande.
08:45 C'est que le début.
08:47 Parce que la virilité exige la bandaison suivie de la pénétration.
08:51 C'est tout le voyage qui rend viril.
08:53 C'est tout le truc.
08:54 C'est pour ça que dans un contexte de séduction, les hommes sont dans cette urgence de conclure au lit.
08:58 C'est là que ça doit se terminer.
09:00 Parce que c'est là que le miracle viril s'accomplit vraiment.
09:02 Alors que nous les femmes dans la séduction, on n'a pas besoin d'aller jusqu'à la baise techniquement.
09:07 Pour être rassurées narcissiquement en tant que femme.
09:09 Nous, non. Nous dans la séduction, on a juste besoin d'aller jusqu'à ce point où on voit dans les yeux du mec qu'on pourrait briser sa vie.
09:18 C'est ça qu'on veut voir.
09:20 Qu'on voit qu'on pourrait le transformer en lavette.
09:22 C'est ça qu'on veut voir.
09:23 On veut voir cet éclat dans l'œil qui s'éteint.
09:25 On veut voir ça.
09:26 On veut voir qu'on pourrait lui chier dans le cœur tous les matins sans qu'il se rebelle.
09:30 C'est ça qu'on veut voir.
09:32 Mais on n'a pas besoin de baiser, on n'est pas des sauvages.
09:34 Je veux dire, c'est ça.
09:36 Donc oui, on est différents.
09:38 Mais je pense que c'est dur pour un garçon cette histoire de bandaison.
09:42 Surtout qu'en plus, il a tout ça à faire pour en plus assurer la partition qui n'est même pas la plus riante du sexe.
09:49 Parce qu'on le sait.
09:50 Tout le monde le sait que ce qu'il y a de plus fun dans le sexe, c'est d'être pénétré.
09:53 C'est pas de pénétrer.
09:55 Enfin, je veux dire, même les mecs hétéros le savent dans la salle.
09:58 Je sais que vous en parlez pas beaucoup entre vous.
10:01 Mais nous on sait comment ça se passe.
10:04 On sait, bien sûr, au début de la relation, quand on approche comme ça, un petit doigt de vos fesses, vous faites...
10:10 "Bah, non, qu'est-ce que tu fais ? T'es malade ou quoi ?"
10:12 Puis quelques semaines après, c'est...
10:15 "Bon, d'accord, mais juste une noisette."
10:17 Et que quelques mois après, c'est vous qui suppliez...
10:20 "Eh, tu peux refaire le...
10:25 C'est pas pour vous mettre mal à l'aise, c'était pour vous défendre."
10:28 Voilà, merci de m'avoir écoutée, c'est tout ce que je voulais vous dire. Merci.
10:32 Merci, bonsoir.
10:33 [Applaudissements]
10:36 [Sonnerie de fin]
10:38 [Sonnerie de fin]
10:40 [Sonnerie de fin]
10:42 [Sonnerie de fin]
10:44 [Sonnerie de fin]
10:46 [SILENCE]

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