Universel versus uniforme

  • il y a 9 ans
On a aujourd’hui tendance à confondre l’universel et l’uniforme. On considère spontanément comme universel ce qui est juste uniforme. Mais on se trompe grandement : ce n’est pas parce que les aéroports, les hôtels, les vitrines, les bars, les clés, les restaurants, les magasins, les meubles, les piscines, les lois, les magazines, les maisons, les opinions, les sports, les affiches de bonheur et de consommation sont partout les mêmes qu’ils sont pour autant universels.
Ce n’est pas parce qu’un livre, une série télévisée, un film, une musique, une manifestation sportive, culturelle, politique ou économique sont formidablement bien relayés par les médias du monde entier qu’ils sont pour autant universels. Bien que liés, l’universel et l’uniforme ne sont pas le même.
L’universel est un concept logique, relevant de la pure raison abstraite. Par définition, l’universel exprime ce qui est « tourné » vers l’Un (uni-versus) : ce qui aspire à l’Un, qui est traditionnellement l’idée stable et constante. Tournant du regard très occidental (platonico-chrétien) en direction de l’uni-versus pour sortir de l’éparpillement chaotique du di-versus, du divers, volontiers déprécié par notre tradition.
Au contraire de l’universel, l’uniforme n’a rien d’un concept logique, de pure raison. L’uniforme relève de la production économique. Alors que l’esprit universel se convertit à l’Un stable et constant, s’élève au-dessus du divers pour le saisir en bonne et due forme, l’uniforme n’est autre que la répétition chosiste et stérile de cet Un, dégénéré, simplifié en une forme unique (uni-forme).
Si on a tendance à confondre l’universel et l’uniforme, c’est tout compte fait à cause de la mainmise de la raison abstraite en sa prétention précisément universelle : autrement dit à cause de la dictature d’une certaine idée (à prétention universelle) de la vie en sa beauté, bonté et vérité propre ; idée dont découlent toutes les idées qui guident notre vie : l’idée d’amour, de justice, de réussite, de bonheur, etc.
Or cette dictature, cette hégémonie a pour conséquence qu’on mette tout en œuvre – aujourd’hui à grand renfort de science et de technique – pour produire ces idées dans le sensible, pour les formater et reproduire, de manière sérielle, à l’identique et à moindre frais, partout où c’est possible. Loin de converger idéalement, à partir du divers, vers un principe universel, régulateur et conducteur, l’uniforme est ainsi le formatage de l’idée dans le sensible : massive fabrication d’objets, de lieux, d’événements, de pensées, de rêves, de fantasmes, de phobies uniformes que nous finissons par confondre avec l’universel. Objets utilitaires, objets de fabrique, commodes et fonctionnels, qui ne sont somme toute que des copies aspectuelles et stériles, dénuées de tout contenu, de tout fondement et partant de toute nécessité prescriptive. Et l’homme de devenir un gestionnaire chosiste, égoïste, vautré dans la facilité et un utilitarisme éhonté.
Il s’agit aujourd’hui de...