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Hommage national à Hélène Carrère d'Encausse: le discours d'Emmanuel Macron
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il y a 2 ans
Emmanuel Macron préside ce mardi l'hommage national à Hélène Carrère d'Encausse, morte à 94 ans en août dernier.
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00:00
Votre Altesse royale,
00:02
mesdames et messieurs les ministres,
00:04
messieurs les Premiers ministres,
00:07
monsieur le président du Conseil constitutionnel,
00:10
mesdames et messieurs les parlementaires,
00:12
mon général,
00:14
monsieur le chancelier de l'Institut de France,
00:17
monsieur le secrétaire perpétuel de l'Académie française,
00:20
mesdames et messieurs les académiciens,
00:23
mesdames et messieurs, chers amis.
00:29
Dans la rumeur de Paris
00:31
flotte une berceuse,
00:33
ténue,
00:35
insistante,
00:38
avec des accents slaves qui dessinent
00:41
dans les platanes osmaniens un paysage de steppes.
00:45
C'est une chanson cossaque.
00:49
La voix qui s'élève
00:52
et qui berce le sommeil de ces 3 enfants
00:55
porte en elle un monde de souvenirs,
00:58
d'émotions.
00:59
Elle porte en elle un continent.
01:03
Certaines vies, en effet,
01:09
ne paraissent pas soumises à la loi commune
01:11
de l'espace et du temps.
01:12
Elles s'écrivent à l'aune des siècles,
01:16
elles mêlent les horizons,
01:18
elles enchâssent en elles des centaines d'existences passées.
01:22
Elles sont contemporaines de toute époque possible,
01:26
tout en étant d'une modernité ardente,
01:29
résolument d'ici et de maintenant.
01:32
La vie d'Hélène Carrère d'Ancos,
01:37
née Hélène Zorabitvili,
01:40
était de celle-là.
01:41
Dans son sang coulaient presque tous les fleuves d'Europe,
01:48
entre la Volga et le Rhin.
01:50
Dans sa voix passaient presque tous ses échos.
01:56
Parmi ses ancêtres,
01:58
figurent des Suédoises et des Polonais,
02:00
un général Prussien et un député Georgien,
02:03
une dame d'honneur impérial,
02:05
trois régicides,
02:08
certains qui vivaient en Toscane
02:10
ou promenaient des loups dans les salons de Saint-Pétersbourg
02:12
et qui tous maniaient les idées, les lettres en cinq langues.
02:17
Mosaïques de territoires comme de destins
02:23
dont la France n'était pas encore.
02:26
Mais l'histoire se chargea d'offrir comme havre
02:32
à cette famille d'universel le pays des universaux
02:37
et de faire de cette fresque européenne
02:41
un roman français.
02:43
Née à Paris,
02:47
de parents exilés par la Révolution d'octobre,
02:52
l'enfant grandit entre deux univers, entre deux récits.
02:56
Le passé résonnait plus fort que la clameur du jour
03:00
dans l'appartement vétuste qu'elle habitait à Venves
03:03
avec ses parents et son frère,
03:05
4 personnes dans 25 mètres carrés
03:08
où des caisses tenaient lieu de meubles
03:10
mais où les murs offraient un rempart de livres.
03:14
Et les feuilletons les plus haletants,
03:18
les plus grandes leçons de philosophie,
03:21
elles les entendaient de la bouche de ceux qui l'entouraient.
03:25
Cette immigration russe blanche,
03:27
exilée par la Révolution bolchévique,
03:30
pleine de grands chambelans devenus apprentis boulangers,
03:33
de princesses qui repassaient pour gagner leur vie,
03:36
tous avaient tout eu et n'avaient plus rien.
03:42
Et c'était l'ordre du monde.
03:47
Ils en gardaient, au fond, une gaieté tranquille.
03:51
Des mille drames quotidiens de l'exil, pour Hélène,
03:57
le plus marquant était celui de voir son nom,
04:00
son fier nom géorgien de Zourabitchvili,
04:03
fils de la lumière,
04:05
écorché à chaque rentrée scolaire par les professeurs,
04:09
à l'extrême fin de la liste alphabétique,
04:12
avec cette réflexion qui mettait un terme à l'appel
04:17
et un comble à son humiliation.
04:19
Quel nom à coucher dehors !
04:22
Vint un drame plus lourd que les autres,
04:27
la disparition de son père,
04:30
dans la tourmente de la collaboration.
04:33
En 1945, Hélène avait 15 ans.
04:38
La vie avait continué,
04:41
mais n'avait jamais comblé cette béance qu'elle taisait toujours
04:45
et que la plume de son fils n'élucida que des années plus tard.
04:49
"Never explain, never complain",
04:53
le seul anglicisme qui passa souvent ses lèvres.
04:58
Ce qui sauva l'enfance en nationalité,
05:03
ce qui sauva l'adolescente sans père,
05:06
ce fut l'école.
05:08
Cette école républicaine qu'elle vénérait
05:11
comme la source de tout savoir, de toute élévation
05:15
et comme la porte d'entrée vers le pays qu'elle se choisit.
05:19
Là où elle a pris les valeurs de la nation,
05:23
là où la liberté, l'égalité et la fraternité
05:26
prirent en elle des racines indéfectibles.
05:30
L'instant où elle devint française
05:34
marqua pour elle une nouvelle ère,
05:37
une nouvelle naissance presque.
05:41
Elle n'a quitte apatride le 6 juillet 1929
05:45
de l'amour de ses parents,
05:48
mais elle n'a quitte française
05:51
le 7 juillet 1950 de l'amour de son pays.
05:55
A 21 ans et un jour,
06:01
la veille était un dimanche,
06:04
elle se présentait chez l'officier d'Etat civil
06:08
pour lui réciter la Constitution,
06:11
lui chanter la Marseillaise,
06:13
prêter serment sur le drapeau.
06:17
Autant de choses qu'on ne lui demanda pas,
06:20
mais qu'elle entendait faire
06:22
parce qu'elle voulait être à la hauteur
06:25
de sa nouvelle nationalité.
06:27
Elle fit mieux qu'être à la hauteur de la France,
06:33
elle la rehaussa.
06:36
Elle offrit à notre pays sa vision de l'histoire,
06:39
la limpidité de sa plume et de son esprit,
06:42
sa relecture du monde,
06:44
alors prisonniers d'un rideau de fer
06:46
qu'elle souleva pour aller explorer le mystère slave.
06:51
Elle élargit nos horizons,
06:53
décila nos yeux,
06:55
pressentit l'avenir même,
06:57
car elle discerna très tôt
06:59
que le géant soviétique avait des pieds d'argile
07:02
et que ses contradictions internes,
07:04
l'expression d'un mensonge érigé en système,
07:06
sa dépendance à un seul homme,
07:08
l'échec de sa modernisation économique,
07:10
les lignes de faille entre les nations
07:13
qui le composaient, annonçaient inéluctablement
07:17
l'éclatement de l'Empire.
07:19
Elle remonta plus loin encore le fil des siècles
07:24
aux racines de ce qu'elle appelait le malheur russe,
07:27
cette quête d'une nation
07:30
qui n'a cessé de se chercher elle-même,
07:32
de se trouver,
07:34
de se perdre souvent,
07:36
lorsqu'après avoir entrevu la liberté et la paix,
07:38
elle s'en détournait dans un déferlement de violence.
07:42
Elle attira l'attention
07:46
sur ces peuples pris sous l'étau soviétique
07:48
qui s'éveillaient du grand sommeil de la guerre froide
07:51
avec parfois des aspirations au grand large.
07:54
Tandis que la Russie a les yeux tournés vers l'Ukraine,
08:00
celle-ci regarde avec obstination
08:03
vers l'Europe occidentale.
08:05
Cette observation prémonitoire
08:09
est signée d'Hélène Carrère d'Ankausse en 1992.
08:13
Mais on se tromperait pourtant à chercher en ces livres
08:18
des oracles quand ils étaient des explorations, des analyses.
08:22
L'une d'elles, pourtant, avait la force d'un credo,
08:27
le caractère européen du destin de la Russie.
08:31
Elle ne cacha pas son trouble, sa colère même,
08:36
à voir le président russe sacrifier cette perspective
08:39
pour une guerre atroce qu'elle n'avait pas crue possible.
08:42
Ce fossé sanglant,
08:44
creusé entre l'Europe et la Russie,
08:47
lui passait en plein coeur, écartelant sa propre histoire.
08:51
Heureux les pacifiques.
08:56
De cette béatitude, elle avait fait sa devise,
09:00
gravée sur la garde de son épée d'académie sienne
09:04
par les mains de l'orfèvre Guji.
09:08
Des mains qui ressemblaient aux siennes,
09:10
françaises et géorgiennes, latines et byzantines à la fois,
09:14
unissant nos peuples par la plume ou par le burin
09:17
dans une même épopée européenne.
09:20
Hélène Carrère d'Ankausse portait cet idéal européen
09:25
au plus profond d'elle-même.
09:28
Et c'est pour cela qu'elle accepta de briguer un mandat
09:31
au Parlement de Strasbourg à la demande de Jacques Chirac.
09:35
Elle n'accepta qu'à condition de voter ce qui lui semblait juste
09:39
à l'aune de ses intimes convictions,
09:43
sans logique partisane, suivant chaque fois
09:47
les raisons de son coeur et celles de sa raison.
09:51
C'est avec la même droiture
09:54
qu'elle défendit notre langue comme académicienne,
09:58
parce qu'elle savait qu'on est d'une langue
10:01
comme on est d'un pays, et que l'unité linguistique
10:04
a fait pour l'édification du sentiment français
10:06
autant que la défense de son territoire.
10:10
Elle l'a fie rayonner par-delà les frontières,
10:13
parce qu'elle savait que le français n'appartient pas seulement
10:16
à la France, mais à tous ceux qui, à travers le monde,
10:18
se reconnaissent en lui, en ses valeurs,
10:20
qui deviennent alors les leurs.
10:24
Frayant son chemin dans un monde d'hommes,
10:27
elle accepta le secrétariat perpétuel comme un service,
10:31
une mission de roi-serviteur.
10:35
Reine servante, reine thaumaturge,
10:39
se portant au chevet de chacun qu'enrodait la maladie,
10:42
se portant au chevet de la langue plus encore qu'enrodait
10:45
la confusion, l'appauvrissement ou l'oubli.
10:51
Elle ne pouvait épargner à ses chers immortels toute souffrance,
10:54
mais elle pouvait épargner à sa chère langue la déshérence.
10:57
Et elle l'a défendée avec une conception très haute
11:00
de sa part d'intangible et de sa vitalité renouvelée,
11:05
de A à Z, de jeudi en jeudi,
11:11
à chaque commission du dictionnaire.
11:15
Quelques semaines avant sa mort, elle pressait le rythme encore,
11:20
pour parvenir à refermer la 9e édition
11:23
jusqu'à la dernière entrée de la lettre Z,
11:27
le 6 juillet dernier.
11:30
Travail accompli.
11:33
Et au bas de cette page finale,
11:37
dans cet ultime mot de zygomatique,
11:41
elle paraîtra toujours nous sourire sous son casque d'or.
11:48
A vous voir rassembler aujourd'hui, vous, son mari,
11:53
depuis 70 ans, vous, ses enfants,
11:58
vous, ses proches,
12:02
pour honorer celle que vous surnommiez affectueusement
12:05
votre Tsarine,
12:07
je pense à ce 28 novembre 1991,
12:12
quand le quai de Conti s'ouvrit à Hélène Carrère d'Ancosse.
12:18
Les habits verts réunis, comme aujourd'hui,
12:22
pour célébrer l'une des leurs.
12:25
Veillés, comme aujourd'hui, par une autre coupole,
12:32
celle de l'Institut Sœur des Invalides,
12:37
celle de 1805 et celle de 1705.
12:41
La nouvelle académicienne avait traversé la cour pavée
12:46
répondant au salut d'un signe de tête amical,
12:49
d'un remerciement, d'un geste de la main.
12:53
On l'avait alors vue ralentir un instant,
12:58
une fraction de seconde qui n'appartint qu'à elle,
13:04
l'espace d'un vertige.
13:08
Car ce jour-là, celle qui avait appris le français
13:12
4 ans passés, en était nommée sentinelle,
13:15
depuis le fauteuil de Corneille et de Victor Hugo.
13:19
L'enfant apatrite devenait l'incarnation de la vocation,
13:23
du devoir, d'universalité de la France et de sa langue.
13:28
Celle qui avait manqué de tout confort matériel,
13:32
même de couteau de table.
13:34
À quoi bon la viande coûtait si cher ?
13:39
Recevez des mains de Michel Déon l'épée d'orfèvrerie.
13:43
La descendante exilée du 1er fondateur
13:46
de l'Académie de Russie.
13:49
Suivez ses traces, 2 siècles plus tard,
13:53
depuis notre patrie.
13:56
On vous a appris, madame, dans votre enfance,
14:03
en vous montrant autour de vous les grands ducs chauffeurs de taxi
14:06
et les princesses femmes de chambre,
14:09
qu'ainsi passait la gloire du monde.
14:12
Mais sur cette terre, où les empires s'écroulent,
14:17
où les fortunes s'évanouissent,
14:20
où tout luxe passe et s'enfuit,
14:25
il y a néanmoins un domaine qui peut échapper à l'usure
14:30
et où la déchéance n'a pas cours.
14:36
C'est celui de l'esprit.
14:38
Ce combat que vous avez mené pour le savoir et la France,
14:42
pour le rapprochement des peuples et la grandeur de l'Europe,
14:46
cet amour passionné que vous vouyez à notre pays, à sa langue,
14:51
ont fait de vous cette femme devant laquelle une nation s'incline.
14:55
C'est à vous, aujourd'hui, à vous tout entière,
15:01
la petite-fille des stèpes et la mère de la coupole,
15:05
la patride et la matriarche, l'orpheline et la tsarine,
15:10
que la France endeuillée présente une dernière fois ses hommages.
15:17
À vous, qui l'avez tant aimée, tant chérie.
15:24
À vous, l'immortel, universel,
15:33
perpétuel.
15:35
Vive la République, vive la France.
15:40
-Détachement à terre-arme. Garde à vous.
15:55
(Musique militaire)
15:58
(...)
16:01
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