je suis charlïcité
  • il y a 9 ans
Parmi les complicités dont bénéficie l'entreprise guerrière, figure celle, hautement coupable, de l'Eglise quelle qu'elle soit et de son fanatisme. Prévert s'en prend aux prêtres et autres fanatiques qu'il place au service des maîtres du monde et relie, dans une saisissante accumulation, aux « traîtres » et aux « reîtres ».
L'attaque religieuse rejoint celle, implicite que le titre du poème et les premiers vers annonçaient déjà. Dieu, qui d'ailleurs autorise l'existence de la méchanceté et du mal sur la terre, est bien coupable, suivant un procès traditionnellement mené par les sceptiques.
L'anticléricalisme de Prévert (et son athéisme) est en général aussi virulent que son antimilitarisme,
Le congé à Dieu, brutalement exprimé dans le deuxième vers est à expliquer non seulement comme le refus de toute intervention transcendantale dans l'œuvre poétique, mais surtout comme un désaveu de toute tentative divine pour introduire dans le désordre du monde une organisation morale.
La multiplication des misères sur terre (« les épouvantables malheurs du monde/ Qui sont légion »), la trahison des gens de religion vendus à la cause des oppresseurs, suffisent à discréditer l'autorité de Dieu et à persuader l'homme de s'accommoder du « monde comme il va » pour reprendre le titre de Voltaire à qui fait parfois songer ce poème.

L'hommage adressé à la vie sur cette terre n'interdit donc pas l'identification des dangers, des crimes, des malheurs qui y règnent comme celui que connu la France début janvier 2015. Le tableau du monde présenté par Prévert est loin d'être totalement rose. Mais les imperfections sont acceptées, rapatriées dans le camp de l'humain – et non déléguées au crédit de quelques forces maléfiques qui réintroduiraient, négativement, la transcendance.
Si salut il doit y avoir, c'est à l'homme seul de l'assurer. Cette parodie de prière adressée à un Notre Père refusé, est exactement une anti-prière puisqu'il est surtout demandé au destinataire, Dieu, de ne rien faire, de ne pas intervenir, de ne pas se mêler des affaires des humains.

Si le poète donne un peu brutalement congé à Dieu, c'est précisément parce qu'il estime que l'étendue du mal sur la terre, qui témoigne de l'imperfection divine, ne justifie pas le détour métaphysique.

alors soyons tous Charlïcité
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