Santé Sans Tabou - Les TOC

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00:00 Bonjour à tous, bienvenue sur Arabelle. Il est 19h, vous êtes sur Santé sans tabou,
00:05 l'émission dédicacée à la santé d'Arabelle. Alors on est ensemble jusque 20 heures pour
00:09 décrypter une thématique santé qui vous impacte et ce sans aucun tabou. Aujourd'hui,
00:14 on s'intéresse à une pathologie silencieuse que sont les TOC, donc les troubles obsessionnels
00:19 compulsifs. Alors des TOC, on en a tous, mais parfois dans les formes graves. Eh bien,
00:23 les patients peuvent ne pas s'empêcher de compter, de vérifier, de nettoyer. C'est le sujet d'aujourd'hui,
00:28 on en parle juste après les news. Restez avec nous. Bonjour à tous, bienvenue sur Arabelle,
00:35 on est de retour sur Santé sans tabou. Aujourd'hui, on a décidé de parler des TOC, donc des troubles
00:41 obsessionnels compulsifs. Cette pathologie du doute et de l'hyper contrôle touche actuellement
00:46 1 à 2% de la population. Et pour en parler, eh bien, on a la chance de recevoir dans nos studios
00:51 le docteur Serge Gozlan. Bonjour docteur, merci d'être avec nous. Bonjour Sabrina, merci pour
00:58 l'invitation. Avec grand plaisir. Donc vous êtes vous psychiatre et psychothérapeute, vous travaillez
01:02 notamment au sein de l'hôpital Bruggemann à Bruxelles. Vous êtes également le cofondateur
01:07 du centre de gestion de l'anxiété et du stress. Et vous êtes par ailleurs également enseignant à
01:13 l'ULB et formateur en TCC, donc on en reparlera tout à l'heure, donc la thérapie cognitive et
01:18 comportementale. Et on a également la chance d'avoir avec nous en ligne Jeanne Bayard. Merci
01:23 beaucoup Jeanne d'être avec nous. Bonjour. Alors Jeanne, vous faites partie de ces patients qui ont
01:30 le courage de leurver leur voix pour parler de cette pathologie qui vous atteint depuis l'âge
01:35 de 10 ans. Merci beaucoup d'être avec nous Jeanne pour partager votre parcours avec nos auditeurs.
01:41 Alors on va commencer par le commencement et je me retourne vers vous du coup docteur. Est-ce que
01:46 vous pouvez nous expliquer ce qu'est le trouble obsessionnel compulsif et quelque part qu'est-ce
01:51 qu'il différencie du toc un peu quotidien qu'on a peut-être un peu tous ? Alors je vais je vais
01:57 vous répondre en vous posant une autre question. Êtes-vous certaine de bien avoir fermé la porte
02:03 de votre domicile ce matin en partant ? Je pense bien que oui. Êtes-vous sûre qu'il ne restait pas
02:09 une porte ouverte, une fenêtre ouverte que vous avez bien été à tous les appareils électriques ?
02:15 Je pense avoir fait le tour en effet. Est-ce que vous en êtes sûre à 100% ? Je dirais 99% mais
02:22 quasi certaine. Et bien voilà donc il y a 99% de certitude ce qui veut dire que vous acceptez un
02:30 doute, une incertitude de 1% et cette incertitude vous la tolérez. Vous n'y avez pas pensé toute
02:38 la journée, ce n'est pas devenu obsédant, vous n'êtes pas retourné à votre domicile, vous n'avez
02:44 pas quitté le travail, vous n'avez pas fait de crise angoisse durant la journée en pensant à
02:49 cette possibilité et au moment où je vous pose la question vous avez peut-être une petite pointe
02:54 d'anxiété. De même que vos auditeurs qui sont peut-être pas encore rentrés chez eux et qui se
02:59 sont posé la même question et qui n'ont pas fait du tout attention à ce point là. Cette tolérance
03:06 à l'incertitude, les personnes qui souffrent de TOC ne l'ont absolument pas. Ils veulent être
03:12 absolument certains de toute situation, en toutes circonstances. Est-ce que c'est pour ça qu'on parle de
03:23 pathologie d'hyper contrôle quelque part ? C'est qu'il faut vraiment être certain à 100% ?
03:26 Il y a effectivement cette volonté d'avoir le contrôle à 100%, d'avoir une certitude,
03:32 d'où la nécessité de vérifier souvent, de répéter des choses mentalement, comportementalement et ça
03:40 peut devenir une véritable torture. Par le temps qui est passé à l'obsession et à la compulsion,
03:47 ou par le temps passé à éviter ces situations anxiogènes. Alors justement vous parliez là de
03:54 compulsion etc. Donc concrètement comment ça se passe ? Donc un patient est atteint d'un TOC,
03:58 qu'est ce qui lui arrive ? Et donc on parlait de compulsion qui est un peu la solution que le
04:03 patient met en oeuvre. Est-ce que vous pouvez nous clarifier un peu cette partie ? Alors je peux la
04:07 clarifier en prolongeant l'exemple pris. C'est à dire qu'une personne quittant son domicile le
04:14 matin va vouloir vérifier si par exemple tous les appareils électriques sont bien débranchés,
04:20 s'il n'y a pas une porte qui reste ouverte, une fenêtre. Alors là il peut y avoir plusieurs
04:27 craintes. Soit la crainte d'un court circuit qui mettrait le feu à l'appartement, soit que la porte
04:33 est mal fermée et qu'il puisse y avoir un cambriolage par exemple. Alors tous ces genres
04:39 de situations font partie des petites obsessions. Si on part en week-end, en vacances, vous allez
04:46 remarquer qu'on va vérifier un peu plus souvent que d'habitude. Et c'est normal parce qu'on
04:51 s'absente pour un peu plus longtemps. On va peut-être faire attention d'avoir bien les clés
04:58 avec soi, les papiers etc. Donc on est un petit peu plus vigilant, un petit peu plus anxieux.
05:02 Donc il y a l'obsession, cette pensée, cette anxiété d'être certain d'avoir bien tout sous
05:11 contrôle et la compulsion, ce comportement qui vise dans un premier temps à diminuer l'anxiété
05:18 liée à cette obsession. Donc la personne va passer un certain temps à vérifier les portes, les
05:27 fenêtres, les appareils électriques etc. Alors au bout de combien de temps, on ne peut pas dire
05:32 qu'il y a un seuil entre normal et pathologique, mais plutôt au bout de combien de temps s'installe
05:37 de la souffrance, de la détresse. Alors très bien. Je demande au docteur, on va y revenir,
05:41 on va remarquer une courte pause. Je vous laisse prendre un petit café,
05:46 je lui ai laissé te dire prendre un petit café, on se retrouve tout de suite.
05:48 On est de retour sur Santé Sans Tabou d'Arabel. On discute aujourd'hui des TOC,
05:55 donc des troubles obsessionnels compulsifs. On est avec vous docteur Gozlan.
06:00 Vous allez m'appeler Serge, ça va être plus facile.
06:06 On va faire ça. Est-ce que vous pouvez nous expliquer les différents types de TOC qui existent ?
06:12 Alors il y en a d'innombrables, vraiment de toutes sortes. Il y a les grandes catégories,
06:20 c'est le lavage, le comptage, la vérification, les superstitions. Voilà les grandes catégories
06:29 d'obsession. Super. Alors on a avec nous également Jeanne qui, comme je le disais tout à l'heure,
06:38 vous êtes atteinte de TOC depuis l'âge de 10 ans. Pourquoi est-ce que c'est important pour vous,
06:42 Jeanne, de parler de cette pathologie ? C'est important pour moi de parler de cette pathologie
06:49 parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui osent en parler parce que c'est un peu une maladie tabou.
06:54 Et du coup je me suis sentie très perdue quand j'ai essayé de chercher du réconfort auprès
06:59 d'autres témoignages de personnes et que je n'en ai pas trouvé. Donc je me suis dit que j'allais
07:05 le faire moi-même. En tout cas on va continuer à parler de votre histoire. On marque une légère
07:09 pause et on revient tout de suite. On est de retour sur Santé Sant'Abou D'Arabelle. On continue à
07:17 parler aujourd'hui des troubles obsessionnels compulsifs. On a avec nous Jeanne. Jeanne,
07:23 vous vous êtes atteinte de TOC depuis l'âge de 10 ans. Est-ce que vous pouvez un peu expliquer
07:28 votre histoire à nos auditeurs ? Nous dire un peu comment est-ce que vous avez découvert cette
07:32 maladie et quel type de TOC avec lesquels vous devez vivre au quotidien ? Oui, du coup j'ai
07:41 commencé à avoir des TOC à l'âge de 10 ans pendant mon passage de la primaire au collège.
07:47 Ça a commencé par de nombreux lavages de mains qui étaient pour moi impossibles à arrêter,
07:53 avoir beaucoup de difficultés à manger, notamment à manger tout ce qui était préparé avec les mains
08:00 ou alors avec une hygiène que je n'avais pas pu vérifier ou contrôler avant. Maintenant ça fait
08:06 10 ans que je suis atteinte de TOC et c'est principalement des TOC de l'hygiène et des
08:11 phobies d'impulsion mais qui sont toujours liées à l'hygiène. Et donc concrètement Jeanne, dans
08:15 votre quotidien comment ça se passe ? Est-ce que vous pouvez illustrer par exemple avec un cas que
08:20 vous avez eu peut-être récemment ou dans le passé, on parlait ensemble de l'assiette, quand vous mangez
08:27 dans une assiette vous devez vous vous assurer que cette assiette est bien propre. Comment ça
08:31 se manifeste chez vous ? Par exemple au moment de manger, déjà je vais faire les courses tous les
08:41 jours parce que je peux pas stocker mes aliments dans le frigo parce que je me dis qu'au delà des
08:47 24 heures passées dans mon frigo c'est plus bon, ce qui est complètement irrationnel parce que dans
08:51 les magasins ça reste plusieurs semaines. Et du coup au moment de manger je vais relaver ma vaisselle
08:57 même si elle est propre et qu'elle vient sortir de la vaisselle juste parce que je me dis tout le
09:02 temps on sait jamais peut-être qu'il y a une bactérie qui est tombée dedans ou je sais pas
09:05 donc je vais relaver sauf que pour laver ma vaisselle je vais utiliser une nouvelle éponge qui va
09:10 servir qu'à faire ce lavage là pour ce midi ou ce soir et ça va être ça pour tout et au moment de
09:19 manger il faut qu'il y ait personne dans la cuisine quand je prépare à manger parce que sinon j'ai
09:23 peur que ça passe trop de mouvements et avec l'air il va y avoir des bactéries qui vont
09:25 déposer dans mon assiette que je viens de laver et je mange quasiment que de la nourriture sous
09:30 vide. Et quelle est votre crainte du coup ? De quoi avez-vous peur quand vous parlez de ces bactéries
09:37 etc ? Moi j'ai la phobie ultime de vomir donc finalement je me protège principalement de
09:47 l'agastro. Et donc docteur comment on analyse un peu le cas de Jeanne ici la compulsion dont
09:54 on parlait tout à l'heure c'est de renettoyer à chaque fois pour répondre à cette phobie dont
09:59 Anne parle d'être intoxiqué quelque part ? Oui alors là c'est un toque qui comme le dit Jeanne
10:07 est lié à la phobie de vomir donc vous avez posé une bonne question c'est à dire à travers toutes
10:14 ces obsessions et ces compulsions qu'est ce que la personne cherche à éviter ? Donc en général
10:21 lorsqu'il y a des rituels comme ça de lavage de nettoyage les personnes vont vous répondre que
10:28 c'est pour éviter de tomber malade ou pour éviter à leurs proches de tomber malade. Ça ne concerne
10:34 pas les préoccupations que soit ça peut concerner également les autres. Et donc quand même dans la
10:42 maladie qu'est ce sont les conséquences qu'on imagine de la maladie ? Ici dans l'exemple qu'elle
10:48 cite Jeanne a vraiment ciblé la phobie c'est ce qu'on appelle l'hématophobie donc la peur de vomir
10:55 et en quelque sorte même cette peur de vomir il faut voir à quoi elle est liée et quelles
11:01 conséquences elle redoute. Qu'est ce qui se passe quand on vomit ? Évidemment c'est jamais agréable
11:08 mais il y a peut-être aussi le regard des autres qui joue là dessus et qui renforce cette anxiété.
11:15 En tout cas dans ce qu'elle vient de dire elle a très bien souligné le côté irrationnel. Elle sait
11:21 très bien les personnes qui présentent un toc savent très bien de la même façon que les personnes
11:26 qui souffrent d'une phobie spécifique par exemple des araignées sont tout à fait conscientes qu'elles
11:31 ne vont pas mourir avec ces araignées en tout cas dans nos pays dans ces contextes là. Donc ils
11:37 reconnaissent ce côté irrationnel et parfois ils s'en veulent, ils s'en accusent, ils s'en blâment
11:43 de ce côté irrationnel mais c'est plus fort qu'eux. Et alors Jeanne comment est ce que cette
11:50 pathologie a été diagnostiquée chez vous ? Vous avez commencé très jeune par quel premier signe ?
11:55 Est-ce que vos parents ont vu quelque chose arriver ? Comment s'est passé vraiment le moment où on s'est
12:01 dit "ah là il y a vraiment un problème" ? Au début comme ça a touché vraiment l'alimentaire et que
12:08 j'étais assez jeune, ils pensaient que c'était des sortes de caprices alimentaires parce que je ne
12:13 voulais pas manger ou goûter certaines choses. Sauf qu'à partir du moment où j'ai perdu vraiment
12:19 beaucoup de poids, que je refusais de m'alimenter et que je finissais à l'hôpital,
12:23 là ils ont commencé à aller consulter plusieurs psychologues parce qu'au début personne ne
12:32 comprenait vraiment ce que j'essayais d'exprimer. Et du coup c'est une fois qu'on a trouvé le bon
12:38 thérapeute qu'on a pu mettre des mots sur le diagnostic qui était des troubles optionnels
12:43 compulsifs. Tout à fait, donc ça c'est compliqué pour les parents de mettre la main sur ces premiers
12:49 signes surtout quand je ne sais pas à quel moment d'ailleurs les toxes se déclarent en général,
12:53 est-ce que c'est très jeune ? Est-ce que ça peut arriver à l'âge adulte ? Les deux, ça peut
12:57 arriver dans l'enfance, ça peut arriver à l'adolescence, à l'âge adulte. Alors c'est
13:03 difficile effectivement de s'en apercevoir parce que la personne qui présente ces symptômes peut
13:10 les dissimuler, elle peut considérer que c'est à bout, elle ne comprend pas, elle peut en avoir
13:16 honte, elle peut ne pas se l'expliquer à elle-même. Et je me souviens toujours de l'appel téléphonique
13:23 d'une dame qui m'appelait pour son mari en me disant "je voudrais un rendez-vous pour mon mari
13:28 parce qu'il est devenu fou". Je me suis réveillée une nuit, j'ai entendu du bruit dans le salon et
13:35 j'ai vu mon mari qui passait la main autour des fenêtres en disant "la fenêtre est fermée,
13:40 la fenêtre est fermée, la fenêtre est fermée". Elle ne l'avait jamais vu avant ? Elle n'avait jamais vu,
13:45 ça faisait une dizaine d'années, une dizaine d'années que son mari faisait ça. C'est tout à
13:50 fait par hasard qu'elle s'en est rendue compte. Donc c'est vraiment un choc et ça a été un choc
13:56 aussi pour le mari de se sentir démasqué. Il faut savoir qu'en moyenne les personnes attendent une
14:02 quinzaine d'années entre le début des symptômes et la consultation d'un psychologue ou d'un psychiatre.
14:08 Donc il y a une longue période et évidemment plus cette période est longue, plus le trouble s'installe,
14:14 devient sévère et difficile à éradiquer. Ce qui ne veut pas dire que c'est impossible bien entendu.
14:21 Très bien, on va en tout cas continuer nous d'en parler, de parler également des traitements.
14:25 On marque une courte pause. Restez avec nous, n'oubliez pas si vous avez des questions pour
14:30 Jeanne ou pour le psychiatre qui va être avec nous, 0 488 106 800, n'hésitez pas à les poser,
14:35 on tentera d'y répondre en fin d'émission. A tout de suite. On est de retour sur Santé
14:41 Santa Bouddha Arabelle, on continue aujourd'hui à discuter des troubles obsessionnels compulsifs.
14:47 On a avec nous le docteur psychiatre Serge Gozlan, j'ai encore peur, c'est bon j'y suis maintenant,
14:54 super. On a également Jeanne qui continue de nous raconter, pour faire connaître cette
14:59 maladie silencieuse, son histoire à nos auditeurs. Alors est-ce que docteur, il y a une physiologie
15:05 particulière à ces troubles ? Est-ce que ces personnes qui ont des formes graves de TOC ont
15:10 une fonction cérébrale peut-être défaillante, certains déficits hormonaux ? Ça nous servira
15:15 aussi à comprendre peut-être un peu mieux les traitements par la suite. Oui exactement,
15:19 c'est tout à fait en lien, le neurotransmetteur incriminé et la sérotonine et l'efficacité
15:27 justement des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, autrement dit qui
15:35 appartiennent à la catégorie des antidépresseurs, sont particulièrement efficaces dans le traitement
15:40 du TOC. Une posologie qui est un peu plus importante que ce qu'on utilise initialement
15:47 pour la dépression, donc on appelle ça des antidépresseurs, mais ils sont aussi efficaces
15:53 dans les troubles anxieux, notamment dans le TOC, qui fait partie des troubles anxieux par ailleurs.
15:59 Je vais poser la question à Jeanne également, je sais que vous avez eu un parcours de traitement
16:05 assez compliqué qui a pris du temps. Alors le docteur vous disait tout à l'heure que parfois
16:12 des patients mettent jusqu'à 15 ans avant d'aller voir leur premier practicien. Jeanne,
16:15 est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ce parcours de soins que vous avez vécu,
16:18 les différentes étapes, traitements ? Je sais que vous avez eu plusieurs hospitalisations à cause
16:23 de vos troubles. Est-ce que vous pouvez un peu nous expliquer ça ?
16:26 J'ai commencé ma véritable thérapie à l'âge de 16 ans et j'ai fait beaucoup de thérapies. J'ai
16:40 fait de l'acupuncture, de l'hypnose, de l'EMDR, de la sophrologie, le traitement médicamenteux.
16:47 Et aussi des hospitalisations, une hospitalisation de 6 mois l'année dernière qui a plutôt bien
16:55 porté ses fruits pour moi. J'ai aussi fait de la DIP TMS, donc ça c'est une thérapie étrange
17:03 avec un casque qui envoie des ondes électromagnétiques dans le cerveau.
17:07 On va en reparler juste après, tout à fait.
17:08 Ça c'est un peu bizarre.
17:11 Qu'est-ce qui a fonctionné pour vous ? Est-ce que vous avez la sensation qu'à travers les
17:17 différentes étapes par lesquelles vous êtes passée, il y a peut-être une étape qui a eu
17:23 une meilleure amélioration sur vos différents troubles ?
17:26 Déjà le traitement médicamenteux, je pense qu'il est important et qu'il a apporté ses
17:34 fruits pour la stabilité de l'humeur et aussi pour réguler les angoisses.
17:43 Et à côté de ça, ce qui a beaucoup fonctionné pour moi, c'est, je dirais,
17:48 il faut se tenir à ses rendez-vous psy, c'est tout.
17:55 C'est ça. Donc quand vous dites rendez-vous psy, Jeanne, c'est ce qu'on appelle à TCC,
17:59 la thérapie comportementale et cognitive, je me trompe pas en disant ça ?
18:02 Cognitive et comportementale, c'est ça ?
18:04 Oui, oui, tout à fait. Je ne sais pas si c'est celle qui a suivi Jeanne, mais...
18:08 C'est ça Jeanne, que quand vous dites se tenir au rendez-vous chez le psychologue,
18:13 c'est pour... vous êtes passée à travers cette thérapie-ci ?
18:16 Oui, j'ai fait de la TCC.
18:18 Et qu'est-ce qui vous a aidé du coup dans cette thérapie ?
18:21 On parlait tout à l'heure avec docteur Gozlan.
18:26 Gozlan.
18:27 Gozlan, non mais je ne vais vraiment pas y arriver, je vais vous appeler Serge.
18:29 Vous faites une obsession.
18:30 Serge aujourd'hui. Et donc, dans cette thérapie, Jeanne, qu'est-ce qui vous a aidé ?
18:36 On parlait tout à l'heure du coup avec Serge des différentes routines
18:41 qu'on mettait en place pour contrecarrer ces compulsions.
18:43 Donc si on prend par exemple le cas de Jeanne qui a des toques de nettoyage,
18:47 de se dire "je vais finalement me forcer, quelque part me faire violence
18:51 en essayant de manger dans peut-être une assiette qui n'a pas été lavée".
18:54 Et qu'en faisant ça de manière répétée, on se rend compte que finalement,
18:58 on conscientise que finalement, rien ne m'arrive et que petit à petit, on puisse avancer.
19:04 Oui, encore faut-il être prêt à prendre ce risque-là
19:08 et de confronter ses croyances à la réalité.
19:13 C'est ce que vise la TCC qui se base sur le travail des émotions, des cognitions,
19:18 c'est-à-dire des modes de pensée et du comportement.
19:22 Parce que si l'on peut modifier les pensées, les émotions,
19:27 mais qu'on garde toujours le même type de comportement,
19:30 on ne va jamais vraiment changer les choses.
19:33 Vous pouvez dire que vous ne croyez pas à ces histoires que passer sous une échelle
19:38 ne porte pas malheur, mais tant que vous ne le faites pas,
19:42 tant que vous ne l'expérimentez pas, vous n'allez pas modifier vraiment au fond votre croyance.
19:49 Mais ça veut dire qu'il faut être suffisamment motivé
19:52 entre tout ce que la personne peut utiliser comme stratégie
19:56 de vérification, de lavage ou d'évitement,
20:00 par rapport à la peur que cela suscite.
20:04 Et des gens ont besoin d'aller très très loin,
20:06 de se dire "vraiment, tout ce que je mets en place est tellement lourd que j'en ai marre".
20:11 Mais tant que ça marche,
20:13 les personnes sont prêtes à mettre un certain temps, à payer un certain prix,
20:18 et à se dire "tant pis, ça vaut la peine, je continue mes rituels parce que j'ai tellement peur
20:23 que je ne veux pas prendre ce risque-là,
20:26 qu'arrive une catastrophe à moi-même ou aux autres".
20:28 Donc il faut vraiment pouvoir y aller très très doucement,
20:32 et sensibiliser pas à pas.
20:35 - Et alors Jeanne, pour vous, est-ce que vous avez mis en place des petites actions comme ça
20:39 à la suite de vos différents rendez-vous,
20:42 enfin non, à la suite de vos thérapies ?
20:45 - Oui, oui. Finalement, pour résumer peut-être un peu plus simplement ce qu'a dit le docteur,
20:50 je dirais que la TCC, ce n'est pas fait pour retirer les rituels immédiatement,
20:55 mais c'est juste pour diminuer l'angoisse face à ces rituels.
20:59 Et quand l'angoisse, elle diminuera, les rituels y partiront en même temps.
21:04 Et c'est en ça que c'est une thérapie qui est très utile
21:07 et qui fonctionne plutôt bien à partir du moment où on est motivé et qu'on est prêt à le faire.
21:12 Parce que c'est vraiment quelque chose auquel il faut se tenir,
21:17 et face à l'angoisse, il ne faut pas se défiler.
21:21 Et je dirais que c'est peut-être l'une des thérapies les plus difficiles,
21:25 mais c'est celle qui mènera le plus rapidement à la sortie peut-être.
21:30 - Est-ce que vous avez vu du coup, pour donner aussi une lueur d'espoir,
21:33 Jeanne, de l'amélioration par rapport à ce différent parcours de soins ?
21:38 La Jeanne de maintenant par rapport à la Jeanne d'il y a peut-être quelques années ?
21:43 - Il y a encore un an, j'avais énormément de tucks et de rituels,
21:48 et c'est seulement à partir du mois d'avril, mai, que ça a commencé à se débloquer.
21:54 Il y a beaucoup de personnes qui parlent d'un déclic,
21:57 le jour où tu auras ce déclic, tu n'auras plus de tucks, tu n'auras plus de rituels, tu n'auras plus d'angoisse.
22:01 Mais ça ne marche pas véritablement comme ça, parce que sinon ce serait vraiment merveilleux et magnifique.
22:06 Mais ce n'est pas le cas, je pense que c'est vraiment plus une motivation envers nous-mêmes,
22:11 et finalement le déclic, il n'arrive pas comme ça, c'est plus une forme de...
22:17 En fait, c'est nous-mêmes qui allons se le créer en se disant "c'est bon, j'en ai vraiment marre,
22:22 ça me prend trop de temps, ça me prend trop d'argent, moi ça m'a isolée socialement, ça m'a déscolarisée".
22:27 En fait, au bout d'un moment, j'ai 20 ans et je n'arrive plus à vivre,
22:31 et à partir du moment où je me suis dit ça, ça a résonné en moi,
22:35 parce que je pense que j'étais en face avec moi-même pour vraiment vouloir m'en sortir.
22:39 Et depuis ce jour-là, j'ai forcé mes angoisses, je me suis rendu compte,
22:44 et j'ai essayé de rationniser, et cette rationalité a fonctionné à ce moment-là.
22:48 Merci beaucoup Jeanne de partager votre histoire avec nos auditeurs.
22:51 On va du coup, juste après cette courte pause,
22:53 parler justement de l'impact social de cette pathologie et de l'impact sur soi,
22:57 parce que c'est là qu'on voit quelque part la gravité.
22:59 Je laisse avec nous, à tout de suite.
23:03 On est de retour sur "Santé, sans tabou" d'Arabel,
23:06 on continue à parler aujourd'hui des TOC.
23:08 J'aimerais laisser Serge, notre psychiatre, réagir à ce que Jeanne venait juste de dire
23:13 sur cette prise de conscience du patient, qui se dit "à un moment, ça y est, j'en ai marre,
23:18 je veux que ça change".
23:20 Oui, c'est vraiment important, cette prise de motivation.
23:25 On décrit un cercle de la motivation.
23:28 D'abord, c'est un peu comme les fumeurs, on voit qu'au début, on pense qu'il n'y a pas de problème,
23:33 puis après, on se dit "il y a un problème, mais je résoudrai ça plus tard".
23:37 Et puis, on commence à voir les avantages et les inconvénients.
23:40 Puis, il y a petit à petit, tout un processus qui évolue vers un changement.
23:45 Et comme l'a dit Jeanne, il n'y a pas de déclic comme ça miraculeux,
23:49 il ne s'agit pas d'attendre, mais de favoriser sa venue très progressivement
23:54 et pour arriver à être en phase avec soi-même, comme elle a dit.
23:58 Être en phase avec soi-même, être en phase aussi avec les autres,
24:01 être en phase avec ses émotions, ses pensées et ses actions.
24:05 C'est un peu cette triade-là qui est importante.
24:10 Je reprendrai l'image d'une dame d'une cinquantaine d'années
24:14 qui s'est présentée un jour pour traiter la phobie d'ascenseur.
24:19 Je lui ai dit "très bien, mais comment vous avez fait pour vivre jusqu'à présent avec cette phobie d'ascenseur ?"
24:25 Elle m'a dit "mais j'ai toujours habité un rez-de-chaussée,
24:27 mon travail était toujours un rez-de-chaussée,
24:29 mais maintenant le travail est au 40ème étage et c'est impossible de faire comme ça."
24:35 Donc ça veut dire que toute sa vie, elle s'est adaptée à cette phobie,
24:39 que ça ne lui coûtait pas trop finalement,
24:42 mais dès que le contexte a changé, là c'était plus possible.
24:46 Donc pour le TOC, ça va être comme ça à un certain moment,
24:49 les personnes vont s'y adapter jusqu'à un moment où ça devient insupportable
24:54 et surtout lorsqu'on se rend compte qu'en fait ces obsessions,
25:00 je dirais, se sont moquées de nous un petit peu.
25:03 Nous ont fait croire à des catastrophes qui n'existent pas
25:07 ou qui sont largement, largement amplifiées.
25:11 Et vous allez rentrer chez vous le soir et peut-être voir qu'une ampoule était restée allumée,
25:16 que la télé était restée allumée et qu'il n'y a pas eu d'incendie,
25:19 qu'il n'y a pas eu de catastrophe.
25:21 Vous avez vu que vous avez serré la main à quelqu'un qui était enrhumé,
25:25 vous êtes peut-être enrhumé quelques jours après, et alors ?
25:29 Donc c'est aussi relativisé, c'est dédramatisé.
25:32 Je prendrais un autre exemple dans un registre d'un autre trouble anxieux
25:37 qui est tout aussi silencieux qu'est l'anxiété sociale,
25:40 c'est-à-dire une timidité excessive et très invalidante
25:43 où les personnes ont très peur du regard des autres sur eux-mêmes.
25:47 Et un jour, un patient vient en plein été, il faisait très très chaud
25:53 et avait des manches longues.
25:56 Je lui ai dit "mais enfin, vraiment, avec la chaleur qu'il fait..."
25:59 Et il m'a dit qu'à ce moment-là, il avait honte de montrer ses bras
26:03 parce qu'il avait la peau très blanche
26:05 et qu'il était sûr et certain qu'on se moquerait de lui.
26:09 À ce moment-là, on est sortis du cabinet avec son accord,
26:12 il a retroussé les manches et on s'est confrontés à ses croyances.
26:17 J'ai dit "si les gens se moquent de vous, je serai là à vos côtés".
26:21 - Ouais, super, on a compris.
26:23 - Et on a évidemment, on était dans le quartier Louise,
26:26 il y avait un monde fou, personne ne s'est moqué de lui.
26:30 Donc il était emprisonné par ces schémas dramatiques
26:35 et lorsqu'il se confronte de façon sécurisante à la réalité
26:40 en présence d'un thérapeute,
26:42 il se rend compte qu'il avait largement amplifié...
26:46 - Les capacités.
26:47 - ...et surestimé cette angoisse et les conséquences.
26:50 - Tout à fait.
26:51 Du coup, comme vous le dites, ça a un véritable impact sociétal
26:54 sur les personnes qui sont touchées.
26:56 Jeanne, est-ce que vous pouvez un peu nous dire,
26:59 vous et vos troubles de l'hygiène,
27:01 quels ont été les impacts sur votre vie,
27:04 peut-être sur votre entourage, sur votre famille ?
27:06 Comment est-ce que vous avez vécu ça ?
27:08 - Au niveau de ma famille,
27:12 ça a créé beaucoup de conflits à un certain moment.
27:16 Parce que déjà, c'est un sacré gouffre financier de base,
27:20 de devoir changer d'éponge à chaque repas,
27:23 de devoir utiliser une nouvelle brosse à dents à chaque lavage,
27:25 un nouveau dentifrice, un savon par douche.
27:28 Et j'avais pas encore assez de recul et cette prise de conscience.
27:33 Pour moi, l'angoisse était beaucoup plus forte que ça
27:35 et je m'en fichais, je pouvais dépenser un argent pas possible
27:39 dans tout ce qui était utile pour résoudre mes angoisses, finalement,
27:43 et donc répondre à mes compulsions.
27:46 Et au niveau de mes amis, par contre, ça a créé un énorme fossé
27:51 parce que je suis vraiment dans la fleur de l'âge où tout le monde sort,
27:54 tout le monde s'amuse, tout le monde rencontre, tout le monde partage.
27:57 Et pour moi, le partage, ça signifiait pas du bonheur,
28:00 ça signifiait juste un partage de bactéries, de microbes, de pollutions.
28:05 - Oui, c'était les craintes, oui.
28:08 - Je me suis isolée dans mon appartement de 40 m² pendant un an.
28:12 Je suis pas sortie de chez moi et je vivais pas.
28:15 - Est-ce que c'est pas ça aussi le plus grave dans ce genre de trouble-là,
28:17 finalement, qui a peut-être mené à une dépression ?
28:21 On en parlait tout à l'heure.
28:22 Se dire à un moment, je suis coupée du monde, je peux plus vivre correctement.
28:26 Jeanne le disait, je peux plus faire de soirées entre amis.
28:29 Et en fait, c'est comme ça, c'est là que les formes graves arrivent.
28:32 - Oui, c'est ça, la tyrannie du toque, c'est-à-dire qu'elle emprisonne la personne,
28:40 qu'elle la contraint à passer énormément de temps à compulser
28:44 ou à éviter.
28:47 Et le temps qui est mis dans cet évitement,
28:49 avec les conséquences que ça entraîne, est terrible.
28:53 Et j'ai envie de poser aussi une question à Jeanne, si je peux.
28:57 - Oui, bien sûr.
28:58 - Quand elle pouvait être invitée à un anniversaire,
29:02 est-ce qu'elle inventait un prétexte pour ne pas y aller ?
29:05 Ou elle leur disait la vérité ?
29:07 Je souffre de toque et pour moi, c'est trop difficile de venir,
29:11 mais pourtant, j'aimerais bien.
29:13 Parce qu'en fonction de la réponse qu'elle va donner,
29:16 eh bien, ça va être interprété par son entourage de façon erronée,
29:22 si elle invente des prétextes.
29:25 Et là, c'est aussi le cercle vicieux qui se replie,
29:29 parce que si l'entourage ne comprend pas,
29:34 la personne qui souffre de toque risque d'être exclue.
29:38 - On va peut-être laisser, du coup, Jeanne répondre à cette question.
29:41 Est-ce que vous vous cachez, finalement, vos troubles
29:44 ou est-ce que vous les assumez ?
29:46 Vos amis sont au courant ?
29:49 - J'ai très longtemps caché mes troubles,
29:52 que ce soit à ma famille ou mes amis.
29:54 Comme la jeune médecin, je sortais des excuses à tout va,
29:57 parce que je ne voulais pas me confronter aux gens.
30:01 J'avais aussi peur de les perdre et je n'avais pas...
30:03 En fait, je savais tellement que c'était irrationnel
30:05 que je ne pouvais même pas essayer de leur prouver
30:08 qu'il y avait vraiment une peur derrière tout ça.
30:11 En fait, c'était vraiment propre à moi et je n'avais pas envie de...
30:14 C'était trop difficile, c'était vraiment tabou à ce moment-là.
30:17 Et en fait, c'est en 2021,
30:20 lors de ma première hospitalisation pour les toques,
30:23 que je me suis rendu compte
30:25 que si on n'en parlait pas, on ne pouvait pas sortir de ça.
30:28 Dans le sens où, comme je le disais au début de la radio,
30:33 je ne trouvais personne qui en parlait
30:35 et je n'arrivais pas à pouvoir m'identifier à quelqu'un
30:38 pour trouver la source du problème ou la sortie.
30:40 En fait, je n'avais personne.
30:42 Et je me suis dit, je vais devenir "ce porte-parole-là".
30:45 Et en 2021, je me suis lancée sur les réseaux sociaux
30:48 et j'ai publié ma première vidéo TikTok quand j'étais hospitalisée.
30:52 Et maintenant, on est 280 000 sur mon compte TikTok.
30:55 Et il y a plein de gens qui s'identifient à cette histoire
30:59 et ça les aide beaucoup.
31:00 Donc moi, c'est ce qui me fait le plus plaisir.
31:03 - Oui, merci Jeanne d'avoir délié en tout cas la parole sur ce sujet.
31:06 Donc, docteur, j'ai mis une cossée dans cette thérapeutique,
31:08 finalement, d'en parler de ces troubles à son entourage.
31:11 - Et tout à fait, comme votre émission est thérapeutique
31:15 pour les auditeurs qui pourraient présenter ces symptômes
31:20 ou qui peuvent reconnaître dans leurs proches
31:23 quelqu'un qui a ce type de comportement.
31:27 Donc ça aussi, c'est très thérapeutique.
31:29 Si Jeanne avait écouté votre émission quand elle avait 10 ans,
31:33 ça lui aurait peut-être évité une bonne partie de ce parcours.
31:37 En tout cas, maintenant, elle est très, très entourée.
31:40 - Oui, en tout cas, vous me faites une transition parfaite
31:42 puisqu'on va marquer une courte pause et juste après,
31:44 on va un peu discuter de comment doit réagir l'entourage face à ces troubles.
31:48 Essayer de donner un peu des tips, des astuces aux personnes
31:51 qui peuvent être confrontées à ça,
31:52 c'est leurs enfants ou si vous êtes amis, etc.
31:55 Donc on en parle tout de suite. Restez avec nous.
31:57 On est de retour sur Santé sans tabou, l'émission Santé d'Arabel.
32:03 On parle aujourd'hui d'un sujet passionnant, mais silencieux,
32:06 que sont les TOCs, les troubles obsessionnels compulsifs.
32:09 Arabel a voulu aujourd'hui délier un peu la parole sur le sujet.
32:12 On parlait juste avant de l'impact social que pouvaient avoir ces TOCs
32:16 pour les personnes qui sont atteintes de formes graves.
32:18 J'aimerais maintenant qu'on se mette un peu dans les baskets de la famille,
32:21 donc des parents qui ont un enfant atteint du trouble,
32:24 d'amis, d'oncles, de tantes.
32:26 Docteur, quels sont les conseils qu'on peut donner à des parents,
32:30 à des amis quand ils ont une connaissance,
32:32 un proche qui est atteint de cette pathologie ?
32:36 - Alors, premièrement, c'est le savoir.
32:39 Et j'engagerai les personnes qui en souffrent
32:46 de sortir de ce sentiment de honte et de culpabilité
32:51 qui les amène à ce silence.
32:53 Et encore une fois, votre émission y contribue et dédramatise cela.
32:58 Donc que ce ne soit pas une découverte de hasard,
33:01 mais que la personne puisse en parler.
33:03 Parce que lorsque Jeanne disait
33:05 "j'invente toutes sortes de stratagèmes pour ne pas y aller", etc.,
33:09 les amis vont penser qu'elle n'a pas envie de les voir,
33:15 parce qu'ils ignorent ça.
33:17 Donc ça, c'est une première chose.
33:21 Alors, comment peut réagir l'entourage ?
33:24 C'est deux pièges à éviter.
33:27 Le premier, c'est de s'opposer au rituel, aux compulsions,
33:33 de l'individu, l'empêcher,
33:35 le faire sortir de la salle de bain, l'empêcher de vérifier,
33:39 l'empêcher de se laver les mains si longtemps, de rentrer en conflit.
33:44 Et l'autre risque,
33:47 c'est d'être trop empathique, trop dans la compassion,
33:50 et de soulager, de même faire, et non seulement de laisser faire,
33:55 mais même de dire "écoute, t'es fatigué, laisse tomber,
33:58 je vais vérifier à ta place ou je vais nettoyer à ta place", etc.
34:02 Même de se substituer également.
34:04 Et finalement, il y a un moment où la personne qui est
34:09 très empathique et très aidante va être épuisée par les
34:13 rituels de son parent, de son enfant, de son conjoint, etc.
34:17 Donc je me souviens comme ça d'un adolescent
34:20 où le père
34:23 l'empêchait de faire ses rituels
34:25 et la mère favorisait ses rituels et le faisait à sa place.
34:29 - Il doit vraiment l'antidominer.
34:31 - Donc aux parents, j'ai dit "c'est magnifique,
34:33 ce que vous faites, c'est juste au milieu qu'il faut le faire".
34:36 Alors ça ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre,
34:39 mais c'est comprendre, et c'est ce que je disais
34:42 encore cet après-midi à un adolescent avec sa mère,
34:46 c'est qu'il ne s'agit pas de se battre l'un contre l'autre,
34:50 mais de se battre ensemble contre le toque.
34:53 Ça, c'est vraiment important.
34:55 - Et concrètement, les parents, vous disiez "il ne faut pas non plus
34:59 faire à la place d'eux, il ne faut pas non plus
35:01 être en conflit et refuser brutalement".
35:03 - C'est ça, et il ne faut pas croire non plus,
35:07 surtout s'ils sont des enfants, des adolescents,
35:09 que ce sont des caprices.
35:11 On appelle "caprices" des comportements qu'on ne comprend pas.
35:15 Un caprice, j'aime pas ce mot,
35:18 d'un enfant, d'un adolescent,
35:21 ce sont des comportements qu'on ne comprend pas.
35:23 Donc il faut chercher à comprendre
35:25 pourquoi l'individu a ce type de comportement,
35:29 et on va trouver les raisons
35:31 si on manifeste suffisamment d'empathie pour ça.
35:34 - Et vous, Jeanne, comment ont réagi vos parents
35:38 quand ils ont eu conscience ?
35:39 Alors au début, on disait quand vous étiez enfant,
35:41 ils ont pris ça un peu pour des caprices.
35:43 Quand le diagnostic a été posé,
35:46 comment ont réagi vos parents ?
35:47 Est-ce qu'ils étaient plus de l'équipe "je vais faire les rituels à ta place"
35:50 ou plutôt confrontation,
35:53 et qu'on t'interdit de les faire en pensant que c'est la voie vers la guérison ?
35:56 - Mes parents ont eu les deux extrêmes aussi,
36:03 dans le sens où au début,
36:05 quand ils se sont vraiment rendus compte de ma souffrance,
36:08 ils ont voulu m'aider.
36:10 Donc ils ritualisaient à ma place,
36:12 parce que je les demandais, évidemment.
36:14 Et c'est très soulageant
36:18 quand quelqu'un ne ritualise pas à votre place,
36:20 jusqu'à ce que nous-mêmes on se rende compte
36:22 qu'on est en train de faire vivre un enfer à nos proches.
36:24 Et à un moment, mes parents ont dit "stop".
36:28 Et ils m'ont dit "maintenant, tu te débrouilles toute seule,
36:31 et tu fais des trucs".
36:33 Et là, je suis rentrée dans une période de conflit avec eux,
36:36 parce que je me suis sentie abandonnée,
36:38 je me suis sentie incomprise.
36:40 Et chaque refus de leur part de ritualiser pour moi,
36:44 je m'énervais, je ne comprenais pas
36:48 pourquoi ils ne voulaient plus m'aider,
36:50 justement, c'est en ne pas ritualiser à ma place
36:52 qu'ils m'ont aidée comme ça.
36:54 - Je vous laisse réagir, peut-être docteur.
36:56 - Oui, oui, tout à fait, Jeanne a très bien dit ça.
36:59 Si on peut dire très simplement,
37:03 c'est aider en n'aidant pas.
37:05 En tout cas, en n'entrant pas là-dedans.
37:07 Et ça peut être la même personne
37:09 qui peut être très aidante et finalement très rejetante,
37:12 parce qu'elle est épuisée.
37:14 Et puis après cette phase d'épuisement,
37:16 elle va se sentir tellement coupable
37:18 d'avoir rejeté l'autre,
37:20 que finalement, elle va revenir dans un cycle
37:24 où elle va aider parce qu'elle se sent coupable
37:26 de laisser l'autre.
37:28 Et là, on prend l'exemple des parents pour les enfants,
37:30 mais ça peut être l'inverse,
37:32 ce sont les parents qui présentent un toque
37:35 et les enfants qui vont subir les rituels du parent.
37:39 Ce n'est pas seulement dans le sens parent-enfant,
37:41 ça peut être dans le sens inverse.
37:43 - Et alors, parce que évidemment, les minutes passent vite
37:45 quand on parle d'un sujet passionnant,
37:47 dans quelques secondes, docteur ou Jeanne,
37:49 est-ce que vous avez quelque chose à dire
37:51 à nos auditeurs qui pourraient être impactés
37:53 par cette pathologie ?
37:55 Un message d'espoir peut-être sur l'efficacité
37:57 des traitements existants pour traiter ces troubles ?
38:00 - Alors peut-être à part la Jeanne.
38:02 - Jeanne, on te laisse le mot de la fin ?
38:05 - Eh bien, déjà merci.
38:07 Merci de m'avoir invitée.
38:09 Et ensuite, je dirais que
38:12 à tous ceux qui nous regardent,
38:14 qui sont toquiers ou qui ont des proches
38:16 qui sont toquiers,
38:18 il ne faut pas perdre espoir,
38:20 parce que moi-même, j'ai perdu l'espoir
38:22 et j'ai pensé que c'était foutu pour Ankia.
38:24 Et au final, il suffit juste de s'accrocher,
38:26 d'y croire et il faut vraiment se battre.
38:28 C'est très violent mentalement,
38:30 ça fait très mal et c'est très dur,
38:32 mais si on est bien entouré, on peut très bien y arriver.
38:34 - Merci beaucoup Jeanne
38:36 de nous avoir donné ce mot de la fin
38:38 en se disant qu'il faut continuer à se battre sur ce trouble.
38:40 Merci chers auditeurs de nous avoir suivis.
38:42 Qu'en ce moment, on se retrouve tous les mercredis
38:44 de 19h à 20h sur Arabelle,
38:46 sur Santé Sans Tabou. Je vous souhaite une très belle soirée.
38:48 A la semaine prochaine. Au revoir.
38:50 Au revoir.
38:50 *Musique*

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