Thalassa : Mokens les fils de la tortue

  • il y a 16 ans
"A la rencontre des derniers peuples nomades
Ils sont un peu moins de trois mille. Repartis dans les archipels de la Mer d'Andaman, entre la Birmanie, la Thailande et la Malaisie : les Mokens sont un petit peuple nomade, en sursis.



Ils sont marins mais ne pechent pratiquement pas. Ils refusent l'usage du filet dont ils ne se servent que pour faire des hamacs. Ils preferent chasser au harpon, recolter des coquillages sur la plage ou chercher des vers de bois dans la mangrove. Si les tee-shirts et casquettes publicitaires nous confirment que la scene se passe bien de nos jours, dans le Sud-Est asiatique, le mode de vie des Mokens rappelle, en revanche, des temps tres recules ou l'Homme etait un chasseur-cueilleur qui devait nomadiser pour survivre.



Les Mokens vivent sur leur bateaux, les kabangs, petites embarcations taillees d'une piece dans un fut monoxyle. "" Un kabang c'est une vie "", dit le proverbe moken , les nomades considerent en effet leurs bateaux comme un etre vivant "" avec une bouche pour manger et un cul pour defequer... et des yeux, sinon, comment ferait-il pour voir les recifs ! ? ""



Mobiles, les Mokens sillonnent sans cesse l'archipel. Opportunistes, ils trouvent partout de nouvelles occasions de chasse.
Pres des recifs les hommes traquent et harponnent la tortue de mer. Sur un ilot, on organise une battue au cochon sauvage. Dans une grotte dont l'entree donne sur les brisants, on chasse les chauves-souris et le serpent python.
De leur cote, les femmes plongent pour recolter les huitres ou les oursins. A maree basse, elles partent, un enfant accroche dans le dos, et leurs chants qui resonent sur l'estran et appellent les squilles ou les vers de sable "" pour qu'ils acceptent de se laisser attraper ""



Gatcha est le patriarche d'une de ces petites communautes mokens, il conduit une flottille d'une dizaine de bateaux. Peu de temps avant la mousson, il faut honorer l'esprit des ancetres et chaque annee Gatcha part en foret abattre l'arbre dans lequel il sculpte le ""poteau des ancetres"", une sorte de totem qui represente l'aieul fondateur du groupe.



Les Mokens vivent dans un monde a part, en rupture avec la modernite, un monde etrange fait d'esprits, de signes et de symboles.

Bo Lobung, ""la ceremonie des poteaux"" doit avoir lieu a la pleine lune. Ce jour la il faut absolument pecher une tortue marine pour l'offrir en sacrifice devant le poteau des ancetres. Les Mokens sont les ""fils de la tortue"", dans des temps mythologiques ils sont venus du fond de l'ocean, chevauchant sa carapace. Gatcha raconte aussi comment les Mokens commirent le crime originel et tuerent la mere tortue pour la manger : "" c'est depuis ce jour la que nous, les Mokens, nous sommes un peuple maudit et que nous sommes condamnes a errer sur la mer... ""



La malediction semble bien poursuivre les Mokens. Les Birmans sont venus et ont confisque la terre des ancetres. La junte militaire au pouvoir apprecie peu leur nomadisme et cherche a les sedentariser.



En 2002, les autorites deciderent de regrouper tous les Mokens en un seul et meme village. Il l'appelerent le ""Village ideal"", avec une ecole pour que l'usage du birman remplace la langue moken et un monastere bouddhiste pour faire disparaitre les anciennes croyances. Malheureux, les Mokens s'enfuirent une nuit, reprenant le large sur leur kabangs. L'armee les pourchassa et cela tourna a la repression.

Depuis ces incidents, les Mokens sont en liberte tres surveillee. Le regime birman assoit son pouvoir sur un reseau d'informateurs tres efficace : tout le monde surveille tout le monde et particulierement les Mokens. Aussi quand Gatcha et sa flottille viennent vendre le fruit de leur recolte au commercant birman, celui-ci s'empresse de faire son rapport a l'administrateur du village. ""Une main de fer dans un gant de velours"" avec, en prime l'eternel sourire asiatique. Cette annee le regime a meme cree le Festival de l'amitie birmano-moken...



Etrange destin de ce peuple voue a la malediction, qui cultive la hantise de la mort et des mauvais esprits et se bat pour survivre, avec une formidable energie.

Derniers nomades marins, derniers chasseurs-cueilleurs, ce sont en tous cas les derniers des Mokens, que ce documentaire de reference nous permet de rencontrer, dans les decors somptueux de la Mer d'Andaman.



Ce document a ete tourne entre decembre 2003 et mars 2004.
C'est le troisieme d'une serie intitulee "" Chonique des peuples marins "" produite par PIXIE TV pour le magazine THALASSA
Voir la video complete sur imineo.com : http://www.imineo.com/documentaires/explorer/peuples-tribus/thalassa-mokens-fils-tortue-video-1896.htm"