Réforme des retraites : "le mouvement est très loin de s’essouffler"

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00:00 On va tenter de déduire les conséquences de ce mouvement, voir en quoi cela peut influer
00:06 sur la suite de ce mouvement de refus face à cette réforme des retraites.
00:11 Avec vous Pierre Rouxel, bonjour.
00:12 Vous êtes maître de conférence en sciences politiques à l'université Rennes 2.
00:16 Le fait que cette journée d'action ait rassemblé le plus grand nombre de manifestants depuis
00:21 le début de la mobilisation en janvier, et ça, ni le gouvernement ni les syndicats
00:25 bien sûr ne le contestent, ça nous dit quoi de la dynamique du mouvement ?
00:28 Ça nous dit que le mouvement est très loin de s'essouffler aujourd'hui, ce qui ressort
00:35 encore une fois, c'est le caractère, vous l'avez dit, massif, exceptionnel de ce mouvement
00:40 social par les cortèges, encore une fois, fournis.
00:43 Vous avez parlé des grandes villes dans votre reportage, mais aussi dans tout un ensemble
00:46 de villes petites et moyennes, 8000 personnes à Quimperlé, 8000 personnes à Bourgogne-Jalieu,
00:51 c'est tout à fait massif et considérable, c'est un marqueur véritable de cette séquence
00:56 sociale, et également, et ça c'est peut-être la nouveauté du jour, une diversification
01:00 aussi des modes d'action avec des actions de blocage routier, de blocage économique,
01:05 et un regain, une intensification des grèves avec des secteurs qui entrent dans des grèves
01:12 reconductibles.
01:13 Ça oblige le gouvernement à tenir compte de ce front du refus, de cette opposition
01:18 qui s'exprime dans la rue à sa réforme, ou pas ?
01:20 Disons que le pari pour le moment du gouvernement, c'est justement de passer outre et d'enjamber
01:29 toutes ces protestations de rue, et c'est ce qui explique aussi, en retour, d'une certaine
01:34 manière, l'unité, la force de cette unité syndicale, qui est un second marqueur distinctif
01:39 ou fort de ce mouvement social, c'est-à-dire qu'on a une unité syndicale qui est tout
01:43 à fait improbable au regard des dix dernières années, et qui en fait a été largement
01:49 nourrie, alimentée par le raidissement, une forme de jusqu'au-boutisme gouvernemental
01:54 qui veut réformer aujourd'hui la protection sociale, aujourd'hui les retraites, hier
01:58 l'assurance chômage, sans tenir compte des organisations qui ont été à l'origine
02:03 historiquement, et les gestionnaires principaux de ces régimes de protection sociale en France.
02:08 Les transports à l'arrêt, le ferroviaire notamment, les raffineries également, les
02:13 syndicats ont réellement les moyens de bloquer le pays, comme ils l'ont dit ?
02:16 Alors, excusez-moi, je ne vous ai pas bien entendu.
02:19 Non, je vous demandais si les syndicats ont réellement les moyens aujourd'hui de bloquer
02:22 l'économie française, comme ils l'ont dit ces derniers jours.
02:25 Aujourd'hui, ils ont fait malgré tout la démonstration d'une forte capacité de mobilisation
02:31 très importante, pour autant, effectivement, aujourd'hui l'intersyndicale est d'une
02:37 certaine manière sur une ligne de crête, et il y a la nécessité de trouver des équilibres
02:42 entre d'un côté la nécessité de tenir compte des budgets contraints, du fait que
02:48 beaucoup de gens aujourd'hui ont du mal à boucler leur fin de mois, et de l'autre, la
02:52 nécessité de donner des soutiens, des points d'appui à des secteurs qui, eux, pour le
02:58 coup, souhaitent accélérer, durcir le mouvement, notamment par l'engagement dans des grèves
03:02 reconductibles, donc là, les secteurs de l'énergie, des transports.
03:06 Oui, mais pas dans toute l'économie.
03:08 Les syndicats appellent à deux nouvelles journées d'action, dont samedi.
03:11 Ça veut dire qu'on n'est pas sur une grève continue, comme cela avait été le cas en
03:13 1995, avec trois semaines de paralysie quasi totale du pays ?
03:17 Alors, non, pas dans tous les secteurs de l'économie, effectivement, et je pense que
03:22 justement, cette date du samedi 11 mars, donc dans une temporalité qui est très rapprochée,
03:27 rappelez-vous, les premiers appels à la mobilisation, il y avait près de 15 jours qui s'étendaient,
03:32 là on est sur trois jours, et donc c'est aussi d'une certaine manière le choix de
03:37 l'intersyndical de donner des appuis aux secteurs les plus mobilisés et qui, demain,
03:43 seront encore une fois en grève.
03:45 Le gouvernement lui a trouvé un accord avec la droite sénatoriale, c'est son projet
03:50 de loi, voté donc par les termes choisis par la droite majoritaire au Sénat, qui va
03:56 repasser devant l'Assemblée nationale.
03:58 Aujourd'hui, il y a une majorité, semble-t-il, pour ce texte, une majorité parlementaire.
04:02 Alors, du côté du Sénat, peut-être, du côté de l'Assemblée nationale, les comptes
04:10 resteraient à faire, il me semble que ce n'est pas si clair que cela, mais en tout
04:14 cas, on le voit bien, le gouvernement aujourd'hui ne mise que sur la procédure parlementaire,
04:23 c'est-à-dire qu'il s'affranchit de toute forme de démocratie sociale qui, pour lui,
04:28 ne rentre pas dans l'équation.
04:30 Il a abandonné complètement l'idée de trouver des accords avec les organisations
04:34 syndicales.
04:35 Les Français, si l'on en croit, les sondages rejettent massivement la réforme, mais dans
04:39 une proportion en fait équivalente, pensent qu'elle va néanmoins s'appliquer.
04:42 On avait vu en 2006 Jacques Chirac permettre l'adoption par l'Assemblée nationale à
04:49 l'époque du CPE, le contrat premier embauche, mais ne pas le promulguer face notamment à
04:55 la résistance de la rue.
04:56 Pensez-vous que cela sera le cas à l'avenir ou qu'au contraire cette réforme des retraites,
05:01 une fois votée, elle va s'appliquer ?
05:02 Évidemment, je n'ai pas de boule de cristal pour cela, mais ce que l'on peut dire, c'est
05:10 que la stratégie du gouvernement, ça a été celle de la guérir clair, c'est-à-dire
05:14 d'accélérer au maximum la procédure parlementaire pour finalement enjamber les protestations.
05:18 Mais d'une certaine manière, cette stratégie-là, elle peut aussi tout à fait se retourner
05:25 contre lui et on le voit bien que là, dans une séquence où on voit bien le temps parlementaire
05:30 se raccourcir, où il y a l'échéance de la commission mixte paritaire dès la semaine
05:34 prochaine, on voit bien qu'il y a une accélération par le mouvement syndical qui essaye de durcir
05:40 le mouvement dans une seconde phase qui a commencé aujourd'hui.
05:43 Aujourd'hui, ce sont les syndicats qui sont à la pointe du mouvement.
05:48 On a le sentiment d'ailleurs que la gauche et notamment la France insoumise a parfois
05:53 été dissonante par rapport à ce que souhaitaient les syndicats qui voulaient notamment voir
05:57 un vote se produire à l'Assemblée nationale sur le fameux article qui repousse l'âge
06:02 de départ en retraite.
06:03 Au final, qui sortira gagnant politiquement de ce mouvement ?
06:07 Très clairement, les organisations syndicales pour le moment jouent une partition qui est
06:14 quasi parfaite et elles en tirent largement les fruits je pense d'ores et déjà.
06:18 Ce qui est certain, c'est que quelle que soit l'issue de ce mouvement, les organisations
06:24 syndicales retireront des profits et un blason largement redoré.
06:30 Aujourd'hui, c'est un vecteur de participation très important.
06:34 Encore une fois, ce mouvement l'a rappelé pour les travailleurs et les travailleuses.
06:38 Et d'ailleurs, les chiffres d'adhésion dans toutes les centrales syndicales sont en augmentation
06:43 très net et significative.
06:44 Au sein de l'opposition, Pierre Rouxel, le Rassemblement national qu'on a moins entendu
06:48 mais qui a voulu camper une opposition plus responsable que la France insoumise, a-t-il
06:55 d'une certaine manière tiré les marrons du feu ?
06:57 J'ai envie de vous dire que tout dépendra de l'issue de ce mouvement.
07:04 L'issue du conflit et le camp vers lequel se la penchera sera un indicateur de cela.
07:11 Ce qui est certain, c'est que la stratégie du gouvernement aujourd'hui, c'est une stratégie
07:14 à haut risque au sens où s'il n'y a pas de passage en force, il y a un grand risque
07:20 effectivement de créer des désillusions et de venir grossir les rangs aux prochaines
07:24 élections du Front National, du Rassemblement national.
07:28 Merci Pierre Rouxel d'avoir été avec nous pour revenir sur cette sixième journée d'action
07:33 ici en France contre cette réforme des retraites.

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