Il manque des soignants "dans chaque service de l'hôpital psychiatrique de Thuir", selon les syndicats

  • l’année dernière
Après l'assassinat d'une infirmière en début de semaine à l'hôpital de Reims, les soignants des hôpitaux de Perpignan et de Thuir ont observé une minute de silence mercredi. Le ministre de la santé reçoit ce jeudi les syndicats, qui réclament des moyens supplémentaires depuis de nombreuses années.

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00:00 l'émotion est particulièrement forte. Parfois il y a aussi de la colère chez les soignants face au manque de moyens.
00:05 Une minute de silence a été observée hier dans tous les hôpitaux de France. Pour en parler, notre invitée justement, elle travaille à l'hôpital psychiatrique de Tuire.
00:12 Elle y est infirmière, c'est aussi la responsable départementale de FO Santé. Suzanne Chaudjaille.
00:18 Bonjour Marie-Josée Bechtari.
00:20 Bonjour.
00:20 Qu'est-ce que vous ressentez quelques jours après ce drame, l'assassinat d'une infirmière à l'hôpital de Reims ?
00:25 Ce qu'on ressent tous c'est que c'est complètement inacceptable, c'est dramatique et ça nous touche personnellement.
00:31 C'est vraiment de l'effroi, de l'effroi chez les soignants que ça puisse arriver, partir au travail et être assassinée.
00:37 C'est tellement impensable que c'est affreux.
00:40 Vous avez le sentiment que votre métier est dangereux aujourd'hui ?
00:43 Oui, on commence à se dire que c'est dangereux d'aller travailler et c'est quand même grave parce qu'on n'a pas choisi ce métier pour ça.
00:49 On a choisi ce métier pour soigner les gens, pour être au contact et là se retrouver dans de telles situations c'est complètement fou.
00:56 On a du mal à le réaliser même.
00:58 Par exemple à l'hôpital de Thuyres, l'hôpital psychiatrique, vous constatez une augmentation du nombre d'agressions ?
01:03 Alors il y a des agressions toujours présentes c'est vrai.
01:06 Les agressions ont changé.
01:08 C'est vrai que ça devient, c'est quand même plus violent mais ça c'est des faits de société je pensais.
01:12 Et qu'il paraît indispensable de prévoir des parades pour que tout ça puisse se réguler autrement.
01:19 Mais c'est des choses que vous dénoncez depuis des années.
01:21 Depuis des années, mais c'est de manière générale les conditions de soins, les conditions de travail,
01:26 mais bon pour l'hôpital psy et pour l'hôpital en général, c'est vrai que le nombre de soignants n'est pas satisfaisant.
01:35 Le nombre de médecins n'en parlons même pas puisque les postes ne sont même pas pourvus.
01:39 Donc forcément on arrive à des situations qui deviennent très complexes.
01:43 Et les chiffres parlent d'eux-mêmes.
01:45 L'observatoire de la sécurité des médecins révèle que l'an dernier il y a eu 1244 incidents ou agressions sur des médecins.
01:51 C'est 23% de plus en un an.
01:54 Comment on peut l'expliquer ? Vous dites que c'est un fait de société certes, mais enfin quand même.
01:57 C'est-à-dire que c'est mathématique j'ai envie de dire.
02:01 Vous avez moins de médecins, plus de patients à voir.
02:04 Donc à un moment donné, ni médecins ni soignants, personne n'est une machine.
02:09 Et on arrive très vite à saturer.
02:11 Les patients aussi qui sont derrière, qui attendent, saturent aussi.
02:15 Et on arrive à des situations comme ça qui sont catastrophiques.
02:18 Les gens sont frustrés, excédés et voilà on arrive à des situations pareilles.
02:22 Le ministre de la Santé justement reçoit les syndicats aujourd'hui pour tenter de trouver des solutions,
02:27 assurer la sécurité des soignants.
02:29 Qu'est-ce que vous attendez de cette rencontre, si je comprends bien des soignants en plus ?
02:33 Mais ça c'est pareil, vous le réclamez depuis des années.
02:36 C'est réclamé depuis des années, malheureusement.
02:39 Je crois que depuis mon début dans la carrière d'infirmière, on en est toujours là.
02:44 Ça fait 30 ans que le même sujet est sur la table.
02:49 Mais bon il est vraiment temps aujourd'hui que les choses soient prises à bras le corps.
02:53 Parce qu'on se doit de soigner les gens comme il faut.
02:56 Et de ne pas mettre ni les soignants ni les patients en danger.
02:59 C'est pas possible.
03:00 Par exemple à l'hôpital de Thur vous manquez de combien de soignants si on prend l'exemple d'un service ?
03:05 Bah écoutez pour fonctionner normalement, si on avait 4 ou 5 soignants supplémentaires par service,
03:11 ce serait beaucoup mieux.
03:14 La prise en charge n'en serait que meilleure, mais ça tout le monde s'accorde à le dire.
03:17 Est-ce que vous regrettez que le ministre propose cette réunion seulement après le drame de Reims et pas avant ?
03:24 C'est malheureux, c'est toujours après un drame que les choses se parlent.
03:28 Je pense à ces pauvres collègues de Pau.
03:31 Suite à ça on avait eu la mise en place de ce qu'on appelle l'EPTI, Protection Travailleurs Isolés.
03:36 C'était en 2004 ?
03:37 Voilà.
03:38 Et voilà malheureusement il faut que des drames arrivent pour que les choses puissent être parlées.
03:42 Pau c'était quoi comme drame ? Est-ce qu'on peut rappeler peut-être aux auditeurs ?
03:47 Oui, une infirmière, une aide-soignante avait été assassinée aussi.
03:50 Et c'était en plus dans des situations vraiment dramatiques.
03:54 2004, donc quasiment 20 ans plus tard.
03:56 Ça n'a pas changé ?
03:57 Ça n'a pas changé, on est encore là dans cette situation.
04:00 Comment éviter et gérer les comportements violents à l'hôpital ?
04:03 Quelles sont les attentes des soignants ?
04:05 On en parle avec notre invitée, qui est de retour dans un petit instant, Suzanne Chaudjahi.
04:08 Marie-Josée Bechtari, infirmière à l'hôpital psychiatrique de Thuyres et responsable du syndicat Force Ouvrière Santé.
04:13 France Bleu, France 3 Matins, revient dans un instant.
04:24 Épluché, découpé, haché, menu, cuir, bouillir, frire, mijoter, salé ou sucré, gourmand ou gourmet,
04:33 venez titiller vos papilles dans vos émissions de cuisine du lundi au vendredi à 10h20 sur France 3 Occitanie.
04:41 7h52 sur France Bleu, Réunion et France 3,
04:55 PI Catalan, Suzanne Chaudjahi, notre invitée, Marie-Josée Bechtari, infirmière à l'hôpital psychiatrique de Thuyres et responsable Force Ouvrière.
05:01 On revient sur le drame du début de semaine à l'hôpital de Reims, une infirmière assassinée.
05:06 Marie-Josée Bechtari, est-ce que quand on est médecin, infirmier ou aide-soignant,
05:10 est-ce qu'on reçoit une formation pour savoir gérer les comportements violents ?
05:14 Alors les comportements violents, c'est-à-dire qu'auparavant il y avait une formation spécifique pour les infirmiers en psychiatrie.
05:21 Depuis 92, 92-94, il n'y a plus cette formation, c'est-à-dire que ce sont des infirmiers diplômés d'état.
05:29 Donc c'est vrai qu'au niveau de la formation, il y a sûrement quelque chose aussi à faire pour qu'on puisse être préparé à affronter ce genre de situation,
05:36 parce que c'est relativement complexe, c'est pas évident du tout quand même.
05:40 Et au quotidien, vous le voyez, il y a des comportements que parfois vous ne savez pas comment gérer ?
05:45 Ben si, on a quand même des formations, on a eu des anciens en tout cas pour ma part, puisque je suis un peu ancienne dans la profession,
05:52 qui ont pu nous montrer. Mais il y a quelque chose qui pêche là et qu'il faut améliorer, ça c'est évident.
05:58 Au niveau de la formation, il faut améliorer quelque chose.
06:00 Dans le cas de l'hôpital de Reims, le patient qui a agressé au couteau l'infirmière et la secrétaire médicale souffre de schizophrénie et de paranoïa.
06:08 Il s'en était déjà pris à du personnel médical ces dernières années, il était connu de la justice aussi.
06:13 Un profil comme celui-ci ne devrait pas être pris en charge dans une structure à plein temps en fait ?
06:20 Est-ce qu'il aurait dû être là où il était en début de semaine ?
06:24 Clairement non, c'est sûr que là, la seule chose qu'on peut dire c'est que ce patient n'avait rien à faire là.
06:31 Et qu'au niveau de la prise en charge, il y a quelque chose qui ne s'est pas bien passé, c'est évident.
06:37 Ça veut dire qu'on manque de place dans les structures psychiatriques ?
06:40 Alors le manque de place, oui. Ce qu'on peut dire c'est que la politique de santé a voulu un ambulatoire plus important.
06:47 Mais le nombre de lits a diminué fortement depuis de nombreuses années.
06:52 Et ça c'est un souci. Ce qu'on peut constater sur Tuir par exemple, c'est des taux d'occupation maximum,
06:58 avec des activations de lits supplémentaires pour pouvoir accueillir les patients.
07:02 Et on a aussi des listes d'attente incroyables au niveau des CMP, pour des patients, c'est des centres médicaux psychologiques,
07:10 pour des patients qui demandent un rendez-vous, on a jusqu'à plusieurs mois d'attente.
07:14 Et ça c'est pas acceptable, un patient qui va mal, qu'on puisse le faire attendre comme ça.
07:18 Ça veut dire qu'à l'hôpital de Tuir, parfois vous laissez partir des gens qui devraient rester ?
07:23 Alors ça c'est compliqué de dire comme ça. C'est sûr que les patients sont vus,
07:28 mais c'est évident que le manque de place, à un moment donné, c'est pas favorable à ce que le patient reste davantage, c'est sûr.
07:41 On entendait dans les témoignages tout à l'heure, dans les infos sur notre antenne,
07:46 certains de vos collègues à l'hôpital psychiatrique de Tuir parlent de délabrement de la psychiatrie en France, vous êtes d'accord ?
07:52 Délabrement oui, du fait du manque de médecins, du manque de soignants, c'est évident que oui.
07:58 Voilà, pour revenir à ce qu'on disait, des listes d'attente pareilles, des patients qui attendent,
08:02 et ne parlons même pas des patients qui attendent aux urgences de Perpignan pour être admis à l'hôpital de Tuir,
08:09 c'est au milieu des autres patients, c'est très compliqué.
08:13 Alors justement, la situation des urgences, elle est aussi très compliquée.
08:16 Vous avez rencontré hier l'Agence régionale de santé, c'était cette semaine.
08:21 Est-ce qu'il y a espoir que la situation s'améliore pour les urgences de l'hôpital de Perpignan ?
08:25 Alors pour les urgences de l'hôpital de Perpignan, la situation est critique depuis plusieurs années,
08:29 toujours pareil, carence de médecins est très importante.
08:31 Au niveau de l'équipe paramédicale, ça s'est un peu stabilisé.
08:34 Il y a certains protocoles qui sont mis en place pour que la situation se règle,
08:38 mais clairement à ce jour, c'est toujours très compliqué.
08:41 Mes collègues décrivaient que pour une journée qui se passe bien, il y en a cinq ou six qui se passent mal.
08:46 Et qu'est-ce que l'Agence régionale de santé vous a dit alors ?
08:49 Alors l'Agence régionale de santé travaille avec le directeur à prévoir des services qui soient annexes
08:57 pour favoriser les flux, etc.
08:59 Mais clairement, on n'y est pas encore.
09:04 Et puis vous vous battez aussi pour améliorer la situation dans les EHPAD du département.
09:08 Vous demandez des rallonges budgétaires notamment. Est-ce que c'est en bonne voie ?
09:12 Alors là, nous avons rencontré l'ARS, puisque les deux payeurs c'est l'ARS et le conseil général.
09:17 Et nous avons demandé une réunion conjointe pour que les deux payeurs, en tout cas des EHPAD,
09:23 puissent nous répondre et qu'on ait une situation claire sur les budgets qui sont alloués aux EHPAD.
09:29 Parce que là, on se retrouvait pour cette année avec des déficits astronomiques au niveau des EHPAD
09:35 qui nous faisaient craindre le pire pour la suite.
09:39 Et vous réclamez donc aussi des moyens supplémentaires aux urgences des hôpitaux psychiatriques,
09:44 dans les hôpitaux psychiatriques de cours. C'est ce que vous êtes venu nous expliquer ce matin,
09:48 après la mort d'une infirmière à Reims en début de semaine.
09:50 Merci beaucoup Marie-Josée Bechtari, vous êtes infirmière à l'hôpital psy de Thuir et responsable force ouvrière.
09:56 A bientôt.
09:57 Merci.
09:58 Et réécoutez notre invitée sur le site de France Bleu Roussillon, tout de suite.
10:01 La playlist catalane, c'est sur France Bleu Roussillon.

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