- il y a 3 ans
Tous les dimanches, Aymeric Pourbaix et ses invités abordent l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique dans #EQE
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00:00 Chers amis, bonjour. Si Dieu est tout-puissant, comme le professent les chrétiens, pourquoi donc y a-t-il du mal ou des forces du mal à l'œuvre sur cette terre ?
00:10 Cet argument est très souvent opposé aux croyants et la question, à vrai dire, une des plus difficiles à résoudre.
00:16 Et pourtant, qui ne souhaiterait donner du sens au chaos qui nous environne ?
00:20 Dieu gouverne-t-il donc l'histoire ? Est-il à l'œuvre dans notre monde à travers ce qu'on appelle la providence divine ?
00:27 Et ce, même lorsque nous sommes submergés, voire découragés par les événements les plus terribles.
00:34 Pour en parler, nous sommes avec le père Joël Guibert, auteur de La Providence, un livre sur la providence,
00:40 avec également Jean-Christian Petitfils, historien, et puis également avec Romain de Châteauvieux,
00:46 qui vit l'espérance au jour le jour dans un quartier les plus pauvres de Santiago du Chili.
00:52 Bien sûr, Véronique Jacquier est avec nous dans cette émission en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
00:58 Mais tout de suite, les infos avec Éloi Rojourin.
01:01 Bonjour Éloi, et on commence avec vous par la réaction de l'Église au vote du Sénat sur l'avortement.
01:18 Bonjour Émeric, bonjour à tous. Le Sénat valide une étape supplémentaire vers l'inscription de l'avortement dans la Constitution.
01:25 Le 10 février prochain, les évêques de France opposés à ce projet appellent à une journée de jeûne pour la vie.
01:31 L'Église en effet considère que la vie est un don, du début jusqu'à la fin, et qu'on ne peut pas y toucher.
01:37 Inscrire dans la Constitution un droit à l'IVG, ça bouscule quand même considérablement notre perception de la société.
01:48 Ça veut dire qu'on inscrit dans ce qui est la structure de la société que la solution c'est de supprimer une vie qui est en train de se construire, qui va naître.
01:59 Faire un choix de journée de jeûne et de prière, ça nous permet d'entrer dans une prise de conscience plus grande.
02:06 Mais c'est aussi de manifester pour l'ensemble des chrétiens comment la vie fait partie des réalités premières
02:14 et vraiment essentielles de notre souci, de notre attention.
02:21 Le pape François conclut aujourd'hui sa tournée en Afrique, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.
02:27 Mercredi, plus d'un million de fidèles lui ont réservé un accueil chaleureux et ont participé à une messe géante sur l'aéroport de Kinshasa.
02:35 Reportage sur place de Mathilde Couvillère-Flornois.
02:38 C'est dans une atmosphère de grande joie que le pape François est passé au milieu de la foule dans sa papamobile.
02:47 Sous une chaleur écrasante, plus d'un million de fidèles se sont réunis pour assister à la messe papale.
02:52 Le souverain pontife est venu pour apaiser les cœurs.
02:57 Ainsi fait le Seigneur, il nous étonne, il tend la main lorsque nous sommes sur le point de sombrer, il nous relit quand nous touchons le fond.
03:05 Un message de paix très attendu par un peuple en proie à différents groupes rebelles à l'est du pays.
03:11 Lorsque nous voyons la manière dont les gens meurent, nous avons mal.
03:16 Nous nous disons quand est-ce que la voix des Congolais sera entendue dans le monde pour mettre fin à tout cela.
03:21 Parce que beaucoup des gens sont morts, les femmes violées et la souffrance, en bref, nous estimons être négligées.
03:27 Une ambiance festive la matinée qui a contrasté avec celle de l'après-midi.
03:32 Le pape François a offert sa bénédiction à des victimes du terrorisme à l'est du pays.
03:36 Une goutte d'espérance dans un océan de souffrance.
03:39 Déjà trois ans que la Birmanie est en proie à la guerre civile,
03:44 l'agent militaire au pouvoir s'attaque aux districts rebelles et des exactions commises contre les populations civiles,
03:51 et notamment les chrétiens se sont intensifiés.
03:54 Le père David Michael de Peña, prêtre birman, réfugié, nous a raconté l'enfer vécu par les chrétiens.
04:00 Un bon chrétien est aussi appelé à être un bon citoyen.
04:06 Et en tant que bon citoyen, les chrétiens se défendent et ils se battent pour la liberté.
04:12 Maintenant, ils sont persécutés à cause de ça.
04:15 Leurs villages et leurs églises sont incendiés, les militaires utilisent des armes lourdes pour attaquer les églises.
04:21 L'an dernier, à la veille de Noël, ils ont brûlé neuf camions où se trouvaient 44 personnes,
04:29 des personnes vivantes, parmi eux des catholiques, l'un d'eux était mon ami.
04:39 Ces persécutions n'empêchent pas les catholiques de se rendre dans leurs églises.
04:42 Et au contraire, les chiffres d'une étude américaine montrent qu'au Nigeria,
04:45 pays où les chrétiens, toutes religions confondues, sont les plus persécutés pour leur foi,
04:50 94% des catholiques interrogés disent assister à la messe tous les dimanches.
04:55 En deuxième position, le Kenya, avec 73%.
04:59 En France, ils ne sont que 8%.
05:04 Dans un rapport sur l'accès à la pornographie chez l'enfant et l'adolescent,
05:07 dresse un constat alarmant cette semaine.
05:09 Un enfant sur deux de moins de 12 ans a déjà regardé un film pornographique
05:13 et les conséquences sont désastreuses.
05:15 Les explications de Dorine Jarnias.
05:18 Dans un rapport publié cette semaine par l'Académie nationale de médecine
05:22 sur l'accès à la pornographie chez l'enfant et l'adolescent, le constat est sans appel.
05:26 On peut affirmer que même en l'absence de promotion officielle de la pornographie,
05:30 celle-ci est un phénomène d'ampleur croissante présent dans toute la société.
05:33 La faute notamment à la multiplication des contenus
05:36 et la facilité avec laquelle on peut y accéder.
05:38 Dans le monde, 25% du trafic web de vidéos est à caractère pornographique.
05:42 Alors les associations veulent alerter les pouvoirs publics
05:45 sur les effets pervers de cette culture porno.
05:47 La pornographie entraîne une addiction avec environ 10% des garçons
05:52 qui seraient addicts à la pornographie.
05:55 Les stéréotypes de genre qui sont renforcés,
05:58 puisque en général les femmes sont soumises, sont des objets sexuels,
06:01 les hommes eux sont plutôt en position dominante voire violente.
06:04 Ce rapport vient en complément de celui publié par le Sénat en septembre 2022
06:09 qui pointait les dérives de l'industrie de la pornographie.
06:12 L'Église catholique mettait l'oscille en garde depuis longtemps sur ce phénomène
06:15 qui selon le père Éric Jacquinet, fragilise toute la société.
06:19 Le principe de la pornographie c'est d'utiliser l'autre pour son propre plaisir.
06:23 Et donc si c'est vrai pour l'image que j'ai de l'autre,
06:28 que je vais utiliser pour ce roi, en fait c'est vrai pour l'ensemble des relations dans une société.
06:34 Après la publication de ce rapport, les associations attendent
06:37 que la Haute Autorité de Santé reconnaisse l'exposition des mineurs à la pornographie
06:41 comme un problème de santé publique, au même titre que l'alcool ou les drogues.
06:46 C'est la fin de votre journal, Emric, c'est à vous pour la suite d'Enquête d'Esprit.
06:50 Merci Eloi Rochebrune.
06:52 Dieu est-il vraiment tout puissant et à quoi sert sa providence
06:55 quand le mal nous environne ? Vaste question à laquelle nous allons tenter de répondre
06:59 avec nos invités aujourd'hui. Le père Joël Guibert, bonjour mon père.
07:03 Merci d'être avec nous. Vous êtes prêtre du diocèse de Nantes,
07:06 prédicateur de retraite en France et à l'étranger,
07:09 puis auteur aussi de nombreux livres de spiritualité.
07:11 Le dernier porte justement sur la providence divine
07:14 et tente de réhabiliter cette notion qui a été un temps abandonné.
07:18 On en parlera, c'est publié chez Arteige.
07:20 Avec nous également Jean-Christian Petitfils, bonjour.
07:22 Merci d'être avec nous. Vous êtes historien, auteur de nombreux ouvrages,
07:25 dont un magistral sur Jésus et puis le dernier en date porte sur le saint Suère,
07:30 le linceul qui a enveloppé le Christ à sa mort,
07:33 lequel linceul a échappé miraculeusement aux vicissitudes de l'histoire.
07:37 On en parlera avec vous.
07:39 Également en notre compagnie, Romain de Châteauvieux, bonjour Romain.
07:42 Bonjour.
07:43 Merci d'être avec nous. Vous êtes missionnaire en Amérique latine avec votre famille,
07:46 famille de six enfants. Vous vivez dans un des quartiers les plus pauvres
07:49 de Santiago du Chili où vous expérimentez au jour le jour l'espérance et même la joie.
07:54 Vous nous en parlerez et vous faites part de cette expérience étonnante
07:57 dans un livre « Misericordia », c'est le nom du centre missionnaire
08:01 que vous avez créé en 2016, justement au Chili.
08:04 C'est publié chez Première Partie.
08:06 Avec nous également Véronique Jaquet. Bonjour Véronique.
08:08 Bonjour à tous.
08:09 Alors a-t-on oublié la providence divine ?
08:13 En tout cas, nous sommes allés à la rencontre des Français dans la rue
08:16 pour savoir ce qu'ils en pensent. Dieu intervient-il vraiment dans l'histoire ?
08:20 Écoutez leurs réponses.
08:21 J'envis, enfin j'envis entre guillemets, les gens qui ne croient pas en Dieu
08:26 parce que quand il leur arrive des choses douloureuses dans la vie,
08:30 mais ils s'accrochent à quoi, je ne sais pas.
08:33 Moi en tout cas, tout ce que j'ai demandé à Dieu, je l'ai eu.
08:39 C'est une sorte d'orgueil prétentieux des hommes d'avoir créé le bon Dieu.
08:44 Elle favorise chez les gens une certaine satisfaction,
08:53 satisfaction, certaine joie.
08:56 Peut-être que croire en Dieu, c'est faciliter la tâche de vivre entre les hommes, c'est ça.
09:02 Mais c'est une illusion qui ne dure pas.
09:04 Heureux ceux qui croient sans avoir vu.
09:06 Et je fais partie de ces personnes.
09:08 Donc quand on dit que le Seigneur peut soulever des montagnes,
09:10 en effet, j'en ai eu la preuve plusieurs fois et encore aujourd'hui.
09:13 Il fait beaucoup de choses.
09:15 Déjà, cette grâce qui permet que je puisse me lever le matin, c'est déjà bien.
09:18 C'est déjà beaucoup le souffle de vie qui m'accorde et tout.
09:21 Et je ne sais pas, me protéger.
09:24 Quand je sors à chaque fois, je rentre chez moi sans un seau,
09:27 il protège ma famille, mes proches et tout.
09:29 Dieu envers chacun de nous, on est comme ses enfants.
09:34 Donc il pleure avec ceux qui sont martyrisés, qui sont violentés.
09:39 Mais il ne peut pas agir contre la volonté maléfique de quelqu'un.
09:45 Père Joël Guibert, première question pour vous.
09:48 Pourquoi a-t-on besoin de cette notion de providence divine,
09:52 de Dieu qui intervient dans la vie de chaque homme et de chaque femme ?
09:56 Si vous me permettez, le mot "besoin" me gêne.
10:01 Parce que, vous l'avez entendu, l'incroyant dit
10:06 que c'est une chose qu'on s'invente pour être bien une sorte de Dieu placebo.
10:11 La question est de savoir si Dieu est une personne vivante
10:14 et qu'il est un être personnel.
10:17 Et donc, de ce fait, quand je rencontre votre épouse,
10:21 supposons que vous avez besoin de votre mari.
10:24 Si c'est qu'une relation de besoin, ça ne dure pas longtemps.
10:26 Avec le Seigneur Jésus, c'est vraiment une relation d'amour.
10:29 C'est vraiment un cœur, une personne vivante en face
10:34 qui invite à une relation personnelle et gratuite.
10:37 Plus ce sera gratuit, plus je vais l'expérimenter,
10:41 plus Dieu, lui, pourra se donner.
10:43 Et donc, la providence, finalement, est cette gratuité
10:46 qui vient au secours des hommes quand ils en ont besoin ?
10:51 Dieu est offert. Vous l'avez entendu, la diversité des témoignages.
10:55 Il y a des gens qui croient, il y a des gens qui ne croient pas.
10:57 C'est déjà une première preuve qu'il ne viole pas la liberté
11:02 avec votre petit infotrottoir.
11:05 Véronique Jacquier.
11:06 Mais providence, ça veut dire quoi étymologiquement ?
11:09 Dieu pourvoit ? Ça veut dire qu'il nous donne ce dont on a besoin chaque jour ?
11:12 Et finalement, la foi, c'est croire en ça ?
11:15 Si vous allez dans le petit Robert, c'est exactement la définition, Véronique,
11:19 que vous donnez. Providentia, providere, pourvoir.
11:26 Si vous voulez la providence, c'est rien d'autre que le développement
11:31 de notre Père et le premier mot qui dit "papa".
11:35 C'est-à-dire un Dieu-Père qui a une sollicitude extraordinaire pour ses enfants.
11:40 Maintenant, cette sollicitude est extraordinaire,
11:44 mais elle est la plus délicate qui soit.
11:46 Jacques Maritain dit que Dieu est la personne la plus délicate
11:51 qui soit vis-à-vis de notre liberté.
11:53 Autrement dit, en face, on peut accueillir la providence ou la rejeter.
11:59 Lui, il restera fidèle, mais moi, je me priverai de ses dons, c'est certain.
12:04 On va approfondir tout cela, mais auparavant, Jean-Christian Petitfils,
12:07 quel est le regard de l'historien sur cette question-là,
12:10 de la providence divine, de Dieu qui intervient dans l'histoire ?
12:15 Dans l'histoire, ça pose quelques problèmes, on va le voir.
12:20 Moi, je crois pleinement à la providence, à la providence divine.
12:24 Je pense souvent à cette phrase de Jésus en saint Matthieu, chapitre 28,
12:29 « Je suis avec vous jusqu'à la fin des temps ».
12:31 C'est une phrase qui résonne beaucoup en moi.
12:34 Et bien entendu, je rejoins tout à fait ce que dit le Père
12:41 dans son livre tout à fait remarquable que j'ai lu,
12:44 et qui montre qu'on doit s'abandonner, on doit faire une pleine confiance.
12:50 Et tout cela rejoint, bien sûr, les prières de l'oraison,
12:53 la prière du cœur à cœur, être complètement dans les mains de Dieu.
12:57 Alors ça, c'est à titre individuel.
12:59 Sur le plan historique, là, on entre dans les causes secondes,
13:03 Dieu étant la cause première, bien sûr, Dieu menant l'histoire
13:06 jusqu'à sa fin, jusqu'à la parosie, jusqu'au retour du Christ.
13:10 Là, c'est peut-être plus délicat, parce qu'il y a le déchaînement
13:14 des violences, des haines, des ambitions.
13:17 Je crois qu'il y a deux écueils dont il faut absolument se garder.
13:22 C'est premièrement le providentialisme, c'est-à-dire croire que Dieu
13:27 mène tous les événements, y compris les événements les plus horribles.
13:32 Le providentialiste, un des maîtres du providentialisme,
13:36 c'est Joseph de Mestre, le Savoyard contre-révolutionnaire,
13:39 qui dit Dieu a déchaîné la révolution pour punir le peuple français
13:47 de la réforme, du jansénisme, du gallicanisme, des philosophes,
13:54 de Jean-Jacques Rousseau, et il va de ce mal sortir un bien.
13:58 Ça, c'est quelque chose d'inadmissible, en ce sens que Dieu ne peut pas agir
14:04 et envoyer le mal. Il peut permettre le mal, mais envoyer le mal
14:09 pour un bien sur le plan social, ça paraît tout à fait récusable.
14:14 Ça, c'est le premier écueil. Le deuxième, c'est...
14:19 Moi, j'aurais une certaine méfiance à l'égard de l'idée qu'il y a
14:24 une mission divine qui a été accordée à une nation en particulier.
14:28 On a l'exemple de la France. - La fillonnée de l'Église.
14:32 - Mais il y a des lettres absolument stupéfiantes.
14:35 Vous savez, le gesta dei per francos, la... - La geste de Dieu.
14:40 - La geste de Dieu par l'intermédiaire des francs de Guybert Nonogean,
14:44 au XIIe siècle. Vous avez une lettre de Grégoire IX, en 1239, à Saint-Louis.
14:49 "La France est le royaume de Dieu même. Les ennemis de la France
14:53 sont les ennemis du Christ." Quel pape on serait de dire ça, aujourd'hui ?
14:57 "Le royaume de France est au-dessus de tous les autres peuples.
15:00 Le Rédempteur a choisi de bénir le royaume de France
15:03 comme l'exécuteur spécial de ses divines volontés."
15:06 On a Bosué, qui nous dit "le trône royal n'est plus le trône d'un homme,
15:10 mais c'est le trône de Dieu lui-même."
15:13 Là, ça nous conduit à des erreurs, et même à ce qu'on voit aujourd'hui,
15:17 des confusions entre la politique et la religion.
15:20 À Moscou, le patriarche Kéril bénit les soldats en disant
15:23 "vos péchés sont pardonnés, parce que vous mourrez pour la patrie."
15:27 - Cependant, il y a quand même, et on le verra après la pub,
15:31 des interventions étonnantes, même d'un point de vue de l'historien.
15:35 Juste avant, Romain de Châteauvieux, vous, à votre niveau,
15:38 en 2023, vous vivez dans un quartier très pauvre de Santiago du Chili,
15:43 mais déjà, même avant cela, votre choix de vie,
15:46 avec votre famille, d'aller à la rencontre des plus pauvres en Amérique latine,
15:50 c'est une manière de s'abandonner à la Providence ?
15:54 - Oui, nous, on a reçu un appel, c'est de l'ordre de l'appel.
16:00 Quand on s'est mariés avec Réna, ma femme est brésilienne,
16:04 elle vient d'un quartier, d'une favela du nord-est du Brésil,
16:08 et on a reçu cet appel, on le partage souvent,
16:12 on dit que lors de notre mariage, on a demandé 3 cadeaux de mariage à Dieu.
16:16 Le premier, c'est le cadeau de la prière, d'être une famille qui prie.
16:20 Le deuxième, c'est la grâce de pouvoir être missionnaire
16:23 au service des pauvres, au service de l'Église.
16:26 Et le troisième, c'est de pouvoir s'abandonner à la Providence
16:29 et de vivre vraiment la simplicité de vie dans les mains du Seigneur.
16:33 Et pour nous, cette question du mal, ça fait 20 ans qu'on est au service des plus pauvres,
16:38 qu'on est confrontés tous les jours à ces personnes qui souffrent,
16:41 et c'est une question à laquelle je ne crois pas que logiquement
16:46 j'ai trouvé de réponse au bout de 20 ans.
16:49 Par contre, ce qui m'émerveille, c'est que depuis 20 ans,
16:52 je suis témoin de la réponse amoureuse de Dieu qui va à la rencontre de cette souffrance,
16:56 qui ne vient pas de Lui, Dieu ne veut pas le mal,
16:59 mais par contre, il le permet de manière mystérieuse.
17:03 Il répond avec vraiment, de manière très concrète, tous les jours,
17:06 à travers des missionnaires comme nous, mais aussi des prêtres
17:09 et des gens qui donnent leur vie pour consoler, relever, accompagner le peuple de Dieu.
17:13 Nous allons approfondir tout cela, bien sûr, dans la deuxième partie de cette émission,
17:17 juste après la pub.
17:19 Dieu gouverne-t-il vraiment l'Histoire ?
17:22 Vous restez avec nous, on y revient dans un instant.
17:28 De retour dans Enquête d'Esprit, nous parlons de la Providence divine.
17:31 Dieu est-il à l'œuvre dans notre histoire ?
17:34 Avec le père Joël Guibert, l'auteur de La Providence,
17:37 un livre publié chez Artege qui fait la synthèse de ce que dit l'Église à ce sujet.
17:41 Avec également Jean-Christian Petitfils,
17:44 auteur d'un dernier livre sur le Saint-Suer de Turin, chez Taillandier.
17:47 Avec également Romain de Châteauvieux, qui publie un livre, Misericordia,
17:51 aux éditions première partie, dans lequel il témoigne de son expérience
17:55 dans un quartier pauvre de Santiago du Chili.
17:58 Et bien sûr, Véronique Jacquier est avec nous dans cette émission,
18:01 qui est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
18:04 Pour démarrer cette deuxième partie, j'aimerais que l'on s'arrête un instant
18:07 sur une citation du pape Saint-Pidis,
18:10 qui déclarait, ça apparaît sur vos écrans, la citation est longue,
18:13 mais elle se termine, c'est la dernière phrase qui m'intéresse.
18:16 « Dieu ne peut ni nous tromper, ni se tromper lui-même ».
18:20 Ça veut dire, très concrètement, père Joël Guibert,
18:23 effectivement, cette providence, Dieu est tout-puissant,
18:26 et la providence est un instrument de cette toute-puissance, d'une certaine manière.
18:30 On parle d'infaillibilité.
18:33 C'est-à-dire que la providence, enfin Dieu n'est pas manchot.
18:37 Comme dit l'Écriture, « Il n'a pas le bras trop court, il arrivera à ses fins ».
18:42 Alors vous allez me dire, mais en écrasant l'homme ? Non, justement.
18:45 C'est ça, c'est ça, la grande différence avec nous,
18:49 c'est que Dieu est capable d'intégrer la liberté humaine,
18:52 à son plan providentiel d'amour, sans jamais donc écraser cette liberté.
18:58 C'est très subtil comme distinction.
19:00 C'est très subtil, pourquoi ? Parce que Dieu, ce n'est pas un homme agrandi,
19:04 et que son mode d'action n'est pas le nôtre.
19:07 Et nous, notre horizon dernier, c'est quelque part la transformation.
19:12 Mais la création appartient seule à Dieu.
19:15 Je vous signale, sans faire l'exégète de service,
19:18 que j'ai appris ça au séminaire,
19:21 qu'il y a 47 fois le mot « création » dans l'Ancien Testament, « bara »,
19:28 à chaque fois, c'est Dieu qui en est le sujet.
19:32 Autrement dit, l'action de Dieu, de la Providence,
19:34 c'est une action créatrice de l'être.
19:36 On ne peut pas prendre en flagrant délit Dieu d'agir.
19:40 Voilà pourquoi l'historien sera toujours un petit peu à court, et je le comprends.
19:44 Véronique Jaquiez.
19:46 Alors dans cette émission, on parle de, finalement, l'action de la Providence
19:49 dans notre histoire avec un petit « h », notre petite histoire et la grande histoire.
19:53 Mais dans notre petite histoire, à quoi on reconnaît les fruits de la Providence ?
19:58 Comment les discerner d'ailleurs ? Comment les voir ?
20:01 Sans la foi, ce n'est pas possible.
20:03 Le grand danger à propos de la Providence, c'est de dire
20:08 « faites-moi voir ce qu'il fait et j'y croirai ».
20:11 Très intéressant ce témoignage d'Hubert Reeve.
20:13 Hubert Reeve, vous savez, « La patience dans l'azur »,
20:17 avec sa barbe blanche de Père Noël.
20:20 Donc c'est un agnostique.
20:22 Et il dit ceci, ça m'a été rapporté par un ami médecin, donc scientifique,
20:26 « le très grand respect est pour la science dans la démarche et pour la foi ».
20:31 Il dit, généralement on dit, le langage populaire,
20:35 « moi les miracles, j'y croirai quand je les verrai ».
20:40 Eh bien, on devrait dire « je les verrai quand j'y croirai ».
20:44 C'est-à-dire que, regardez...
20:46 Ça veut dire qu'un miracle n'arrive pas par hasard ?
20:48 Un miracle n'est pas obligatoirement vu.
20:52 Il faut la foi, la preuve en est.
20:55 Énormément de gens non-cathos sont allés à Lourdes.
20:58 Et ils ont vu toutes ces béquilles.
21:00 Ils ont appris dans la radio et sur C-News, bien sûr,
21:03 qu'il y a pu y avoir une guérison par des gens à Lourdes.
21:06 Est-ce que ça fait automatiquement la France catho ?
21:08 Pas du tout !
21:09 Parce que si t'as pas les yeux de la foi, tu verras pas.
21:12 Donc il faut commencer par la foi.
21:14 - Et si on peut dire aussi, en petit fils,
21:16 au regard de l'historien, encore une fois,
21:18 est-ce qu'il y a néanmoins, vous avez dit,
21:20 votre prudence en tant qu'historien,
21:22 mais néanmoins, il y a des événements,
21:24 comme par exemple Jeanne d'Arc,
21:26 l'intervention de Jeanne d'Arc dans l'histoire,
21:28 en deux mots, une jeune bergère, une Lorraine,
21:30 qui va bouter les Anglais hors de France,
21:33 qui délivre Orléans, qui fait sacrer le roi à Reims.
21:36 Est-ce qu'on peut pas dire que c'est un événement
21:38 et une femme aussi providentielle ?
21:40 - Oui.
21:41 Une petite paysanne plutôt qu'une bergère,
21:43 c'est plutôt déjà la légende.
21:46 Elle a rarement gardé les moutons,
21:48 elle l'a vouée elle-même.
21:50 Ce qu'il y a dans Jeanne,
21:52 elle est la patronne secondaire de la France,
21:55 après Marie.
21:57 Elle a été canonisée en 1909,
22:00 béatifiée en 1909, canonisée en 1920,
22:03 et puis en 1922 proclamée patronne secondaire
22:06 de la France.
22:08 - Qui a plus de 100 ans.
22:10 - Ce qu'il y a de stupéfiant,
22:12 c'est quand on regarde les minutes du procès de Jeanne,
22:16 quand on regarde aussi ultérieurement
22:19 le procès de réhabilitation de 1455-1456.
22:24 Pour le premier procès,
22:26 ce qu'il y a de stupéfiant,
22:28 c'est la pureté, la spontanéité,
22:32 et puis la vigueur, la force avec laquelle
22:36 elle répond aux accusations de Pierre Cochon,
22:40 l'évêque de Beauvais,
22:42 qui a été recteur de l'université de Paris,
22:45 qui est un personnage très solide du point de vue théologique,
22:49 mais qui se fourvoie complètement.
22:52 On sent là affleurer l'esprit saint
22:55 dans chacune de ses réponses.
22:57 On ne comprend pas comment une petite paysanne
23:00 soit capable de répondre.
23:02 Là, vraiment, il y a la sainteté qui se manifeste,
23:05 qui permet de comprendre.
23:07 - La sainteté et donc la providence ?
23:10 - Oui, bien sûr.
23:12 Ça permet de balayer toutes les thèses révisionnistes.
23:15 Jeanne qui n'a pas été brûlée,
23:18 qui réapparaît sous le nom de Jeanne des Armoises,
23:21 ou alors Jeanne qui serait une bâtarde royale,
23:24 fille d'Isabeau de Bavière et de Louis d'Orléans, etc.
23:29 Tout cela est balayé par cette candeur sainte
23:34 et extraordinairement puissante.
23:37 - Quelque chose s'est produit qui n'est pas explicable ?
23:40 - Absolument.
23:41 - Véronique.
23:42 - Ce qui explique l'intervention de la providence,
23:45 c'est qu'on dit qu'elle aurait entendu des voix.
23:48 C'est ça qui la met en route.
23:50 C'est comme ça qu'elle a une feuille de route divine.
23:53 C'est ça qui est compliqué à expliquer dans l'histoire de France.
23:56 - On tombe dans le mystère.
23:58 L'archange Saint Michel, Sainte Catherine, Sainte Marguerite,
24:01 tant d'autres ne les ont entendues.
24:04 On n'a pas de preuve absolue.
24:06 Elle est sainte pour ses vertus personnelles,
24:09 ses vertus héroïques.
24:12 C'est une sainte guerrière, bien sûr,
24:14 comme il y a des saints guerriers,
24:16 Saint Maurice et tant d'autres.
24:19 Après, quel est le rôle de la providence dans l'histoire ?
24:24 Est-ce que Dieu a voulu chasser du...
24:27 - Est-ce que Dieu était français à ce moment-là ?
24:29 C'est ça aussi la question.
24:31 - En France, Henri V ou le duc de Belfort, le régent,
24:34 là, on est dans un mystère, c'est sûr.
24:37 Mais l'histoire de Jeanne ne se conçoit pas
24:40 sans une histoire sainte
24:42 et sans un accompagnement spirituel très fort,
24:44 donc providentiel.
24:46 - Berthiol Guybert, comment vous réagissez à ces faits historiques
24:49 concernant Jeanne d'Arc, mais on pourrait en citer d'autres.
24:51 Pourmain, par exemple, en 1871,
24:53 où la prière des enfants à la demande de la Vierge Marie
24:56 est exaucée, c'est-à-dire que la ville de Laval
24:58 échappe aux troupes prussiennes.
25:00 Est-ce que finalement... - Le lendemain même.
25:02 - Le lendemain même, est-ce que la prière peut changer le cours des événements ?
25:05 - 18 janvier 71.
25:07 - Mais Jésus n'arrête pas de le dire.
25:10 Il dit même "Vous n'avez encore rien demandé".
25:13 Mais il ne faut pas croire qu'on va changer la volonté de Dieu,
25:17 du genre, de toute éternité, Dieu ne savait pas grand-chose,
25:21 et puis il serait arrivé un petit personnage
25:24 qui aurait fait une prière de demande,
25:26 et puis Dieu aurait changé son fusil d'épaule.
25:28 En fait, dans la toute-puissance de Dieu, de la Providence,
25:32 il faut intégrer la préscience de Dieu.
25:35 C'est-à-dire qu'il sait de toute éternité ce qui va se passer,
25:40 sans le déterminer.
25:42 Autre chose est de savoir et autre chose est de vouloir.
25:45 Mais il veut que la prière que lui connaît de toute éternité
25:50 soit intégrée.
25:51 Mais si vous voulez, on n'informe pas Dieu et on ne change pas Dieu.
25:56 Je vous dis, ce n'est pas un augmenté.
25:58 - En revanche, ce que vous dites, ça veut dire
26:00 qu'il vaut mieux l'avoir de son côté quand même.
26:02 - Alors, vous voyez, c'est comme tout à l'heure,
26:04 quand vous me parliez de besoin de l'avoir de son côté,
26:07 c'est du genre, pour que ça marche selon mes plans.
26:09 Moi, je vous le dis, plus ce sera gratuit,
26:12 plus ce sera une relation d'amour pur.
26:15 Vous avez utilisé ce mot-là, monsieur Petitfils.
26:19 Plus on laisse Dieu être Dieu, plus Dieu fait son métier,
26:24 si on peut parler ainsi.
26:25 - Mais concrètement, dans la vie de tout un chacun,
26:28 qu'est-ce que ça veut dire ?
26:29 - Écoutez, moi, je vais vous dire une chose.
26:31 Je vous le dis vraiment très, très sérieusement.
26:34 Aucun des livres que je n'ai écrits,
26:37 je les ai écrits par ma volonté.
26:40 Quand j'ai terminé un livre, qu'est-ce que je fais ?
26:42 Je suis comme un gosse.
26:43 Car il faut être fils et enfant avec le père.
26:47 Qu'est-ce que je fais ?
26:49 Maman Marie, il y aura un prochain livre.
26:52 Esprit Saint, Providence, mon amour.
26:54 Il y aura un prochain livre et ça sera quoi ?
26:56 Et j'attends.
26:57 - Et vous avez une réponse ?
26:58 - Bien sûr.
26:59 Il va passer, parfois, c'est arrivé directement,
27:02 je vais vous partager des choses un peu intimes.
27:05 Le livre sur la foi, j'étais dans une abbaye.
27:07 En pleine nuit, je me suis réveillé.
27:09 La foi !
27:10 Et là, vous avez une signature du bon Dieu.
27:12 Vous vous sentez impuissant.
27:15 Ce n'est pas un truc.
27:17 Il y a une parole de l'Écriture qui est très importante
27:20 pour éclairer le mystère de la Providence.
27:22 Les saints.
27:23 Et ce que disait aussi Véronique.
27:25 Ce qu'il y a de fou dans le monde,
27:27 voilà ce que Dieu utilise pour confondre les forts.
27:31 Pour faire éclater que la petite Jeanne,
27:33 ce n'est pas petite Jeanne qui intervient dans le monde,
27:36 mais que c'est la toute-puissance.
27:37 Il utilise une petite Jeanne.
27:40 Voilà.
27:41 - Cette folie, Romain de Châteauvieux,
27:43 vous la vivez au quotidien, j'allais dire,
27:44 dans les bidonvilles de Santiago du Chili.
27:47 - Oui, pour moi, cette émission, c'est une grande joie
27:49 parce que ça rejoint quelque chose de très quotidien
27:52 dans notre vie.
27:53 Puis, j'étais touché aussi, Véronique,
27:55 quand vous parliez de l'histoire avec un petit hache.
27:57 Notre histoire à tous.
27:59 Et vous partagez un peu une anecdote
28:01 qui, pour nous, a été très impressionnante,
28:03 de Dieu qui se révèle un petit peu,
28:05 qui dit un peu, voilà, je suis là.
28:08 On était en mission au Chili.
28:10 Réna était enceinte de notre quatrième enfant.
28:13 Elle était à son septième mois.
28:15 On était dans l'un des déserts les plus arides du monde.
28:18 Et on se demandait avec Réna,
28:20 mais où est-ce qu'on va pouvoir avoir cet enfant?
28:22 Et l'évêque qui nous accueille, il me serre la main.
28:26 Et puis après, il se dirige vers Réna.
28:28 Et puis, il met ses deux mains sur le ventre de ma femme.
28:31 Moi, je lui dis, mais Monseigneur,
28:32 vous saluez toutes les femmes enceintes comme ça?
28:35 Et il me dit, non, mais en fait, avant d'être prêtre,
28:38 j'étais gynécologue.
28:40 Et puis, c'est lui, c'est son meilleur ami
28:43 qui a fait accoucher Réna.
28:45 Tout a été gratuit dans le meilleur hôpital de la ville.
28:48 Et c'était signé du bon Dieu.
28:50 Alors nous, au quotidien,
28:52 c'est une grande joie de voir le Seigneur
28:54 qui est là présent de manière...
28:55 - Vous le constatez de manière très concrète.
28:57 - De manière très générale.
28:58 - Et régulièrement.
28:59 - Oui.
29:00 - Jean-Christian Petitfils,
29:01 pourquoi a-t-on oublié cette notion de providence?
29:03 Parce qu'il y a eu effectivement
29:05 les philosophes des Lumières,
29:07 Voltaire parlant du grand horloger,
29:09 donc une vision peut-être mécaniste
29:11 ou qui s'appuie sur la science
29:13 pour expliquer les phénomènes.
29:15 Mais finalement, est-ce qu'on a perdu quelque chose
29:18 en oubliant cette notion de providence à votre avis?
29:20 - Je vais vous répondre par une question,
29:22 plusieurs questions.
29:23 Pourquoi a-t-on oublié le purgatoire?
29:25 Pourquoi a-t-on oublié l'enfer?
29:27 Pourquoi ne parle-t-on plus de Satan?
29:29 Pourquoi ne parlons-tu plus du combat spirituel
29:32 et de sa nécessité?
29:33 Pourquoi ne parlons-tu pas, lui, de la mort,
29:36 du jugement particulier à la mort,
29:39 du jugement dernier, de la parousie?
29:42 Voilà, ça participe en fait, la réponse est claire,
29:45 de la crise doctrinale de l'Église.
29:47 On en parlait avec le Père avant le début de cette émission.
29:50 On a l'impression quand même que depuis
29:53 quelques décennies, il y a un christianisme
29:56 qui se réduit à une sorte d'humanisme relativiste,
30:02 vaguement déiste, où le Dieu n'intervient pas.
30:05 C'est le grand Dieu horlogé de Voltaire
30:08 qui est loin de tout, qui n'est pas près de nous,
30:11 qui n'est pas dans nos cœurs.
30:13 Et ça, c'est quelque chose de grave.
30:15 Véronique?
30:16 Oui, quand on parle de Providence,
30:18 quand je vous entends parler tous les deux,
30:20 pour ceux qui nous écoutent, ceux qui nous regardent,
30:23 il y a évidemment cette notion de cadeau de Dieu,
30:25 c'est-à-dire Dieu pourvoit.
30:26 Mais, et là je m'adresse à Romain
30:28 pour avoir son témoignage,
30:30 est-ce qu'il n'y a pas aussi dans la Providence,
30:32 quand même, le fait de se dire qu'il faut suivre
30:35 la volonté de Dieu?
30:37 Ça ne tombe pas tout cru et on se réjouit.
30:39 C'est-à-dire qu'il y a aussi cette démarche de foi,
30:41 de savoir qu'on s'inscrit dans une volonté.
30:43 Et ça, je trouve que c'est très compliqué à comprendre,
30:45 non? Dans votre quotidien, comment ça se traduit?
30:48 Je trouve que c'est très beau parce que
30:50 dans l'abandon à la Providence,
30:52 ce n'est pas quelque chose d'irresponsable.
30:55 Genre, moi je te laisse gérer.
30:58 Je me repose.
30:59 Voilà, au final, tu vas le faire beaucoup mieux que moi.
31:01 Je trouve qu'il y a cette tendresse
31:04 et ce respect de Dieu
31:07 qui nous laisse prendre en main notre vie,
31:09 qui nous en fait vraiment responsable.
31:12 Et à la fois, il est ce compagnon, ce guide
31:16 qui va nous demander cette collaboration,
31:19 cette coopération, cette confiance.
31:21 Mais il est là.
31:22 Je trouve que c'est un équilibre très beau.
31:25 Très subtil à nouveau.
31:27 Père Joël Guibert.
31:29 Écoutez, Véronique, l'autre jour,
31:31 j'ai prêché une retraite de prêtre
31:33 et je parlais de l'abandon à la Providence.
31:36 Et un des prêtres pose exactement la même question que vous.
31:40 Et en fait, dans votre question,
31:42 il y a la réponse.
31:43 Je ne vais pas jouer le jésuite de service.
31:45 Mais voilà, l'abandon,
31:48 ce qui est de l'expérience de la Providence,
31:50 la vie dans la Providence,
31:52 s'identifie à la vie dans l'esprit.
31:56 C'est-à-dire que ce n'est pas de la pure passivité.
31:59 Se laisser faire par la Providence n'est pas rien faire.
32:03 Et ce n'est pas se laisser aller.
32:05 C'est-à-dire fatalisme et piétisme.
32:08 Et donc, il nous faut demander,
32:10 il nous faut collaborer.
32:12 Il y a quelque chose d'étonnant dans la théologie de saint Thomas d'Aquin,
32:15 de magnifique, qui a été si magnifique
32:17 que ça a été repris par Jean-Paul II
32:19 dans ses catéchèses de 86.
32:22 Saint Thomas dit,
32:24 "Dieu prend l'homme tellement au sérieux
32:27 qu'il en fait une Providence pour lui-même
32:30 et donc pour les autres."
32:32 Et là, Romain, avec son épouse,
32:34 à sa manière, vous êtes vraiment Providence pour ces pauvres-là.
32:38 Moi, je vais être Providence.
32:40 Véronique, vous allez être Providence pour la France qui vous regarde.
32:43 Oui, Véronique, c'est comme ça.
32:45 Mais chacun est Providence pour quelque chose.
32:47 Et nous avons à collaborer,
32:49 vraiment à collaborer.
32:51 Et pour cela, à lui demander
32:53 et à obéir, c'est si important.
32:56 Pour moi, je termine là-dessus, pardonnez-moi, Emeric.
32:59 L'abandon à la Providence s'identifie à l'union de volonté.
33:05 Et vous avez très bien fait de pointer ça.
33:07 Mais on en vient à cette question redoutable
33:10 qui est la question du mal,
33:12 parce que si on décrète ou on croit à cette Providence,
33:16 ça inclut effectivement les épreuves qui nous arrivent tous
33:19 ou qui arrivent dans l'histoire,
33:21 notamment de terribles.
33:22 On pense à la Shoah et on pense aux camps de concentration.
33:25 Véronique, racontez-nous cet itinéraire étonnant du père Jacques Sommet
33:29 qui a été emprisonné à Dachau.
33:31 Et comment a-t-il, c'était un prêtre,
33:34 comment a-t-il fait pour continuer à croire en Dieu dans ce contexte ?
33:37 C'est un prêtre qui a survécu à la déportation.
33:40 Il est venu témoigner de l'enfer à Lyon
33:43 pendant le procès de Klaus Barbie.
33:44 C'était en 1987.
33:46 Et son langage était bouleversant d'humanité
33:48 parce que d'abord il dit que ce qu'il a profondément touché à Dachau,
33:52 c'est quand des prêtres ont voulu s'enfermer
33:55 avec des mourants du typhus dans des baraquements.
33:58 Donc ça veut dire que ces prêtres prenaient bien entendu
34:01 le risque de mourir avec eux.
34:03 Mais quelle traduction religieuse et catholique en faisait-il ?
34:06 Eh bien, il l'a dit, il a témoigné donc au procès.
34:09 Il a dit "il s'enfermait au nom de la fidélité
34:12 à un Dieu incompréhensible et fraternel".
34:15 C'est-à-dire qu'au cœur de l'horreur,
34:18 on ne peut plus même imaginer la bonté et la providence d'un Dieu.
34:22 Mais lui a voulu le voir comme fraternel, ce Dieu.
34:26 C'est dire l'abandon à la providence en toutes circonstances.
34:29 Non pour attendre que Dieu vienne les sauver,
34:32 mais en accompagnant chaque homme dans l'enfer
34:35 pour être comme le Christ, sa fraternelle.
34:38 C'est-à-dire que ces prêtres étaient des Christs en fraternité
34:41 pour ne pas laisser ces hommes mourir tout seuls.
34:44 Donc en soi, c'est déjà complètement héroïque
34:46 et ça touche un degré d'humanité dans l'inhumanité.
34:50 Mais il disait aussi que pour lui,
34:53 accompagner ses frères mourants,
34:55 c'était voir dans ces hommes qui allaient mourir du typhus
34:58 le visage du Christ lui-même souffrant et mourant,
35:01 le visage du Christ au cœur même de la croix.
35:04 Alors, ça signifie que le mal n'est pas un obstacle
35:07 à l'action de la providence, puisque Dieu se sert des hommes
35:10 pour se montrer fraternel, y compris dans l'horreur.
35:14 Enfin, le père Jacques Sommet disait,
35:16 et ça c'est vraiment une façon de transcender le mal
35:19 au corps même de l'horreur, il disait que quand Dachau
35:22 a été libéré par les forces alliées,
35:24 il a refusé de toute son âme la vengeance.
35:27 Il n'a pas voulu que ses geôliers et ses bourreaux
35:30 soient lynchés et exécutés.
35:32 Il l'a dit, il l'a fait savoir bien sûr.
35:34 Il a dit que le christianisme exigeait le pardon.
35:37 Il a dit, le sens ultime du christianisme, c'est le pardon.
35:40 Le pardon qui n'est bien sûr pas l'oubli de l'ignominy,
35:43 mais le mouvement de restauration de l'humanité,
35:46 en sachant que le Christ est venu tous nous sauver.
35:49 Voilà la providence, l'action de la providence
35:51 au cœur même de l'horreur qui passe par les hommes.
35:53 Ça c'est intéressant aussi.
35:55 J'aimerais avoir vos réactions les uns les autres,
35:57 parce qu'évidemment c'est un témoignage édifiant.
36:00 Jean-Christian Petitfils peut-être ?
36:02 Tout à fait extraordinaire, c'est un témoignage.
36:04 Mais parce qu'au regard de l'historien, effectivement,
36:06 les goulags, la Shoah, ce sont des...
36:08 Vivre la confiance et l'espérance dans une telle situation,
36:13 c'est prodigieux.
36:15 C'est un don de l'esprit, ça ne peut pas être autre chose.
36:18 Père Joël Guibert ?
36:20 Ce que vous disiez Véronique, en traduisant les mots du père Saumet,
36:24 il me venait cette pensée, en fait,
36:27 la personne qui laisse pénétrer Dieu, Providence,
36:32 dans toutes ses ports,
36:34 elle reproduit dans sa propre vie aujourd'hui
36:37 ce qu'a produit le Christ il y a 2000 ans.
36:40 Et cette personne-là fait l'expérience de la Providence du Père
36:43 qui, pour le Fils de Dieu, l'a ressuscité trois jours après.
36:47 Même au cœur de sa passion,
36:50 tout espoir n'est pas perdu.
36:52 Il est abandonné.
36:53 En tes mains, je remets mon esprit.
36:55 Romain de Châteauvieux,
36:57 dans les situations que vous avez rencontrées,
36:59 dans ces quartiers difficiles, pauvres,
37:01 d'Amérique latine et du Chili,
37:04 on imagine que vous êtes au contact,
37:06 au quotidiennement, d'épreuves de violence, de souffrance.
37:08 Comment est-ce que vous vivez tout ça ?
37:10 En écoutant le père Joël,
37:12 je trouve que c'est le génie de Dieu
37:15 qui arrive à faire surgir un bien du mal.
37:18 L'exemple incroyable de ce prêtre donné.
37:21 C'est une petite histoire qu'on raconte dans notre livre
37:24 qui illustre très bien ça,
37:26 d'un jeune qui a vu son meilleur ami
37:29 être tué par balle dans notre quartier
37:31 et qui a été dévoré par la soif de vengeance.
37:34 Et puis un jour, en rentrant dans notre église,
37:36 le Saint-Sacrement était exposé
37:38 et un peu à la manière d'André Frossard,
37:40 il est tombé à genoux
37:41 et le Seigneur l'a libéré
37:43 du désir de vengeance qui le dévorait.
37:46 Et il s'est mis en marche
37:48 pour devenir, dans notre quartier,
37:50 témoin de la miséricorde.
37:52 Aujourd'hui, il est kiné,
37:53 il accueille toutes les petites dames
37:55 qui ont mal partout pour venir en aide
37:58 à ces personnes qui souffrent.
38:00 Et il est vraiment témoin aujourd'hui
38:02 pour tous les jeunes de notre quartier
38:03 et tous les habitants de dire
38:04 vraiment, le Seigneur est plus fort que la mort,
38:07 le Seigneur est plus fort que la haine,
38:09 le Seigneur est plus fort que le mal.
38:11 Et pour moi, c'est le titre de notre livre
38:13 La Révolution de la Tendresse,
38:14 c'est cet effet boule de neige.
38:16 D'un mal, le Seigneur est capable d'un bien
38:19 et d'un autre bien, et encore d'un autre bien.
38:21 Ça aussi, c'est une notion très mystérieuse.
38:23 Dieu peut tirer un bien d'un mal.
38:25 Père Guibert, expliquez-nous.
38:27 Pour m'autoriser cet anthropomorphisme,
38:29 expression peut-être un peu simple,
38:32 je trouve que la Providence dit quelque chose
38:35 d'une entreprise de recyclage divine,
38:38 de tout ce qu'on jette à la poubelle,
38:40 tous ces noms, moindres événements.
38:43 N'oubliez pas, une des paroles importantes
38:46 du roman de Dominique Lapierre,
38:48 c'est un profère bain doux qui dit
38:50 tout ce qui n'est pas donné est perdu.
38:53 Et donc, moi je vous avoue, dans les retraites,
38:56 je demande aux gens,
38:58 vous pourriez me donner vos poubelles ?
39:01 Et surtout, en sortant de la retraite,
39:03 vous pourriez cesser de perdre
39:05 tout ce que vous jetez dans les poubelles
39:07 parce que Dieu peut en faire sortir un bien,
39:10 Romain l'a dit, et un autre bien.
39:12 Boule de neige, c'est bien dit.
39:15 Mais est-ce qu'il n'y a pas quand même,
39:17 malgré tout, la tentation face à des épreuves colossales
39:20 du découragement, voire de la désespérance ?
39:23 Le Christ lui-même, à Gethsémanie,
39:25 donc au Jardin des Oliviers, a eu ce moment-là.
39:27 Ce qui est intéressant, c'est, pour ma part,
39:30 passer par les travaux, par exemple,
39:35 d'une femme qui n'est pas château,
39:37 Élisabeth Kübler-Ross,
39:39 sur les travaux de la Suissesse,
39:42 pionnière en matière de deuil.
39:45 Elle parle, quand il y a une épreuve,
39:48 donc le deuil, on en parlait juste avant l'émission,
39:52 eh bien il y a une phase de révolte,
39:54 après, il y a une phase de dépression.
39:56 Et puis, dit-elle,
39:58 quand est-ce qu'il y a ce qu'elle appelle "retour à la vie" ?
40:01 Quand il y a "acceptation".
40:04 C'est-à-dire que,
40:05 et ça, ça rejoint énormément la foi chrétienne,
40:07 je ne pourrais pas entrer dans la communion des saints,
40:10 c'est-à-dire un mode de communion avec mon défunt,
40:13 tant que je n'aurais pas dit oui,
40:15 si vous me permettez d'ajouter un témoignage, là.
40:17 Allez-y, bien sûr.
40:18 J'étais curé de paroisse, elle a témoigné publiquement.
40:21 Une femme qui s'occupait de son mari,
40:23 qui a été paralysé parce qu'elle fait un accident cardiovasculaire.
40:26 Donc, jour et nuit, c'était admirable, admirable.
40:30 Et elle l'a gardé chez elle.
40:33 Et puis, il est mort.
40:34 Enterrement magnifique,
40:36 enfin, je veux dire, une joie extraordinaire,
40:38 ce que vous me partagez.
40:41 Et puis, je la vois six mois après,
40:44 parce qu'on s'entendait bien,
40:45 et le deuil.
40:47 Ce n'est pas pour rien qu'on dit une femme "le travail du deuil",
40:50 comme une femme, on travaille.
40:51 C'est un enfantement.
40:53 Et donc, elle n'y arrivait pas.
40:54 Et puis, un jour, elle a fait une retraite,
40:56 je ne vais pas citer exactement,
40:58 c'est à Montlijon.
40:59 Moi, j'étais curé, je ne prêchais pas.
41:01 Il y a une religieuse qui a dû dire une parole.
41:04 Son époux s'appelait Paul,
41:06 il était mort depuis deux ans.
41:08 Elle rentre dans sa cellule,
41:10 après la clé qu'elle a reçue.
41:13 Et elle tombe à genoux, et elle dit,
41:15 "Paul, tu peux partir."
41:18 Elle a été inondée de paix.
41:21 Étonnant, il est mort depuis deux ans.
41:22 Oui, mais pas dans son cœur.
41:24 Et on revient à quelque chose de très important,
41:26 le principe de la réalité,
41:28 dont la psychologie n'arrête pas de nous parler,
41:30 et nous, en tant que catho ou en tant que prêtre,
41:32 on n'aurait pas le droit de parler du principe de la réalité,
41:35 d'un Dieu présent dans la réalité ?
41:37 Je reviens à cette notion de découragement ou de désespoir,
41:40 Jean-Christian Petitfils.
41:41 Est-ce que finalement, ça veut dire aussi qu'en matière politique,
41:43 notamment, le désespoir, c'est une sottise absolue ?
41:47 Bien sûr, mais c'est très compliqué, l'histoire.
41:51 On sort vraiment de la relation de la grâce particulière,
41:57 on est dans les causes secondes,
42:01 comme je le disais tout à l'heure,
42:02 ou le déchaînement des haines, des passions, des ambitions, tout cela.
42:08 Non, je pense que la clé aussi, pour un chrétien,
42:15 c'est une clé difficile à porter et à supporter,
42:19 c'est la phrase de la petite Thérèse,
42:21 "Tout est grâce", mais ce n'est pas facile.
42:24 C'est ce que vous vivez, Romain de Châteauvieux, le dernier mot ?
42:27 Oui, et à la fois, moi j'aurais envie de dire un peu aussi aux téléspectateurs,
42:30 en fait, le mal, la souffrance, ça fait mal.
42:33 Ça fait mal, ça fait pleurer, ça plonge dans les ténèbres,
42:36 ça plonge dans le désespoir,
42:37 et je pense que c'est important aussi d'être validé.
42:41 C'est le cœur de Jésus qui est pleinement divin et pleinement humain,
42:45 Jésus qui pleure l'hasard.
42:47 Et du coup, oui, la foi nous aide, mais aussi le mal, la souffrance, c'est dur.
42:52 Et à côté, il y a aussi la joie, c'est ce dont vous témoignez dans votre livre.
42:56 Merci, en tout cas, évidemment, la question mériterait une autre émission,
43:00 mais on y reviendra.
43:01 Je renvoie en tout cas à vos livres respectifs,
43:04 "Le Père Joël Guibert avec la Providence",
43:06 pour tout savoir finalement ce que pense l'Église sur cette question.
43:10 C'est publié chez Arte, Jean-Christian Petitfils,
43:12 "Le Saint-Suer de Turin", chez Taillandier,
43:14 Romain de Châteauvieux, "Miséricordia",
43:16 aux éditions 1ère partie "La Révolution de la Tendresse".
43:19 Merci aussi Véronique, avec une autre lecture,
43:22 celle de France Catholique, pour terminer.
43:24 France Catholique qui consacre un dossier cette semaine
43:27 au phénomène transgenre qui touche vraiment les jeunes
43:30 et qui les met sacrément en danger.
43:32 A retrouver bien entendu aussi sur france-catholique.fr.
43:36 Merci à tous d'avoir suivi cette émission.
43:38 Merci à Aurélie Lucano pour l'édition.
43:40 Samedi prochain, vous retrouverez les belles figures de l'histoire
43:43 à 11h avec le fondateur de la nation arménienne,
43:45 Saint-Grégoire l'Illuminateur.
43:47 Et puis dans "Enquête d'Esprit", dimanche prochain,
43:49 ce sera avec Véronique Jacquet, "La foi et le handicap".
43:53 Mais pour l'heure, l'info continue sur CNews.
43:56 !
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