VENTURINI, Serge - Coq coloré du transvisible.

  • il y a 11 ans
Pour
Fanette Vendeville

C'est l'histoire d'un coq. Un coq peint par des mains d'enfant. Des larmes pour un coq oublié. Un coq avec ses plumes brillantes retombant en bouquet, avec sa crête d'un beau rouge ardent peint par la main malhabile d'un enfant qui ne savait pas encore écrire, mais qui savait dessiner. Je le vois avec ses plumes de soleil, de l'oranger au roux en passant par le carmin, avec ses hautes pattes, — dressé sur ses ergots.

Ébauché avec fierté, je le vois encore, l'air courageux et bon, l'œil vif, toujours vigilant, chantant de tout son cœur avant d'être enfin fini, avant de passer le verni, avant de le mettre au four. Comme je l'aimais cette bête solaire, — ma terre cuite de feu et de soleil. Je l'avais fait pour ma mère. Le plus réussi était la faucille relevée des plumes ainsi que le barbillon, ce pli charnu qui pend, avec au-dessus le jaune d'or du bec que j'avais bigrement exagéré. Je voulais un coq qui ne fût que chant, corps et mouvement, — pur élan.

Un coq pour sortir des nuits glaciales de l'enfance. Un joyeux clairon. Hélas, au moment d'aller le chercher, ce samedi matin de kermesse, — plus de coq. Il avait été pris par une main aussi innocente qu'indélicate. Ma mère qui travaillait était arrivée après les autres mères, nous étions en retard. Cette nuit le coq est revenu chanter dans mon rêve, plus vivant que jamais. Je l'ai revu à midi à table au milieu des larmes, — ce samedi jour de kermesse. Quel clairon ! — C'est l'histoire d'un coq, un coq oublié. Un coq passé au four, un coq envolé. — Une préfiguration de ma poésie.
— Entre terre et parole, — le coq ressuscité ! (41)

Samedi 21 juin 2008

Serge Venturini, Éclats d’une poétique du devenir,
Journal du transvisible (Livre IV - 2007-2009),
Éditions L’Harmattan, coll. « Poètes des cinq continents »,
Paris, 23 février 2010, page 74.
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=30703

Illustration : ‘Le coq’,
peinture à l’aiguille de Gilles-Claude Thériault.

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