Fillette retrouvée morte dans les Vosges : le suspect muré dans le silence

  • l’année dernière

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités reviennent sur le meurtre d'une petite fille dans les Vosges.
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Transcript
00:00 Je me propose d'abord de partir en direction des Vosges,
00:03 puisque après le meurtre de cette petite fille de 5 ans,
00:05 l'adolescent de 15 ans, qui a été interpellé et placé en garde à vue,
00:09 a invoqué son droit au silence.
00:10 Il n'a donc donné aucune indication aux enquêteurs.
00:14 L'autopsie de la petite fille sera pratiquée demain.
00:16 On fait le point avec Sarah Fenzari.
00:19 Accompagnée de son père, Mélissa est encore sous le choc.
00:24 La veille du meurtre d'une enfant de 5 ans à Rambert-Villers,
00:28 le principal suspect l'aborde.
00:30 Il m'a dit qu'il vendait un bébé chat.
00:32 Et comme j'avais vu son sac à dos,
00:35 je lui ai demandé où il était exactement.
00:40 Et il m'a dit qu'il était chez lui.
00:43 Le bébé chat.
00:45 Et comme j'ai eu peur quand il m'a dit qu'il était chez lui,
00:48 parce que je savais qu'il me faisait un piège,
00:51 j'ai trouvé une excuse.
00:53 J'en ai déjà un à la maison, et après, je suis partie.
00:56 Mais il me suivait toujours.
00:57 Mélissa parvient à rentrer chez elle.
00:59 Ses parents savent qu'elle a échappé au pire.
01:02 Si son casier judiciaire est vierge,
01:04 l'adolescent est connu de la justice.
01:07 Âgé de 15 ans, il est déjà mis en examen
01:10 dans une autre affaire d'agression sexuelle et de viol sur mineurs.
01:14 Les faits remontent à février 2022.
01:16 Le jeune homme avait été placé en centre éducatif fermé
01:20 jusqu'en février dernier,
01:22 comme le confirme le procureur de la République.
01:25 Le placement a été levé début mars 2023,
01:30 avec un retour du mineur dans sa famille
01:33 et un accompagnement renforcé
01:35 de la part de la protection judiciaire de la jeunesse.
01:38 Lors de sa garde à vue,
01:40 le mis en cause a fait usage de son droit au silence.
01:44 À l'heure actuelle, nous n'avons donc aucune version,
01:49 nous n'avons pas sa version sur les faits qui lui sont reprochés.
01:54 Depuis, il faisait l'objet d'un suivi
01:56 par la protection judiciaire de la jeunesse.
01:59 Une expertise psychiatrique a déjà été réalisée concernant le jeune homme.
02:03 Elle avait conclu à une absence de troubles mentaux.
02:07 Maître Pierre-Henri Bovis,
02:09 la dangerosité de ce prévenu de 15 ans a-t-elle été bien évaluée ?
02:15 L'expertise qui a été menée lors de cette garde à vue
02:19 laisse penser qu'il y avait un très grand niveau de dangerosité,
02:23 étant donné qu'il est passé à l'acte.
02:25 C'est très compliqué pour un mineur d'évaluer la dangerosité.
02:28 C'est vraiment très compliqué,
02:30 à part si le mineur concerné est multirécidiviste dans des délits,
02:35 on peut parfois supposer qu'il peut passer au crime,
02:37 mais pour analyser un profil de criminel chez un mineur,
02:41 c'est très difficile et très délicat.
02:44 Là, en l'occurrence, il va être placé en examen,
02:46 ce serait le réquisition du procureur de la République,
02:48 certainement placé en détention provisoire.
02:50 Il faut savoir que la détention provisoire pour un mineur
02:52 n'est pas la même que pour un majeur,
02:54 donc on est sur des délais extrêmement restreints.
02:56 C'est-à-dire ? On parle de quoi ? De mois ?
02:58 Exactement, c'est en mois qu'ils peuvent être renouvelés.
03:01 Donc on n'est pas sur un délai de deux ans pour un adulte,
03:04 on est sur des délais courts,
03:05 pendant lesquels le juge d'instruction va devoir effectuer le maximum d'actes
03:09 pour déterminer les circonstances de la mort
03:12 et évidemment les motivations qui ont conduit ce jeune mineur
03:16 à bousiller littéralement deux vies,
03:19 évidemment celle de la petite fille et sa vie à lui,
03:23 puisqu'il va très certainement passer quelques jours...
03:26 En façon qu'il avait déjà été mis en examen
03:28 pour viol sur mineur de moins de 15 ans,
03:29 donc il y avait des antécédents,
03:30 il avait été placé en centre éducatif fermé.
03:32 Exactement.
03:33 Le procureur des pinales mentionne le fait
03:35 qu'il y avait peut-être une altération du discernement.
03:37 Est-ce que ça peut être une circonstance atténuante ou pas ?
03:40 Oui, complètement.
03:41 C'est-à-dire qu'il y a un principe dans notre droit
03:44 qui dit qu'on n'emprisonne pas les fous.
03:47 C'est un principe qui existe depuis très longtemps.
03:50 Et donc effectivement, si ce mineur a son discernement qui est altéré,
03:55 évidemment ce sera une circonstance atténuante
03:57 qui rentrera en ligne de compte lors de son procès.
04:00 Maître, juste pour être très clair,
04:01 il était donc sorti de ce centre éducatif fermé,
04:03 il était remis dans sa famille,
04:05 visiblement qui était une famille dysfonctionnelle,
04:06 néanmoins il avait une obligation de soin,
04:09 une obligation de formation.
04:11 Ça veut dire quoi une obligation de soin
04:12 quand on est remis dans sa propre famille ?
04:14 L'obligation de soin, malheureusement,
04:16 dans notre pays, elle est mal appliquée.
04:18 Parce que vous pouvez vous soustraire évidemment à cette obligation,
04:22 la justice après-derrière vous rattrape
04:23 et vous applique les sanctions qui sont prévues
04:26 si vous ne respectez pas cette obligation de soin.
04:28 Pour autant, c'est de la théorie.
04:31 C'est-à-dire qu'en pratique,
04:32 il faudrait un nombre considérable de personnel,
04:35 évidemment au service de l'application des peines,
04:38 pour suivre justement les obligations de soin,
04:41 mais aussi les différentes obligations
04:42 qui peuvent être imposées à ceux qui y sont soumis
04:45 pour voir si ces obligations sont respectées.
04:48 En pratique, ce n'est pas le cas.
04:49 Donc vous pouvez avoir une obligation de soin,
04:50 ne pas la respecter et être comme ça pendant plusieurs semaines,
04:53 voire plusieurs mois sans respecter cette obligation de soin,
04:56 mais qui peut aussi avoir des effets dévastateurs.
04:57 C'est-à-dire que si cette obligation de soin vous empêche,
05:00 vous pourrez vous empêcher du moins de récidiver
05:02 ou de commettre un nouveau délit ou un nouveau crime,
05:04 cette obligation, si elle n'est pas respectée,
05:06 pourrait conduire à cette récidive.
05:07 C'est pour ça qu'il sera intéressant de voir
05:09 ce que l'enquête va dire sur le fait
05:11 qu'il est vu au nom des médecins
05:12 depuis qu'il est sorti du centre éducatif fermé.
05:14 François-Olivier Gisberg,
05:15 est-ce qu'il y a eu des dysfonctionnements ?
05:17 La douleur de la famille est-elle ?
05:19 On ne le sent pas le dire.
05:20 Les Français se posent la question.
05:21 Comment on peut en arriver là ?
05:23 Ça arrive assez souvent,
05:24 mais là, franchement, pour l'instant,
05:27 vu ce qu'on lit,
05:29 je ne vois pas très bien où est le dysfonctionnement.
05:31 C'est-à-dire que le centre éducatif,
05:34 à un moment donné, il y a des procédures,
05:36 vous savez, c'est très compliqué, c'est très long,
05:38 les gens ne partent pas comme ça,
05:40 et puis c'est jamais une personne qui décide.
05:42 Et c'est pas l'histoire du juge d'instruction
05:44 qu'on désigne tout de suite
05:45 parce qu'il a laissé partir quelqu'un.
05:47 C'est tout à fait différent, le milieu médical.
05:49 Et puis, c'est vrai qu'il n'y a pas...
05:53 Comment dire ? Ça n'est pas encore
05:54 ce qu'on peut appeler un multi-récidiviste.
05:56 Et il est resté longtemps de ce centre éducatif.
06:00 Non, c'est une histoire atroce,
06:03 on a beaucoup de mal à en parler.
06:04 C'est... Enfin, comment dire ?
06:06 On est très gênés, d'ailleurs,
06:08 même quand on entend les informations à la radio, etc.
06:11 C'est juste horrible, ce qui peut arriver de pire.
06:13 Mais je vois pas très bien...
06:16 Comment dire ? C'est vrai que la première réaction,
06:17 c'est d'accuser, dysfonctionnement, etc.
06:20 Là, pour l'instant, en l'état actuel de l'enquête,
06:22 moi, je vois pas.
06:23 Jean-Sébastien Fergiou ?
06:24 Je crois que sans accuser,
06:26 parce que de toute façon, c'est certainement pas à nous
06:27 de faire une enquête,
06:31 par principe, et pas à distance,
06:33 quand on regarde le parcours,
06:35 mais c'est plus des questions peut-être théoriques
06:36 sur le genre de dispositif.
06:38 C'est pas forcément une responsabilité individuelle
06:40 de gens dans les chaînes qui auraient dysfonctionné.
06:42 C'est peut-être la loi elle-même qui dysfonctionne.
06:45 Si on peut pas garder un mineur même,
06:47 dont on sait qu'il est dangereux, a priori,
06:49 plus d'un an dans un centre éducatif fermé,
06:51 c'est une question.
06:52 Là, ça n'est pas celui qui applique la règle qui est en cause,
06:54 c'est celui qui a écrit la règle.
06:56 Autre point, moi, ce qui me frappe,
06:57 quand on voit manifestement,
06:58 en tout cas, si j'en crois les articles de presse
07:00 ou les éléments qui ont pu être avancés par le procureur,
07:03 il était issu d'une famille extrêmement dysfonctionnelle,
07:06 d'une famille manifestement violente.
07:08 Donc, un enfant qui, peut-être, n'a pas été protégé,
07:11 déjà, lui-même, dans son enfance,
07:13 parce que c'est aussi ça qui se passe,
07:16 et qu'on remet, finalement, dans un environnement...
07:19 On sait qu'il est lui-même une personnalité à risque,
07:22 identifiée comme telle,
07:23 parce que quand on s'est rendu coupable quand même de viol,
07:25 enfin, en tout cas, quand on est accusé de viol...
07:26 - De mineur, de dysfonctionnement.
07:28 - À l'âge de 14 ans.
07:29 Je pense que c'est quand même une indication de dangerosité,
07:31 même si rien n'est jamais écrit pour l'avenir,
07:33 et le remettre dans une famille
07:35 qui est elle-même totalement dysfonctionnelle,
07:37 on peut quand même se poser des questions.
07:39 Mais là encore, c'est le dispositif dans son ensemble.
07:41 - On imagine que l'aide sociale à l'enfance
07:42 avait sans doute pris des dispositions
07:44 pour remettre son mineur dans sa propre famille.
07:45 - Peut-être que, pour le coup,
07:47 il y a eu des questions de moyens, malgré tout,
07:49 de la capacité des services de protection de l'enfant
07:52 à, effectivement, enregistrer...
07:55 - Définitivement, il est protégé, nos enfants.
07:56 - Il a peut-être, des fois...
07:58 Peut-être, des fois, moi, j'en sais rien,
08:00 mais moi, j'attends surtout la fin de l'enquête,
08:02 et là, pour le coup, pour rétablir la vérité.
08:04 - C'est très compliqué, notre travail.
08:06 - Mais en fait, on veut tout de suite avoir le résultat de l'enquête.
08:08 C'est ça qui est compliqué.
08:09 Mais ensuite, en fait, dès qu'on a des faits...
08:12 Enfin, c'est pas un fait divers, mais dès qu'on est confronté
08:15 à des drames pareils, aussi sordides, aussi glauques, aussi sombres,
08:19 en fait, on a envie de se dire "mais qu'est-ce qui n'a pas marché ?"
08:21 Mais parfois, un système en soi ne peut pas être infaillible à 100 %.
08:24 C'est horrible à dire.
08:26 Et je suis...
08:28 Ça peut paraître peu passatif, mais je trouve...
08:30 Je suis plein de compassion pour la mère de cet enfant.
08:33 Et j'imagine... Je bondirais si ça m'arrivait moi-même.
08:36 Mais si vous voulez, on est dans un État de droit.
08:39 Il y a des systèmes qui existent.
08:40 Peut-être qu'il y a des dysfonctionnements.
08:42 Et après, il peut y avoir des dysfonctionnements humains.
08:45 Mais en fait, on peut tenter sinon de dire
08:47 "on va chercher un système positif, étanche, à 100 %,
08:50 hélas, ça n'existe pas."
08:52 - Il n'y a pas de risque zéro.
08:53 Mais il y a un drame, voilà.
08:55 On essaye d'avoir des réponses.
08:56 - Il y a un drame, on parlait de l'aide sociale à l'enfance.
08:58 Il faut quand même préciser qu'aujourd'hui, les ASE sont à peu près
09:01 à 120, jusqu'à 130 % de leur capacité.
09:04 - Exactement.
09:05 - Et donc là aussi, on peut se demander...
09:06 C'est une vraie question de fond sur l'aide sociale à l'enfance.
09:09 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a des mineurs,
09:11 non accompagnés notamment,
09:12 et peut-être qu'on en parlera au cours de cette émission,
09:14 qui font l'objet d'une prise en charge
09:15 par l'aide sociale à l'enfance,
09:16 dont la minorité est très souvent contestée.
09:19 Et aujourd'hui, on essaie de trouver des palliatifs,
09:22 en tout cas des moyens juridiques,
09:23 pour contester, du moins, montrer cette absence de minorité.
09:27 Mais le fait est que les ASE sont à 130 % de leur capacité,
09:31 en moyenne, en France.
09:32 - Pas dans tous les départements. - Pas dans tous les départements.
09:35 - On va t'enlever rapidement.
09:37 - Je pense qu'il faut faire très attention
09:38 avec des faits divers, surtout s'ils sont tragiques,
09:40 pour deux raisons.
09:42 D'abord, parce que quand on réfléchit
09:43 sous le coup de l'émotion, c'est extrêmement dangereux.
09:47 Sous le coup de l'émotion, on peut être tenté
09:49 soit de partir du principe qu'il y a un dysfonctionnement
09:51 avant d'avoir établi avec une enquête,
09:53 soit de vouloir immédiatement changer la loi.
09:55 Or, ça, c'est une contradiction dans les termes.
09:56 La loi, c'est ce qui est toujours universel,
09:58 c'est ce qui est général,
10:00 et le fait même qu'il y ait des juges,
10:01 des individus, des humains,
10:02 c'est d'essayer de faire cette dialectique
10:04 entre l'universel et le cas particulier.
10:06 Et donc, on ne peut pas, sur le cas particulier,
10:08 vouloir s'en prendre ou modifier l'universel.
10:10 Ça ne veut pas dire qu'il ne faut jamais changer les lois,
10:11 mais qu'on ne le fait pas sous le coup de l'émotion.
10:13 Et deuxième chose, il y a un texte de...
10:14 - On ne peut pas modifier la loi ?
10:15 On dit, voilà, un mineur de 14 ans
10:17 qui commet deux viols sur des enfants de 10 et 11 ans,
10:19 qui, un an après, tue une petite fille de 5 ans,
10:22 oui, ça pose question.
10:23 - Oui, mais on ne le fait pas, à mon avis,
10:24 sous le coup d'un fait divers.
10:26 Et la deuxième chose que je voulais dire...
10:27 - On le fait quand, alors ?
10:28 - On le fait dans le cas d'une discussion,
10:30 d'un débat politique,
10:32 parce que la loi, c'est de l'universel
10:33 et on réfléchit sur des cas généraux, me semble-t-il.
10:35 Et la deuxième chose que je voulais dire,
10:36 il y a un texte de Hegel qui s'appelle "Qui pense abstrait ?"
10:39 Où Hegel dit cette chose géniale,
10:40 c'est que ceux qui pensent abstrait,
10:42 ce ne sont pas tellement les philosophes,
10:43 et c'est vrai qu'Hegel a lui-même une plume très jargonneuse,
10:46 mais ce sont les gens qui commentent souvent
10:48 des faits tragiques, parce que précisément,
10:50 surtout quand on le fait au début,
10:52 parce que précisément, on commente toujours
10:53 avec des grandes catégories.
10:54 Un individu qui a commis tel acte et tel acte.
10:57 Alors qu'en fait, la réalité est précisément,
10:58 quand un romancier qui s'empare d'un fait divers,
11:01 il plonge dans la nuance, dans la complexité
11:03 - Mais là, on est dans la vraie vie, Nathan.
11:05 - Mais un romancier qui s'inspire d'un fait divers,
11:07 il peut être aussi dans la vraie chose.
11:09 - On va partir.
11:10 - On est dans l'émotion,
11:13 donc on a beaucoup de mal à résumer.
11:14 - Là, on peut faire fonctionner notre cerveau,
11:15 on peut poser des questions,
11:17 quand il n'a pas marché,
11:18 on a raté, où est-ce qu'on aurait pu intervenir ?
11:22 - L'enquête n'est pas finie.
11:23 On est dans l'émotion,
11:25 c'est une situation très compliquée.
11:27 - C'est pas l'émotion, c'est qu'est-ce qui s'est passé.
11:29 - Malheureusement, c'est comme ça
11:30 que fonctionne le débat public.
11:31 On parle de ces questions-là quand il y a des faits...
11:34 - Oui, je vous en parlais.
11:35 - Je vous rejoins absolument,
11:36 c'est qu'on n'a pas apprécié ce fait-là,
11:38 mais les questions de fond
11:39 sur la protection sociale en France,
11:40 il faut les aborder.
11:42 - On ne peut pas goûter
11:43 pour l'inflation dans les justes asies.
11:45 - Europe 1.
11:46 - 18h-19h.
11:47 - Punchline.

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