Témoignage n°10, lu par Nathalie Tordjeman
  • il y a 9 ans
Attention ce témoignage parle de violences sexuelles, il peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Lectrice :
Nathalie Tordjeman

Réalisation : Catherine Zavlav et Cécile Nicouleaud
Image : Vincent Tulli
Assistante mise en scène : Sandra Moreno
Montage : Louis Beaugé de La Roque
Musique : Malik Ati
Mixage : VTP
Maquillage Marine Girondeau
Photos : Jérôme Godgrand
Régie : Tanya Artioli
Infographie : Christine Bruneteau
Etalonnage Cécile Nicouleaud

texte du témoignage lu par Nathalie Tordjeman:

« J’avais 11 ans, issu d’une famille normale, sans histoires. Des parents gentils, pas très démonstratifs, mais qui m’aimaient profondément. J’étais déjà comédien. Je tournais à cette époque-là, avec un acteur d’une quarantaine d’années.

Un soir, nous devions dîner au restaurant « entre hommes », mon père, un de ses amis, ce comédien et moi. Dans mon souvenir, mon père m’a déposé chez le comédien, le temps d’aller chercher son ami.
L’homme m’a alors proposé de m’asseoir sur le canapé et de regarder un film avec lui, en attendant.

Il a mis un porno, et a commencé à se masturber… en disant « moi, ça me détend… Et toi ? Vas-y fais pareil… ».
J’ai répondu que je l'avais déjà fait avec un cousin, mais ça paraissait bizarre avec lui. J’hésitais, mais il présentait ça, comme s’il s’agissait de regarder un banal film entre copains…

Je crois que je voyais en lui une figure paternelle, peut-être un peu plus expansive que mon père.

Alors, par bravade, j’ai fait ce que cet homme me disait de faire. Pour rester proche de lui. Puis il m’a demandé si je voulais m‘asseoir sur ses genoux. J’ai refusé. Mon cerveau me répétait « zone de danger ». Après, je crois qu’il m’a demandé de le toucher…
Et ensuite ? C’est le blanc. J’ai oublié. Ce dont je me souviens, c’est que plus tard, je me suis « réveillé » lorsque cet homme m’a dit « Faut rien dire à ton père… »

Nous sommes allés au restaurant, comme si de rien n’était. Effectivement je n’ai rien dit à mon père ni ce jour là, ni plus tard… J’avais honte, je pensais avoir fait « quelque chose de mal ». J’avais conscience que ce qui s’était passé n’était pas normal.

Postérieurement, la sexualité, le rapport aux femmes a été compliqué, un bon moment.
Puis, mon corps a parlé. Il m’a forcé à aller chercher en moi ce qui bloquait. Et un jour… presque naturellement, j’ai dit à mon psy ce qui s’était passé. Je commençais à vider mes souvenirs et mon corps de sa souffrance.

Je n’ai pas oublié. Il m’a fallu 30 ans pour le verbaliser. Je ne sais pas ce qui s’est passé pendant ce moment de blanc. Et je ne sais pas si je veux m’en souvenir. Peut –être que je devrais. Peut-être que ça me libèrerait. Peut-être pour avancer, pour comprendre. Pour savoir… Je ne sais pas… Tant de rencontres me rappellent cet épisode… Me poussent à chercher… Mais j’ai peur aussi de m’en souvenir pour de bon, et peut-être de ne pas pouvoir m’en remettre. »
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