Montreuil, expulsion de mal logés
  • il y a 18 ans
Octobre 2005, des mal logés occupant la maison de quartier Lunes Matoub sont expulsé violement par les "forces de l'ordre".

Un article de Libération pour expliquer la situation:

A Montreuil, les CRS font déménager sans ménagement Des témoins molestés lors de l'évacuation d'un immeuble vétuste.

vendredi 28 octobre 2005

Beaucoup l'ont vu, ce soir-là, devant la maison de quartier Lounès-Matoub àMontreuil. Une lycéenne : « Un type, un vieux aux cheveux blancs, que les CRS ont poussé et fait tomber dans le caniveau. Il s'est relevé difficilement, ils l'ont poussé encore... Il était couvert de sang. » Paul, un habitant du quartier, lui-même frappé à trois reprises : « Un CRS m'a précipité contre unevoiture avec un coup violent à la poitrine, je me suis relevé, j'ai pris un second coup. Je ne pouvais plus respirer, j'ai traversé la rue et un autre CRS m'a projeté à terre, quelqu'un m'a ramassé. »

Paul suffoquait, les pompiers l'ont soigné : « ils m'ont placé un masque à oxygène. » A côté de lui, « les pompiers s'occupaient aussi d'un monsieur d'environ 70 ans, aux cheveux blancs,il avait l'arcade sourcilière ouverte. Il était plein de sang. » Cet homme en sang, c'est Jean-Pierre Bastid, 68 ans. Ecrivain connu de romans policiers etégalement fervent soutien des sans-logis.

Soutiens. Ce 11 octobre à Montreuil, tout un quartier est en émoi. Un immeuble vétuste de la rue du Gazomètre a été évacué par la police. Des familles, des enfants, des célibataires sont à la rue. La Ddass leur a proposé trois nuits à l'hôtel ­ en Seine-et-Marne et dans l'Essonne ­ qu'ils ont refusées.

« Clairement, c'était inacceptable, assure Jean-Jacques Serey, maire-adjoint de Montreuil, la Ddass a mal travaillé, on ne va pas chercher des hébergements dans l'Essonne quand des enfants sont scolarisés à Montreuil ! » Toujours est-il qu'accompagnés d'un groupe, les expulsés occupent la maison de quartier Lounès-Matoub. Comme souvent dans ces histoires, des soutiens affluent. « Des gens avaient été expulsés, ce n'est pas bien. J'y suis allée, on a squatté Lounès-Matoub », raconte la lycéenne. Paul était avec sa fille de 8 ans,. « Nous étions tous solidaires de ceux qui avaient été jetés à la rue, avec leurs enfants scolarisés, qui n'avaient rien et à qui on n'avait proposé que trois nuits à l'hôtel. Dans le quartier, chacun se débrouillait pour les aider, c'était formidable. »

Bastid fait partie, avec sa femme, de ceux qui occupent le centre social aux côtés des familles. La directrice de l'école maternelle Marceau où sont scolarisés plusieurs des enfants expulsés s'est elle aussi rendue àLounès-Matoub : « Ma première préoccupation, ce sont les enfants et leurs familles. Avec deux institutrices, nous avons gardé cinq enfants pendant trois jours, pour leur éviter ce chaos. » Quand les CRS sont arrivés, « je voulais convaincre les familles de sortir dignement du centre, dit encore l'enseignante, je suis entrée par une petite porte. Un CRS est arrivé par-derrière et m'a enserré la tête. Ils étaient trois dans ce petit couloir, j'étais seule avec eux. J'ai reçu un poing dans l'oeil droit ». La directrice, 60 ans, est sortie, « je ne voyais plus, je pleurais ». Elle souffre d'un déchirement de la rétine, et voit avec difficulté.

Plainte. Vers 20 heures, les CRS évacuent le centre social. C'est là que Paul et Jean-Pierre Bastid ont été tabassés. Pour ce dernier, MAITRE Irène Terrel a déposé plainte auprès du procureur de Bobigny. Témoignages et photos à l'appui.

L'écrivain y raconte comment, en compagnie des familles, il a assisté aux portes fracturées par les policiers. Evacué sans ménagement, il est projeté à terre et piétiné, puis, quelques minutes plus tard, « deux CRS se sont précipités » et lui flanquent « un violent coup de poing sur le nez ». Puis vient « un violent coup de matraque à la tête » de la part d'un « policier en civil ». Enfin, « tandis que je titubais, rapporte Bastid, ils m'ont projeté et je suis tombé à la renverse sur les grilles ». Les pompiers l'ont emmené au centre hospitalier. Bilan : traumatisme crânien, nez fracturé, côte cassée, paupière déchirée... Le parquet de Bobigny a confié l'enquête à l'IGS, la police des polices. Là où se trouve aussi, depuis lundi, la plainte de la directrice d'école « j'étais allée d'abord au commissariat mais ils ont refusé d'enregistrer ma plainte ».

Occupation. Du côté de la préfecture, on fait savoir que « les policiers n'ont fait que se défendre devant des jets de projectiles, des appels à rébellion et des outrages. Auxquels se sont ajoutés des jeunes venant de cités voisines qui voulaient en découdre. Il y a eu des heurts, mais nous n'avons aucun signalement de personnes blessées ». Ces jets, personne ne les a vus. Même pas ceux qui étaient opposés et même choqués par l'occupation du centre social. « Je ne comprends pas cette violence. A aucun moment je n'ai été agressive, je n'ai insulté personne, même quand j'ai pris le gnon, j'ai juste dit "Monsieur, vous m'avez fait mal". » assure la directrice de l'école Marceau.

Mercredi, la sénatrice communiste Nicole Borvo a saisi Pierre Truche, présidentde la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS), de « ces violences policières d'une rare intensité ».
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