Olivier Poels nous raconte Napoléon, l’empereur qui n’aimait pas manger.
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00:00 "Europe 1, historiquement vôtre, avec Stéphane Berne."
00:04 "Mes aïeux, quelle époque, mes aïeux, quelle époque."
00:07 "Mes aïeux, quelle époque", c'est une époque et même plusieurs
00:10 qu'on vous raconte chaque jour pendant deux heures.
00:12 Toujours avec Jean-Luc Lemoyne, David Castellopez,
00:14 qu'on retrouve dans un court instant.
00:16 Aujourd'hui avec vous, Olivier Pouls, notre guide culinaire vivant
00:19 et même bon vivant.
00:21 Ça s'est passé dans le passé, on remonte au temps de Napoléon
00:24 pour découvrir que l'empereur n'aimait pas manger.
00:27 Et il est assez rare de trouver dans l'histoire des hommes
00:31 aussi peu concernés par la nourriture que l'était Napoléon Bonaparte.
00:35 Manger était pour lui une lamentable perte de temps
00:39 et ses repas étaient avalés en quelques minutes à peine.
00:42 On dit que s'il avait pu déléguer le fait de se nourrir à quelqu'un d'autre,
00:46 il l'aurait fait.
00:48 Lorsqu'il était en campagne, Napoléon mangeait au mieux debout
00:51 sur un petit guéridon, mais le plus souvent, carrément sur son cheval.
00:55 Il mangeait vite, mal, comme un cochon dit-on, avec ses doigts
00:59 et s'essuyait ensuite dans son uniforme. Pas très classe.
01:02 Et lorsqu'il n'était pas en campagne, ses repas avec l'impératrice
01:05 étaient à peine plus civilisés.
01:07 Tout devait être expédié en 20 minutes.
01:09 Il exigeait que seuls deux plats au maximum soient servis.
01:13 Il mélangeait le salé et le sucré et quittait la table
01:16 aussitôt la dernière bouchée avalée.
01:18 Il avait de surcroît la phobie de l'empoisonnement
01:21 et renvoyait immédiatement tout denré qui lui paraissait un tout petit peu louche.
01:25 Napoléon assume d'ailleurs cette frugalité.
01:28 "Si vous êtes petit mangeur, venez chez moi", s'amusait-il à dire.
01:32 - Il y avait quand même des petits plats, des mecs qui pouvaient lui faire plaisir quand même.
01:36 - Oui, les lasagnes de sa maman, par exemple.
01:39 Il aimait aussi les oeufs.
01:40 Son seul essai culinaire fut d'ailleurs la réalisation,
01:43 ou tout au moins la tentative de la réalisation d'une omelette
01:47 qui lui a échappé au moment de la retournée et qui a fini par terre.
01:50 S'il déteste la viande rouge et le gibier,
01:53 il apprécie en revanche le mouton et surtout le poulet préparé à la marango,
01:58 une recette créée en l'honneur de sa victoire éponyme dans une plaine du Piémont en 1800.
02:03 Il s'agit d'un poulet ou de viande de veau, les deux sont autorisés.
02:06 - Parce que ça c'est le veau marango moi.
02:07 - Non parce qu'on dit le veau maringo aujourd'hui.
02:09 - Alors le régime c'était du poulet.
02:10 - Au poulet, oui.
02:11 Agrémenté de sauce tomate, de vin, de cognac, d'huile d'olive,
02:15 bref tout ce que son cuisinier avait pu trouver sur place au moment de la victoire.
02:19 Alors il appréciait aussi les dates et mâchouillait des bâtons de réglis
02:23 sur une bonne partie de la journée.
02:24 Côté boisson, l'empereur buvait du vin coupé à l'eau,
02:28 et sa préférence allait quand même vers le chambertin,
02:32 l'un des plus célèbres grands crus de Bourgogne,
02:34 plusieurs tonneaux d'ailleurs l'accompagnaient systématiquement lorsqu'il voyageait.
02:38 Il lui arrivait aussi de boire un petit peu de champagne
02:40 et à la fin de sa vie, lors de son exil sur l'île de Saint-Hélène,
02:44 il s'était pris de passion pour un vin doux d'Afrique du Sud, le vin de Constance,
02:49 qu'on lui fournissait abondamment et qui a accompagné ses derniers instants.
02:52 - Pourtant Napoléon avait parfaitement compris l'importance de la diplomatie culinaire.
02:57 - Oui, c'est là le paradoxe.
02:58 Cet homme qui détestait manger savait qu'un repas pouvait changer le cours des choses.
03:03 Il avait donc délégué la tâche de mener à bien cette mission
03:07 à deux de ses éminents diplomates, qui ne s'en sont d'ailleurs pas pleins,
03:11 Talleyrand et Cambacérès.
03:13 Son mot d'ordre était le suivant,
03:14 "Accueillez à vos tables toutes les personnalités françaises et étrangères de passage à Paris,
03:19 auxquelles nous avons à faire honneur.
03:21 Ayez bonne table, dépensez plus que vos appointements,
03:25 faites des dettes, je les paierai."
03:28 Autant vous dire que eux, ces fins gourmets, ne s'en sont pas privés.
03:31 Ils faisaient bonbance avec la bénédiction de l'empereur.
03:34 Talleyrand s'était d'ailleurs adjoint
03:35 les services du plus prestigieux des cuisiniers de l'époque,
03:38 Antonin Carême, dont le talent éblouissait les convives.
03:42 Et puis, il y avait évidemment l'impératrice Joséphine,
03:45 qui recevait avec beaucoup de fastes dans son château de Malmaison.
03:48 Elle dépensait, elle sans compter, des grands vins, des repas fastueux,
03:52 de la vaisselle de prestige, ce qui avait d'ailleurs le don d'exaspérer Napoléon.
03:57 Quel paradoxe amusant quand même, puisque durant le règne de cet homme
04:00 pour qui la table n'avait aucun intérêt,
04:03 la cuisine française connut l'une des périodes les plus fastes de son histoire,
04:07 avec entre autres la naissance des restaurants, leur développement,
04:10 et aussi la création de nombreux plats,
04:12 ou l'avènement de chefs importants comme le célèbre Antonin Carême.
04:16 - Bravo, merci beaucoup Olivier, mais aïeux qu'à l'époque !
04:20 Et dans un instant, c'est le début de la fin, ou le début tout court,
04:22 puisqu'avant de partir, on remonte aux origines,
04:24 avec David Castelle-Lopez et ses avions en papier.
04:27 - Exactement.
04:28 - Mais avant cela, lui non plus n'a pas très envie de manger, de dîner même.
04:32 C'est Benabar sur Europe 1.