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  • 06/07/2023
Depuis la mort de Nahel, les comparutions immédiates s’enchaînent suite aux nuits de révolte. À Marseille, l’avocat Rafik Chekkat analyse et documente ces audiences. Il raconte les peines de prison ferme, décrit le sentiment d’abattement et une sévérité sans commune mesure.

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Transcription
00:00 La comparaison immédiate est déjà en soi problématique,
00:02 mais dans les circonstances actuelles, ça le devient d'autant plus.
00:05 La plupart du temps, il n'y a même pas d'enquête.
00:06 Il n'y a pas de confrontation, il n'y a pas de témoignage, il n'y a pas de vidéo.
00:11 On vous présente devant un juge à 48 heures, 72 heures après la commission des faits.
00:15 C'est très compliqué dans l'intervalle d'exploiter, par exemple, les vidéos,
00:18 de trouver des témoins. Et le plus scandaleux, je pense, dans tout ça,
00:22 c'est le fait que les avocats, par exemple, vous recevez un dossier lundi 16 heures
00:25 et vous apprenez dans la soirée qu'il y a un déferlement et que le lendemain,
00:29 la personne va être présentée devant le juge en comparaison immédiate.
00:32 Donc, vous avez 12 heures.
00:34 Donc, il y a des avocats, par exemple,
00:34 qui l'ont dit, qui ont bien précisé qu'ils n'avaient pas eu le temps
00:37 de rédiger leur conclusion.
00:38 On peut refuser la comparaison immédiate,
00:40 on peut demander un délai, mais il faut savoir que là aussi,
00:43 cas exceptionnels, parce que circonstances exceptionnelles,
00:45 vous serez maintenus en dépension de manière quasi systématique.
00:48 De la veux même des confrères sur place, c'est du jamais vu.
00:51 Primo délinquant ne veut pas dire jeune, nécessairement.
00:55 Il y a des personnes, par exemple, de 40 ans qui n'avaient aucun casier.
00:57 On n'avait pas affaire à des personnes qui avaient pillé, incendié
01:02 ou en tout cas, qui étaient rentrées par réfraction dans un certain nombre de magasins.
01:06 Un certain nombre d'accusés ont dit c'est par opportunisme.
01:09 Il y a un homme, par exemple, SDF de 58 ans,
01:12 qui a été arrêté parce qu'il a ramassé à 4 heures du matin
01:17 deux t-shirts de je ne sais plus qu'elle marche.
01:18 Je crois que c'était Hugo Boss.
01:19 Il est SDF, il est là de toute façon tous les soirs dans les rues.
01:23 Une jeune fille de 19 ans, on la voit rentrer dans le magasin.
01:26 Elle est ressortie aussitôt.
01:27 Elle est partie en courant.
01:28 Elle n'a rien pris.
01:28 On le voit dans les caméras de vidéosurveillance.
01:30 Elle a écopé 4 mois de prison ferme et avec maintien en détention.
01:35 Elle dort en prison. Jamais le reste de l'année, jamais on voit ce type de peine.
01:40 Et vraiment, il y a des personnes, par exemple,
01:41 qui ont été arrêtées à proximité d'un lieu où il y avait un piège.
01:44 Et donc, tout s'enchaîne.
01:45 Si l'interpellation se passe mal,
01:46 c'est à dire si vous gardez les mains dans les poches ou si vous résistez un petit peu
01:49 ou si on estime que vous résistez un petit peu parce que là aussi,
01:52 c'est uniquement la part des policiers qui fait froid.
01:54 Dans quasi la totalité des dossiers que j'ai pu voir,
01:56 on s'est uniquement basé sur le PV d'interpellation et uniquement ça,
02:00 parce qu'on n'a pas le temps de diligenter des enquêtes et qu'on appelle
02:04 en procédure pénale un PV d'ambiance.
02:06 Et les magistrats se sont beaucoup basés sur ces PV d'ambiance là.
02:10 On jugeait non pas en fonction des faits d'une personne, mais du contexte général.
02:15 Et ça, il y a un certain nombre d'avocats qui l'ont rappelé en disant
02:18 que l'on ne répondait pas au caos urbain par un caos judiciaire.
02:21 Une autre incongruité par rapport à ce qui se passe dans la VLAD,
02:24 c'est que les personnes qui sont arrêtées en même temps
02:28 sont jugées en même temps, quand bien même elles ne se connaissent pas.
02:31 Donc il y a un effet de groupe comme ça,
02:33 c'est à dire on va présenter trois personnes d'un coup.
02:34 C'est très compliqué parce qu'il y a quand même un principe de personnalisation
02:38 des peines et ça, je pense que ça abîme l'image que les gens se font de la justice.
02:41 Et puis surtout, le plus important,
02:43 en fait, on joue avec les vies d'un certain nombre de personnes parce que
02:46 il y a un lycéen, par exemple, qui va reprendre son année de terminale,
02:49 qui va là passer tout l'été en prison parce qu'il aurait jeté,
02:52 je ne sais pas trop, un objet en caoutchouc en direction des policiers.
02:55 Mais ce n'est pas clair.
02:55 Donc ils vont tous avoir des inscriptions en casier, ils vont tous écopés de peine
03:00 de 4 mois, 6 mois, 12 mois de prison, 13 mois de prison, on a vu 18 mois de prison.
03:04 Là, c'est des vies qui sont
03:07 gâchées, peut être le mot serait trop dur, mais en tout cas hypothéqué.
03:10 *Bruit de téléphone qui sonne*
03:12 *Musique*

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