A la fin de la guerre en 44, George Brassens se réfugie à Paris impasse Florimont chez Jeanne Le Bonniec, une lingère amie de sa tante et Marcel Laplanche son ami un carossier Il y vivra des années de bohème malgré le succès naissant dans des conditions très spartiates A Marcel, il dédiera « L’auvergnat » et à Jeanne cette chanson (album "les trompettes de la renommée en 1962) car elle est la première femme qui a compté pour lui et il sait tout ce qu’il lui doit Musicalement, c’est une valse mais toujours avec cette influence du jazz Brassens avait toujours tendance à chanter un peu en décallage par rapport aux temps, ce qui est typique des chanteurs de jazz Mais on y trouve aussi cette façon de chanter binaire avec un accompagnement dans un rythme ternaire (ou le contraire), ce « système trois pour deux » comme l’appelle ce grand admirateur de Brassens qu’est Maxime Le Forestier
Chez Jeanne, la Jeanne Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu On pourrait l'appeler l'auberge de Bon Dieu S'il n'en existait déjà une La dernière où l'on peut entrer Sans frapper, sans montrer patte blanche
Chez Jeanne, la Jeanne On est n'importe qui, on vient n'importe quand Et, comme par miracle, par enchantement On fait partie de la famille Dans son coeur, en s'poussant un peu Reste encore une petite place
La Jeanne, la Jeanne Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie Par la façon qu'elle le donne Son pain ressemble à du gâteau Et son eau à du vin comme deux gouttes d'eau
La Jeanne, la Jeanne On la paie quand on peut des prix mirobolants Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs Un semblant d'accord de guitare L'adresse d'un chat échaudé Ou d'un chien tout crotté comm' pourboire
La Jeanne, la Jeanne Dans ses ros's et ses choux n'a pas trouvé d'enfant Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents Et qu'on accroche à son corsage Et qu'on arrose avec son lait D'autres qu'elle en seraient tout's chagrines
Mais Jeanne, la Jeanne Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon Quand elle est mère universelle Quand tous les enfants de la terre De la mer et du ciel sont à elle