La sœur terrible de Nietzsche - La chronique de Clara Dupont-Monod

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il y a 2 ans

La sœur de Nietzsche était tellement flippante qu’elle fait l’objet d’un roman signé Guy Boley, "A ma sœur et unique". Pendant 45 ans, ça a été l’amour entre le philosophe et sa sœur. Puis en 1875, tout bascule.

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00:00 les livres et le langage sont toujours à l'honneur dans notre émission.

00:02 C'est la mission de Clara Dupond-Mono qu'elle doit mener et qu'elle mène…

00:06 Elle exerce un ministère littéraire avec noblesse.

00:09 La noblesse c'est… Mais arrêtez Guillaume avec cette photo de Macron !

00:12 Allez, Clara Dupond-Mono.

00:14 Vous lui avez raté son lancement.

00:15 Oui, oui, mais ce n'est pas grave.

00:16 Allez, prochaine.

00:17 Oui, surtout que j'avais une grande nouvelle…

00:19 Je confisque !

00:20 Voilà.

00:21 D'autant Guillaume, merci, que j'avais une grande nouvelle pour vous,

00:24 mais pour vous tous autour de cette table,

00:25 c'est que je me suis aperçu que vous avez là tous un point commun

00:29 avec le philosophe Nietzsche.

00:31 Et oui, et ce point commun, c'est une sœur.

00:34 Ah non, moi je n'ai pas de sœur.

00:36 C'est parce que votre père ne vous a pas tout dit ça.

00:38 Mais il se trouve que vous avez tous une sœur ici, j'en suis sûre.

00:41 Sinon mon lancement de chronique est foiré.

00:44 Et la sœur de Nietzsche était tellement flippante

00:47 qu'elle est le cœur d'un génial roman signé Guy Bollet,

00:51 que je vous montre là et qui s'appelle « À ma sœur est unique ».

00:54 Alors « À ma sœur est unique », c'est comme ça que Nietzsche appelait sa sœur Elisabeth.

00:58 Parce que dans un premier temps, pendant 45 ans,

01:01 entre les deux, frères et sœurs, ça a été l'amour.

01:05 Pendant 45 ans, Elisabeth, elle le bichonne, elle le dorlotte,

01:09 elle le soigne, elle lui recopie ses cours,

01:11 elle va lui acheter ses mythènes, ses livres,

01:14 si bien qu'on lui doit l'éclosion du philosophe Nietzsche.

01:18 Et d'ailleurs, à un moment dans sa correspondance, Nietzsche lui écrit…

01:22 Je pense à toi tout le temps, sans exclure les moments où je tords,

01:26 car je rêve souvent de toi.

01:27 Voilà, alors, sauf l'accent, cette phrase est véridique et tirée de la correspondance de Nietzsche et Elisabeth.

01:33 Il y a un problème de casting, mais sinon, on a compris l'idée.

01:37 C'est terrible.

01:38 Et puis, en 1875, tout bascule.

01:41 Elisabeth devient… Elle s'appelle Elisabeth, la sœur.

01:44 Elle devient la nounou des enfants de Richard Wagner.

01:47 Et puis, dans ce cadre-là, elle rencontre son futur mari.

01:50 Et lui, c'est un vrai nazi avant l'heure.

01:54 Mais ça, Elisabeth, ça ne lui pose pas de problème

01:56 parce qu'enfin, elle peut être autre chose que la sœur de Nietzsche.

02:00 Alors, évidemment, quand il apprend ça, Nietzsche, il est furieux après sa sœur et son beau-frère.

02:05 Il s'étrangle de rage et cette fois, il écrit…

02:09 Ma sœur est un oiseau de malheur.

02:12 Il mériterait de plein droit une paire de claqueurs.

02:14 Voilà, bon, là aussi, c'est ce qu'il a vraiment écrit, sans l'accent.

02:17 Mais le problème, c'est que le 3 janvier 1889, Nietzsche, il s'effondre en pleine rue,

02:23 terrassé par une crise de folie dont en fait, il ne se remettra jamais.

02:27 Et le livre de Guy Bollet s'ouvre sur cette scène de Nietzsche qui s'effondre sur un trottoir à Turin.

02:33 Et alors, Elisabeth, elle prend les choses en main.

02:36 En fait, elle fait exactement la même chose qu'Isabelle Rimbaud avec son frère Arthur.

02:41 Elle s'approprie la légende et elle la travestit.

02:44 Donc Elisabeth, elle réécrit la vie de son frère.

02:47 Elle modifie ses textes, elle les corrige, elle les rature.

02:50 Ensuite, elle les édite, elle engrange tout l'argent, elle enferme leur mère,

02:54 elle attaque ses amis, histoire de ne pas avoir de soucis.

02:56 Elle monte un musée autour de Nietzsche.

02:58 Parfois, elle l'assomme de calmant, elle le pose sur sa chaise roulante,

03:02 elle le sort, histoire qu'il se pavane un peu, hop, et elle le rentre.

03:06 Et au début des années 30, elle offre à un prénommé Adolf Hitler, un livre...

03:10 - Ah oui, je connais. - Voilà.

03:12 Bien sûr, vous connaissez.

03:14 Un livre que Nietzsche, pour le coup, n'a jamais écrit.

03:17 En fait, c'est une compile qu'Elisabeth a bricolée

03:20 et qu'elle a appelée "La volonté de puissance".

03:23 Ce titre-là, évidemment, les nazis adorent.

03:25 Et voilà Nietzsche, étiqueté "philosophe des nazis" pendant des années.

03:30 Donc vous voyez ce que montre Guy Bollé, c'est bien sûr

03:33 cette espèce de toute puissance de la sœur de Nietzsche,

03:35 mais c'est aussi combien l'amour familial peut être une force anthropophage.

03:41 C'est-à-dire, je te dévore, toi mon frère,

03:44 pour que moi, sœur, je puisse enfin naître.

03:48 Je me nourris de toi.

03:50 Et quand on regarde dans notre histoire, c'est Morgane, la sœur du roi Arthur,

03:53 dans la mythologie médiévale,

03:55 mais c'est aussi Ernestine, la sœur de ce pauvre poil de carotte de Jules Renard.

04:00 Ce sont toutes des sœurs d'Elisabeth.

04:02 Heureusement, il y a ce somptueux roman qui vient enfin ternir la victoire des sœurs affamées.

04:08 Je vous redonne les références.

04:10 "À ma sœur et unique" de Guy Bollé est paru chez Grasset.

04:13 Merci Clara Dupond-Meneau.

04:15 Vos recommandations sont à retrouver sur le site de France Inter et la page de notre émission le grand dimanche soir, bien sûr.

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