Chroniqueur : Thomas Sotto
Ce matin, Thomas Sotto reçoit Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidentielle, présidente de « Désir d'avenir pour la planète », dans les 4 vérités.
Ce matin, Thomas Sotto reçoit Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidentielle, présidente de « Désir d'avenir pour la planète », dans les 4 vérités.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00 *Générique*
00:03 Bonjour et bienvenue dans les 4V, c'est Golan Royale.
00:05 Vous l'oubliez donc ce livre "Refuser la cruauté du monde, le temps d'aimer est venu".
00:09 Alors je vais vous lire, j'ai choisi de structurer ce livre en me demandant comment l'action politique pourrait reconquérir le cœur des peuples
00:15 et de placer la politique sous la protection de l'amour.
00:18 Dans une époque qui semble ériger le cynisme en vertu cardinale,
00:21 on se dit qu'écrire "Refuser la cruauté du monde, le temps d'aimer est venu"
00:25 c'est soit très osé, soit très naïf, soit complètement hors sujet.
00:28 Pourquoi ce choix, c'est Golan Royale ?
00:30 Ce choix il est né de l'effondrement des tendresses pendant le confinement.
00:35 D'ailleurs je commence par le récit d'une visite à ma maman qui était dans un Ehpad,
00:39 qui a quitté ce monde peu de temps avant le confinement d'ailleurs.
00:43 Et j'arrive pour la voir et elle me dit "Mais est-ce que tu as prévenu que tu venais ?"
00:47 Et je lui dis "Oui j'ai prévenu" et elle me dit en éclatant de rire "Ah je comprends, on m'a nettoyé de fond en comble jusqu'entre les doigts de pied".
00:55 Et j'ai accompagné cette vie, je n'ai pas envie de dire de fin de vie,
00:59 c'est-à-dire à une période où les très anciens deviennent fragiles comme du cristal,
01:04 où tout les bouscule et on vient pour les accompagner et puis à un moment on se rend compte que ça nous fait du bien aussi à nous.
01:11 Et au fond on accomplit des gestes qu'on n'avait même pas imaginé accomplir.
01:16 Ça vous a réveillé vous aussi en quelque sorte ?
01:19 Alors qu'on est caressé quand on vient au monde par sa mère et en fin de vie on la caresse,
01:24 on lui dit qu'on l'aime etc. Et quand le confinement s'est abattu sur les gens et en particulier sur les EHPAD,
01:31 j'ai vécu viscéralement ce moment d'angoisse, j'ai vu l'affolement dans la solitude des anciens,
01:39 j'ai vu la souffrance des familles qui ne pouvaient pas rendre visite à leurs parents ou leurs grands-parents,
01:44 qui ont été privées aussi de l'accompagnement et des obsèques avec des traumatismes je pense durables.
01:51 Et je me suis demandé pourquoi est-ce que la politique était devenue aussi inhumaine et aussi cruelle et que ce n'était pas une fatalité.
02:00 Vous n'avez pas assez de mots assez durs avec les politiques.
02:02 Vous décrivez notamment un monde où les comptables ont totalement remplacé les humanistes.
02:06 Vous écrivez aussi que la politique est souvent obsédée par ce qui l'a précédé.
02:09 Elle est une agitation destructrice. Vous faites un constat.
02:13 Mais on a envie de vous dire que ça fait des décennies que vous y êtes dans la vie politique.
02:16 Vous avez été ministre, les plus hautes fonctionnaires dans ce pays.
02:19 C'est quoi ? Ça a été un électrochoc ce confinement ? Il y a eu un avant, un après ?
02:22 Ça vous a réveillé vous aussi en quelque sorte ?
02:24 Je pense que vous avez raison. Il y a eu une accumulation de choc depuis des années.
02:27 Il y a eu une destruction systématique avec la mondialisation financière et la féroce loi du profit média.
02:35 Il y a eu une destruction depuis maintenant plusieurs années de ce qui fait le modèle français,
02:40 de ce qui fait notre solidarité, de ce qui fait notre sécurité sociale.
02:43 Et je m'inscris d'ailleurs dans la continuité de Stéphane Essel qui dit…
02:46 Vous le citez beaucoup, son livre indignez-vous.
02:48 C'est tellement d'actualité encore ce qu'il a dit, lui qui a été un fondateur de la sécurité sociale.
02:52 Il dit mais comment se fait-il qu'aujourd'hui les pouvoirs publics nous disent qu'il n'y a plus de moyens
02:57 pour consolider les acquis sociaux et même pour les renforcer,
03:00 alors que la France a aujourd'hui beaucoup plus de moyens, beaucoup plus d'argent qu'à la libération
03:04 où on n'avait rien et où pourtant on a créé la sécurité sociale.
03:08 Et donc c'est ce patrimoine commun qu'il faut absolument défendre.
03:12 Et je pense en effet qu'avec de la… Vous savez, une nation, un peuple, c'est comme une famille.
03:18 C'est comme une famille.
03:20 Pour faire grandir une famille, qu'elle soit heureuse, qu'elle s'épanouisse, qu'elle conquiert son autonomie,
03:26 il faut de l'amour, il faut un projet, il faut l'encourager, il faut de la justice.
03:31 Sauf que là, c'est une famille qui ne s'entend pas très très bien.
03:34 Ce n'est pas un essai philosophique assez bien.
03:36 Un livre qui est politique est très ancré dans l'actualité.
03:38 Oui, mais il ne faut pas de la cruauté.
03:39 Vous parlez de la réforme des retraites justement.
03:40 Pour élever un pays, il ne faut pas de la cruauté.
03:41 Et vous dites que cette réforme, elle a été instruite, construite avec cruauté.
03:46 Ce texte, il a été voté par le Sénat ce week-end.
03:48 Est-ce que vous parleriez, comme Laurent Berger, à ce sujet d'une crise démocratique ?
03:52 Oui, c'est une grave crise démocratique.
03:55 D'ailleurs, moi, je voudrais rendre hommage à ceux qui descendent dans la rue,
03:59 qui perdent leur salaire, qui prennent sur leur temps,
04:01 pour essayer de résister à ce basculement, à ce déclassement, à ce déclin.
04:06 Vous êtes allée manifester ?
04:07 Non, parce que je ne vais pas manifester en général pour des raisons d'abord de sécurité.
04:10 Je ne veux pas récupérer non plus un mouvement social, mais je suis de tout cœur avec eux.
04:15 Comment on en sort maintenant ?
04:16 Je vais vous dire pourquoi il y a 80% des Français qui sont contre cette réforme.
04:19 Parce que ça va au-delà de la question de la défense des retraites, qui est déjà importante.
04:23 Pourquoi prendre encore un coup sur la tête après le confinement, après la crise de l'inflation,
04:29 après la petite épargne aujourd'hui qui est spoliée,
04:32 puisque avec la hausse des taux d'intérêt, les banques ne rémunèrent pas l'épargne au niveau de l'inflation.
04:37 Donc il y a tout un système où les Français ont parfaitement compris
04:41 qu'il n'y a pas de besoin de financement pour les retraites.
04:43 Il y a juste un besoin d'une plus juste répartition des ressources.
04:47 Et ce qui est en jeu dans la défense des manifestations et de l'hostilité des Français,
04:53 ce qui est en jeu, c'est la défense du modèle social français et le refus du déclassement.
04:58 Et ça, c'est très important.
05:00 Et donc la crise démocratique, oui, elle est là.
05:02 Et j'espère que ce n'est pas terminé.
05:04 J'espère qu'il va y avoir une initiative au Parlement.
05:08 Comment on en sort ?
05:09 On en sort, je pense, par un référendum.
05:11 Mais le gouvernement ne veut pas.
05:13 Le gouvernement ne veut pas.
05:14 Mais dans la Constitution, il y a un référendum d'initiative partagée qui existe,
05:18 qui doit être signé par un cinquième des membres du Parlement,
05:21 appuyé par un dixième des électeurs inscrits.
05:24 C'est beaucoup, hein ?
05:25 Ça fait 185 parlementaires et ça fait 4 millions et demi de personnes à peu près qui le veulent.
05:28 Oui, mais est-ce que l'enjeu n'en vaut pas la peine ?
05:30 Est-ce que aujourd'hui, la défense de cette protection sociale
05:36 et l'idée de se dire qu'il y a un autre modèle de développement possible pour la France
05:41 et l'idée de refuser aussi pour les jeunes,
05:44 parce que ce qui m'a aussi motivée dans ce livre,
05:46 c'est de constater qu'aujourd'hui, pour la première fois,
05:50 on a des jeunes qui vous disent "mais à quoi bon mettre des enfants au monde ?"
05:54 Vous avez cette phrase terrible.
05:55 Une alerte doit être entendue, celle qui fait dire à certains jeunes
05:57 que si ce monde reste ce qu'il est, il serait insensé d'y faire naître des enfants.
06:01 C'est dur de rester optimiste avec ça, non ?
06:03 Oui, mais je pense que je reste optimiste parce que je pense qu'il y a d'autres façons de faire.
06:08 Redonner une espérance aux jeunes pour qu'ils aient envie à leur tour d'avoir des enfants,
06:12 c'est quand même un projet de société absolument majeur.
06:15 Et quand vous considérez aujourd'hui que la baisse du nombre de naissances
06:18 nous remet au niveau de la France de 1946,
06:21 c'est-à-dire avant tous les efforts de politique familiale,
06:24 parce qu'il y a un écroulement des services publics, ça n'est pas acceptable.
06:28 Donc il faut vraiment un sursaut et il faut vraiment remonter la pente.
06:32 Et je ne comprends pas que, par exemple, les centristes,
06:34 qui traditionnellement se disent humanistes, ou même le gaullisme social,
06:37 aient pu voter la destruction du système, la baisse des retraites.
06:42 C'est incompréhensible.
06:44 Donc vous proposez un référendum d'initiative partagée que les parlementaires s'en saisissent.
06:47 Oui, parce que je pense qu'il faut sortir de la pénurie.
06:49 Qu'est-ce qu'on a aujourd'hui ? On a une pénurie de santé, une pénurie d'éducation,
06:51 une pénurie d'énergie. Je raconte d'ailleurs, je révèle dans ce livre,
06:56 la circulaire qui a été envoyée, où on dit aux préfets de mentir pour faire croire aux gens,
07:00 pour leur couper le courant, alors que c'était complètement faux.
07:03 C'est-à-dire la politique par la peur et la politique par la menace,
07:07 ou par le pire est devant nous, c'est quelque chose qui est inacceptable.
07:11 Vous évoquez aussi la guerre. Le monde entier découvre,
07:13 médusé et en colère, je vous lis encore, les milliards qui arrivent pour les armes,
07:17 alors qu'ils étaient introuvables pour lutter contre les désastres du dérèglement climatique,
07:20 contre la misère, contre le manque d'écoles, ou encore pour l'énergie, l'agriculture et l'industrie,
07:24 et donc contre les migrations massives, générant conflits armés et terrorisme.
07:27 Il ne fallait pas dépenser tout cet argent pour aider l'Ukraine, c'est le moindre réal ?
07:30 Il fallait anticiper, surtout. Comme dit le pape François dont vous venez de parler,
07:34 la guerre, c'est la pire des choses que l'humanité peut se faire à elle-même.
07:38 Vous dites qu'il n'est pas trop tard pour se ressaisir et terminer cette guerre
07:40 en pensant aux aspirations des peuples. Mais il ne vous a pas échappé que dans cette guerre,
07:43 il n'y a qu'un seul agresseur, c'est Vladimir Poutine.
07:45 C'est pour ça que la médiation est difficile, c'est pour ça qu'elle n'est possible que si l'Ukraine en est d'accord,
07:50 c'est pour ça qu'il faut aider l'Ukraine aussi à se remettre autour de la table,
07:53 c'est pour ça que la responsabilité des pays qui sont membres du Conseil de sécurité,
07:58 c'est-à-dire les États-Unis, la France et la Chine, par exemple, pour une fois,
08:01 pourrait se mettre ensemble pour essayer de pousser en avant une médiation.
08:04 Mais là on a dépensé trop d'argent pour l'Ukraine, pour dire les choses clairement ?
08:06 Non, parce que là, maintenant, les choses sont faites, si vous voulez, mais il faut y penser avant,
08:10 car on le savait qu'il allait y avoir cette agression.
08:12 Donc pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu de déploiement des forces d'interposition,
08:15 de casques bleus sur la frontière pour empêcher l'agression ?
08:18 Par exemple, la question de la prévention des crises et de la prévention des guerres,
08:21 c'est un sujet majeur qui aujourd'hui n'est pas clairement posé
08:24 et qui doit être une priorité au sein du Conseil de sécurité de l'ONU.
08:28 Vous parlez aussi du populisme. Je n'utilise jamais ce mot, écrivez-vous,
08:31 parce qu'il y a peuple et que j'y sens une sorte de condescendance, une sorte de snobisme.
08:34 En fait, ce mot populisme est celui d'une pensée politique à bout de souffle,
08:37 une paresse intellectuelle. Sauf que vous l'avez déjà utilisé, vous, ce mot populisme.
08:41 Ça vous est arrivé ?
08:42 Non, jamais de façon péjorative.
08:44 Après le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble, le discours de Grenoble, vous dites
08:48 « L'intervention du président Sarkozy marque une nouvelle étape dangereuse et indigne
08:51 dans une surenchère populiste et xénophobe ». C'est vous ça, juillet 2010 ?
08:54 Oui, mais peut-être associée à xénophobe, oui peut-être.
08:57 Ce n'est pas un peu la méthode Ségolène Royal, ça. On fonce, on se dit ce qui est aussi une qualité,
09:00 mais on se dit, on y va au bulldozer, on se dit bon, ça passera, quitte à s'arranger un peu avec la vérité.
09:04 Non, je ne crois pas. Je pense qu'il y a une volonté de sincérité.
09:07 Et puis, c'est l'engagement de 30 ans de ma vie dans la politique.
09:11 Et voir ce qu'elle devient, c'est de ne pas accepter de ce déclin et de se dire finalement que parler, écrire, c'est déjà agir.
09:19 Et c'est souhaité. Ce n'est pas un livre contre le pouvoir en place ou ce n'est pas un livre politicien.
09:23 C'est un livre pour l'éveil des consciences.
09:28 Et se dire que parler, ça peut peut-être influencer ceux qui sont aujourd'hui aux responsabilités,
09:32 qui ont une parcelle de pouvoir et qui doivent penser qu'on ne peut pas agir sans aimer le peuple français.
09:38 Sans donner de l'affection et sans se mettre à la place de ceux qui souffrent pour dire, non, il y a une alternative.
09:44 On dit souvent que dans l'amour, le meilleur moment, c'est quand on monte l'escalier.
09:47 L'attente amoureuse est un enchantement, écrivez-vous. On pourrait dire, en transposant la politique,
09:50 que cet enchantement est le moment de la campagne électorale.
09:53 Mais l'attente vaine conduit à un état de sidération, puis à la colère et enfin le rejet peut remplacer l'amour déçu.
09:59 C'est ainsi que plus on place d'espoir dans un pouvoir, plus le retour de flamme est sévère quand cet espoir est déçu, comme en amour.
10:05 Est-ce que vous êtes une amoureuse déçue politiquement par Emmanuel Macron ?
10:09 Je pense qu'il a de bonnes intuitions, mais qu'il ne va pas jusqu'au bout de ses intuitions,
10:13 parce qu'il est pris dans un système et dans une idéologie qui est une idéologie pernicieuse,
10:18 au sens où il est convaincu que seule la privatisation peut régler les problèmes,
10:24 et que c'est meilleur que le service public.
10:26 Il y a une forme d'aversion envers les services publics et envers l'État,
10:30 qui considère, et d'ailleurs la faillite de la banque des start-up devrait le rendre plus prudent,
10:35 vous voyez, la France n'est pas une start-up, non, la France est une communauté de destin,
10:40 et je crois que la privatisation détruit beaucoup de choses.
10:43 Regardez l'accident qui vient d'avoir lieu en Grèce, terrible l'accident de chemin de fer,
10:47 on les a forcés, l'Europe les a forcés à privatiser leurs compagnies de chemin de fer,
10:53 il y a eu un effondrement de la sécurité, et partout où il y a la privatisation des services publics,
10:59 et donc aujourd'hui le fait d'avoir donné ni consolation ni réparation au secteur de première ligne,
11:06 en particulier à l'éducation et à la santé, qui attendent désespérément d'être remises à niveau,
11:11 et qui ne le sont pas parce qu'Emmanuel Macron pense que ça va permettre la privatisation de l'éducation et de la santé,
11:18 et que ça marchera mieux, mais non, c'est notre patrimoine commun,
11:21 et nous devons absolument le défendre, et lui, il doit comprendre qu'en aimant un peu plus les Français,
11:27 la France et son histoire, il faut agir autrement.
11:30 Merci C.G.Loreal. Refusé de la cruauté du monde, le temps d'aimer est venu.
11:32 Livre publié aux éditions du Rocher qui sortira mercredi. Merci d'avoir pu nous voir.
11:36 Merci.