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Transcription
00:00 Quel est le point commun entre le PSG, M6 et le + de Canal+ ?
00:05 Le voici, il s'appelle Étienne Robial.
00:07 Vous ne le connaissez pas, sauf si vous êtes passionné de graphisme,
00:10 pourtant vous l'avez tous déjà vu, ici, ici et surtout ici.
00:14 Dans les années 80, il a révolutionné nos écrans en créant le concept d'habillage télévisuel.
00:19 1982.
00:22 François Mitterrand vient d'être élu,
00:24 Thriller va devenir l'album le plus vendu au monde
00:27 et on fume sur les plateaux d'Antenne 2, l'une des trois chaînes de télé.
00:30 Étienne Robial, lui, est éditeur de bandes dessinées.
00:32 Il est passé par les Beaux-Arts et a cofondé la librairie Futuropolis,
00:36 qui se démarque en imposant sa patte graphique sur les couvertures des livres.
00:39 Un client passe régulièrement à la porte du magasin du 15ème arrondissement de Paris,
00:42 un certain Pierre Lescure, futur directeur de Canal+,
00:45 qui est pour l'instant chef du divertissement et des variétés à Antenne 2.
00:49 Pierre Lescure, qui est client de ma librairie et qui va me demander de faire des trucs,
00:55 c'est assez flou, sur une nouvelle émission qui va s'appeler "Les enfants du rock".
00:59 Je dis à Pierre Lescure "bah j'ai jamais fait ça"
01:02 et il me dit "précisément, comme j'aime bien la façon dont tu présentes tes bouquins,
01:06 j'aimerais bien que tu réfléchisses à la façon dont on pourrait présenter cette émission".
01:11 Il en ressort un générique simple et coloré, pour une émission au ton espiègle.
01:16 Donc on va retrouver tous les voyous du début,
01:20 c'est un petit côté bande de potes.
01:22 Les voyous du début, c'est Antoine Decon, Alain Chabat, Marc Toesca, Alain De Greff,
01:27 qui seront tous des transfuges vers Canal.
01:29 La bande de potes ne le sait pas encore, mais dans un joyeux bordel fait de travail et de créativité,
01:34 elle façonne ce qu'on appellera plus tard l'esprit Canal.
01:37 Le vent de libéralisation qui souffle sur l'économie
01:39 ouvre un espace pour la création de chaînes supplémentaires.
01:42 Et le 4 novembre 1984,
01:44 Il est 8h, ouverture de l'antenne de Canal+.
01:47 La 4ème chaîne importe le concept de HBO, une chaîne américaine,
01:51 d'associer sport et cinéma sur abonnement.
01:53 Étienne Robial est chargé de créer de zéro une identité visuelle complète.
01:57 Il trace une grille, élue de le plus en toutes lettres, au profit du symbole, plus court et identifiable.
02:02 Mais quelle typographie utiliser ?
02:04 Robial prend le Futura, une police dessinée dans les années 20 par un graphiste allemand, Paul Renner.
02:09 Sauf que pour l'adapter aux contraintes techniques des synthétiseurs,
02:11 les machines qui génèrent les textes à l'écran, il doit l'incliner un peu.
02:14 Et voici la police maison de la chaîne cryptée, qu'il utilise partout.
02:18 Mais alors partout.
02:19 Pour imprimer son magazine, pour indiquer la direction des toilettes, de la sortie ou de l'ascenseur,
02:26 ou de la place du parking, ce sera toujours le Futura.
02:29 Comme la chaîne est mêlée 24h/24, le designer reprend l'idée d'une horloge,
02:33 avec une ellipse qui accompagne les génériques.
02:36 Et qui va se figer à chaque heure de la journée, vers le midi, jaune l'après-midi, orangé le soir,
02:43 rouge la nuit, violet la nuit, bleu le matin de bonne heure, et ainsi de suite.
02:48 Il conçoit aussi toute la signalétique visuelle, les jingles, les génériques, les bandeaux.
02:53 Je dis à Pierre Lescure, je vais te faire une diarhe de robe avec 3 pantalons, 3 vestes, 3 chemises, 3 cravates.
03:01 Tu vas pouvoir combiner le pantalon 1 avec la veste 2 et la cravate 3,
03:05 et ainsi de suite, ce qui fait des centaines, des centaines, voire des milliers de combinaisons différentes.
03:11 Etienne Robial reprend les principes de l'édition avec une idée principale.
03:14 L'identité graphique doit permettre, plus que de faire joli, de savoir où on est.
03:18 Une émission, elle est structurée comme un bouquin.
03:21 Le générique début, c'est la couverture, et le générique fin, c'est la quatrième du bouquin,
03:28 qui est structurée avec des chapitres, avec des virgules, avec des sous-titres, avec des gros titres.
03:34 Là, c'est simplement des signaux, des panneaux de signalétique qui indiquent qu'il y a un film,
03:39 un match de foot, un match de rugby, une corrida.
03:42 Si c'est un film pour les enfants, ou un film de cul, ou un film pour les adultes, ou un film familial.
03:49 L'identité sonore aussi est très forte.
03:50 Certains invités sont mis à contribution, comme Michel Jonas, qui signe le "kia" du générique cinéma,
03:58 "Moi, c'est le bon kia"
04:00 ou Dominique Rocheteau, un joueur du PSG, qui donne le coup de sifflet du générique des sports.
04:04 Le but, c'est d'identifier.
04:07 Le grand danger dans la télévision, c'est la mémorisation.
04:11 Il ne faut surtout pas mémoriser.
04:12 Si on passe toujours le même domino, ça suce très très vite.
04:16 D'ailleurs, Etienne Robial avait écrit une thèse sur les dominos pendant ses études.
04:19 Cet obsédé des quadrilatères utilisera le rectangle lors de la refonte de l'identité de Canal en 1995,
04:25 un motif déclinable presque à l'infini.
04:27 Le directeur artistique décide de tout en matière graphique, jusqu'aux couleurs que portent les présentateurs.
04:32 Il demande par exemple à Agnès B de concevoir des vêtements gris, noir, blanc,
04:36 pour servir de faire-valoir à l'invité en plateau, et rester en harmonie avec les couleurs du groupe.
04:40 Cette mainmise lui vaut le surnom de l'ayatollah,
04:43 et une marionnette au guignol de l'info, programme phare de la chaîne.
04:45 T'apportes ton nouveau costume sur la photo, c'est pas bon, ça porte l'image de la chaîne.
04:49 Le concept d'habillage télévisuel va investir toutes les chaînes qui se multiplient.
04:53 Robial est mandaté pour faire la même chose chez M6.
04:56 Il y aura ensuite la 7, Futur Arte, puis RTL9.
04:59 Avec toujours une idée centrale.
05:01 D'aller à l'essentiel, d'être efficace, et de n'apporter que ce dont l'habillage est destiné.
05:07 C'est pas d'évoquer ou de passer des messages et autres,
05:10 c'est simplement de dire que dans quelques secondes, il y a un film, un match de foot,
05:14 un plateau, ou telle ou telle émission.
05:17 En 25 ans à Canal, Etienne Robial compte 4700 génériques à son actif.
05:21 Sa leçon, c'est que détourner une contrainte, comme le manque d'espace ou de moyens,
05:25 peut permettre d'ériger la simplicité en images de marque.
05:28 [Musique]

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