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  • 23/07/2023
Marc Madiot revient sur la polémique de la bière, où le patron de la Jumbo-Visma avait accusé une équipe française de "boire des grandes bières". Le directeur sportif de la Groupama-FDJ, dit "ne pas avoir du tout aimé" cette sortie médiatique, qui "remet en cause le travail de ses coureurs".

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Transcription
00:00 Bonsoir Marc Madion, merci d'être avec nous sur le plateau de Véloclub, c'était beau, c'était fort.
00:07 Thibaut Pinot nous a offert au public, à vous, dans sa carrière, beaucoup de moments inoubliables.
00:12 Je pense quand même que celui que l'on a vécu aujourd'hui, il va avoir une place particulière dans votre cœur.
00:17 Oui forcément, je pensais que ça se passerait plus autour de Lombardie que sur le Tour de France en fait.
00:24 Mais oui, ça a été une journée spéciale, très spéciale.
00:29 Dès ce matin, on a senti votre émotion très forte.
00:34 Vous êtes dit que c'est le dernier moment de partage, grand moment de partage ?
00:39 Oui, sûrement un peu, par rapport au Tour de France notamment.
00:44 Thibaut Pinot c'est quand même un coureur particulier.
00:49 C'est-à-dire ?
00:51 C'est un coureur particulier parce que, quand on regarde son palmarès,
00:58 c'est quelques lignes sur une page de papier.
01:01 Mais c'est des lignes qui ont toutes une vraie signification et une histoire.
01:07 Pourquoi il y a toute cette émotion aujourd'hui ?
01:13 Tout simplement parce que je crois que c'est un coureur authentique.
01:16 Il s'expose, il montre ce qu'il est.
01:20 Parfois je lui en ai fait le reproche, je lui ai dit "tu montres trop de choses, tu t'exposes trop".
01:26 Mais en fait, c'est ce qui a créé sa force, sa popularité et sa reconnaissance du public.
01:35 Thibaut ne fait jamais semblant, ni dans un sens ni dans un autre.
01:39 Alors quand vous êtes au quotidien avec lui dans la vie d'une équipe, ce n'est pas toujours facile.
01:44 Parce que ses angoisses, ses difficultés, il vous les donne en même temps.
01:48 Mais à l'inverse, quand il va chercher des grands succès, il vous les apporte dans les bras.
01:56 C'est toujours très particulier.
01:59 C'est pour ça que je crois qu'on a tendance à faire des classements et des annales des sportifs.
02:06 "Il a gagné tant de fois ci, tant de fois ça, il est numéro 1, il est numéro 2, il est numéro 3, il est ci ou ça".
02:11 Pinault ne sera pas dans ce classement-là.
02:15 Mais il sera dans le classement des vrais coureurs.
02:22 Mais est-ce que finalement, le plus fort, ce n'est pas la reconnaissance du public ?
02:28 Parce que ce que vous dites, son authenticité, le public l'a compris et l'a ressenti à fond.
02:34 Vous savez, on ne trompe pas le public.
02:36 Les gens qui sont sur le bord des routes, qui attendent des heures pour voir des coureurs passer,
02:41 savent ce qu'ils viennent voir.
02:45 Ils ne viennent pas voir des trucs qui font semblant,
02:49 ils viennent voir des mecs qui donnent ce qu'ils ont à donner.
02:53 Et ils viennent sentir la souffrance, la difficulté, mais aussi le caractère,
03:01 l'acharnement, la conviction, la volonté.
03:06 C'est ça qu'ils viennent voir, c'est ça qu'ils viennent chercher.
03:09 Vous vous sentez comment, Marc, ce soir ?
03:14 Parce qu'on est tous quand même, même si Laurent dit bien sûr "la vie continue".
03:18 Oui, oui, oui, continue.
03:20 C'est vrai qu'il y a une émotion quand même.
03:22 Pinaud, c'est une page qui se tourne, mais la vie continue.
03:25 Je veux dire, par là qu'on ne le verra plus à la table que sur le Tour de France,
03:28 seulement on le verra ailleurs, autrement.
03:30 Mais dans le cœur des gens, il restera tel qu'il était aujourd'hui.
03:32 Ça, ça ne changera pas.
03:34 Moi, j'ai une question, Marc, concernant Thibault.
03:36 Est-ce que, selon vous, il a toujours été heureux sur un vélo au cours de sa carrière ?
03:40 Oui, il a toujours été heureux, mais il vivait avec ses difficultés et ses angoisses.
03:47 Mais le paradoxe avec lui, c'est qu'à travers ses difficultés et ses angoisses,
03:51 il savait aussi construire des moments d'exception.
03:54 C'est pour ça que quand on est en équipe avec lui, ce n'est pas toujours simple,
03:59 ce n'est pas toujours facile.
04:01 Comme je disais tout à l'heure à vos collègues, je lui dois quelques cheveux blancs.
04:05 Mais en même temps, je ne les regrette pas du tout.
04:07 Le métier de manager ou de directeur sportif n'est pas facile ni simple,
04:14 mais il donne des moments d'exception et il permet de rencontrer des gens bien et des gars bien.
04:22 Parfois, il y a des brebis galeuses dans notre sport,
04:25 mais il faut passer outre cela et s'arrêter sur les mecs qui sont bien.
04:33 Il nous disait, il y a deux jours, sur le plateau de Véloclub,
04:37 que le cyclisme avait changé en 12-13 ans,
04:41 que c'était devenu trop sérieux, qu'il s'amusait moins.
04:45 Vous l'avez ressenti ?
04:47 J'ai déjà dit plusieurs fois,
04:51 pour moi, Pinault est un des derniers coureurs romantiques qui s'est égaré au XXIe siècle.
04:56 Il s'est égaré dans un monde qui n'est pas forcément le sien,
05:00 mais dans lequel il arrive quand même, par moments, à trouver son terrain d'expression.
05:06 C'est pour ça qu'il y a cet intérêt et cet engouement pour lui, à la fin de sa carrière.
05:14 Johan, je sais que vous êtes très touché ce soir.
05:20 Non, parce qu'on se connaît bien avec Marc aussi.
05:24 Je sais que Marc, pour Thibaut, c'est pas que un patron d'équipe,
05:29 ce n'est pas ce qu'on voit à la télé.
05:32 Marc, c'est un père pour la plupart de ses coureurs.
05:37 C'est d'ailleurs pour ça que tous les coureurs restent fidèles à Marc.
05:41 C'est un cyclisme qui est différent.
05:44 C'est un cyclisme que j'aime bien voir.
05:47 En tous les cas, c'est peut-être la plus belle des sorties pour lui.
05:52 Ah non, je vous entends très mal !
05:55 C'est peut-être cette journée, même si on est tous tristes qu'il arrête,
06:00 mais c'est la plus belle des sorties qu'on a vu aujourd'hui pour lui, non ?
06:04 Ah oui, il sort par la grande porte, évidemment.
06:07 Et la suite, Alex ?
06:09 Non, Marc, vous n'avez pas eu envie de vous mettre dans la fan zone ?
06:13 Je me suis arrêté, mais je n'ai pas osé sortir de la voiture.
06:16 J'ai dit que je vais avoir des difficultés.
06:18 Christian Pudhomme va me klaxonner si je reste trop longtemps.
06:21 Comment vous l'avez trouvé, si on fait le bilan, ce Tour de France ?
06:27 C'est un Tour de France assez dingue, avec des vitesses incroyables,
06:31 des écarts qu'on n'avait pas vus depuis très longtemps.
06:34 C'est un Tour intense, très intense,
06:39 où il y a eu un bras de fer.
06:44 Je pense qu'on mesurera avec le temps peut-être la guerre psychologique
06:50 qui s'est livrée entre les deux pendant des jours et des jours.
06:54 On pensait que beaucoup de gens supposaient que c'était Pogacar qui allait gagner ce match.
06:58 Et en fait, c'est lui qui l'a perdu.
07:01 En dernière semaine.
07:02 Pour des tas de raisons, sans doute.
07:05 Ça vous a surpris d'ailleurs qu'il le perde comme ça,
07:09 qu'il soit cinq minutes derrière ?
07:11 Pas plus que ça.
07:13 Pourquoi ?
07:15 Parce que Wingergaard, à mon avis, a une solidité mentale qu'on perçoit peu.
07:24 Et dont on commence seulement à s'apercevoir qu'elle est impressionnante.
07:28 On l'a vu lors du Tour de la Montre.
07:30 Parce que quand vous faites 8-10 jours de Tour de France avec 10 secondes d'avance,
07:34 6 secondes, 10 secondes, 5 secondes,
07:38 et qu'à un seul coup vous mettez le chaos,
07:41 mentalement, je pense que ça pèse lourd.
07:44 C'est-à-dire que là, vous assommez complètement votre adversaire.
07:48 C'est le truc qui m'a le plus impressionné entre les deux.
07:53 Et pour revenir un peu sur Thibaut,
07:55 on a l'impression que c'était un leader de l'équipe,
07:58 mais qu'il était aussi hyper important dans le collectif pour les autres coureurs qui l'accompagnaient.
08:02 Hier, avant-hier, on avait reçu David Goddou,
08:04 qui nous a expliqué qu'il a appris beaucoup de choses avec lui.
08:07 Oui, mais ça a toujours été quelque chose d'important dans l'habit de l'équipe,
08:11 qui est là maintenant depuis 27 ans.
08:13 Donc merci à la FDJ et à Groupama de nous soutenir depuis toutes ces longues années.
08:17 Ça n'a pas toujours été facile, ça n'a pas toujours été simple.
08:20 Mais on essaie de construire quelque chose de solide avec les coureurs.
08:25 Le choix et la composition de l'équipe, ça a été un moment difficile.
08:30 Vous vous souvenez qu'on a laissé à la maison un coureur comme Arnaud Desmars,
08:34 qui pèse quand même dans la vie de l'équipe une centaine de victoires.
08:39 Pour moi, ça a été un moment délicat.
08:42 Et comme j'ai la parole, j'en profite pour le saluer.
08:45 Alors nos relations sont un peu difficiles en ce moment, c'est normal.
08:48 Il est extrêmement déçu.
08:50 Mais je crois que le temps fera son œuvre et qu'on retrouvera une belle et bonne relation
08:54 comme on a pu avoir pendant beaucoup d'années.
08:57 J'ai le plus profond respect pour ce qu'il est, pour la carrière qu'il a faite ou qu'il fait.
09:03 Je lui souhaite le meilleur là où il sera l'année prochaine.
09:06 Et j'espère qu'on retrouvera de l'amitié entre nous dans pas longtemps.
09:12 Mais en même temps, je ne regrette absolument pas les choix d'équipe que j'ai fait.
09:18 Marc, il y a la Vuelta qui arrive bientôt.
09:22 Il y aura la jeune génération qui va arriver avec Léonie Martinez, Romain Grégoire.
09:27 On aura peut-être un nouveau Pino parmi ceux-là qui vont nous donner autant d'émotions, non ?
09:33 Ce que j'attends des jeunes de la Conti, parce que 90% de l'équipe va être composée de garçons
09:40 qui ont débuté chez nous.
09:42 La moyenne d'âge qu'on va avoir sur le tour d'Espagne va être très basse.
09:46 Mais moi j'attends qu'ils mettent en évidence ce qu'ils ont mis en pratique l'année dernière
09:52 au sein de la Conti et en ce début de saison chez les pros.
09:56 Qu'ils soient insouciants, qu'ils soient ambitieux et qu'ils aient le sens du collectif et du sacrifice
10:04 qu'ils ont pu développer et acquérir auprès de la Conti l'année dernière.
10:07 Il y a un esprit Conti dans l'équipe et ils veulent le transformer, le développer.
10:13 Ils vont le mettre en évidence sur le tour d'Espagne, j'en suis sûr.
10:16 Vous disiez tout à l'heure Marc, Thibaut Pino était un coureur perdu un peu dans ce cyclisme du XXIe siècle,
10:22 ultra professionnalisé. Est-ce qu'il vous plaît ce cyclisme d'aujourd'hui ?
10:29 Vous qui avez connu les deux époques.
10:32 Si vous me demandez ma préférence, je vous dirais le cyclisme d'avant.
10:37 Je vais vous expliquer pourquoi.
10:40 Le cyclisme d'avant c'était pas un métier, c'était un art de vivre.
10:44 On était coureurs-cyclistes professionnels, on était fiers d'être coureurs-cyclistes professionnels.
10:50 On gagnait 3 francs 6 sous, on vivotait, mais on était coureurs-cyclistes professionnels.
10:56 C'était un art de vivre.
10:59 Aujourd'hui le monde du sport, le monde du cyclisme a aussi évolué et changé.
11:04 C'est devenu un métier, c'est un travail d'être coureur-cycliste.
11:08 Passer votre vie entre les stages de jours de récupération à la maison et les compétitions,
11:14 c'est pas spécialement marrant et amusant.
11:17 C'est un peu triste quand même.
11:20 C'est le concours du haut niveau.
11:24 Et après, qu'on aime ou qu'on aime pas, on doit s'adapter et on doit travailler pour pouvoir progresser
11:29 et que l'équipe soit la meilleure possible.
11:32 Un des jobs de patron d'équipe, c'est de s'adapter et de faire ce qu'il faut pour que l'équipe soit la meilleure possible
11:45 et ait les meilleurs résultats,
11:47 combien même ça ne nous plaît pas forcément sur le fond.
11:51 Mais moi mon job, si je veux que l'équipe perdure, c'est de faire en sorte qu'elle soit à la pointe,
11:57 qu'elle s'entraîne le mieux possible, qu'elle travaille le mieux possible,
12:00 qu'elle ait la meilleure nutrition possible, etc.
12:03 Le meilleur matériel possible, c'est ça qui compte aujourd'hui.
12:05 Alors qu'autrefois c'était beaucoup plus détendu, mais c'est une autre époque.
12:11 Il y avait plus d'ignorance à l'époque, on ne savait pas tout ce qu'on lançait aujourd'hui.
12:16 On était plus malheureux finalement, le fait de faire des os était top.
12:20 On était très heureux.
12:21 Et justement, j'ai l'impression que les coureurs aujourd'hui, alors vu de loin,
12:24 parce que je ne suis pas en relation proche avec les coureurs,
12:27 j'ai l'impression qu'ils ont perdu le sourire quand même.
12:30 Ils savent le retrouver par moments quand même, fort heureusement pour eux.
12:34 Je l'espère en tout cas, parce que ça reste un métier ultra difficile.
12:37 Et c'est vrai que parfois, il y a des coups de gueule de Marc Maggio.
12:42 Il n'y en a pas eu sur ce Tour de France, sauf avec ce qui s'est passé avec la pompe à bière.
12:50 Ça, ça vous a mis hors de vous.
12:53 C'est le patron de Jumbo-Visma qui a accusé votre équipe,
12:58 lors du dernier jour de repos, de boire de la bière.
13:01 Alors d'abord, les coureurs n'ont pas bu de bière, ils ont bu du Perrier.
13:05 Et dans l'équipe, comme dans d'autres, le jour de repos,
13:08 on fait un petit moment de détente collective, où l'encadrement boit de la bière,
13:15 et où les coureurs sont avec nous.
13:18 Les coureurs n'ont pas bu de bière, ils ont bu du Perrier.
13:21 Et je n'ai pas aimé. Mais alors pas du tout aimé.
13:27 Parce que ça remettait en cause le travail de mes coureurs.
13:31 Moi, qu'à la limite, on s'en prenne à moi, qu'on me dise que j'ai bu des bières, je m'en fous.
13:35 Royalement, je m'en fous.
13:37 Mais qu'on mette en doute la qualité du travail de mes coureurs, ou leur sérieux, je ne supporte pas.
13:46 Moi, je suis là pour défendre mes coureurs, et je les défends.
13:49 Il faut quand même savoir que le soir de cet épisode supposé bière,
13:55 j'ai fait une réunion avec mes coureurs, et je leur ai dit,
13:57 demain, on était un peu dans le dur les jours précédents,
14:00 je dis demain, les 8 coureurs, spécialistes ou non spécialistes,
14:03 vous allez tous faire le chrono à bloc.
14:06 Pour le plaisir de le faire à bloc, mais vous le faites tous à bloc.
14:09 Mes 8 coureurs étaient dans les 80 premiers.
14:12 Le lendemain, il y a la grosse étape reine de montagne,
14:16 j'avais 4 coureurs dans l'échappée.
14:18 Et alors, je me suis quand même permis de boire, hier soir, une petite bière à la santé de Richard.
14:24 Mais pourquoi cette sortie ?
14:27 C'est pas à moi qu'il faut poser la question.
14:29 C'est quand même étonnant, c'est de la provoque.
14:32 Je sais pas, c'est à lui qu'il faut poser la question.
14:36 Bon, voilà, on voulait aussi vous interroger là-dessus,
14:39 pour mettre les choses au point.
14:41 Marc, avant de vous libérer, est-ce que vous avez une minute
14:43 pour revoir ce moment inoubliable, Thibaut Pinot avec tous ses supporters.
14:49 Celui-là, il restera dans les annales du Tour de France.
14:53 [Cris de joie]
14:56 [Cris de joie]
14:59 [Cris de joie]
15:01 [Cris de joie]
15:14 [Cris de joie]
15:16 [Cris de joie]
15:41 [Cris de joie]
15:43 [Cris de joie]
15:57 C'est un truc de dingue.
16:03 D'ailleurs, j'ai aimé parce qu'Alex disait,
16:06 "On s'arrête, on ne commande pas, on laisse..."
16:09 Il faut juste se taire là, tout simplement.
16:11 Moi, ça m'a rappelé aussi le contre-la-montre de la planche des Belfi,
16:14 en 2020, le contre-la-montre traversait Mélisée, le village de Thibaut,
16:18 mais là, Thibaut subissait la course.
16:20 Il était tombé en début de Tour, ça n'allait pas bien,
16:22 il avait terminé ce Tour un peu à l'agonie.
16:25 Là, il était acteur, aujourd'hui, devant son public.
16:27 Moi, j'ai trouvé cette image formidable.
16:29 On est au-delà du sport, là, on est dans l'émotion pure,
16:32 entre la frénésie et l'émotion, enfin bon, c'est incroyable.
16:36 Elles sont folles, ces images, Marc, pour conclure.
16:38 Ouais, ça résume Thibaut, finalement.
16:43 Voilà.
16:44 Pinot, c'est ça.
16:46 Merci Marc Madiot.
16:47 Merci.
16:48 ... sur le plateau de Véloclub, et on va retrouver Céline et Thomas.
16:50 Ouais.
16:51 Merci beaucoup Marc.

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