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  • il y a 11 ans
Face à l’insupportable fond tragique qui guette et gronde partout entre en jeu la dimension esthétique, artistique de la vie. Pour nous abriter de l’échec, de la souffrance et de la mort, qui finissent toujours par arriver et par triompher, nous sommes amenés à nous réfugier dans quantité de belles apparences, idées, illusions et autres fictions artistiques. Elles seules rendent l’existence possible et digne d’être vécue.

A bien y regarder, cette dimension sensible, artistique de la vie ne joue pas seulement sur le plan des êtres humains que nous sommes, mais travaille partout, dans tous les phénomènes du monde. Tout ce qui apparaît à la lumière, toute belle forme n’est somme toute qu’un voile artistique qui surmonte le sombre fonds caché dont en même temps elle provient. Et ce n’est pas négligeable : plus la terrible réalité se fait sentir, plus la dimension esthétique, artistique entre en jeu, et plus riche et colorée est la création de belles apparences.

Il n’en va à vrai dire pas autrement pour les groupes sociaux, les nations, les religions, les civilisations : tous sont le résultat de productions artistiques, façonnées par des individus doués d’une grande, très grande, et même exceptionnelle sensibilité, expressivité et créativité artistique. Par des artistes créateurs de fictions de grande ampleur, rassembleuses, qui permettent à la plupart de vivre, et dans certains cas même de bien vivre.

Selon cette perspective, notre civilisation, notre triomphante, belle et claire civilisation occidentale est le produit d’artistes d’une extrême sensibilité. D’artistes qui, il y a très longtemps, en Grèce, étaient d’une telle sensibilité qu’ils en sont venus à reconnaître ladite vérité ou sagesse de Silène : le fait que l’ombre, la laideur, la souffrance, la mort finissent toujours par avoir raison de la lumière, de la beauté, du plaisir et de la vie ; que l’existence n’est somme toute qu’une insupportable succession de tourments inutiles et ne vaut par suite pas la peine d’être vécue.

Pour s’en sortir malgré tout, pour ne pas sombrer face à cette terrible découverte, ces artistes ont mis en œuvre toute leur sensibilité. En êtres passionnés, assoiffés de lumière, de clarté et de beauté, ils ont façonnés, dans des productions artistiques extraordinaires, des mythes d’une remarquable puissance : le monde des dieux olympiens. Splendide philtre magique par lequel ils sont parvenus à se voiler l’effrayant fond tragique.

Mais ce n’était là pas encore assez. Leur sensibilité a continué à grandir, à grandir encore et encore. Tellement que le brillant monde des dieux olympiens ne leur est soudain plus apparu assez clair, pur, beau et surtout assez bon pour justifier l’existence. C’est à ce stade qu’est apparu Platon (IVe siècles avant J.-C.), le génial artiste Platon, le philosophe fondateur de notre tradition.

A l’instar du monde ici et maintenant, le monde des dieux olympiens lui est lui aussi apparu trop marqué par l’instabilité et la souffrance (...)

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Éducation
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