Témoignage n° 17, lu par Bruno Solo
  • il y a 9 ans
Attention ce témoignage parle de violences sexuelles, il peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Lecteur :
Bruno SOLO

Réalisation : Catherine Zavlav et Cécile Nicouleaud
Image : Vincent Tulli
Assistante mise en scène : Sandra Moreno
Montage : Cécile Nicouleaud
Musique : Malik Ati
Mixage : VTP
Maquillage Marine Girondeau
Photos : Jérôme Godgrand
Régie : Tanya Artioli
Infographie : Christine Bruneteau
Etalonnage Yann Tribolle

texte du témoignage:

Témoignage 17, lu par Bruno Solo


« Il y a deux façons d’entrer dans la prostitution : par la menace, ou en se faisant piéger.
Un jour, suite à un gros conflit avec ma mère, celle-ci m’a jetée dehors. Les « recruteurs » m’ont très rapidement cernée : mineure, sans parents, mal dans ma peau, en manque d’affection ! Il leur suffisait de feindre de m’offrir un peu d’amour pour que je tombe dans leurs filets.

Comment peut-on penser qu’une femme, un homme, un adolescent, un enfant puisse aimer se prostituer ? Y a-t-il un âge où la prostitution est tolérable ? Tant qu’elle ne touche pas un membre de nos familles, nous nous sentons à l’abri.

Mais essayez de fermer les yeux, juste un instant, et de vous imaginer une trentaine de rapports sexuels par nuit avec des hommes de toutes sortes, de tous âges, de tous milieux, des petits, des grands, des gros, des maigres, des agressifs, des pervers, des sadomasochistes avec des fantasmes violents…

Bienvenue dans la rue Saint-Denis ! Bienvenue dans le monde de la débauche, de la misère, du désespoir, de la peur et de la violence ! À l’instant où j’ai posé le pied sur ce trottoir, je suis devenue une ombre parmi les ombres.

J’ai fait et subi les pires horreurs sexuelles. Je n’aurais jamais imaginé que cela puisse exister. Coucher avec un homme est une chose, mais assouvir les fantasmes les plus avilissants en est une autre.

Je me souviens du deuxième homme avec lequel je me suis prostituée. On n’oublie pas ces moments-là. Je tremblais de peur, j’avais l’impression qu’à cet instant précis, inoubliable malgré l’alcool que j’avais bu, mon cœur allait exploser. Je ressens encore physiquement l’écœurement qui m’a envahie alors que ce pervers me léchait tout le corps en éjaculant… Je n’avais qu’une envie, le tuer. Pourtant, j’ai fait le choix inverse. Je me suis tuée. J’ai fait la morte, comme je l’avais toujours fait, durant mon vécu de l’inceste avec mon beau-père. Je me disais intérieurement : « Tu peux y aller, mon con, je ne ressens rien, je suis morte. »


Je me souviens avoir torturé des hommes qui me le demandaient. D’autres me payaient uniquement pour être insultés, humiliés. Et les voyeurs, les partouses… Et ces familles, qui me contactaient pour dépuceler leur fils ! Faut-il en raconter plus ?

Une nuit, je suis tombée sur un malade mental. Il a tenté de me tuer en m’étranglant. Heureusement, je payais très cher un « videur » dont le travail était de me protéger contre tous ces tarés. Si je n’avais pas laissé les clefs à l’extérieur, si je n’avais pas crié, je serais morte.

Mon corps entier, et en particulier mon vagin, me faisait terriblement souffrir. Mais le pire, c’était l’état de mes dents. J’ai terriblement honte de vous parler de ces détails-là, mais pourquoi faudrait-il continuer à se taire ?

Bon nombre de clients « achetaient » une fellation. Bien entendu, ils en voulaient pour leur argent, j’étais obligée d’aller jusqu’au bout. J’avais donc une espèce de plaque dentaire impressionnante dont je ne parvenais pas à me débarrasser malgré des brossages répétés. Je sais que ce que je dis est à la limite de l’insoutenable. Mais c’est la triste réalité.

Je n’en pouvais plus. C’est alors que mon proxénète a commencé à utiliser la menace : « Tu vas bosser ou je t’enlève ta chienne ! » Moi qui n’était plus rien, rien qu’un tas de viande alcoolisée et droguée, intérieurement, j’ai dit NON. C’est grâce à Tréga ma chienne, que subitement, j’ai eu envie de me battre. Sans son amour pour moi et mon amour pour elle, je n’aurais jamais eu une nouvelle étincelle de vie. L’idée de la perdre m’était insupportable. Ce fut pour moi le véritable déclic. Mon premier combat. Je voulais me battre pour elle. Pour l’amour. J’allais enfin oser faire un pas pour m’en sortir. J’avais 17 ans. »

Je suis Bruno Solo, comédien, et je soutiens la campagne Stop au Déni. (En regardant la caméra)

extrait de STOP AU DENI - LES SANS VOIX
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