Poison (court)
  • il y a 9 ans
Deux personnages, une femme, un homme sur scène.
Mais trois personnes. L'une n'est pas là, et ne sera jamais là. Et pour cause...
Pinter et sa vision, son analyse du fonctionnement du couple, Pinter n'est pas loin.
Lot Vekemans semble bien poursuivre l'oeuvre du grand Harold, en nous présentant cette femme et cette homme dont la vie a été atomisée et dévastée
Pendant une heure et vingt minutes, ils vont tenter d'exorciser, parfois malgré eux, l'impossible, l'inacceptable et l'indicible.
Ces deux personnages sont confrontés au pire passé qui puisse exister, leurs réactions face à ce drame sont totalement différentes.
Jean-Marc Galéra a parfaitement compris les problématiques qui se jouent, et sa mise en scène est tendue, sobre, avec une économie de moyens qui permet parfaitement d'imaginer, de voir ce qui ne devrait peut-être pas être vu.
Car, en grand amateur du dramaturge anglais, il a bien entendu saisi que toute la pièce se concentrait sur ce piège du passé, ce passé qui rend tellement difficiles le présent et bien entendu le futur.
Je le dis sans aucune flagornerie : la scène du bouquet m'a époustouflé !
Attention, comme on dit dans les critiques de film : spoiler à venir....
Ces fleurs blanches qui sont jetées à terre, qui se répandent au milieu de ces granulés rouges, avec au milieu cette rose de la même couleur est une vision extraordinaire, une vision d'une force que j'avais rarement vue. (Et j'en vois quelques-unes, des "visions théâtrales"...)
Jean-Marc réussit à remonter jusqu'au drame en le visualisant sur la scène.
En un mot comme en cent : c'est beau.
C'est beau, mais c'est fort, c'est âpre, c'est difficile, c'est dur.
Forcément.
Cette dureté, les deux acteurs nous la font ressentir. Et de quelle manière !
Céline et Didier m'ont fait froid dans le dos, m'ont tiré les larmes des yeux, m'ont ému, m'ont parfois fait sourire, m'ont questionné, m'ont fait m'interroger sur mes propres expériences.
Que demander de mieux au Théâtre, je vous le demande un peu.....
Dans cette pièce, Lot Vekemans écrit "Chaque image est un futur possible que j'ai perdu".
Moi, chaque image vue hier soir, je la garderai dans mon futur.
Je suis fier d'avoir pu assister à la première française de cette pièce.
Et j'y retourne ce soir....

Nos cicatrices racontent toutes une histoire différente, petits bobos du quotidien etc etc, rien de bien grave.
Et il y a une catégorie de blessures à part. Celles issues d'événements dramatiques.. Et là le chemin de chacun devant de tels moments devient ce mélange , si bien joué ce soir . Allez voir cette pièce émouvante, avec une interprétation poignante et comme le dit Didier sans lourdeur ni noirceur ...

La gravité, sans la lourdeur; la profondeur, sans la noirceur; le deuil, après la révolte, et finalement...dans l’acquiescement à la vie...
toute la pièce, j'ai songé à von Hofmannsthal...c'est dire si la pièce est très puissamment belle, émouvante et magnifiquement mise en scène et incarnée. Venez...venez vraiment nombreux...
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