Au lendemain de la mise en examen de Booba pour cyberharcèlement, les avocats de Magali Berdah ont saisi ce midi le juge d'instruction contre le rappeur qu'ils accusent d'avoir redémarré sa campagne contre la patronne de l'agence d'influenceurs Shauna Events.
Dans ce courrier adressé au magistrat instructeur dont l'AFP a eu connaissance, Mes David-Olivier Kaminski, Antonin Gravelin-Rodriguez et Rachel-Flore Pardo listent quatre publications de Booba diffusées sur les réseaux sociaux depuis sa mise en examen, nouveaux avatars d'après eux de son cyberharcèlement.
D'après la source proche du dossier, le contrôle judiciaire de Booba lui interdit d'entrer en contact avec Magali Berdah.
"Les réseaux sociaux s'adressent à tout le monde, y compris à Magali Berdah. Il n'a pas le droit d'évoquer l'affaire en ces termes". "La volonté de faire du mal et de détruire doivent cesser. L'institution judiciaire ne peut traiter M. Elie Yaffa (ndlr: le vrai nom de Booba) autrement que comme n'importe quel mis en examen qui ne respecte pas son contrôle judiciaire", indique le courrier.
Si le magistrat instructeur devait constater un non-respect de cette mesure coercitive, il pourrait rappeler Booba à ses obligations, alourdir celles-ci ou demander son placement en détention provisoire.
Contacté par l'AFP, l'entourage du rappeur n'était pas joignable dans l'immédiat. Booba, âgé de 46 ans, a été mis en examen lundi à Paris pour harcèlement moral en ligne aggravé notamment par la dégradation de la santé de Mme Berdah. Il se voit reprocher "au moins 487 messages sur les réseaux sociaux la visant directement" entre mai 2022 et mai 2023, d'après des éléments de l'enquête dévoilés par Le Parisien et dont l'AFP a eu connaissance. Il a été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour les faits de menaces de mort et de recel d'une infraction d'atteinte à l'intimité.
Cette mise en examen fait suite à de nombreuses plaintes de la part de Magali Berdah, femme d'affaires âgée de 41 ans et fondatrice de Shauna Events, une agence spécialisée dans les relations entre les personnalités issues de la TV et les marques.
Le 27 septembre, le juge d'instruction a précisé à Mme Berdah, partie civile, que son enquête ne visait "en aucun cas à déterminer qui a raison et qui a tort sur le fond" du "contentieux" vieux de plusieurs années entre les deux protagonistes autour des activités de Mme Berdah, mais à voir si le rappeur a commis des fautes par ses publications en ligne.
Devant le magistrat, Mme Berdah a estimé être victime d'une "torture", résultant de "l'avalanche" de messages reçus "non-stop".
Booba a "encouragé les gens à me tuer et il a tout fait pour que je meure", a-t-elle lancé.
Lundi, lors de sa mise en examen, le "Duc de Boulogne" a lui contesté toute menace de mort ou "intention d'atteindre Magali Berdah dans sa santé ou sa vie".
Booba a expliqué "essayer de démasquer (Mme Berdah et ses proches) pour prouver que ce sont des escrocs", un "vrai combat qui
00:00 Alors oui, je suis soulagée. J'aurais préféré qu'il en prenne vraiment en considération et qu'il ne se moque pas de ce qu'il se dit,
00:05 puisqu'il n'a pas pu s'empêcher hier soir de tweeter tranquillement sur moi, bien évidemment.
00:12 Donc je me dis finalement que ça devient pesant, parce que même avec un contrôle judiciaire et avec une mise en examen, je ne sais pas.
00:23 Et une interdiction de rentrer en contact avec vous. Est-ce que vous étiez inquiète de ça ?
00:30 Oui, j'étais inquiète parce que c'était sans arrêt. J'ai envie de dire que pour moi, ce que je ressens, c'est obsessionnel.
00:38 Et la preuve en est encore hier soir.
00:40 Voilà, et ça, c'était ce matin. Et depuis, il a retweeté à nouveau à plusieurs reprises contre Magali Berda.
00:45 Maître Jérémy Calfon, bonjour. Merci d'être avec nous. Vous êtes avocat. Est-ce que la justice, au fond, est impuissante à arrêter tout ça ?
00:53 En fait, la justice est assez débutante pour ce genre de cas de figure.
01:00 La loi contre le cyberharcèlement est une loi assez récente.
01:03 Alors je ne me souviens plus si c'était 2021 ou si c'était un tout petit peu antérieur.
01:07 Néanmoins, les cas ne sont pas fréquents et ce sont des infractions qui sont assez récentes.
01:12 Il y a eu l'affaire Mila, il y a eu d'autres affaires.
01:14 Mais ce sont des infractions sur lesquelles la justice est encore balbutiante.
01:19 Elle a besoin de s'ajuster, notamment concernant les mesures de sûreté, c'est-à-dire les différentes interdictions qui sont ordonnées,
01:27 et surtout les moyens de mettre en œuvre ces interdictions, parce que ça peut être très facile d'interdire à quelqu'un de paraître dans un endroit donné,
01:36 qui est une interdiction assez classique.
01:37 En revanche, c'est beaucoup plus difficile d'interdire quelqu'un d'accéder à des réseaux sociaux puisqu'on peut créer des comptes comme ça.
01:44 Donc la justice, aujourd'hui, elle débute et elle a encore des progrès à faire.
01:49 – Mais là, on voit le cas où Bouba en fait est mis en examen, il a eu un contrôle judiciaire,
01:55 et en gros, le premier truc qu'il fait en sortant, c'est recommencer à tweeter contre Magali Berda.
02:00 Donc il y a quelque chose qui cloche, non ?
02:03 – Alors, en fait, théoriquement, en tout cas c'est ce que j'ai pu lire dans la presse,
02:09 Bouba a une interdiction de parler de Magali Berda sur les réseaux sociaux.
02:13 Mais ça veut dire quoi, interdiction de parler de Magali Berda sur les réseaux sociaux ?
02:17 Là, on voit que dans les tweets que j'ai pu lire, qui ont été mis en ligne hier soir,
02:23 il ne parle pas directement de Magali Berda, mais on comprend que ça fait référence à Magali Berda.
02:27 Donc là, on est dans des distinctions byzantines, est-ce qu'il parle d'elle, est-ce qu'il ne parle pas d'elle ?
02:31 Et c'est là qu'on voit que les interdictions que la justice a mises en œuvre peuvent être mal calibrées.
02:37 Donc aujourd'hui, la justice a vraiment besoin de s'ajuster pour pouvoir vraiment mettre en œuvre,
02:44 de façon très concrète, les interdictions.
02:46 Et puis, si vous voulez, quand vous avez une personne qui vit plus de la moitié de l'année aux États-Unis,
02:50 les interdictions qui lui sont faites, elle peut les prendre un peu par-dessus la jambe.
02:55 Moi, je pense que ça aurait été assez judicieux d'interdire à Bouba de quitter le territoire français.
02:59 Je pense que les interdictions auraient été beaucoup plus respectées,
03:02 parce qu'il aurait senti davantage cet effet de damoclase au-dessus de sa tête.
03:04 Juste mettre, on va regarder trois tweets, vous dites, on ne sait pas vraiment s'il parle de Magali Berda ou pas.
03:09 Excusez-moi, mais c'est très clair.
03:10 On va regarder un, par exemple, il a tweeté "Tout vient à point" avec une image du Parisien.
03:16 Non, ce n'est pas celui-là.
03:17 Avec une image du Parisien, au-dessous, il y a écrit "Placé en garde à vue à l'APJ, Magali Berda bientôt jugée pour banqueroute ou blanchiment".
03:28 Donc là, on sait clairement qu'il parle d'elle.
03:30 On n'arrive pas à le voir, tant pis, j'irai le chercher moi-même.
03:34 Il y en a un deuxième.
03:35 Voilà, c'est celui-là, très bien.
03:36 Donc avec le Parisien, il parle clairement d'elle, il y a même sa photo dans le papier du Parisien.
03:40 Il y en a un deuxième où il dit "Si les affaires d'il y a 10 ans remontent à la surface,
03:44 imaginez ce qui arrive".
03:46 Ça, c'est avec une image de RMC, donc on comprend aussi qu'il parle d'elle.
03:49 Et puis donc, il y a le communiqué que vous avez vu, communiqué de presque une dizaine de minutes,
03:55 où il explique, il justifie son action, il explique que toute son action a été motivée par un seul but,
04:00 d'énoncer les influenceurs.
04:02 Maître, là, il est clair que c'est de Magali Berda qu'il parle ?
04:05 – Non, mais évidemment que c'est clair que c'est de Magali Berda dont il parle.
04:08 Après, il faut voir en fait comment l'interdiction de parler de Magali Berda sur les réseaux sociaux a été calibrée.
04:14 Parce que j'imagine qu'il n'est pas complètement fou et que c'est un sort…
04:16 – Maître, je crois que l'interdiction, c'est de ne pas aller à Magali Berda et pas de parler de Magali Berda, justement.
04:22 – Moi, j'avais lu l'interdiction de parler de Magali Berda.
04:25 Interdiction de parler à Magali Berda, bon oui, dans ce cas-là, cette interdiction ne change rien.
04:30 Elle ne change rien.
04:31 En revanche, ce qu'on constate là, c'est que l'infraction continue.
04:35 Il y a un renouvellement de l'infraction et dans tout contrôle judiciaire,
04:39 si l'infraction est renouvelée, il y a des risques de placement en détention provisoire.
04:42 En fait, lorsqu'il fait ça, Bouba, même s'il ne viole pas son contrôle judiciaire stricto sensu,
04:47 il poursuit l'infraction et par conséquent, le parquet pourrait parfaitement prendre
04:50 des réquisitions de détention provisoire en disant voilà, l'infraction continue.
04:55 Par conséquent, le seul risque pour éviter le renouvellement de l'infraction,
04:58 c'est la détention provisoire. C'est tout à fait possible.
05:00 – Donc, ce que vous nous dites, Maître, pour être très clair,
05:01 c'est que là, en faisant ça, en faisant ces quatre ou cinq couilles depuis hier,
05:04 Bouba prend le risque d'être placé en détention provisoire.
05:08 – Oui, absolument. Mais comme il vit aux États-Unis,
05:10 je ne suis pas sûr qu'il ait parfaitement conscience de ce risque.
05:12 C'est pour ça que le fait de le contraindre à vivre en France
05:15 aurait été assez judicieux pour davantage mettre en œuvre ces interdictions
05:20 et pour pouvoir protéger davantage la partie civile dans ce dossier
05:24 puisque pour qu'il y ait détention provisoire,
05:27 encore faut-il que la personne soit sur le territoire français.